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Paul Klee

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.
Portrait par Alexander Eliasberg en 1911.

Paul Klee est un peintre allemand né le 18 décembre 1879 à Münchenbuchsee et mort le 29 juin 1940 dans un hôpital de Muralto dans le canton du Tessin.

Citations

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Journal, 1957

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Livre ouvert

Berne, 27-4-1898. « Asseyez-vous et tâchez de l'apprendre mieux », disait-on en mathématiques, mais voilà qui est passé et oublié. Pour l'instant se déroule au-dehors le premier orage de l'année. Un frais vent d'ouest m'effleure qui m'apporte une odeur de thym et des sifflets de chemin de fer, et se joue dans mes cheveux humides. La nature m'aime donc ! Consolatrice et prometteuse.
Pareil jour, je demeure invulnérable. Souriant à l'extérieur, riant plus libre au-dedans, une chanson dans l'âme, un gazouillant sifflotement sur les lèvres, je me jette sur le lit, me détends, préserve la sommeillante force.
Vers l'ouest, vers le nord, où que le sort m'entraîne : je crois !


La musique est pour moi comme une bien-aimée ensorcelée. Gloire, en tant que peintre ? Écrivain, poète lyrique moderne ? Mauvaise plaisanterie. Ainsi je reste sans vocation et je flâne.


Rétrospective. Inspection de moi-même ; j'ai dit résolument adieu à la littérature, à la musique. Abandonné mes efforts pour acquérir une expérience sexuelle raffinée dans ce cas particulier. Je pense à peine aux arts plastiques, je ne veux travailler qu'à ma personnalité.


La tempête me clarifie et la vie me captive.


Je me sentais à l'aise dans la « tempête de la vie ». Un peu de calme eût été plus sain, mais impossible.


L’idée que la peinture serait ma vraie vocation s’affermit de plus en plus. Seul le verbe continue d’exercer son charme. Peut-être en pleine maturité m’en servirai-je tout de même un jour.


Il est aisé de qualifier d'aberrante une volonté ruinée.


Au-dedans de moi ondule, certainement, une mer, parce que je suis sensible. L'irrémédiable, c'est de ressentir de telle sorte qu'à toutes les extémités règne la tempête et nulle part un maître qui commande au chaos.


Je sers la beauté en dessinant ses ennemis (caricature, satire), me disais-je souvent. Mais tout n’est pas fait pour autant. Il me faut, en outre, la figurer directement, avec une pleine force de conviction. But lointain et sublime. N’étant qu’à demi dégagé du sommeil, je me risquais déjà dans cette voie. C’est à l’état de veille que ceci devra s’accomplir. Voie peut-être plus longue que ma vie.


Je me sens tellement un avec elle que je reste longtemps sans lui adresser la parole, comme seul. Peut-on désirer davantage ?


Tantôt je m’imaginai capable de dessiner, tantôt capable de rien. Au cours du troisième hiver, je reconnus que, sans doute, je ne saurais jamais peindre. Je songeai à la sculpture et commençai à graver. Il n’y a guère qu’en musique que je n’aie jamais connu d’hésitations.


Je voulais mettre de l’amour en toutes choses. Je le pouvais, j’en avais le don.


La tempête forme des cuisses puissantes dans le valonnement de la vague et dans la nuque du chêne. On croirait à un combat entre la branche et l'écume. Ce n'est pourtant que jeu. La divinité y assiste et préserve les limites. Dans un sens analogue j'ai contemplé un orage accompagné de grêle. 27 juillet 1901.


Rire à se pâmer. Et je le dis à nouveau, ce rire élève au-dessus de l'animal.


Hautes maisons (jusqu'à treize étages), ruelles des plus étroites dans la vieille ville. Fraîches et malodorantes. Le soir, occupées par une foule compacte. De jour, davantage par la jeunesse. Langes flottant dans l'air comme autant de drapeaux dans une ville pavoisée. Cordes tendues entre les fenêtres qui se font face. De jour, soleil ardent sur ces ruelles, reflets métalliques de la mer là en bas, afflux de lumière de toute part ; éblouissements. A quoi s'ajoutent les résonances d'un orgue de Barbarie, pittoresque métier. Tout autour, ronde d'enfants. Le théâtre dans la réalité. Emporté avec moi assez de mélancolie par-delà le Saint-Gothard. L'influence de Dionysos sur moi n'est pas si simple.
  • À propos de Gênes.


7-12-1901. Deux lettres et deux cartes sont en route vers le Nord qui ne supposent point de réponse. Je veux savoir rompus la plupart des fils qui me rattachent à naguère. Peut-être est-ce là l'indice d'une commençante maîtrise. Je me sépare de ceux qui m'avaient enseigné. Ingratitude de l'élève ! Que me reste-t-il alors ? Rien que l'avenir. Je m'y apprête avec violence. Je n'avais pas beaucoup d'amis et dès que j'exige de l'amitié intellectuelle je suis à peu près abandonné.


Les singes au parc de la villa Borghèse ! Adorable. Je n'en excepte que le babouin, trop au-dessous du zéro moral. L'existence la plus sinistre qui se puisse voir jamais. Et nonobstant terriblement humain. Plus affreux que le diable même, mais étroitement apparenté à lui, engendré par lui d'une sorcière rabougrie. O forêt vierge du Nord. O Blocksberg. Il n'est pas à sa place dans Rome.


Une petite bête gélatineuse et angélique (d'une transparence psychique) nageait d'un mouvement continu sur le dos, faisant tournoyer sans cesse un petit, subtil pavillon.


O intarissable pêle-mêle, les déplacements de plans, le soleil sanglant, la profonde mer semée de voiles inclinées. Matière sur matière, au point qu'on pourrait s'y dissoudre. Être homme, être antique, naïf et rien, pourtant heureux.


Au-dedans de moi, quel changement ! J'ai vu vivre un morceau d'histoire. Le Forum et le Vatican m'ont adressé la parole. L'humanisme me veut prendre à la gorge, il est davantage qu'une torturante invention des professeurs de lycée. Il me faut le suivre, ne serait-ce qu'un bout de chemin. Adieu Elfes, fée de la lune, étoiles filantes.
Ma bonne étoile ne se lève point, ne se lèvera pas avant longtemps. Estime-toi heureux, Barbare ! Pourvu que tu puisses penser ! Ulysse a vu la mer et moi j'ai vu Rome. Exorcisé ! Voici l'Europe néoclassique.


Les fées sont toujours d'un certain âge et quelque peu sévères. Car autrement il faudrait bien que dans un conte quelconque, lors des trois souhaits habituels, il arrivât que le garçon, pour une fois, souhaitât posséder la fée.


Faux-fuyants : dans les cas de vouloir sans pouvoir.
Dire que les Dieux ne vous l'accordent pas.
Nier prudemment et bravement Mme Vénus.
Croire le Christ encore vivant.
Faux-fuyants.


Le dimanche après-midi berbois est toujours si accablant ! On aimerait se réjouir, comme dans le Faust, lorsque après une semaine de travail tout le monde va s'ébattre en plein air. Mais ces pauvres gens sont pour la plupart si laids qu'on les déteste plus qu'on ne les plaint. Et ce n'est point là de la simple et saine laideur.
Déjà sur les traits délicats des enfants se peut discerner la trace du péché originel. Et ce mauvais goût mi-paysan, mi-petit-bourgeois ! Là où subsisterait un quelconque charme physique, il se voit éliminé sans pitié par le vêtement. Ainsi, des souliers, Dieu sait que les pieds d'enfants grandissent vite, et les nouveaux souliers, justement les souliers du dimanche, sont prévus en conséquence. Les bas témoignent d'une absence totale du sens des couleurs. Tout cela parle un jargon si affreux, d'un esprit si borné. Seules les couleurs ne parlent pas, elles jurent.
Et la voiture d'enfant, archibondée, quelle misère ! La mère enceinte, pâle, méchante et tenace !
Vers le soir l'alcool commence à faire sentir son effet. Le crétinisme gagne en importance, tous deux agissent de façon significative.
Le tout sans élan, le moindre geste entravé. Les gens se gênent parce que, dans le fond, ils ne sont du tout aussi mauvais qu'ils en ont l'air. D'une manière quelconque le dimanche tout entier a un sourire gêné.
Qu'il est difficile, tout de même, de se faire un sentiment social !


Le Héros à l’aile
Janvier 1905 (Der Held mit dem Flügel), « Le héros ailé d’une aile », héros tragi-comique, peut-être un antique Don Quichotte. Cette idée poétique dont la formule surgit toute bourbeuse en novembre 1904, la voici définitivement mise à sec, élaborée. Ce personnage, né avec une seule aile d’ange, contrairement aux natures divines, s’efforce infatigablement de prendre son essor. Ce faisant, il se brise bras et jambes, mais n’en persévère pas moins dans son idée. Le contraste de son attitude monumentale et solennelle avec son état d’ores et déjà ruineux, était particulièrement à retenir en tant que symbole du tragi-comique.


Travail plutôt préparatoire. Un Oiseau Phénix. Un homme brandissant les poings serrés, en forme de ramure. Et un autre à qui pousse une denture de fauve dans un moment de passion.


Je commence logiquement à partir du chaos, voilà ce qu’il y a de plus naturel. Je reste calme ce faisant, parce qu’il m’est permis tout d’abord d’être moi-même chaos.
  • Juin 1905.


Dans l'antique Rome on disposait des vomitifs sur la table. De nos jours on les fait s'asseoir en habit et cravate blanche, joliment répartis parmi les invités. Je l'ai constaté moi-même à la société des beaux-arts.


De plus en plus s’imposent à moi des parallèles entre la musique et l’art plastique. Et cependant je n’arrive point à les analyser. Les deux arts sont certainement d’une nature temporelle, on pourrait le démontrer facilement.


Adieu, vie que je mène présentement. Tu ne saurais durer telle qu'elle. Noble tu fus. Pur esprit. Paisible et solitaire. Adieu honneur, dès le premier pas fait en public.
  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 193-194


Nul n’a besoin d’ironiser à mes dépends, je m’en charge moi même.


Rêve. Je m’envolais à la maison, où est le Commencement. D’abord je fus à méditer en me rongeant les doigts. Ensuite je reniflai quelque chose ou goûtai quelque chose. La température m’a dissous. Tout dissous d’un seul coup, j’avais fondu comme le sucre dans l’eau. Mon cœur était aussi dans le jeu, beaucoup trop grand depuis longtemps, il gonfla démesurément. Mais nulle trace d’oppression. Et il se vit transporté en des lieux où l’on ne cherche plus la volupté. Si maintenant une délégation se présentait chez moi et s’inclinait solennellement devant l’artiste, désignant avec reconnaissance ses œuvres, ceci ne m’entonnerait guère. Car j’étais là où est le Commencement : chez mon adorée Madame Cellule Originelle, promesse de fécondité.
  • janvier 1906.


