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« Conquête et colonisation de l'Algérie » : différence entre les versions

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.
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Jean-Gabriel Capot de Feuillide : neutralisation de la présentation de deux citations (éloges déplacés)
suppression de citations de revues au sourçage largement insuffisant (pas d'auteur indiqué)
Balise : Révoqué
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|auteur=Franck Laurent
|auteur=Franck Laurent
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== [[:w:Le Correspondant|Le Correspondant]] ==
{{citation|On a commencé par croire qu'il suffisait d'offrir aux musulmans les charmes de notre civilisation pour en faire des sujets dévoués à la France; et, quand l'expérience a prononcé contre cette méconnaissance de l'esprit nécessaire de l'islamisme, on a passé d'une confiance insensée à des plans d'extermination. En même temps, la religion catholique était sacrifiée à l'islamisme; la prédication chrétienne était interdite comme un crime de haute-trahison, et l'on expulsait de l'Algérie les prêtres qui, par leur connaissance de la langue arabe, auraient pu se mettre en communication avec les indigènes. Dans tout ce qui nous arrive en Algérie, nous devons reconnaître, non-seulement une suite de fautes, mais une série de punitions.
}}
{{Réf Livre
|titre=Le Correspondant
|auteur=[[:w:Le Correspondant|Le Correspondant]]
|éditeur=Sagnier et Bray
|tome=14
|année=1846
|page=773}}

{{citation|La France se trouve vis-à-vis des Arabes d'Algérie dans une situation dont elle ne peut sortir que par deux issues : la conversion des musulmans ou l'extermination plus ou moins lente de la race indigène. La fusion pacifique des musulmans et des chrétiens n'est qu'un rêve irréalisable.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Correspondant
|auteur=[[:w:Le Correspondant|Le Correspondant]]
|éditeur=Sagnier et Bray
|tome=28
|année=1851
|page=114}}

{{citation|Les zouaves, dans l'enivrement de leur victoire, se précipitaient avec fureur sur les malheureuses créatures qui n'avaient pu fuir. Ici, un soldat amputait, en plaisantant, le sein d'une pauvre femme qui demandait, comme grâce, d'être achevée et expirait quelques instants après dans les souffrances; là, un autre soldat prenait par les jambes un petit enfant et lui brisait la cervelle contre une muraille; ailleurs, c'étaient d'autres scènes qu'un être dégradé peut seul comprendre et qu'une bouche honnête ne peut raconter.
|précisions=Louis de Baudicour, colon, publiciste et homme d'œuvres catholique témoigne des massacres de Zaatcha (Algérie) en 1849
}}
{{Réf Livre
|titre=Le Correspondant
|auteur=[[:w:Le Correspondant|Le Correspondant]]
|éditeur=Charles Douniol
|section=De la guerre d'Afrique
|tome=32
|année=1853
|page=347}}


== [[Amédée Despans-Cubières]] ==
== [[Amédée Despans-Cubières]] ==
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|année=1997
|année=1997
|page=286}}
|page=286}}

== [[:w:Journal des économistes|Journal des économistes]] ==
{{citation|Dans notre premier article, nous avons développé cette suite d'idées : Une population indigène existe en Algérie : pour coloniser, c'est-à-dire pour faire cultiver l'Algérie par des Européens, il faut substituer des Européens aux indigènes. Cette substitution ne peut avoir lieu que par l'extermination des indigènes : nous avons supposé cette extermination obtenue et nous avons examiné quelle serait la population appelée à remplacer les indigènes : ce serait une population française; car ce ne serait pas pour des étrangers tels que les Maltais, les Mahonnais, les Espagnols et les Italiens, qui sont déjà plus nombreux que les Français en Algérie, que nous ferions les sacrifices en hommes et en argent que nous impose cette possession.[...] Probablement la France ne prendra pas la résolution d'exterminer les Arabes : ce n'est pas au moment où l'Angleterre a
aboli l'esclavage et où l'on fait des efforts pour la suivre dans cette voie, que l'on voudrait donner un éclatant démenti à la civilisation en réhabilitant l'esclavage en Afrique. [...] Quoi qu'il en soit, l'extermination est loin d'être accomplie : la population africaine n'est pas clairsemée comme celle du Peau-Rouge : portée à 8 millions par M. le maréchal Bugeaud, elle ne peut s'élèver à moins de 2 millions et demi. Si l'on continue encore pendant quinze à vingt ans, les colonistes pourront s'établir en paix sur l'Afrique dépeuplée. [...] De quelque manière qu'on s'y prenne pour s'emparer des terres des
indigènes, quelque principe que l'on invoque, c'est toujours l'extermination qui en est la conséquence.}}
{{Réf Livre
|titre=Journal des économistes, revue mensuelle de l'économie politique, des questions agricoles, manufacturières et commerciales
|auteur=[[:w:Journal des économistes|Journal des économistes]]
|éditeur=Presses universitaires de France
|section=L'Algérie, colonisation
|tome=17
|année=1847
|page=89,123}}


== [[Léonce Guilhaud de Lavergne]] ==
== [[Léonce Guilhaud de Lavergne]] ==
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|page=75
|page=75
}}
}}

== [[:w:La Revue des Deux Mondes|La Revue des Deux Mondes]] ==
{{citation|Qu'était-ce en effet que la pensée intime de la colonisation? C'était de près ou de loin l'extermination de la race indigène. On voulait, disait-on, pouvoir se passer des Arabes pour vivre; en pays conquis, on sait ce que cela veut dire. Tout colon de bonne foi, un peu poussé dans ses retranchements, ne manquait pas d'arriver à cette conclusion, l'impossibilité pour les deux races de vivre côte à côte sur le même sol. Quand même la pensée de l'extermination n'eût pas été dans les esprits, elle était une conséquence naturelle des faits. Avec la colonisation, on enlevait peu à peu aux Arabes leurs moyens d'existence, on les forçait à une guerre sans fin qui n'eût pas été moins onéreuse et moins sanglante pour nous que pour eux, et qui eût abouti nécessairement à leur destruction.
}}
{{Réf Livre
|titre=La Revue des Deux Mondes
|auteur=[[:w:La Revue des Deux Mondes|La Revue des Deux Mondes]]
|éditeur=Bureau de La Revue des Deux Mondes
|tome=22
|année=1848
|page=395}}

{{citation|Le peuple du Maghreb a vu depuis deux mille ans s'avancer vers lui, pour l'envahir et le conquérir, les plus fameux d'entre les peuples anciens et modernes, les Carthaginois et les Romains, les Vandales et les Byzantins, les Portugais et les Espagnols; il les a tous rejetés de son sein, n'admettant au partage du pays que les Arabes, dont il a accepté la religion. Avec une telle force il faut compter, et il serait plus que téméraire de parler d'extermination ou de refoulement, de conversion violente ou de domination facile.
}}
{{Réf Livre
|titre=La Revue des Deux Mondes
|auteur=[[:w:La Revue des Deux Mondes|La Revue des Deux Mondes]]
|éditeur=Bureau de La Revue des Deux Mondes
|tome=24
|année=1859
|page=944}}

== [[:w:Revue scientifique (France)|La Revue scientifique]] ==
{{citation|Depuis l'origine, il n'y a pas eu d'autre alternative pour la politique à suivre à l'égard des indigènes : ou le refoulement et l'extermination lente, ou l'assimiliation. Dans un rapport qui n'est pas vieux et qu'on cite souvent, Jules Ferry en rappelait encore les termes: "On nie la possibilité de l'assimiliation, dit M.Etiévant, on convient que les Arabes, qui sont des demi-civilisés, ne peuvent être asservis comme des peuplades barbares et, d'autre part, on proteste bien haut contre l'idée d'extermination. Alors quoi ? Le système de l'extermination serait cependant le seul logique."
|précisions=La Revue scientifique dénonce la politique coloniale
}}
{{Réf Livre
|titre=La Revue scientifique
|auteur=[[:w:Revue scientifique (France)|La Revue scientifique]]
|éditeur=Germer Bailliere
|tome=7
|année=1897
|page=498}}

{{citation|Aucun plaidoyer ne semble nécessaire pour faire condamner l'extermination, le refoulement ou l'empoisonnement des indigènes. Cependant il sera permis d'observer que ces "modes d'établissement", si l'on peut ainsi parler, ne sont point seulement monstrueux; ils sont encore anti-politiques et anti-économiques. Ils entretiennent en effet la haine dans le cœur de l'indigène, provoquent les révoltes, les insurrections; d'autre part obliger les populations à se retirer devant le vainqueur, c'est ôter à la terre ses travailleurs, c'est priver le colon de la main d'œuvre à bon marché qui est nécessaire à son établissement. Si donc de tels procédés sont condamnés et par l'humanité et par l'intérêt, quelle politique faut-il suivre ? En France ou les esprits se portent facilement d'un extrême à l'autre , on s'est de bonne heure prononcé pour la politique de l'"assimilation".
}}
{{Réf Livre
|titre=La Revue scientifique
|auteur=[[:w:Revue scientifique (France)|La Revue scientifique]]
|éditeur=Germer Bailliere
|section=Les sociétés indigènes, politique que doivent suivre à leur égard les nations colonisatrices
|tome=9
|année=1898
|page=162}}


== Maréchal Saint-Arnaud ==
== Maréchal Saint-Arnaud ==

Version du 11 septembre 2023 à 17:10

La conquête de l'Algérie par la France se fait en plusieurs étapes :

La période de colonisation française s'étend de 1830 à 1962, période dite de l'Algérie française.

Nous sommes les fils d'un monde nouveau, né de l'esprit et de l'effort français.
  • Ferhat Abbas, 23 février 1936, journal L'Entente, dans Les drames de la décolonisation, 1900-1975, paru Éditions Roblot, 1975, p.77, Jean Bonnet.


Pourquoi transformer l'usurpation d'un pays et l'extermination des Algériens en une œuvre civilisatrice ? Au profit de qui cette œuvre s'est-elle réalisée ? Et de quelle civilisation s'agit-il ?
  • Guerre et révolution d'Algérie: La nuit coloniale, Ferhat Abbas, éd. R. Juilliard, 1962, p. 74


Les religions, les cultures juive et chrétienne se trouvaient en Afrique du Nord bien avant les arabo-musulmans, eux aussi colonisateurs, aujourd’hui hégémonistes. Avec les Pieds-Noirs et le dynamisme - je dis bien les Pieds-Noirs et non les Français - l’Algérie serait aujourd’hui une grande puissance africaine, méditerranéenne. Hélas ! Je reconnais que nous avons commis des erreurs politiques, stratégiques. Il y a eu envers les Pieds-Noirs des fautes inadmissibles, des crimes de guerre envers des civils innocents et dont l’Algérie devra répondre au même titre que la Turquie envers les Arméniens.
  • Propos de Hocine Aït Ahmed, ancien chef historique du FLN, en juin 2005, Revue Ensemble, n°248
  • L'Europe face à son passé colonial, Daniel Lefeuvre, éd. Riveneuve, 2008, p. 31


Paul Azan

S'il y avait en Algérie un héritier d'Abd el Kader dépositaire de sa pensée, fidèle à sa tradition et possédant son envergure, il ferait profiter la race indigène de l'expérience laborieusement acquise par son dernier Sultan; il l'entrainerait dans la voie du progrès.


La guerre d'Algérie fut absolument différente des deux autres [Vietnam, Afghanistan] : les Français étaient en Algérie depuis cent trente ans; la guerre d'Algérie fut une guerre de sécession, le Sud se séparant du Nord; ce fut surtout, aspect méconnu, une guerre civile. Elle n'opposa pas seulement l'armée à l'insurrection FLN, ni les Européens aux Musulmans. elle divisa les partis et les familles. On trouvait des "pieds-noirs" libéraux, et beaucoup d'indigènes profrançais. Après plus d'un siècle de présence, les liens étaient inégaux mais nombreux : travailleurs immigrés en France, fonctionnaires métropolitains en Algérie, Algériens francisés. Car de nombreux Algériens musulmans furent d'actifs partisans de l'Algérie française. On cite les "harkis", mais ceux-ci n'étaient que des miliciens supplétifs ruraux, issus de régions archaïques (d'ou les difficultés qu'ils rencontrèrent en métropole). Il y avait bien d'avantage de fonctionnaires, instituteurs, militaires et officiers indigènes "Algérie française". Cet aspect "guerre civile" explique, sans les excuser, les excès commis des deux côtés. [...] La France était vraiment "chez elle" en Algérie (contrairement à l'Amérique au Vietnam, à la Russie en Afghanistan), mais le FLN aussi. La lutte ne pouvait être que sauvage !