O poète ! Si tu veux peindre la moisissure de ton antre et que l’inspiration si nécessaire à cette effet te vienne à manquer, achète-toi un camembert et, le reniflant de temps en temps, tu réussiras.


Il y eut un instant où le cœur sembla s'arrêter. Mon cerveau était embrumé. Point de pensée autre que le cœur qui s'était arrêté. Ne tombe point, Moi ! Avec toi s'écroulerait le monde, et c'est par toi que vit Beethoven !


Je rêvai que j'assommais un jeune homme et que je traitais le mourant de songe. L'homme s'en montrait indigné, n'était-il pas sur le point de rendre l'âme ? Tant pis pour lui, répliquai-je, puisqu'il ne saurait plus évoluer !
Malheur à la bourgeoisie engraissée !


Quand on songe à tout ce que doit être un artiste : poète, naturaliste, philosophe ! Et me voici bureaucrate du fait d’établir un long et précis catalogue de toute ma production artistique depuis mon enfance.


En ce moment, maintes choses s’éclairent pour moi au sujet de Van Gogh. À lire ses lettres dont je possède un choix, ma confiance en lui ne cesse de croître. Il pouvait puiser profondément dans son cœur.


Lundi, le 6 avril. La matinée à flâner dans Marseille et jusqu’au delà des portes. On le sentait bien, on resterait parfaitement ici pendant longtemps encore. La région est d’un grand style et d’un coloris pour moi nouveau.



Tunis, mercredi, 8 avril. La tête pleine des impressions nocturnes de la veille. Art – nature – moi. Tout de suite à l’œuvre, j’ai peint à l’aquarelle dans le quartier arabe. Me suis attaqué à la synthèse de l’architecture de la cité et de l’architecture du tableau.


J'abandonne maintenant le travail. L'ambiance me pénètre avec tant de douceur que sans plus y mettre de zèle, il se fait en moi de plus en plus d'assurance. La couleur me possède. Point n'est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre.
  • Kairouan. Jeudi 16 avril 1914.


Macke et Moilliet s’attarderont quelques jours encore. Quant à moi, j’éprouve une certaine inquiétude, ma charrette est trop chargée, il me faut aller au travail. Finie la grande classe. Le moment est venu de dénombrer le gibier.
  • 19 avril 1914.
  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 284-285


Voir d’un œil, sentir de l’autre.


La genèse comme mouvement formel constitue l'essentiel de l'œuvre. Au début le motif, insertion de l'énergie, sperme. Œuvres en tant que génération de la forme au sens matériel : originellement féminines. Oeuvres en tant que sperme déterminant la forme : originellement masculines. Mon dessin appartient au domaine masculin.


Au commencement la masculine spécialité du choc énergique. Ensuite la charnelle croissance de l'œuf. Ou encore : le fulgurant éclair, puis la nuée pluvieuse. Où l’esprit est-il le plus pur ? Au commencement. Ici, l’œuvre qui devient (biparti). Là, l’œuvre qui est.
  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 298-299


Mythe de fleur.
Plus ce monde (d’aujourd’hui précisément) se fait épouvantable, plus l’art se veut abstrait, tandis qu’un monde heureux produit un art porté vers l’ici-bas.


Un chantier d'inauthentiques éléments pour la formation d'impurs cristaux.
Voilà où nous en sommes.
Mais ensuite : il arriva que saigna la druse. Je pensais en mourir, guerre et mort. Puis-je donc mourir, moi cristal ?
Moi cristal.


Avec l’aigle

J'ai porté cette guerre en moi depuis longtemps. C'est pourquoi elle ne me concerne pas intérieurement.
Pour me dégager de mes ruines, il me fallait avoir des ailes. Et je volai. Dans ce monde effondré je ne m'attarde plus guère autrement qu'en souvenir, à la manière dont on pense parfois au passé.
Ainsi je suis « abstrait avec des souvenirs ».

  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 300-301
  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 300-301


Ce que la guerre signifiait pour moi au début, était plutôt d’ordre physique : que le sang coulait dans le voisinage. Que le propre corps était menacé, sans lequel l’âme ne saurait pas même (subsister) ! Les stupides réservistes allant chantant dans les rues de Munich. Les victimes fleuries.


Destins d'animaux, Franz Marc (restauré par Paul Klee).
Quand je dis qui est Franz Marc, je dois confesser en même temps qui je suis moi-même, car bien des choses qui me concernent lui appartiennent aussi. Il est plus humain, il aime plus chaleureusement, de manière plus prononcée. Il se penche humainement sur les animaux. Il les élève à lui. Il ne se disperse pas comme s’il faisait partie du tout, pour se considérer ensuite au même niveau aussi bien des animaux que des plantes et des pierres.
  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 310
  • Écrits et correspondances, Franz Marc, éd. École nationale supérieure des beaux-arts, 2006  (ISBN 2-84056-214-6), chap. Extraits du Journal de Paul Klee sur Franz Marc, p. 454


La peinture polyphonique est en ce sens supérieure à la musique que le temporel y est davantage spatial. La notion de simultanéité s’y révèle plus riche encore.
  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 313-314


Théorie de l’art moderne

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De même que l’homme, le tableau a lui aussi un squelette, des muscles, une peau. On peut parler d'une anatomie particulière du tableau. Un tableau avec le sujet « homme nu » n’est pas à figurer selon l’anatomie humaine mais selon celle du tableau. On commence par construire une charpente de l’œuvre à bâtir.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 1. Approches de l’art moderne, p. 11


Les Fenêtres simultanées sur la Ville (Robert Delaunay)
Robert Delaunay, un des meilleurs esprits de l’époque, a donné une solution d’une radicalité saisissante en créant le type du tableau autonome, vivant sans motif de nature d’une existence plastique entièrement abstraite. Un organisme formel avec sa respiration vivante, presque aussi éloigné d’un tapis – il faut le souligner – que l’est une fugue de Bach.
  • Die Alpen, 12, 1912
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 1. Approches de l’art moderne, p. 12-13


L’art n’est pas une science que fait avancer pas à pas l’effort impersonnel des chercheurs. Au contraire, l’art relève du monde de la différence : chaque personnalité, une fois ses moyens d’expression en mains, a droit au chapitre et seuls doivent s’effacer les faibles cherchant leur bien dans des accomplissements révolus au lieu de le tirer d’eux-mêmes.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 1. Approches de l’art moderne, p. 14


A mesure que l’ouvrage s’étoffe, il arrive facilement qu’une association d’idées s’y greffe, s’apprêtant à jouer les démons de l’interprétation figurative. Car avec un peu d’imagination, tout agencement un peu poussé prête à une comparaison avec des réalités connues de la nature. Une fois interprété et nommé, pareil ouvrage ne répond plus entièrement au vouloir de l’artiste (du moins pas au plus intense de ce vouloir), et ses propriétés associatives sont à l’origine de malentendus passionnés entre l'artiste et le public.
  • Conférence, Iéna, 1924.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 2. De l’art moderne, p. 23


Remonter du Modèle à la Matrice ! Imposteurs, ces artistes qui bientôt demeurent fixés en chemin. Mais élus ceux qui plongent loin vers la Loi originelle, à quelque proximité de la source secrète qui alimente toute évolution. Ce lieu où l’organe central de tout mouvement dans l’espace et le temps – qu’on appelle cœur ou cerveau de la création – anime toutes les fonctions, qui ne voudrait y établir son séjour comme artiste ? Dans le sein de la nature, dans le fond primordial de la création où gît enfouie la clef de toute chose ? Mais que personne ne s’y croie obligé! que chacun se dirige selon les battements de son cœur.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 2. De l’art moderne, p. 30


Mais ce que ramène cette plongée dans les profondeurs - qu’on l’appelle comme on voudra rêve, idée, imagination - ne saurait être pris vraiment au sérieux avant de s’être associé étroitement aux moyens plastiques appropriés pour devenir Œuvre. Alors seulement des Curiosités deviennent des Réalités. Des réalités de l’art qui élargissent les limites de la vie telle qu’elle apparaît d'ordinaire.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 2. De l’art moderne, p. 31


Tribüne der Kunst und Zeit, Berlin, 1920
L’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible.
  • « Schöpferische Konfession », Tribüne der Kunst und Zeit, Berlin, 1920[1]
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 3. Credo du créateur, p. 34


Un tableau naît-il jamais d’une seule fois ? Non pas ! Il se monte pièce par pièce, point autrement qu’une maison. Et le spectateur, est-ce instantanément qu’il fait le tour de l’œuvre ? (Souvent oui, hélas).
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 3. Credo du créateur, p. 37


Dans l’œuvre d’art, des chemins sont ménagés à cet œil du spectateur en train d’explorer comme un animal pâture une prairie. […] L’œuvre d’art naît du mouvement, elle est elle-même mouvement fixé, et se perçoit dans le mouvement.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 3. Credo du créateur, p. 38


Autrefois, on représentait les choses qu'on pouvait voir sur terre, qu'on aimait ou aurait aimé voir. Aujourd'hui, la relativité du visible est devenue une évidence, et l'on s'accorde à n'y voir qu'un simple exemple particulier dans la totalité de l'univers qu'habitent d'innombrables vérités latentes. Les choses dévoilent un sens élargi et bien plus complexe qui souvent infirme en apparence l'ancien rationalisme. L'accidentel tend à passer au rang d'essence. L'intégration des notions de bien et de mal fait surgir la sphère éthique. Le mal n'est pas cet ennemi qui nous écrase ou nous humilie, mais une force collaborant à l'ensemble. Partenaire dans la procréation et l'évolution des choses. L'état d'équilibre éthique défini comme complémentarité simultanée des principes masculin (méchant, facteur d'excitation, passionné) et féminin (bon, facteur de croissance, placide) originels.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 3. Credo du créateur, p. 39


Le dialogue avec la nature reste pour l’artiste condition sine qua non. L’artiste est homme; il est lui-même nature, morceau de nature dans l’aire de la nature.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 4. Voies diverses dans l’étude de la nature, p. 43


Nous construisons et construisons sans cesse, mais l’intuition continue à être une bonne chose. On peut considérablement sans elle, mais pas tout. Sans elle on peut réussir longtemps, réussir beaucoup et diversement, réussir des choses capitales, mais pas tout. Quand l’intuition s’unit à la recherche exacte, elle accélère le progrès de celle-ci de façon saisissante. Et l’exactitude dotée d’ailes par l’intuition a parfois la supériorité.
  • « Exakte Versuche im Bereich der Kunst », Bauhaus, Zeitschrift für Gestaltung, Dessau, 1928.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 5. Recherches exactes dans le domaine de l’art, p. 48


En art aussi, on trouve un champ suffisant pour la recherche exacte, et les portes qui y donnent sont ouvertes depuis quelque temps. […] Mathématiques et physique en fournissent la clé sous forme de règles à observer ou dont s'écarter. […] On apprend à voir derrière la façade, à saisir la chose à la racine. On apprend à reconnaître les forces sous-jacentes ; on apprend la préhistoire du visible. On apprend à fouiller les profondeurs, on apprend à mettre à nu. On apprend à démontrer, on apprend à analyser.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 5. Recherches exactes dans le domaine de l’art, p. 48-49