Si j'avais été algérien, j'aurais été fellouze.
  • Ma Guerre d'Algérie, Marcel Bigeard, éd. Éditions du Rocher, 1995, p. 53


L'Algérie, ne peut être assimilée à aucune des possessions étrangères. Dans l'Inde, le gouvernement s'exerce par l'intermédiaire des chefs indigènes, en éloignant la colonisation. Aux États-Unis, l'établissement des Européens s'est fait par l'extermination ou l'expulsion des Indiens. Rien de semblable ne peut se faire en Afrique, nos difficultés sont beaucoup plus grandes; nous avons une race belliqueuse à contenir et à civiliser, une population d'émigrants à attirer, une fusion de

races à obtenir, une civilisation supérieure à développer, par l'application des grandes découvertes de la science moderne.

  • Observation présentées à l'Empereur par le prince ministre de l'Algérie, le 31 août 1858, sur le système général d'administration de l'Algérie


[L]’œuvre de la France est une réalité et aujourd’hui, dans le chaos et la guerre civile qui déchirent et mutilent mon pays, s’impose une vérité historique que l’Occident va apprendre à ses dépens : la nécessité de la présence française. Hors cette paix que la France a maintenue pendant un siècle, le vieux fanatisme religieux de l’Islam, [...], n’ouvre qu’une voie : le retour sanglant à la féodalité.
  • Mon pays la France (1963), Saïd Boualam, éd. Pocket, 1973, p. 17


Quand les Français débarquèrent sur nos côtes, le mot Algérie n’existait pas. Notre histoire commence en 1845 comme celle de la France, en tant que peuple, a commencé avec les Capétiens. 1830, en cette terre d’Afrique du Nord, c’est le chaos, deux millions d’esclaves rançonnés par les pillards ou les féodaux, rongés par la syphilis, le trachome, le choléra, la malaria ; des déserts, des marais pestilentiels, plus rien de ce qui avait été la paix romaine.
  • Mon pays la France (1963), Saïd Boualam, éd. Pocket, 1973, p. 23


Je ne retiens pas de l’œuvre française que ces terres arrachées à l’érosion, ces routes, ces ports, ces barrages, je voudrais montrer aux esprits évolués de la décolonisation, un aspect qu’ils doivent ignorer, je pense, de l’action de la France : l’enseignement.
  • Mon pays la France (1963), Saïd Boualam, éd. Pocket, 1973, p. 69


Pour juger [l'œuvre de la France], imposée d'abord par le soldat, rendue possible par le colon, l'ingénieur, le médecin, l'ouvrier, il me parait utile de faire une comparaison. En Algérie, deux recensements 1856 : 2 307 350 Musulmans; 1954 : 8 670 000 Musulmans. En Amérique du Nord, lors de l'arrivée des Blancs, il y avait 1 500 000 Peaux-rouges; aujourd'hui ils sont moins de 300 000. Ces chiffres sont rarement cités par les décolonisateurs !
  • Mon pays la France (1963), Saïd Boualam, éd. Pocket, 1973, p. 53


Tout Algérien raisonnable reconnait à la France le mérite de l'avoir arraché, sur tous les plans, au stade moyenâgeux.
  • Les Harkis au service de la France (1963), Saïd Boualam, éd. France-Empire, 1963, p. 178


On peut tourner la page d'une histoire qui a duré cent trente ans, mais on ne peut pas effacer l'Histoire. On ne peut pas effacer ce que la France a apporté à l'Algérie, cette présence qui est dans le cœur de ses pires ennemis, dans les pierres des villes et des villages, dans les champs, dans les vignes et jusque dans ce paysage qui a été modelé par la France.
  • Les Harkis au service de la France (1963), Saïd Boualam, éd. France-Empire, 1963, p. 264


Thomas-Robert Bugeaud

Il faut une grande invasion en Afrique, qui ressemble à ce que faisait les Francs, à ce que faisait les Huns.
  • Maréchal Bugeaud, 14 mai 1840, Discours à la Chambre, dans Pour l'honneur de l'armée réponse au général Schmitt sur la guerre d'Algérie, paru L'Harmattan, 1960, p.89, lieutenant-colonel Pierre-Alban Thomas.


La guerre que nous allons faire n'est plus une guerre à coups de fusil. C'est en enlevant aux Arabes les ressources que le sol leur procure, que nous pourrons en finir avec eux.
  • Lettres d'un soldat, neuf années de campagnes en Afrique, Lucien de Montagnac, éd. Plon, 1885, p. 158


C'est peu de traverser les montagnes et de battre une ou deux fois les montagnards; pour les réduire, il faut attaquer leurs intérêts. On ne peut y parvenir en passant comme un trait; il faut s'arranger de manière à avoir assez de vivres pour y rester le temps nécessaire pour détruire les villages, couper les arbres fruitiers, brûler ou arracher les récoltes, vider les silos, fouiller les ravins, les roches et les grottes, pour y saisir les femmes, les enfants, les vieillards, les troupeaux et le mobilier; ce n'est qu'ainsi qu'on peut faire capituler ces fiers montagnards.
  • Maréchal Bugeaud, 1842, dans Alexis de Tocqueville, De la colonie en Algérie, paru Complexe, 1988, p.30, Tzvetan Todorov.


Plus d'indulgence, plus de crédulité dans les promesses. Dévastations, poursuite acharnée jusqu'à ce qu'on me livre les arsenaux, les chevaux et même quelques otages de marque... Les otages sont un moyen de plus, nous l'emploierons, mais je compte avant tout sur la guerre active et la destruction des récoltes et des vergers... Nous attaquerons aussi souvent que nous le pourrons pour empêcher Abd el Kader de faire des progrès et ruiner quelques unes des tribus les plus hostiles ou les plus félonnes.
  • Lettre de Bugeaud le 18 janvier 1843 au Général de la Moricière
  • Maréchal Bugeaud, 24 janvier 1843, dans Un rêve algérien, paru Dagorno, 1994, p.18, Jean-Luc Einaudi.


J’espère qu’après votre heureuse razzia le temps, quoique souvent mauvais, vous aura permis de pousser en avant et de tomber sur ces populations que vous avez si souvent mises en fuite et que vous finirez par détruire, sinon par la force du moins par la famine et les autres misères.
  • Lettre de Bugeaud le 24 janvier 1843 au Général de la Moricière
  • Maréchal Bugeaud, 24 janvier 1843, dans Un rêve algérien, paru Dagorno, 1994, p.19, Jean-Luc Einaudi.


Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Enfumez les à outrance comme des renards.
  • A Orléanville, le 11 juin 1845, Bugeaud conseille ceci à ses subordonnés pour réduire la résistance des populations de la région du Chélif
  • Maréchal Bugeaud, 11 juin 1845, Orléanville, dans Une grande figure, Saint-Arnaud maréchal de France, paru aux Nouvelles Éditions latines, 1960, p.67, Louis de Charbonnières.


Colonel Cherif Cadi

Mon Colonel et bien cher ami, je suis vraiment confus de mon retard à répondre à votre bonne lettre du commencement de l'année 1930. 1930 ! C'est l'anniversaire du grand événement. De la conquête ? non, parce que les Barbaresques ne formaient pas une nation, mais vivaient en clans primitifs, ennemis les uns des autres et se razziant sans cesse. C'est l'anniversaire de la libération de mon peuple de l'oppression des Mongols ; c'est la date bénie de notre rentrée dans la vie civilisée que nous avions abandonnée pendant les siècles d'anarchie et de misère de la domination des Vieux Turcs. Donc mes frères mahométans vont suivre avec joie les fêtes du Centenaire, comme je le leur ai conseillé par de nombreux articles dans la "Voix indigène", journal écrit à Constantine par l'élite musulmane dont je suis fier d'être le chef. Les Français, mes frères d'adoption, peuvent être fiers de l'œuvre accomplie en un siècle : avant 1830, l'Algérie, autrefois le grenier de Rome, était devenue terre stérile et ne nourrissait qu'un petit nombre d'hommes. Les vallons et les plaines étaient devenus le théâtre des exploits des pillards. Point de sécurité, point de routes, les relations entre les hommes ne pouvaient se faire que par caravanes armées en guerre. Après un siècle de travail et de sécurité, nous voyons un grand changement : un puissant réseau de voies de communication assure partout les échanges entre les habitants dont le nombre a plus que doublé, d'abondantes récoltes assurent partout la vie. Le petit bédouin qui aurait été l'esclave des pachas est devenu polytechnicien, ingénieur et astronome, enfin officier supérieur de l'artillerie française.
  • Lettre du colonel Cherif Cadi au colonel Firmin Jacquillat
  • Le colonel Cherif Cadi: serviteur de l'islam et de la République, Cherif Cadi, éd. Maisonneuve et Larose, 2005, p. 31


Si la thèse de l'abandon [de l'Algérie] triomphait, les conséquences seraient terribles pour les Arabes comme pour les Français. C'est le dernier avertissement d'un écrivain voué depuis vingt ans au service de l'Algérie.
  • Nouvelles Paroles d'un revenant, Jacques d'Arnoux, éd. Nouvelles Éditions Latines, 1965, p. 113


Hippolyte Castille

L'idée de l'extermination eut longtemps cours en Afrique [du Nord].
  • Hippolyte Castille fut journaliste et a longtemps collaboré au Musée des familles.
  • Le général de Lamoricière (1858), Hippolyte Castille, éd. F. Sartorius, 1858, p. 13


La France a le droit de conserver la régence; son intérêt la pousse à l'occuper complètement. Si elle ne veut qu'une occupation partielle, il lui faut coloniser cette partie. La colonie manquera son but, parce qu'elle envahira progressivement le pays par l'extermination des indigènes. Il faut donc, par une guerre immédiate plus prompte que meurtrière, soumettre les Arabes, et non les exterminer; car ils ne résistent pas au progrès. Non seulement il y aurait immoralité à entreprendre leur destruction, mais il y aurait acte impolitique; car il n'est pas certain que l'Européen puisse à présent faire fructifier ce pays. L'Arabe y produira toujours plus facilement et à meilleur compte.
  • Propos de Eugène Cavaignac, Gouverneur d'Algérie en 1848 puis président du Conseil des ministres chargé du pouvoir exécutif durant l'année 1848.
  • De la régence d'Alger: notes sur l'occupation, Eugène Cavaignac, éd. V. Magen, 1839, p. 156-157


François Certain de Canrobert

Dans la falaise est une excavation profonde formant une grotte. Les Arabes y sont. On pétarada l’entrée de la grotte et on y accumula des fagots de broussailles. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain quelques Sbéahs se présentèrent à l’entrée de la grotte, demandant l’aman à nos postes avancés. Leurs compagnons, les femmes et les enfants étaient morts...Telle fut la première affaire des grottes. On n'en parla guère, parce que le colonel Cavaignac, avec sa prudence ordinaire, ne s'était pas étendu sur le nombre des Arabes morts lors de l'enfumade.
  • 1844, enfumades des Sbeah (Dahra) par Cavaignac, rapport de Canrobert un de ses officier
  • Maréchal Canrobert, 1844, dans Ecrire L'histoire De Son Temps (Europe Et Monde Arabe), paru L'Harmattan, 2005, p.251, Richard Jacquemond.


Moi-même, je fus amené à pareille extrémité. Me trouvant devant les grottes occupées par les Arabes qui me reçoivent à coups de fusils, je les somme de se rendre. [...] Je réitère les sommations, je préviens les Kabyles. Comme il n'y a pas de bois, je bouche l'entrée de la caverne avec des pierres. Si j'avais fait autrement, un grand nombre de mes soldats seraient tombés inutilement.
  • juin 1845, enfumades de tribus du Dahra par le lieutenant-colonel Canrobert
  • Maréchal Canrobert, juin 1845, dans Ecrire L'histoire De Son Temps (Europe Et Monde Arabe), paru L'Harmattan, 2005, p.251, Richard Jacquemond.