On ne saurait malgré tout remplacer entièrement l'intuition. On étaie, démontre, appuie; on construit et on organise : choses excellentes, mais qui ne suffisent point à une totalisation. On a fait preuve de zèle, mais le génie, en dépit d'un slogan parfaitement erroné, n'est pas l'application. Le génie n'est même pas partiellement application parce que certains hommes de génie auraient déployé beaucoup d'application par surcroit. Le génie est le génie. Il est grâce, sans commencement ni fin. Il est procréation. Le génie ne s'enseigne pas, car il n'est pas norme mais exception.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 5. Recherches exactes dans le domaine de l’art, p. 49


Sancta ratio chaotica ! Académique, et grotesque ! Et pourtant telle serait bien notre tâche si constructif équivalait à total. Mais rassurons nous : constructif n’équivaut pas à total. Par le culte de l’exact, notre mérite est simplement de définir les bases d’une science spécifique de l’art, incluant l’inconnue x. De nécessité, vertu.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 5. Recherches exactes dans le domaine de l’art, p. 50


Précieuse est la connaissance des lois, à condition de se garder d'un schématisme confondant loi nue et réalité vivante. De telles méprises conduisent à la construction pour elle-même, hantise d'asthmatiques timorés qui nous donnent des règles au lieu d'œuvres. Qui manquent trop d'air pour pouvoir comprendre que les règles ne sont que le support nécessaire d'une floraison. Comprendre que, si l'on cherche à dégager des lois et qu'on y confronte des œuvres, c'est pour voir comment celles-ci arrivent à s'écarter des œuvres de la nature sans pour autant divaguer. Comprendre que les lois sont seulement le soubassement commun de la nature et de l'art.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. Note pour les Recherches exactes dans le domaine de l’art, p. 51


Jadis surgi du gris de la nuit...[2]
Écrire et dessiner sont identiques en leur fond.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 7. Philosophie de la création, p. 58


L’œuvre est au premier chef genèse et son histoire peut se représenter brièvement comme une étincelle mystérieusement jaillie d’on ne sait où qui enflamme l’esprit, actionne la main et, se transmettant comme mouvement à la matière, devient œuvre.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 7. Philosophie de la création, p. 59


Nulle part ni jamais la forme n’est résultat acquis, parachèvement, conclusion. Il faut l’envisager comme genèse, mouvement. Son être est le devenir et la forme comme apparence n’est qu’une maligne apparition, un dangereux fantôme. Bonne donc la forme comme mouvement, comme faire, bonne la forme en action. Mauvaise la forme comme inertie close, comme arrêt terminal. Mauvaise la forme dont on s’acquitte comme d’un devoir accompli. La forme est fin, mort. La formation est Vie.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 7. Philosophie de la création, p. 60


Ligne active prenant librement ses ébats. Promenade pour la promenade, sans but particulier. Agent : un point en mouvement.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 9. Esquisses pédagogiques, p. 73


L'œuvre, qu'il s'agisse de production ou de réception, est mouvement (durée).

Dans l'ordre producteur, ceci tient à la limitation manuelle du créateur (il n'a que deux mains).

Dans l'ordre récepteur, ceci tient à la limitation de l'œil. La limitation de l'œil est son incapacité de voir simultanément avec une égale acuité tous les points de la moindre surface. L'œil doit « brouter » la surface, l'absorber partie après partie, et remettre celles-ci au cerveau qui emmagasine les impressions et les constitue en un tout.
L’œil suit les chemins qui lui ont été ménagés dans l’œuvre.
  • 13. Production-réception
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 9. Esquisses pédagogiques, p. 96


Écrits sur l'art

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La pensée créatrice

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Je commence par le chaos, c'est la démarche la plus logique et la plus naturelle. Je ne m’en inquiète pas, car je peux me considérer, en premier lieu, moi-même comme un chaos.
  • Écrits sur l’art, Paul Klee [textes recueillis et annotés par Jürg Spiller] (trad. Sylvie Girard), éd. Dessain et Tolra, 1973  (ISBN 2-249-25012-X), t. 1 : La pensée créatrice, p. 9


Il reste impossible de remplacer completement l'intuition. On trouve le motif, le fondement, le soutien, on construit, on organise, c'est bien; on n'obtient pas pour autant de cohérence globale. On a fait montre d'application, mais l'application n'a rien de commun avec le génie, quoi qu'en dise une formule toute faite absolument erronée. Le génie n'est même pas, en partie, application; même si certains génies ont été des travailleurs, leur travail ne peut être pris en considération. Le génie est génie, tout simplement. C'est une grâce, sans commencement ni fin. Le génie est génération. Il ne s'acquiert pas, car ce n'est pas une règle à appliquer, c'est l'exception qui confirme la règle.
  • « Expériences exactes dans le domaine de l’art », Bauhaus, 1928
  • Écrits sur l’art, Paul Klee [textes recueillis et annotés par Jürg Spiller] (trad. Sylvie Girard), éd. Dessain et Tolra, 1973  (ISBN 2-249-25012-X), t. 1 : La pensée créatrice, p. 70


La genèse de l’Écriture nous offre une bonne illustration du thème du mouvement. L’œuvre d’art également est en première ligne genèse ; elle n’est jamais vécue comme simple produit. Un certain feu s’allume ; pour se perpétuer, il atteint la main, débouche sur la toile et, de la toile surgit de nouveau sous la forme d’une étincelle et ferme le cercle en revenant plus profondément à son point d’origine : l’œil (il revient au centre du mouvement, de la volonté, de l’idée).
  • Écrits sur l’art, Paul Klee [textes recueillis et annotés par Jürg Spiller] (trad. Sylvie Girard), éd. Dessain et Tolra, 1973  (ISBN 2-249-25012-X), t. 1 : La pensée créatrice, p. 78


Histoire naturelle infinie

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Cours du Bauhaus, contributions à la théorie de la forme picturale

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La connaissance scientifique la plus exacte de la nature, des plantes, des animaux, de la Terre et de son histoire, des étoiles, ne nous est d'aucune utilité si nous ne sommes pas outillés pour leur représentation. Nous pouvons avoir la conception la plus spirituelle qui soit de l'action combinée de ces objets dans l'univers, cela ne nous sert à rien si, dans cette direction, nous ne sommes pas équipés avec des formes. L'esprit le plus profond, l'âme la plus noble cela ne sert à rien si nous n'avons pas à portée de main les formes adéquates.
  • Paul Klee, Cours du Bauhaus, Weimar 1921-1922, Contributions à la théorie de la forme picturale, Paul Klee, éd. Musées de Strasbourg, Hazan, 2004  (ISBN 9782850259289), chap. Cours 1 (14.11.1921)[4], p. 34-35


Je commence là où commence en fait la forme picturale, c'est-à-dire au point qui se met en mouvement. Peu après avoir posé le crayon ou quelque autre pointe, se forme une ligne (plus librement elle se promène d'abord, plus évidente sera sa nature mobile).
  • Paul Klee, Cours du Bauhaus, Weimar 1921-1922, Contributions à la théorie de la forme picturale, Paul Klee, éd. Musées de Strasbourg, Hazan, 2004  (ISBN 9782850259289), chap. Cours 1 (14.11.1921), p. 35-36


Tenons-nous en provisoirement au moyen le plus primitif, à la ligne. Dans la préhistoire des peuples où l’écrit et le dessin coïncident encore, c’est elle l’élément donné. Nos enfants aussi commencent la plupart du temps avec elle, quand un jour ils découvrent le phénomène du point mobile, et on arrive presque plus à s’imaginer avec quel enthousiasme. Au début, le crayon n’en fait qu’à sa tête, il va là où ça lui plait.
  • Paul Klee, Cours du Bauhaus, Weimar 1921-1922, Contributions à la théorie de la forme picturale, Paul Klee, éd. Musées de Strasbourg, Hazan, 2004  (ISBN 9782850259289), chap. Cours 1 (14.11.1921), p. 36-37


Cours 11 (19.12.1922)[5].
Il y a beaucoup de gens très intelligents, et il y en a eu aussi beaucoup dans le passé. Ainsi l'importance canonique de bleu jaune rouge a été reconnue depuis longtemps, une importance en relation avec l'intégralité de ces trois et avec leur équilibre. On dit qu'aucune des trois voix ne doit manquer et qu'aucune ne doit être trop ou pas assez présente. Une loi qu'il est fortement recommandé de prendre à cœur quand on tient à se préserver d'un schématisme qui veut transposer crûment cette loi dans les faits. De tels malentendus mènent à des constructions faites pour elles-mêmes. Ils hantent les têtes d'asthmatiques au souffle court qui donnent des lois au lieu de donner des œuvres. Qui ont trop peu d'air en eux pour comprendre que les lois ne doivent être que les bases sur lesquelles il y a la possibilité de s'épanouir. Qu'on recherche seulement des lois pour tester des œuvres; pour voir comment elles s'éloignent des œuvres naturelles autour de nous, de la campagne, des animaux, des gens, sans pour autant devenir déraisonnables. Que les lois ne sont que des bases communes pour la nature et pour l'art.
  • Paul Klee, Cours du Bauhaus, Weimar 1921-1922, Contributions à la théorie de la forme picturale, Paul Klee, éd. Musées de Strasbourg, Hazan, 2004  (ISBN 9782850259289), chap. Cours 11 (19.12.1922), p. 216


Poèmes

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Sans titre (Poète couronné), 1919.

Du chat un morceau :
Son oreille recueille la plus petite miette d’écho
Sa patte prend son elan
Son regard
Brûle d’un trait fin ou epais
De son visage nul ne peut revenir
Beau comme une fleur
Et pourtant plein d’armes
Et n’a dans le fond rien à faire de nous.