Ce rôle de vecteur de l’arabisation qu’a joué la colonisation ne se réduit pas aux retombées objectives d’une intrusion déstabilisatrice : il y a bien en cette matière une intervention volontaire de l’autorité française. L’École, l’institution juridique et administrative coloniales contribuent à la diffusion de l’arabe en zones berbères. Un autre secteur où cette action est particulièrement flagrante est celui de la nomenclature onomastique officielle française, que ce soit la toponymie, l’ethnonymie ou l’anthroponymie. Au lieu d’enregistrer simplement les noms de lieu, de tribus ou de familles dans leur forme locale berbère, l’administration française s’est ingéniée à arabiser les noms propres dans les régions berbérophones [...] Et le comble sera atteint avec l’établissement, proprement surréaliste , de l’état-civil, notamment en Kabylie. Non seulement on arabise les noms de famille traditionnels, mais très souvent on en donne d’autres, parfaitement arbitraires, le plus souvent arabes ou de forme arabe. [...] L’arabe a tout naturellement servi de modèle de référence permanent dans cette activité de nomination menée par la France. Le nom et le pouvoir de nommer étant un aspect fondamental de l’identité, l’institution coloniale, à travers cette imposition, niait l’autonomie des groupes berbères et les insérait automatiquement dans le creuset arabe.
  • Berbères d'aujourd'hui, Salem Chaker, éd. L'Harmattan, 1998, p. 115-116


Pierre Christian

En vertu des instructions du général en chef de Rovigo, un corps de troupe sorti d’Alger, pendant la nuit du 6 avril 1832, surprit au point du jours la tribu endormie sous ses tentes, et égorgea tous les malheureux El-Ouffia sans qu’un seul chercha même à se défendre. Tout ce qui vivait fut voué à la mort ; on ne fit aucune distinction d’âge ni de sexe. Au retour de cette honteuse expédition, nos cavaliers portaient des têtes au bout des lances.
  • printemps 1832, après le massacre de la tribu des El-Ouffia par le général en chef duc de Rovigo
  • L'Afrique française, Pierre Christian, éd. A. Barbier, 1846, p. 143


Le 7 mai 1832, des Arabes d’une tribu inconnue vinrent, sous les murs de la ville, s’emparer de quelques bœufs. Le capitaine Yusuf [Joseph Vantini] décida que les maraudeurs appartenaient à la tribu des Kharejas ; le même soir il partit avec les Turcs, fut s’embusquer de nuit dans les environs, et lorsque le jour commençait à paraître, il massacra femmes, enfants et vieillards. Une réflexion bien triste suivit cette victoire, lorsqu’on apprit que cette même tribu était la seule qui, depuis notre occupation de Bône, approvisionnait notre marché.
  • L'Afrique française, Pierre Christian, éd. A. Barbier, 1846, p. 148


Quelle plume saurait rendre ce tableau ? Voir au milieu de la nuit, à la faveur de la lune, un corps de troupes français occupé à entretenir un feu infernal ! Entendre les sourds gémissements des hommes, des femmes, des enfants et des animaux ; le craquement des rochers calcinés s’écroulant, et les continuelles détonations des armes ! Dans cette nuit, il y eut une terrible lutte d’hommes et d’animaux ! Le matin, quand on chercha à dégager l’entrée des cavernes, un hideux spectacle frappa des yeux les assaillants. J’ai visité les trois grottes, voici ce que j’y ai vu : A l’entrée, gisaient des bœufs, des ânes, des moutons ; leur instinct les avait conduits à l’ouverture de la grotte pour respirer l’air qui manquait à l’intérieur. Parmi ces animaux, et entassés sous eux, on trouvait des hommes, des femmes et des enfants. J’ai vu un homme mort, le genou à terre, la main crispée sur la corne d’un bœuf. Devant lui était une femme tenant son enfant dans ses bras. Cet homme, il était facile de le reconnaître, avait été asphyxié, ainsi que la femme, l’enfant et le bœuf, au moment où il cherchait à préserver sa famille de la rage de cet animal. Les grottes sont immenses ; on a compté 760 cadavres ; une soixantaine d’individus seulement sont sortis, aux trois quart morts ; quarante n’ont pu survivre ; dix sont à l’ambulance, dangereusement malades ; les dix derniers, qui peuvent se traîner encore, ont été mis en liberté pour retourner dans leurs tribus ; ils n’ont plus qu’à pleurer sur des ruines.
  • récit d'un soldat témoin de l'enfumade de la tribu des Oued-Riah le 19 juin 1845 par le général Pélissier
  • L'Afrique française, Pierre Christian, éd. A. Barbier, 1846, p. 142


Jean Cler

La race kabyle que je viens de visiter, plutôt en voyageur qu'en ennemi, est belle. Les hommes sont tous d'un tempérament sec et maigre, d'une taille plus élevée que la moyenne, et généralement bien faits. Leur figure est expressive; leur regard vif et pénétrant [...]. Les vieux marabouts ont des figures graves et vénérables; malgré soi, on est porté à les respecter. Les chefs, surtout les jeunes, ont les traits fins et distingués; leur visage est souvent d'une pâleur aristocratique.
  • général Jean Cler, 30 septembre 1842, Cherchell, dans Le voyage en Algérie, paru chez Robert Laffont, 2008, p.135-136, Franck Laurent.


Aussi suis-je de ceux qui repoussent de toutes les forces de leur raison le système de l'extermination, mot qui n'aurait jamais dû être prononcé, et qui a malheureusement trop souvent retenti parmi les populations que nous travaillons à soumettre. L'extermination de la race arabe, mais il faut bien le dire, contre la volonté du Gouvernement cette extermination

est en quelque sorte commencée : les razzias si souvent répétées en sont le premier acte.

  • Discours du 16 janvier 1846 à la Chambre des pairs sur la guerre en Afrique du Nord
  • Discours de M. le général Cubières, ancien ministre de la Guerre (1846), Amédée Despans-Cubières, éd. Pourreau, 1846, p. 6


Victor Amédée Dieuzaide

Tout le bétail fut vendu à l'agent consulaire du Danemark. Le reste du butin fut exposé au marché de la porte Bab-Azoun (à Alger). On y voyait des bracelets de femme qui entouraient encore des poignets coupés, et des boucles d'oreilles pendant à des lambeaux de chair. Le produit des ventes fut partagé entre les égorgeurs. Dans l'ordre du jour du 8 avril, qui atteignit les dernières limites de l'infamie, le général en chef [Rovigo] eut l'impudence de féliciter les troupes de l'ardeur et de l'intelligence qu'elles avaient déployées. Le soir de cette journée à jamais néfaste, la police ordonna aux Maures d'Alger d'illuminer leurs boutiques, en signe de réjouissance.
  • printemps 1832, après le massacre de la tribu des El-Ouffia par le général en chef duc de Rovigo
  • Histoire de l'Algérie 1830-1878, Victor Anédée Dieuzaide, éd. Heintz, Chazeau, 1882, t. 1, p. 289


Depuis onze ans on a renversé les constructions, incendié les récoltes, détruit les arbres, massacré les hommes, les femmes, les enfants, avec une furie toujours croissante. Les bulletins, les rapports officiels qui en ont tiré vanité existeront à tout jamais, comme pièces accusatrices. Croit-on que la postérité ne nous en demandera pas compte ; qu'elle ne nous flétrira pas encore plus qu'elle n'a flétri les compagnons de Cortès et de Pizarre.
  • Solution de la question de l'Algérie (1841), Général Duvivier, éd. Gaultier-Laguionie (Paris), 1841, p. 285


En somme, à notre avis, c'est très heureux que ce chef arabe [Abd-el-Kader] ait été capturé. La lutte des bédouins était sans espoir et bien que la manière brutale avec laquelle les soldats comme Bugeaud ont mené la guerre soit très blâmable, la conquête de l'Algérie est un fait important et heureux pour le progrès de la civilisation. Les pirateries des états barbaresques, jamais combattues par le gouvernement anglais tant que leurs bateaux n'étaient pas molestés, ne pouvaient être supprimées que par la conquête de l'un de ces états. Et la conquête de l'Algérie a déjà obligé les beys de Tunis et Tripoli et même l'empereur du Maroc à prendre la route de la civilisation. Ils étaient obligés de trouver d'autres emplois pour leurs peuples que la piraterie et d'autres méthodes pour remplir leurs coffres que le tribut payé par les petits états d'Europe. Si nous pouvons regretter que la liberté des bédouins du désert ait été détruite, nous ne devons pas oublier que ces mêmes bédouins étaient une nation de voleurs dont les moyens de vie principaux étaient de faire des razzias contre leurs voisins ou contre les villages paisibles, prenant ce qu'ils trouvaient, tuant ceux qui résistaient et vendant les prisonniers comme esclaves. Toutes ces nations de barbares libres paraissent très fières, nobles et glorieuses vues de loin, mais approchez seulement et vous trouverez que, comme les nations plus civilisées, elles sont motivées par le désir de gain et emploient seulement des moyens plus rudes et plus cruels. Et après tout, le bourgeois moderne avec sa civilisation, son industrie, son ordre, ses " lumières " relatives, est préférable au seigneur féodal ou au voleur maraudeur, avec la société barbare à laquelle ils appartiennent.
  • (en) Upon the whole it is, in our opinion, very fortunate that the Arabian chief [Abd-el-Kader] has been taken. The struggle of the Bedouins was a hopeless one, and though the manner in which brutal soldiers, like Bugeaud, have carried on the war is highly blamable, the conquest of Algeria is an important and fortunate fact for the progress of civilisation. The piracies of the Barbaresque states, never interfered with by the English government as long as they did not disturb their ships, could not be put down but by the conquest of one of these states. And the conquest of Algeria has already forced the Beys of Tunis and Tripoli, and even the Emperor of Morocco, to enter upon the road of civilisation. They were obliged to find other employment for their people than piracy, and other means of filling their exchequer than tributes paid to them by the smaller states of Europe. And if we may regret that the liberty of the Bedouins of the desert has been destroyed, we must not forget that these same Bedouins were a nation of robbers, — whose principal means of living consisted of making excursions either upon each other, or upon the settled villagers, taking what they found, slaughtering all those who resisted, and selling the remaining prisoners as slaves. All these nations of free barbarians look very proud, noble and glorious at a distance, but only come near them and you will find that they, as well as the more civilised nations, are ruled by the lust of gain, and only employ ruder and more cruel means. And after all, the modern bourgeois, with civilisation, industry, order, and at least relative enlightenment following him, is preferable to the feudal lord or to the marauding robber, with the barbarian state of society to which they belong.
  • Extrait d'un article écrit par Engels alors correspondant à Paris pour le journal anglais Nothern Star


De la première occupation de l'Algérie par les Français jusqu'à nos jours, ce pays malheureux a été l'arène de violence, de rapines et de carnages incessants. Chaque ville, grande ou petite, a été conquise en détail et au prix d'un immense sacrifice de vies humaines. Les tribus arabes et kabyles, pour qui l'indépendance est chose précieuse, et la haine de la domination étrangère un principe plus cher que la vie elle-même, ont été écrasées par les terribles razzias qui brûlèrent et détruisirent demeures et propriétés, abattirent les récoltes, massacrèrent les malheureux ou les soumirent à toutes les horreurs de la brutalité et de la concupiscence. Les Français, contre tous les préceptes d'humanité, de civilisation et

de chrétienté persistent dans ce système de guerre barbare. Comme circonstances atténuantes, ils allèguent que les Kabyles sont féroces, s'adonnent au meurtre, torturent leurs prisonniers, et qu'avec des sauvages l'indulgence est une erreur. On peut toutefois mettre en doute la politique d'un gouvernement civilisé qui a recours à la loi du talion.

  • (en) From the first occupation of Algeria by the French to the present time, the unhappy country has been the arena of unceasing bloodshed, rapine, and violence. Each town, large and small, has been conquered in detail at an immense sacrifice of life. The Arab and Kabyle tribes, to whom independence is precious, and hatred of foreign domination a principle dearer than life itself, have been crushed and broken by the terrible razzias in which dwellings and property are burnt and destroyed, standing crops cut down, and the miserable wretches who remain massacred, or subjected to all the horrors of lust and brutality. This barbarous system of warfare has been persisted in by the French against all the dictates of humanity, civilization, and Christianity. It is alleged in extenuation, that the Kabyles are ferocious, addicted to murder, torturing their prisoners, and that with savages lenity is a mistake. The policy of a civilized government resorting to the lex talianis may well be doubted.
  • Friedrich Engels (trad. revue IVème Internationale (1964)), 1857, dans The New American Cyclopaedia, article "Algeria", paru chez D. Appleton and Company, 1859, p.350, George Ripley.