  • Non daté. Traduit de Gedichte, 1960
  • Klee, Boris Friedewald (trad. Florence Rougerie), éd. Citadelles et Mazenod, 2016  (ISBN 978-2-85088-669-0), p. 250


Correspondances

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Ma bien-aimée est et a toujours été la musique ; si j’enlace la déesse du pinceau qui embaume l’huile, c’est bien parce qu’elle est ma femme.
  • Lettre à Hans Bloesch, 1898.
  • « Paul Klee et la musique », Beate Schlichenmaier, dans Paul Klee, 1879-1940, polyphonies [exposition, Paris, Musée de la musique, 18 octobre 2011-15 janvier 2012], Marcella Lista (sous la direction de), Beate Schlichenmaier, Éric de Visscher, et al., éd. Cité de la musique, Actes Sud, 2011  (ISBN 978-2-330-00053-0), p. 19


Autres citations

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Ici-bas je suis insaisissable. Car je demeure aussi bien chez les morts que chez ceux dont la naissance est à venir. Un peu plus près du cœur de la création que d’ordinaire. Et pourtant trop loin encore.
  • Der Ararat, numéro spécial (2), mai/juin 1920. Épitaphe. Journal (1999, p. 324), traduction légèrement différente.
  • Paul Klee, vie et œuvre, Christine Hopfengart et Michael Baumgartner, éd. Hazan, 2012  (ISBN 9782754106450), p. 102


Citations rapportées

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Les messieurs de la critique disent souvent que mes tableaux ressemblent à des griffonnages ou à des barbouillages d’enfants. Puissent-ils leur ressembler ! Les tableaux que mon petit Félix a peints sont meilleurs que les miens, qui ont souvent filtré goutte à goutte à travers mon cerveau, ce que je ne puis hélas tout à fait empêcher, car parfois je travaille trop. C’est vrai, disons-le, mais ce n’est pas suffisant. Messieurs les scribes pensent que mes tableaux sont l’œuvre d’un malade mental.
  • Conversation avec Lothar Schreyer, publiée dans Erinnerungen an Sturm und Bauhaus
  • « In der Zauberküche », Lothar Schreyer, dans En souvenir de Paul Klee, Angela Lampe, éd. Centre Pompidou, 2016  (ISBN 978-2-84426-740-5), p. 35-36


Des mondes se sont ouverts et s’ouvrent à nous, qui font partie de la nature, mais que tous n’aperçoivent pas, il se peut que ce ne soit vraiment que les enfants, les fous et les primitifs qui les voient.
  • Conversation avec Lothar Schreyer, publiée Erinnerungen an Sturm und Bauhaus.
  • « In der Zauberküche », Lothar Schreyer, dans En souvenir de Paul Klee, Angela Lampe, éd. Centre Pompidou, 2016  (ISBN 978-2-84426-740-5), p. 38


Léonard de Vinci est le seul homme capable de me réconcilier avec le style noble, sans que je sois pour autant convaincu de pouvoir m’en contenter longtemps.
  • « Introduction », Jürg Spiller, dans Écrits sur l’art, Paul Klee [textes recueillis et annotés par Jürg Spiller] (trad. Sylvie Girard), éd. Dessain et Tolra, 1973  (ISBN 2-249-25012-X), t. 1 : La pensée créatrice, p. 10


Citations sur Paul Klee

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Louis Aragon

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Louis Aragon
C’est à Weimar que fleurit une plante qui ressemble à la dent de sorcière. On ne sait pas encore ici que la jeunesse va préférer Paul Klee à ses devanciers.


La lourdeur des Allemands, la finesse des Français sont des expressions si communes, si bien établies dans notre chère patrie, qu’on ne manquera pas de crier au paradoxe le jour où un critique consciencieux se décidera enfin à parler de Paul Klee dans ce pays […]. Il est, en effet, impossible de parler du grand peintre de Weimar sans alléguer la légèreté, la grâce, l’esprit, le charme et la finesse qui lui sont essentiellement propres. On ne sait que préférer de la délicatesse de ses aquarelles ou de l’invention sans cesse renouvelée de ses dessins.
  • « Paul Klee » (1925), dans Écrits sur l’art moderne, Louis Aragon, éd. Flammarion, 2011  (ISBN 978-2-0812-4084-1), p. 53-54


Tous les paysages où passe un fantôme
N’expliquent pas le secret de ce peintre
Et le silence qu’il établit

Les premiers pas que j’ai faits dans l’univers de Klee
C’etait quand la guerre venait de tomber à genoux
Allemagne Allemagne et j’étais jeune alors
Comme une feuille emportée

  • Lettres françaises, 1161, 15 décembre 1966.
  • « Cinq tableaux d’une exposition » (1966), dans Écrits sur l’art moderne, Louis Aragon, éd. Flammarion, 2011  (ISBN 978-2-0812-4084-1), p. 503
  • « Cinq tableaux d’une exposition », dans Œuvres poétiques complètes II, Louis Aragon, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2007  (ISBN 978-2-07-011328-6), p. 1209


Voici le peintre qu’il nous faut
Pour la première fois j’ai vu le vent
Non pas les arbres dans le vent mais le vent même

  • Lettres françaises, 1161, 15 décembre 1966.
  • « Cinq tableaux d’une exposition » (1966), dans Écrits sur l’art moderne, Louis Aragon, éd. Flammarion, 2011  (ISBN 978-2-0812-4084-1), p. 504
  • « Cinq tableaux d’une exposition », dans Œuvres poétiques complètes II, Louis Aragon, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2007  (ISBN 978-2-07-011328-6), p. 1210


Et je n’ai jamais vu cet homme face à face
Ni ce regard profond ni ce front africain
Je ne suis pas allé le voir à Berne et que voulez-vous que j’y fasse
J’en parle en toute innocence des yeux

  • « Paul Klee » (1967), dans Écrits sur l’art moderne, Louis Aragon, éd. Flammarion, 2011  (ISBN 978-2-0812-4084-1), p. 511
  • « Paul Klee », dans Œuvres poétiques complètes II, Louis Aragon, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2007  (ISBN 978-2-07-011328-6), p. 1215


Je parle de Klee à l’heure de l’exil
Je parle de Klee où nul ne m’entend
Je parle de Klee aux gens sans oreilles
Pour eux tous les mots ont couleurs pareilles
Je peux emmêler leur cheveux aux vent

Je parle de Klee au fond de l’abîme
Où s’en vont les morts couronnés d’oubli

  • « Paul Klee » (1967), dans Écrits sur l’art moderne, Louis Aragon, éd. Flammarion, 2011  (ISBN 978-2-0812-4084-1), p. 512
  • « Paul Klee », dans Œuvres poétiques complètes II, Louis Aragon, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2007  (ISBN 978-2-07-011328-6), p. 1216


Daniel Arasse

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Incontestablement, pour reprendre la formule de Paul Klee (dont les textes et les préoccupations font si souvent écho à ceux de Léonard), un aspect essentiel de l’art de Léonard tient à ce qu’il veut, en accord avec ce qu’il perçoit du monde, y faire sentir « la formation sous la forme ».


Antonin Artaud

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Antonin Artaud, ici dans le rôle de Jacques Dupuis dit Gringalet, du film Le Juif errant de Luitz-Morat (1926).
Dans le genre fœtus Paul Klee (Allemand) organise quelques intéressantes visions. J'aime assez quelques-uns de ses cauchemars, ses synthèses mentales conçues comme des architectures (ou ses architectures au caractère mental), et quelques synthèses cosmiques où toute l'objectivité secrète des choses est rendue sensible. […] En Paul Klee les choses du monde s'organisent, – et il n'a plus l'air que d'écrire sous leur dictée. Organisation de visions, de formes, et aussi fixation, stabilisation de pensées, inductions et déductions d'images, avec la conclusion qui en découle, et aussi organisation d'images, recherche du sens sous-jacent de certaines images, clarifications de visions de l'esprit, tel m'apparait cet art.
  • « Un peintre mental », Bilboquet, 2, 1923.


Georges Bataille

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J’ai beaucoup d’intérêt pour l’œuvre de Klee, l’un des peintres contemporains qui m’ont le plus attaché. Je me suis toujours senti en accord avec un côté discret, insistant, obsédé vraiment nécessaire et silencieux de toutes ses compositions. Et je m’aperçois que j’ai, bien plus que je ne le pensais, vécu dans une sorte d’intimité avec des fantômes qu’il était agréable et pourtant un peu dangereux d’aimer. Klee, me semble-t-il, avait plutôt la douceur d’un vice, quelque chose de moins distant que ne l’est généralement la peinture et que j’ai du mal à distinguer de moi-même.

Walter Benjamin

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Présentation du miracle, 1916, 54[7].
Parmi les grands créateurs, il y a toujours eu de ces esprits impitoyables, qui commençaient par faire table rase. Il leur fallait en effet une planche à dessin, ils étaient des constructeurs. Descartes fut un de ces constructeurs, qui ne voulut d'abord pour toute philosophie que cette unique certitude : « Je pense, donc je suis », et qui partit de là. Einstein aussi était un tel constructeur […] Cette même volonté de recommencer à zéro animait les artistes qui […], comme Klee, s'inspirèrent du travail des ingénieurs. Car les figures de Klee ont été pour ainsi dire conçues sur la planche à dessin, et, à l'instar d'une bonne voiture dont même la carrosserie répond avant tout aux impératifs de la mécanique, elles obéissent dans l'expression des visages avant tout à leur structure intérieure. À leur structure plus qu'à leur vie intérieure : c'est ce qui les rend barbares.
  • « Expérience et pauvreté », dans Œuvres, Walter Benjamin (trad. Pierre Rusch), éd. Gallimard, coll. « Folio », 2000  (ISBN 2-07-040667-9), t. II, p. 367


Un artiste aussi complexe que le peintre Paul Klee, un artiste aussi programmatique qu'Adolf Loos – tous deux repoussent l'image traditionnelle, noble, solennelle, d'un homme paré de toutes les offrandes sacrificatoires du passé, pour se tourner vers leur contemporain qui, dépouillé de ces oripeaux, crie comme un nouveau-né dans les langes sales de cette époque.
  • « Expérience et pauvreté », dans Œuvres, Walter Benjamin (trad. Pierre Rusch), éd. Gallimard, coll. « Folio », 2000  (ISBN 2-07-040667-9), t. II, p. 368


Angelus novus, 1920, 32.
Il existe un tableau de Klee qui s'intitule « Angelus Novus ». Il représente un ange qui semble sur le point de s'éloigner de quelque chose qu'il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C'est à cela que doit ressembler l'Ange de l'Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d'événements, il ne voit, lui, qu'une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si violemment que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l'avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu'au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.


Alain Bonfand

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Pierre Boulez

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Le premier contact avec Paul Klee, souvent, n’éblouit pas. On pense même à un art trop raffiné, trop précieux. Derrière ce premier sentiment, commence à agir une force qui oblige à réfléchir en profondeur. Il n’y a pas de violence, pas de geste agressif : cette œuvre persuade et la persuasion est persistante.


Le grand avantage avec Klee est qu’il ne cherche pas à s’expliquer ; il dit comment il fait cela, pourquoi il le fait. Il ne se confesse pas et ne dévoile pas le « mystère » de ce qu’il fait. […] Il étudie devant nous et nous aide à étudier avec lui. Il est le plus intelligent, le plus fécond, le plus créatif des professeurs.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 9


Il n’utilise aucun vocabulaire spécialisé, le sien est tellement courant, il prend des exemples d’une telle généralité, d’une telle simplicité de base qu’il est possible d’en déduire une leçon s’appliquant à n’importe quelle autre technique. Autrement dit, il réduit les éléments de l’imaginatif à un tel degré de simplicité qu’il nous apprend deux choses :
  1. À réduire les éléments dont nous disposons dans n’importe quel langage à leur principe même, […] quelle que soit la complexité d’un langage, à en comprendre d’abord le principe, à être capable de le réduire à des principes extrêmement simples.
  2. Il nous apprend, du même coup, la puissance de la déduction : pouvoir, à partir d’un unique sujet, tirer des conséquences multiples, qui prolifèrent. Se satisfaire d’une seule solution est tout à fait insuffisant, il faut parvenir à une cascade, à un arbre de conséquences. Et de cela il sait donner des démonstrations tout à fait probantes.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 10-11


La musique a été pour lui une référence ancrée dans ses émotions, ses réflexions et ses expériences de jeunesse. S’étant choisi peintre, c’est en peinture qu’il s’est développé, non en musique. Mais, de sa fréquentation de la musique, il a su tirer tirer des conclusions très fructueuses, ce que la plupart sont incapables de faire.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 26


Klee ne s’attache nullement à établir un parallélisme strict, qui a d’ailleurs de très fortes limitations, entre le monde des sons et celui de la vue. Si quelque leçon doit être apprise de lui, c’est que les deux mondes ont leur spécificité et que la relation entre eux peut être seulement de nature structurale.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 38-44


[La Machine à gazouiller] a du reste conduit quelques musiciens à imaginer ce que pourrait être la musique écrite pour elle et comment elle sonnerait ! À mon avis, cette machine fonctionne mieux dans le silence parce que nous pouvons y concevoir nombre de sons et de combinaisons extraordinaires que leur transposition dans la réalité tuerait sans pitié.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 44-50


Jusqu’à ma rencontre avec Paul Klee je ne raisonnais qu’en musicien, ce qui n’est pas toujours le meilleur moyen d’y voir clair.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 72


Klee, à un moment donné, a beaucoup travaillé à partir de l’échiquier. L’on pourrait se demander s’il n’était pas obsédé par le jeu d’échecs. Non point, mais il trouvait dans l’échiquier un thème très dense, très en rapport avec l’univers musical, celui de la division du temps et de l’espace, je veux dire une division à l’horizontale : le temps, et à la verticale : l’espace. Que se passe-t-il lorsqu’on lit une partition ? Le temps est horizontal, il va toujours de la gauche vers la droite.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 75-78


La ligne n’est pas la ligne parfaite, mais une approximation de la ligne ; la main n’a pas à concurrencer une règle, elle produit sa propre déviation, sa propre distorsion ; le cercle n’est pas le cercle parfait, mais un cercle, un cercle tracé à la main, pour lequel il a refusé le compas, un cercle parmi cent autres, qui possède l’autonomie merveilleuse de sa propre déviance. On a en même temps la géométrie et la déviation de la géométrie, le principe et la transgression du principe. Je considère que c’est la plus importante des leçons de Klee.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 126-127


Tout le génie de Paul Klee est là : partir d’une problématique très simple et parvenir à une poétique d’une force remarquable où la problématique est totalement absorbée. Autrement dit, son principe de base est primordial, mais son imagination poétique, loin d’être appauvrie par la réflexion sur un problème technique, ne cesse au contraire de s’enrichir. Pour moi, c’est la plus grande des leçons : ne pas craindre de réduire parfois les phénomènes de l’imagination à des problèmes élémentaires, « géométrisés » en quelque sorte. La réflexion sur le problème, sur la fonction, amène la poétique à acquérir des richesses qu’elle n’aurait pas même soupçonnées si l’on n’avait fait que laisser libre cours à l’imagination.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 146-147


André Breton

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André Breton en 1927
Avant d’en venir aux surréalistes proprement dits, je tiens encore à mentionner parmi les précurseurs de ce mouvement Paul Klee, peintre suisse né de père allemand, sans doute le dernier artiste germanique qui ait su suggérer.
  • « Conférences d’Haïti, VIII », dans Œuvres complètes III, André Breton, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1999  (ISBN 2-07-011376-0), p. 335


Cet art pris dans son ensemble de vision jamais fixe, sans cesse reprise, est à coup sûr l'un des plus originaux de notre époque. Avec lui, impressionnés des touches sensibles de sa main, les éléments du cubisme prennent une apparence improvisée. C’est qu’à tout ce qu’il peint, Klee communique un frémissement : quelque chose comme le choc de son regard en présence de l’universel. Il est un des rares peintres d’aujourd’hui dont l’œuvre soit profondément imprégnée de charme. Ce don très spécial, ce courant magique qui nous aimante vers quelque chose de beaucoup plus important que l'objet représenté, nous transmet directement la passion de l’artiste, son état d’âme inquiet et rêveur. Klee communique à nous par sa poésie. Nous touchons avec lui à un art de suggestion pure, dépourvu de toute lourdeur, qui nous transporte dans un monde clos où la réalité n’est qu’un point de repère au regard de plus mystérieuses et féeriques apparitions.
  • « Conférences d'Haïti, VIII », dans Œuvres complètes III, André Breton, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1999  (ISBN 2-07-011376-0), p. 335

Italo Calvino

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L’éditeur Einaudi a coutume de mettre sur la couverture de ses livres des reproductions de tableaux ou de dessins de peintres modernes célèbres. Pour mon livre, il a choisi ce dessin de Paul Klee qui peut suggérer la vision d’une ville, très mouvementée et nerveuse. Cela m’a fait plaisir car Klee est l’un des peintres que j’aime le plus au monde.


Des personnages filiformes, animés d’une mobilité sautillante, s’allongent, se contorsionnent, dansent comme de légers griffonnages; c’est ainsi que Paul Klee, en 1911, illustrait le Candide de Voltaire, donnant forme visuelle — je dirais presque musicale — à la joyeuse énergie que ce livre — au-delà de sa trame serrée de références à une époque et à une culture — continue de communiquer au lecteur de notre siècle.
  • Introduction à l’édition italienne de Candide de Voltaire, 1974[8].
  • « Candide ou la vélocité », dans Défis aux labyrinthes, Italo Calvino (trad. Marcel Orcel), éd. Seuil, 2003  (ISBN 2-02-061914-8), t. II, partie Les classiques, p. 220


  • (it) Hai detto giusto che Klee è per me molto importante. La pittura mi è servita sempre come spinta a rinnovarmi, come ideale di invenzione libera, di essere sempre se stessi facendo sempre qualcosa di nuovo. In questo senso il nome di Klee mi pare fondamentale.
  • Conversation avec Tullio Pericoli (it), « Furti ad arte », exposition Rubare a Klee, 1980.
  • (it) Saggi: 1945-1985, Italo Calvino, éd. Mondadori, coll. « I meridiani », 1995  (ISBN 88-04-40404-3), t. II, p. 1806


René Char

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Tu te tais et tu signes tout au bas de la page là où Paul Klee arrêtant que tu n’existes pas, découvre ta direction.

André Chastel

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Tous ceux qui, comme son collègue Lothar Schreyer dans son recueil de souvenirs (1956), ont su rapporter leur impression décrivent une sorte de magicien captif, dessinant inlassablement, enfermé dans l'atelier où règne un gros chat, et toujours accueillant avec « une ironie affable qui adoucit le sérieux de son regard ». Ironique et affable, mais prodigieusement sûr.


L’œuvre entier, qui à sa mort comptait neuf mille numéros, bien catalogués, peintures, aquarelle et dessins, est la réponse faite au jour le jour à une inspiration qui ne cessait apparemment de le visiter. L’art de Klee est la plus extraordinaire manifestation d’une continuité sans faille, que toute exposition doit d’abord mettre en évidence.
  • « Paul Klee, doctor angelicus », Le Monde, 27 novembre 1969 [texte intégral] .
  • L'image dans le miroir, André Chastel, éd. Gallimard, 1980  (ISBN 2-07-035418-0), chap. Paul Klee, doctor angelicus, p. 401-402


L’élément formel qui semble se déployer pour lui-même, Klee se sent presque toujours contraint de l’infléchir vers une allusion signifiante : une perspective contient des yeux, une spirale devient germination et ainsi de suite. Tout son art agit dans ces menues inflexions, dont il connaissait assez le prix pour conseiller de travailler des deux mains : « la main droite court avec plus de naturel, la main gauche écrit plutôt des hiéroglyphes. »
  • « Paul Klee, doctor angelicus », Le Monde, 27 novembre 1969 [texte intégral] .
  • L'image dans le miroir, André Chastel, éd. Gallimard, 1980  (ISBN 2-07-035418-0), chap. Paul Klee, doctor angelicus, p. 405


Julio Cortázar

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Julio Cortázar, 1967.
Prends le cas de Mondrian, disait Étienne. Devant lui, les signes magiques de Klee disparaissent. Klee jouait avec le hasard, les privilèges de la culture. Mondrian peut satisfaire la sensibilité pure tandis que pour Klee il faut un tas d’autres choses. Un raffiné pour les raffinés. Un Chinois, quoi. Mondrian, lui, peint l’absolu. Tu te mets à poil, tu te plantes devant un Mondrian et alors de deux choses l’une, ou tu vois ou tu ne vois pas. Le plaisir, les chatouilles, les allusions, les terreurs ou les délices sont complètement superflus.


Klee est beaucoup plus modeste car il exige la complicité multiple du spectateur, il ne se suffit pas à lui-même. Au fond, Klee est histoire et Mondrian intemporalité.


René Crevel

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Les limites de la raison, 1927
Je pense à la touchante fraternité des poètes, à votre délicate et puissante magie, Paul Klee, aux poèmes blanc sur blanc, de Paul Éluard et surtout à ce vers de Saint-Léger Léger :

« Et le Soleil n’est pas nommé, mais sa puissance est parmi nous[9]. »

Merci, Paul Klee.


L’œuvre de Klee est un musée complet du rêve.
Le seul musée sans poussière.


La poésie est la découverte des rapports insoupçonnés d’un élément à un autre. Le peintre doué de poésie, dans la plus sèche géométrie saura trouver les échelles pour ses plongées. Il monte, descend, remonte et, au plus haut palier, parce que la clef a été perdue de cette porte qui devait s’ouvrir à même le ciel, à même le vent, Paul Klee n’aura qu’à regarder par le trou de la serrure, pour découvrir, dans deux centimètres carrés béants, un monde d’étoiles que les hommes croyaient perdu.


En hommage à un poète vous avez eu raison, Paul Klee, de dédier cette échelle rouge perdue au sein de l’éther tourterelle.
Cette échelle, voilà bien l’escalier, le seul qui puisse nous mener jusqu’au tremplin d’où nous sauterons, à pieds joints, dans l’impossible, puisqu’il s’agit enfin de décrocher la lune.


Robert Desnos

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Klee a vécu dans la planète Mars. Il vit depuis lors dans le souvenir de ce monde étrange. Comment a-t-il fait ce voyage, comment est-il revenu. Nous n’en savons rien. Les uns disent qu’il est capable d’apprendre la peinture aux aveugles et d’autres que lui-même est un martien.