Lisez dans les annales algériennes les innombrables récits de tribus massacrées par le système des razzias. [...] Voulez-vous la définition de la guerre de razzia par celui-là même qui l'a inventée ? elle n'est pas de moi cette définition ; vous allez juger le caractère de cette guerre par la définition qu'en a faite celui qui en est l'auteur [Bugeaud] ; la voici dans son texte : « Vous ne labourerez pas, vous ne sèmerez pas, vous ne pâturerez pas sans ma permission. » Qu'est-ce qu'une razzia ? ajoute l'écrivain militaire. « C'est une irruption soudaine ayant pour objet de surprendre les tribus... (Ecoutez.) pour tuer les hommes, pour enlever les femmes... » les femmes innocentes et les enfants. L'enlèvement d'enfants à la mamelle, par des cavaliers qui ont tué les pères et enlevé les mères, je le demande à votre bon sens, y a-t-il bien loin de là, d'un pareil système de guerre, d'un pareil système de refoulement, à un honteux et fatal système d'extermination ?
  • Discours d'Alphonse de Lamartine sur l'Algérie à l'Assemblée nationale le 10 juin 1846


Ni l'armée ni l'administration françaises n'ont voulu ni perpétré l'extermination des Algériens.
  • Pour en finir avec la repentance coloniale (2006), Daniel Lefeuvre, éd. Flammarion, 2008, p. 65


...projets barbares de refoulement et d'extermination. Il est un peu tard pour le reconnaitre, après s'être laissé entrainé à d'horribles dévastations; de longtemps le pays ne possèdera de nombreux bestiaux, des arbres fruitiers; ce sera un grand retard...; de longtemps enfin cette population ne sera rentrée dans un état de soumission paisible qui, quoi qu'on en dise, est assez dans sa nature...
  • Discours du général Fabvier sur les procédés militaires lors de la la guerre en Afrique du Nord
  • Général Fabvier, 1846, dans Le Général Fabvier. Sa vie militaire et politique (1904), paru chez Adamant Media Corporation, 2005, p.450, Antonin Debidour.


Le colonialisme se bat pour renforcer sa domination et l'exploitation humaine et économique. Il se bat aussi pour maintenir identiques l'image qu'il a de l'Algérien et l'image dépréciée que l'Algérien avait de lui-même.
  • L'An V de la révolution algérienne (1959), Frantz Fanon, éd. La Découverte, 2001, p. 12


Cette terre, qui nous avait été présentée comme sauvage et inhabitée, nous offrait au contraire le coup d'œil le plus pittoresque et le plus varié. Elle est couverte de jolies maisons de campagne entourées de jardins ; toutes sont bâties sur des hauteurs dont les mouvements onduleux contrastent tout-à-fait avec l'aridité et les formes brisées des côtes de Provence[...]. La végétation y est superbe, et partout des sources et des courants d'eau y fécondent la terre. Les fruits y sont en abondance.


Jean-Gabriel Capot de Feuillide

C'est par nos propres excès, et non par les leurs, que nous sommes entrés dans le système de l'extermination et du refoulement. [...] On exterminait les Arabes, disait-on, à cause de leur perfidie et du peu de foi qu'il fallait ajouter à leurs promesses les plus solennelles; [...] On exterminait les Arabes en disant qu'ils ne travailleraient

jamais avec nous ni pour nous, et qu'ainsi leur présence en Algérie serait un éternel obstacle à toute entreprise de routes, de canaux, de défrichements, de cultures;[...] On exterminait les Arabes sous prétexte qu'ils enterraient, gâtaient ou brûlaient leurs denrées pour n'avoir pas à nourrir nos troupes; [...] On exterminait les Arabes parce que, disait-on, ils ne voudraient pas louer leurs bras aux travaux agricoles des conquérants, et que dès lors il fallait bien faire de la place aux travailleurs qui viendraient d'Europe; [...] On exterminait les Arabes parce que, assurait-on encore, les tribus guerrières, qui forment chez eux comme une noblesse d'épée, ne seraient jamais nos alliées, nos auxiliaires;[...] Enfin on exterminait les Arabes sous prétexte que nous n'aurions avec eux et par eux ni commerce, ni culture, ni rien de ce qui met en communication pacifique un peuple avec un autre peuple. [...] Avec le fer on extermina les Arabes; avec de l'or on les eût conquis. C'est du reste ce côté méconnu de la nature arabe qui, puissamment aidé par les impossibilités que

l'autre côté opposait au système de l'extermination, a fini à la longue par agir sur la conscience même des exterminateurs. Autant au moins que nos victoires, il a contribué à tuer ce système. Je suis certain qu'en prenant ainsi la question, l'histoire dira un jour que ce sont les Arabes qui nous ont pacifié comme malgré nous.


A l'heure où j'écris, il en reste un vieux levain qui s'agite et rêve encore une extension nouvelle de conquête par extermination et refoulement. Quand nous occupâmes le Sahel, il fallut raser le sol et exterminer les races; sans quoi, disaient ces hommes, on ne pourrait ni s'établir ni cultiver. On rasa, on extermina. Depuis plus de vingt années, les travailleurs et les cultures de France n'ont encore, ni en nombre, ni en étendue, remplacé les bras et les cultures arabes. Quand nous nous étendîmes dans la province d'Oran, sans laquelle, disaient-ils, notre conquête serait toujours menacée par les tribus du Sud, ils demandèrent qu'on rasât et qu'on exterminât, pour qu'ils pussent cultiver. On rasa, on extermina encore. Dans la province d'Oran, les bras et la culture de France n'ont pas plus, en nombre et en étendue, remplacé les bras et la culture arabes que dans le Sahel et dans la Mitidja. Quand nous nous lançâmes dans les deux expéditions, si coûteuses d'or et de sang, de la province de Constantine, sous le prétexte aussi d'abriter notre conquête contre les tribus de l'Est, ce furent les mêmes exigences d'extirpation et d'extermination. Même satisfaction leur fut donnée; mêmes résultats pour le peuplement et les cultures que dans les provinces d'Alger et d'Oran.
  • L'Algérie francaise, Capo de Feuillide, éd. Plon, 1856, p. 65


Il faut se résigner à refouler au loin, à exterminer même la population indigène [de l'Algérie].
  • Étienne Gérard était en 1832 ministre de la Guerre sous Louis-Philippe
  • Étienne Maurice Gérard, 1832, dans Pourquoi la guerre d’Algérie était devenue inévitable, paru L'Humanité, 28 octobre 2004, Hassane Zerrouky.