Paysages de rêves, créatures de rêve, merveilles nocturnes, c’est à travers ces dédales féeriques, ces labyrinthes ensorcelés que Klee nous conduit au pays le plus lointain que jamais peintre ait imaginé. Les enfers et les ciels du Moyen Age, les olympes de la Renaissance sont à portée de notre main, sous nos pieds, au dessus de notre tête. Mais le pays de Klee est si lointain que nous n’y parviendrons jamais, sans la miraculeuse vitesse de propagation de la lumière et des regards. Il suffit d’ouvrir les yeux, on part, on est parti, on est arrivé !
  • « Peinture surréaliste » (1929), dans Écrits sur les peintres, Robert Desnos, éd. Flammarion, 1984  (ISBN 2-08-064609-5), p. 112-113


Marcel Duchamp

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La première réaction qu’on éprouve devant une toile de Paul Klee est l’agréable reconnaissance de ce que nous aurions tous pu dessiner dans notre enfance. La plupart de ses compositions présentent ce délicieux aspect d’expression candide et naïve. Mais, si attachant que soit ce contact avec son œuvre, ce n’en est que le premier. […] Son extrême fécondité ne s’accompagne pas des signes habituels de répétition. Il a tant à dire qu’un Klee ne ressemble jamais à un autre Klee.
  • 1949


Paul Éluard

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Christian Geelhaar

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Sachant que tout ce qui est éphémère n'est qu'une image, Paul Klee se distance des relativités de l'existence: « Ce que nous voyons est une proposition, une possibilité, un expédient. La vérité réelle est tout d'abord invisible. » C'est à rendre visible cette vérité réelle que l'artiste voue ses efforts. Si, « autrefois, on représentait les choses qu'on pouvait voir sur terre, qu'on aimait ou aurait aimé voir », écrit-il dans sa Confession créatrice, « aujourd'hui, la relativité du visible est devenue une évidence, et l'on s'accorde à n'y voir qu'un simple exemple particulier dans la totalité de l'univers qu'habitent d'innombrables vérités latentes… L'accidentel tend à passer au rang d'essence. » Le principe suivant s'impose désormais: « L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible. » Sichtbar machen [1926, 66]- rendre visible - ces mots figurent à titre de sommation sur un petit dessin à la plume de 1926, à côté du « portrait » d'un artiste plongé dans ses pensées.
  • Paul Klee et le Bauhaus, Christian Geelhaar (trad. Marceline de Montmollin), éd. Ides et Calendes, 1972, chap. Paul Klee et la théorie de l’art, p. 26


Sans titre (autoportrait), 1922.
Les fragments de la réalité ont trouvé leur application la plus savoureuse dans les marionnettes que Paul Klee confectionne et habille, entre 1916 et 1925, à l'intention de son fils Félix. Ce sont les plus originales des trouvailles que l'artiste fait « par jeu ». […]Il est une marionnette qui frappe par son sérieux : l’Autoportrait de l’artiste. De ces yeux immenses émane une expression songeuse et lointaine. Le regard de Paul Klee possédait en effet un rayonnement et une profondeur inoubliable dont même les photographies rendent compte. […] De 1899 à 1919, Klee dessine et peint plusieurs auto-portraits. La marionnette en question est la dernière image qu'il donne de lui-même bien. […] L'époque des autoportraits recoupe très exactement celle de son Journal (1898 à 1918), une coïncidence qui n'a probablement rien d'accidentel. Les portraits lui livraient à leur façon autant d’indications sur la connaissance de son ego que les expériences et observations intimes qu’il confiait à ses carnets. Une fois sa personnalité définie, et convaincu par là-même que seule la création artistique lui permettra de pleinement s'accomplir, le peintre renonce tant aux notes journalières qu'aux autoportraits.
  • Paul Klee et le Bauhaus, Christian Geelhaar (trad. Marceline de Montmollin), éd. Ides et Calendes, 1972, chap. Portraits, p. 77-78


Un jardin pour Orphée, 1926, 3
Dans Un jardin pour Orphée, le périssable et l'impérissable s'enchevêtrent inextricablement pour suggérer, à l'instar d'Orphée descendant aux enfers, l'unité de la vie et de la mort. Dans les rochers, légèrement décentré, s'ouvre un passage que surmonte une croix chrétienne. Mène-t-il au royaume des morts ou faut-il voir en ce Jardin pour Orphée l'« étrange mine des âmes » que décrit Rainer Maria Rilke dans son poème Orphée. Eurydice. Hermès ?

« 

Il y avait là des rochers
et des bois sans vie. Des ponts enjambant le vide
et ce vaste étang aux eaux mortes
couvrant sa terre lointaine
comme un ciel chargé de pluie.

 »

  • Paul Klee et le Bauhaus, Christian Geelhaar (trad. Marceline de Montmollin), éd. Ides et Calendes, 1972, chap. Parallèles, p. 106


Le catalogue de l'œuvre de Paul Klee enregistre 4877 dessins ou « feuilles monochromes », pour emprunter à l'artiste le terme auquel, à partir de 1932, allait sa préférence. […] Pareil inventaire laisse supposer que, dans la vie de l'artiste, il ne s'écoulait guère plus d'un jour sans qu'au moins un dessin s'élabore, sauf si survenait un contretemps. C'est ainsi qu'une fois, l'absence d'une bonne d'enfants fit que Klee dut quelque peu renoncer à la devise : Nulla dies sine linea, comme il s'en plaint en 1908 dans son journal. Nulla dies sine linea cette incitation à s'exercer chaque jour au dessin, Klee la retrouvait encore trente ans plus tard. En marge d'une page de son catalogue pour l'année 1938 il a noté une fois de plus la devise qui sanctionnait sa tâche. C'est d'abord dans le dessin que se manifestèrent les dons de Paul Klee. Selon son propre témoignage il était « parvenu à la peinture par le dessin ».
  • Klee : dessins, Christian Geelhaar (trad. Gaston Floquet), éd. Chêne, 1975, p. 7


Ce qui, dans la ligne, fascinait littéralement le dessinateur était, selon ses propres termes, le « caractère problématique de sa véritable existence ». Dans un cours au Bauhaus il présente le problème sous forme d'une discussion : « Le réaliste demande souvent : « La ligne, est-ce que cela existe vraiment ? Une ligne n'est jamais que l'intersection de deux surfaces. Ou une extension horizontale à hauteur de l'œil. Et la ligne exacte, le point actif, en mouvement, la ligne « à l'état pur » n'est plus du tout visible. Donc n'existe pas! » L'idéaliste, lui, sourit au fond de son cœur et dit: « Si je ne la vois pas, je la sens, et ce que je perçois de cette manière, je puis le rendre physiquement perceptible, en un mot visible. Donc il existe une ligne. »
  • Klee : dessins, Christian Geelhaar (trad. Gaston Floquet), éd. Chêne, 1975, p. 8


Pierre-Henri Gonthier

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A qui prend de l’œuvre théorique de Klee, une connaissance en profondeur, la conviction s’impose bientôt qu’elle revêt pour l’art du XXème siècle la même importance que les Carnets de Léonard de Vinci pour celui de la Renaissance. Des écrits de ce poète géomètre qui eussent fasciné un Valéry, Georg Schmidt a pu dire qu’ils étaient « le plus profond et le plus éclairant qui ait été formulé sur l’art moderne, et peut-être sur l’art tout court ».
  • « Avant-propos », Pierre-Henri Gonthier, dans Théorie de l’art moderne, Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Folio, 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), p. 6


Will Grohmann

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[En] 1901, Klee quitte Munich, et, de Berne, part pour l'Italie avec son ami le sculpteur suisse Hermann Haller. Il progresse graduellement, il veut avoir un terrain solide sous ses pieds avant d'imiter les nombreux artistes de son âge qui cèdent à l'attrait de Paris. […] Il y a des jours où Klee s'amuse, s'abandonne au tourbillon de la Rome moderne, il y en a d'autres où il attend. Quoi ? Il l'ignore, il sait seulement que l'attente fait partie de son attitude et qu'elle lui profitera davantage que l'affairement. Son jugement sur l'art italien est étonnamment mûr et actuel. Il déplore que soient perdus tant d'ouvrages de Léonard, « cet homme qui représente, mon démon me le souffle maintenant déjà », écrit-il à Lily le 8 novembre 1901, « le sommet de la peinture. »
  • Paul Klee (1954), Will Grohmann (trad. Jean Descoullayes et Jean Philippon), éd. Trois Collines, 1969, partie I. La vie, p. 32


Les pensées se croisaient, les élèves interrompaient le maître, les longs monologues de Klee étaient suivis d'échanges de propos animés. Il n'était pas toujours facile, pour les élèves, de comprendre le langage symbolique du professeur; celui-ci avait recours à maintes comparaisons qui leur échappaient en partie, avec la musique, par exemple, la biologie, la physique. Il leur fallait peu à peu « cesser de pressentir, pour connaître, car un peintre doit tout savoir », déclarait Klee. Mais que se représentaient-ils lorsqu'il expliquait comment on peut « duper le fil à plomb », par conséquent donner une pichenette à la mécanique ? « Le génie, c'est l'erreur dans le système », voilà sans doute la sentence la plus révolutionnaire que proféra jamais Klee devant ses élèves. Cette phrase jetait bas les préjugés de toute une génération; elle pourrait servir d'épigraphe aux œuvres pédagogiques posthumes de Klee.
  • Paul Klee (1954), Will Grohmann (trad. Jean Descoullayes et Jean Philippon), éd. Trois Collines, 1969, partie III. L’enseignement, p. 376


Hermann Hesse

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Aussi bleu que neige,
Aussi Paul que Klee.
  • (de) So blau wie Schnee,
    So Paul wie Klee.

Valentine Hugo

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Chat et oiseau, 1928.
« Il y a des chats qui vous regardent avec le même regard que celui d’une fleur qui aurait l’arme au poing[10]. »
Citation choisie pour le 16 mars 2022.
L’œuvre de Klee, tour à tour nette comme un damier d’échecs ou floue comme un doux feuillage dans le vent, occupe, dans la vie de ma pensée, cette place surprenante et insistante qu’y occupent soudainement, à n'importe quel instant et sans qu’il me soit possible de les éviter certains souvenirs non choisis de nombreux fragments de poèmes, d’images, d’airs, d’odeurs, de touchers et de messages perçus ou indiscernables des temps passés et à venir. Ils jalonnent ma vie de bornes d’ombre ou de lumière.
  • Écrits et entretiens radiophoniques, Valentine Hugo, éd. Actes Sud, 2002  (ISBN 2-7427-3979-3), p. 70


Les singulières et captivantes peintures de Klee prennent place à leur convenance dans le temps de ces signes merveilleux. Et voici « Le Chat et l’Oiseau », plus puissant, plus cruel qu’un vrai portrait de tigre tout à la fois hypnotiseur et hypnotisé absolument et gravement fou des oiseaux.
  • « Le verger de Paul Klee », Valentine Hugo, Cahiers d'Art, nº 20-21, 1945-1946, p. 68 (lire en ligne)
  • Écrits et entretiens radiophoniques, Valentine Hugo, éd. Actes Sud, 2002  (ISBN 2-7427-3979-3), p. 71


Nina Kandinsky

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À Dessau, son chat regardait toujours par la fenêtre de son atelier. De ma chambre, je pouvais très bien l'observer. Klee, qui étudiait attentivement la psychologie de ses chats, pensait que, au contraire, c'était le chat qui m'observait. "Nina, disait-il, vous ne savez pas garder un secret, mon chat va tout me raconter".
  • Paul Klee, vie et œuvre, Christine Hopfengart et Michael Baumgartner, éd. Hazan/Zentrum Paul Klee, 2012  (ISBN 9782754106450), p. 17


Vassily Kandinsky

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Vassily Kandinsky, vers 1913 (ou avant).
Klee a fait circuler au Bauhaus une atmosphère saine, fructueuse - comme grand artiste et comme être limpide et pur. Le Bauhaus sait l'apprécier.


Félix Klee

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Stéphane Lambert

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Marc Le Bot

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Paul Klee raconte des histoires. Il s’en raconte quand il peint et quand il parle de sa peinture. […] La croyance qui anime l’artiste, quand il peint, est qu’il s’en va à l’aventure. Peut-être est-il attiré, comme dans un vertige, par le vide de la toile ou du papier blanc ? Peut-être. […] L’œil du peintre part impulsivement à travers le visible. Tout peut y arriver, heur ou malheur. Quand il suit le tracé du crayon que la main déplace, il ignore à l’avance par où il va passer.
  • Paul Klee, Marc Le Bot, éd. Maeght, coll. « Chroniques anachroniques », 1992  (ISBN 2-86941-183-9), chap. La lettre, p. 79


Voir et dire jouent toujours entre eux. Les œuvres de Paul Klee créent entre ces deux termes un jeu au sens où nous disons qu’il y a du jeu entre les pièces d’une machine. Ainsi une autre incertitude, une impossible exactitude du commentaire de l’image s’ajoute à l’ignorance où on est de savoir « par où commencer » sa lecture.
  • Paul Klee, Marc Le Bot, éd. Maeght, coll. « Chroniques anachroniques », 1992  (ISBN 2-86941-183-9), p. 82


Égale infini, 1922
Égale infini propose la métaphore la plus poignante du désir humain qui est en jeu dans l’art. La série de ses images « pointillistes » montre que Paul Klee poursuit cette rêverie d’infini parmi des paysages ou dans un Parnasse divin que symbolise une pyramide. Égale infini et sa « semaille ponctuelle » entraînent les yeux dans une même rêverie d’infinitude. […] À suivre ces jeux formels, le pensée entre, comme sans échappatoire, dans cette errance infinie, vouée à ne jamais s’arrêter, où Paul Klee veut sciemment nous engager.
  • Paul Klee, Marc Le Bot, éd. Maeght, coll. « Chroniques anachroniques », 1992  (ISBN 2-86941-183-9), p. 123-124


André Masson

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Par le rare privilège d'une modestie que je qualifierai hardiment de princière il se trouve que l'œuvre de Paul Klee demeure sous le signe de la confidence. Elle est ainsi à sa place, dans l'ordre bien caché des valeurs spirituelles.


Solitaire, il est inlassablement curieux des recherches de ses contemporains, mais s'en distingue si nettement, que la place qu'on lui accorde sur la carte de l'art ressemble à ces îles du capitaine Cook où, partant en laissant quelques gages, l'on ne savait jamais très bien ce que l'on y trouverait au retour. Le jugement ne s'y aventure pas à l'excès, la prudence est de rigueur !


Il veut l'illimité, mais ses moyens picturaux ont leurs frontières et il le sait.


Maurice Merleau-Ponty

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Henri Michaux

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Joan Miró

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Joan Miró en 1935 à Barcelone.
Ensemble, Masson et moi, nous avons découvert Paul Klee, découverte essentielle pour l'un et pour l'autre. Par des reproductions d'abord, dans une grande librairie du boulevard Raspail. Ensuite dans une petite galerie au coin de la rue Vavin dont le propriétaire allait de temps en temps voir Klee et rapportait de ses voyages quelques aquarelles. Il nous faisait signe, nous nous précipitions. Éluard et Crevel s'intéressaient également à Klee, ils sont même allés le voir. Breton, lui, le dédaignait.
  • Souvenir de la rue Blomet, transcrit par Jacques Dupin, 1977.


C’est près de la Rotonde, dans une petite galerie, à l’angle de la rue Vavin et du boulevard Raspail, que j’ai vu les premiers Klee. […] J’avais vu des reproductions avant. Mais pour moi, ç’a été très important. Klee m’a fait sentir qu’il y avait quelque chose d’autre, en toute expression plastique, que la peinture-peinture, qu’il fallait aller au-delà, pour atteindre des zones plus émouvantes et profondes. En 23, il était très peu connu à Paris. […] Je n’ai pas connu Klee, mais j’ai été très ému lorsqu’un jour Kandinsky m’a expliqué que Klee, au temps du Bauhaus, lui avait dit, en parlant de moi : « Il faut suivre ce que ce garçon fait. »
  • Ceci est la couleur de mes rêves, entretiens avec Georges Raillard (1977), Joan Miró, Georges Raillard, éd. Hermann, 2018  (ISBN 978-2-7056-9789-1), chap. Chez Joan Miró à Palma. 5 : Ceci est la couleur de mes rêves, p. 63-64

Gabriele Münter

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En 1913, lorsque vinrent les jours de chaleur et que Klee, dûment admiré, s'assit pour la première fois en pantalon blanc dans mon atelier, je le vis comme un tableau se détachant sur le mur avec les vieilles peintures sous verre, à côté de la petite table où s'entassaient des statuettes en bois de l'art populaire. Je laissai les hommes à leur conversation et fixai pendant ce temps ma vision en quelques coups de crayon. […] Cette œuvre ne prétend pas être un portrait – son titre, Mann im Sessel [Homme dans un fauteuil][11], l'indique d'emblée –, mais c'est l'instantané devenu tableau d'un ensemble, dans les ténèbres et la mystérieuse diversité duquel le pantalon blanc brille presque ironiquement. Et pourtant, il y a peut-être dans cette représentation paradoxale, inopinément, la vraie expression naturelle de l'homme et de l'artiste Klee : l'existence corporelle dans le monde est surprenante, et l'esprit mène sa vie propre, absorbé dans la résonance des choses et en lui-même. Plus que par des événements ou des conversations que je pourrais raconter, c'est dans cette vision que se referme mon souvenir de Paul Klee.
  • Ludwig Grote (éd.), Erinnerungen an Paul Klee, Munich, Prestel, 1959


Helene Nonné-Schmidt

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Le plan du cours avait parfois la consonance d'une formule de mathématicien ou de physicien mais, en fait, c'était de la poésie pure.
  • Helene Nonné-Schmidt, au sujet des cours de Paul Klee au Bauhaus. « Der Unterricht von Paul Klee in Weimar und Dessau », cat. expo Munich, Die Maler am Bauhaus, 1950 [12]
  • « Der Unterricht von Paul Klee in Weimar und Dessau », Helene Nonné-Schmidt (1950), dans En souvenir de Paul Klee, Angela Lampe, éd. Centre Pompidou, 2016  (ISBN 978-2-84426-740-5), p. 45


Georges Perec

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Enfant sur le perron, 1923, 65
Ce qui est poignant dans L'Enfant sur le perron, c'est la nouvelle dimension des choses : les fenêtres allumées dans la nuit soulignent la disparition de la maison, les marches l'éloignent, et l'enfant titube, sans comprendre, et le dessin d'enfant bascule, devient chargé d'une émotion nouvelle (celle que Miró n'a jamais su atteindre), parce que derrière le jeu, le graphisme, les couleurs de la marelle, quelque chose est né, qui n'est pas la puissance, ni la force, ni l'explosion, mais assurément la compréhension du monde. […] On va me répondre que Klee (à qui l'on reconnaîtra du talent) aurait pu tout aussi bien réussir à faire naître cette émotion, immédiatement, sans passer par le graphisme et le dessin d'enfant, en représentant un enfant dans la nuit devant son perron – je réponds que c'est possible et que je m'en branle, vu qu'il a vachement bien réussi à m'émouvoir de la même façon avec ce qui peut-être s'appelle un truc. [M]'inquiète du résultat, pas de la technique.
  • « Défense de Klee », dactylogramme, daté du 19 août 1959 (transcription Eric Beaumatin)[13]


Je sais bien que c'est Klee qui a dit: « le génie c'est l'erreur dans le système[14] », et que c'est une phrase de con, à tout prendre. Je ne dis pas que c'est un génie, mais j'assure que c'est, à ma connaissance, et beaucoup + que Mondrian, le seul qui ait réussi à rendre sensible (à faire échapper aux signes, et aux trucs) toute une tendance de la peinture moderne, manifestement fourvoyée dans une impasse.


Klee inquiète parce qu'il est inquiété – je reconnais cette inquiétude et ne la méprise pas - Miró n'inquiète pas, il amuse, on le met de plus en plus dans des dessins animés – Picasso n'inquiète plus, il joue, et Buffet n'a jamais inquiété que des marchands de tableaux – je reconnais cette inquiétude, c'est-à-dire que je sais qu'elle est à la base même de ma sensibilité, qu'elle la sous-tend, qu'elle la nourrit, qu'elle explique ma démarche, et ce besoin constant de certitudes : Klee apparaît comme un miroir; il ne donne pas d'explications : il a eu peur, il a peint sa peur. Nous avons peut-être moins peur que lui; nous regardons dans le miroir, puis nous détournons les yeux, nous avons besoin de chercher ailleurs; et parce que nous avons besoin de chercher, et besoin de trouver, nous trouverons. Parce qu'il est faux de prétendre que l'art est un refus de l'inquiétude, c’est surtout la conquête d’une nécessité.


Toutes mes œuvres sont autobiographiques. Les unes constituent mon autobiographie d'écrivain, d'autres sont autobiographiques. […] Tout consiste à parcourir un chemin ou à remplir un espace. Et, comme je vois deux versants à mon œuvre, j'en vois deux dans la littérature ou dans l'art en général. Klee et Picasso illustrent très bien ce que je veux dire. L'œuvre de Picasso est toujours pareille, elle est comme une variation sur un même tableau, malgré la diversité des techniques utilisées. En revanche, chez Klee, chaque tableau est différent, chaque tableau est la résolution d'un problème différent. Je fais partie des artistes comme Klee
  • « "Busco al mismo tiempo lo eterno y lo efimero." Dialogo con Georges Perec », propos recueillis par Jorge Aiguilar Mora, Siempre, supplément « La cultura en México », 12 février 1975. Trad. Éric Beaumatin.
  • Entretiens, conférences, textes rares, inédits, Georges Perec, éd. Joseph K., 2019  (ISBN 978-2-910686-78-9), p. 248


Pour qu'il y ait jeu, il faut qu'il y ait règle. C'est une banalité, mais qui en dit long… Pour parler du tricheur, je peux vous parler de ce que je fais continuellement dans mon jeu d'écriture. Je m'impose des règles pour la construction de mon livre, qui sont souvent extrêmement difficiles, et quand je ne réussis pas à les suivre, je « triche » et j'appelle ça un clinamen. […] On a donné ce nom à la petite distorsion dans la règle qui fait que la règle fonctionne. Klee a un très joli mot pour ça, il dit: « Le génie, c'est l'erreur dans le système[14]. »
  • Entretiens, conférences, textes rares, inédits, Georges Perec, éd. Joseph K., 2019  (ISBN 978-2-910686-78-9), p. 360


J'ai plutôt l'impression que si un peintre a influencé mon travail, c'est Paul Klee, mais je ne sais pas exactement comment; il me semble que c'est de lui que me vient le fait de travailler sur programme, et dans des directions chaque fois légèrement différentes.
  • « Entretien Perec / Jean-Marie Le Sidaner », L’Arc, 76, 1979.
  • Entretiens, conférences, textes rares, inédits, Georges Perec, éd. Joseph K., 2019  (ISBN 978-2-910686-78-9), p. 442


Quand on établit un système de contraintes, il faut qu'il y ait aussi l'anti-contrainte dedans. Il faut – et c'est important – détruire le système des contraintes. Il ne faut pas qu'il soit rigide, il faut qu'il y ait du jeu, comme on dit, que ça grince un peu; il ne faut pas que ça soit complètement cohérent, il faut un clinamen – c'est dans la théorie des atomes d'Épicure : « Le monde fonctionne parce que, au départ, il y a un déséquilibre » Selon Klee, « le génie, c'est l'erreur dans le système[14] »; je suis peut-être orgueilleux en disant ça… Mais dans la peinture de Klee, c'est très important.
  • « Entretien Georges Perec / Ewa Pawlikowska », Varsovie, 5 avril 1981, publié en français en 1983 dans Littératures, 7, Georges Perec, p. 69-77 DOI 10.3406/litts.1983.1234
  • Entretiens, conférences, textes rares, inédits, Georges Perec, éd. Joseph K., 2019  (ISBN 978-2-910686-78-9), p. 563-564


Bridget Riley

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[…] Comme Mondrian, l’œuvre de Klee a toujours été centrale pour moi. On peut être influencée de plusieurs manières. Simplement par l’apparence de quelque chose, ou par la possibilité d’atteindre à travers l’apparence la pensée qui est derrière, comme j’ai pu le faire avec le travail de Seurat. À d’autres moments, on est influencée par les idées et non l’apparence. Ce fut comme cela pour moi, avec Klee. Il m’a montré ce que signifie l’abstraction dans la peinture et comment questionner d’une manière artistique.


Pierre Soulages

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Labyrinthe détruit, 1939, 346.
Je vais vous raconter une expérience que j’ai eue avec un tableau de Paul Klee. Je visitais une exposition de Klee avec un ami. Pour Klee, qui est figuratif, les mots, les titres, sont importants. Nous arrivons devant un tableau et je dis : « Tiens, c’est curieux, un tableau abstrait ». Il y avait des formes courbes qui s’emboîtaient plus ou moins. Or, ce tableau ne m’exaltait ni par la qualité des formes ni par la couleur. Il me paraissait même tiède… J’allais passer, et puis je me suis quand même penché pour voir le titre. Ça s’appelait Labyrinthe détruit. Et brusquement ce tableau rentrait dans un univers différent, il devenait intéressant…


Tristan Tzara

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Portrait de Tristan Tzara, par Robert Delaunay.
Klee a réussi à faire une œuvre importante dans un petit format, au moment où tous les peintres cherchaient une monumentalité extérieure. On pourrait rapprocher ses aquarelles exquises à des dessins d’enfant s'ils n'étaient si raffinés. Mais c’est par la fraîcheur de son imagination et l'esprit grotesque et ironique, qu’il a su se créer une personnalité séduisante.


Roger Vitrac

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L’œuvre de Klee propose la vue indiscernable du monde, non la vue cachée, non l’apparence mythique ou religieuse, mais très exactement celle du géant qui se dissimule derrière le fil, lequel humoristiquement, ne le trahit, ni ne le sauve, mais en donne partiellement la loi. […] Les tableaux de Klee coïncident étrangement avez les phénomènes qu’ils expriment, avec les émotions qu’ils provoquent.
  • repris dans « Le regard de Paul Klee », Cahiers d'Art, 1945-1946, p. 54 [texte intégral] .


Paul Klee s’en prend à l’éphémère. Cristaux instables, tranchants, fil de la vierge, akènes, pointe du diamant, météores, limites de l’ombre et du jour, du poids et du vol, de l’ongle et du silence, atomes éblouissants de la peinture, phosphènes, aurore, navires de sureau, de nerfs, d’horlogerie, capitales des sables et des neiges, fumées, air pur, Paul Klee nous a tiré du doute de nos sens.
  • repris dans « Le regard de Paul Klee ».
  • « A propos des œuvres récentes de Paul Klee », Roger Vitrac, Cahiers d'Art, 1930, p. 302


On me dit : « L’œuvre de Klee est faite pour les littérateurs… Peinture de poète… Allez-y ! Les métaphores ne vous manqueront pas. Ces tableaux vous en inspireront à foison. » Je ne suis pas critique d’art, non, je me préférais poète s’il m’était donné d’approcher assez près de la traduction Klee. Mais, aussi grand poète que soit cet artiste, il reste avant tout et d’autant plus peintre.
  • « A propos des œuvres récentes de Paul Klee », Roger Vitrac, Cahiers d'Art, 1930, p. 303


Zao Wou-Ki

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En Chine, déjà, j'essayais de faire « moderne » sans comprendre. Je gardais les dessins de ma petite sœur qui avait sept ou huit ans. Je la copiais, car je la trouvais plus libre que moi. Je suis tombé sur Klee par hasard, vers 1945, et j'ai trouvé que son œuvre n'était pas sans rapport avec ce que me faisaient ressentir les dessins de ma sœur. Cela m'a fait pencher vers lui. Klee, c'était un moyen de connaître la nature autrement que de façon académique. Ce n'est pas tant la façon de peindre qui chez lui est moderne, que la façon de voir.


En 1951, était organisé à Berne et à Genève par Nesto Jacometti une exposition de mes gravures. J'y suis allé et me trouvant, pour la première fois, face à la peinture de Klee, je me suis rappelé les mots de Michaux : « Un ensemble de signes. » Je restais des heures à observer ces petits rectangles de couleur, ponctués de traits et de signes, ébahi par tant de liberté dans le tracé du trait et la poésie légère et chantante qui se dégageaient de ces petits tableaux tout à coup devenus immenses par l'espace qu'ils savaient créer. Comment avais-je pu ignorer ce peintre dont les connaissances et l’amour de la peinture chinoise étaient évidents ? De ces petits signes tracés sur un fond aux multiples espaces, surgissait un monde qui m’éblouissait. Comment dire ce que j'ai éprouvé. J'ai erré de longues heures dans ce musée, tournant en rond, ne me lassant pas de regarder ces tableaux pour en percer le mystère, stupéfait par la transformation de figures en signes. Ainsi, la peinture occidentale, dont j'avais sous les yeux un pur exemple, se servait d'une manière de voir que je connaissais si bien et qui m'embarrassait. Je traversai des moments de grande confusion, mais en rentrant à mon atelier, le chemin se dessinait devant moi avec plus de clarté. Je devais travailler dans la voie que Klee me montrait. Mais ce ne fut pas si simple. Le monde de Klee, différent, poétique, permettait de voir autre chose. C’était un pont vers un monde que je recherchais mais je le considérais comme un raccourci pour trouver une autre voie.

Notes et références

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  1. (de) Voir le document Schöpferische Konfession: Paul Klee, disponible sur Wikisource en allemand. Autre trad. fr sous le titre « Confession du créateur», dans [Naubert-Riser 1978] Constance Naubert-Riser, La création chez Paul Klee : étude de la relation théorie-praxis de 1900 à 1924, Klincksieck, (ISBN 2-252-02099-7, lire en ligne), « Annexe 1 », p. 127-131.
  2. « Paul Klee - Jadis surgi du gris de la nuit ... », sur Zentrum Paul Klee (YouTube)
  3. Voir le document Category:Pädagogisches Skizzenbuch sur Wikimedia Commons.
  4. Un extrait de la traduction française de ce cours est publié dans « Paul et Lily Klee », Les Cahiers du Musée national d’art moderne, no147, 2019, p. 37-38 [texte intégral, lien DOI] .
  5. « 178 (BF/181) » et « 179 (BF/182) », sur www.kleegestaltungslehre.zpk.org (consulté le 8 avril 2022).
  6. C’est, en France, le premier texte écrit sur Paul Klee (Hopfengart et Baumgartner 2012, p. 148, Lampe 2016, p. 92).
  7. Dora Sophie Kellner offre cette œuvre à Benjamin pour son anniversaire en 1920. Le 23 juillet 1920, il écrit à son ami Gershom Scholem : « Dora vous a peut-être amplement raconté tout ce qu'elle a trouvé pour me faire plaisir, surtout un merveilleux tableau de Klee, qui a pour titre : La Séduction du miracle. Connaissez-vous Klee ? Je l'aime énormément et c'est le plus beau de tous les tableaux que j'ai vus de lui. J'espère que vous le verrez en septembre chez moi » (Correspondance (trad. Guy Petitdemange), t. 1, Aubier Montaigne, (ISBN 2-7007-0121-6), p. 223, citée d’après Hopfengart et Baumgartner 2012, p. 327, note 14).
  8. Repris dans Perché leggere i classici. La première traduction française est publiée une première fois dans : Italo Calvino, La machine littérature : essais, Seuil, 1984 (ISBN 2-02-006682-3) [lire en ligne], p. 141 . Nouvelle traduction sous le titre « Candide ou la vitesse » par Christophe Mileschi dans Pourquoi lire les classiques, Gallimard, coll. « Folio », 2018 (ISBN 978-2-07-045115-9), p. 156 .
  9. Citation de Saint-John Perse, Anabase, 1924.
  10. Paul Klee, Note dans l’agenda de Klee, 1928, citée dans Friedewald 2016, p. 208
  11. Mann im Sessel (« Homme dans un fauteuil »), 1913, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, inv. 11227, reprod. dans Hopfengart et Baumgartner 2012, p. 65. Voir son ébauche « Paul Klee im Sessel », sur lenbachhaus.de.
  12. Repris dans Pädagogisches Skizzenbuch, (ISBN 3-7837-0005-1).
  13. Publié dans L'œil, d'abord… : Georges Perec et la peinture (Cahiers Georges Perec, 6), Seuil, (ISBN 2-02-029643-8).
  14. 14,0 14,1 et 14,2 Will Grohmann, Paul Klee, p. 376.

Voir aussi

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