L'unité nationale fut imposée par la force. Il y eut, dès la conquête, un parti français favorable à la colonisation. Le nationalisme algérien, qui n'a trouvé son unité qu'après 1962, s'est imposé par la guerre civile. L'élite sociale et politique a dû composer avec la mentalité militariste.


Le Comte d'Hérisson

C'était bien une guerre, une vraie guerre, très dure, très laborieuse, très difficile, mais sui generis.
  • La chasse à l'homme; guerres d'Algérie, Le Comte d'Hérisson, éd. P. Ollendorff, 1891, p. 10


II est vrai que nous rapportons un plein baril d'oreilles récoltées paires à paires sur les prisonniers, amis ou ennemis.[...] Des cruautés inouïes, des exécutions froidement ordonnées, froidement exécutées à coups de fusil, à coups de sabre, sur des malheureux dont le plus grand crime était quelquefois de nous avoir indiqué des silos vides.
  • La chasse à l'homme; guerres d'Algérie, Le Comte d'Hérisson, éd. P. Ollendorff, 1891, p. 133


Les villages que nous avons rencontrés, abandonnés par leurs habitants, ont été brûlés et saccagés ; [...] on a coupé leurs palmiers, leurs abricotiers parce que les propriétaires n'avaient pas eu la force nécessaire pour résister à leurs émirs et lui fermer un passage ouvert à tout le monde chez ces tribus nomades. Toutes ces barbaries ont été commises sans tirer un coup de fusil, car les populations s'enfuyaient devant nous, chassant leurs troupeaux et leurs femmes, délaissant leurs villages.
  • La chasse à l'homme; guerres d'Algérie, Le Comte d'Hérisson, éd. P. Ollendorff, 1891, p. 134


Les oreilles indigènes valurent longtemps encore 10 francs la paire, et leurs femmes demeurèrent, comme eux, d’ailleurs, un gibier parfait.
  • La chasse à l'homme; guerres d'Algérie, Le Comte d'Hérisson, éd. P. Ollendorff, 1891, p. 349


L’armée faite féroce par l’Algérie. Le général Le Flô me disait hier soir : "Dans les prises d’assaut, dans les razzias, il n’était pas rare de voir les soldats jeter par les fenêtres des enfants que d’autres soldats en bas recevaient sur la pointe de leurs baïonnettes. Ils arrachaient les boucles d’oreilles aux femmes et les oreilles avec, ils leur coupaient les doigts des pieds et des mains pour prendre leurs anneaux. Quand un Arabe était pris, tous les soldats devant lesquels il passait pour aller au supplice lui criaient en riant : cortar cabeza !. Le frère du général Marolles, officier de cavalerie,

reçut un enfant sur la pointe de son sabre, Il en a du moins la réputation dans l’armée, et s’en est mal justifié." Atrocités du général Négrier. Colonel Pélissier : les Arabes fumés vifs.

  • 16 octobre 1852
  • Choses vues 1849-1885, Victor Hugo, éd. Gallimard, 1997, p. 286


Il n'est plus question, Dieu merci, d'extermination ; les indigènes [d'Algérie], traités avec bienveillance, admis à tous les concours, peuvent s'instruire et s'enrichir à notre école. Cette politique a un double effet, elle assied la pacification sur sa véritable base, et elle accélère la seule production rurale qui ait jusqu'ici quelque importance. Je souhaite que les bras et les capitaux de l'Europe émigrent en abondance en Afrique, mais, à parler franchement, je n'y compte guère; l'Europe n'a pas trop de ses capitaux pour elle-même, et ses bras surabondants trouvent ailleurs un emploi plus fructueux. Dans tous les cas, que l'émigration européenne devienne nombreuse ou non, ce que l'Algérie a de mieux à faire, c'est de chercher chez elle ses principaux moyens de progrès. Le premier de tous est l'élève du bétail, soit colonial, soit indigène.


Jean-Jacques Jordi

D'un côté, les Français d'Algérie, de quelque origine qu'ils soient, considèrent qu'ils ont fait l'Algérie ; de l'autre, les Algériens soutiennent que la France a défait l'Algérie. Les deux ont pourtant raison car la conquête et la colonisation du pays ont été une "destruction créatrice".
  • « L'Algérie » (2007), dans Dictionnaire de la France coloniale, Jean-Jacques Jordi, éd. Flammarion, 2007, p. 218


Envers et contre toute vérité historique, ces représentants défendent le mythe d’une colonisation généreuse et civilisatrice conforme aux idéaux que la France est réputée avoir toujours défendus en cette terre algérienne. […] Oubliés donc les centaines de milliers de morts, civils pour la plupart, tués par les colonnes infernales de Bugeaud et de ses successeurs entre 1840 et 1881, entraînant une dépopulation aussi brutale que spectaculaire au terme de laquelle près de 900 000 "indigènes" […] disparurent. Oubliées les razzias meurtrières et systématiques, et les spoliations de masse destinées à offrir aux colons venus de métropole les meilleures terres. Oublié le code de l’indigénat, ce monument du racisme d’État, adopté le 28 juin 1881 par la IIIe République pour sanctionner, sur la base de critères raciaux et cultuels, les "Arabes" soumis à une justice d’exception, expéditive et dérogatoire enfin à tous les principes reconnus par les institutions et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Oubliés les massacres de Sétif et Guelma perpétrés, le 8 mai 1945, par l’armée française […] le jour même où le pays fêtait dans l’allégresse sa libération. Oubliés les 500 000 morts, les 3 000 disparus […] et les milliers de torturés de la dernière guerre d’Algérie. [...] Singulière époque, étrange conception du "devoir de mémoire" qui se révèle partiel parce qu’il est partial, déterminé qu’il est par des préoccupations partisanes. [...] Extraordinaire persistance, enfin, de ce passé-présent qui, inlassablement, continue d’affecter notre actualité en y instillant le mensonge et la falsification mis au service de sordides considérations électoralistes et d’ambitions présidentielles.
  • À propos de la future loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
  • Olivier Le Cour Grandmaison, 2 février 2005, dans Point de vue, le négationnisme colonial, paru Le Monde, Olivier Le Cour Grandmaison.


On nous avait fait le coup des aspects positifs de Vichy (bouclier, moindre mal, grandes réformes économiques et sociales...). Voilà qu’on nous refait celui du rôle positif, voire de l’œuvre humaniste, de la présence française en Afrique (équipements, santé, Savorgnan de Brazza, Lyautey, nos ancêtres les Gaulois, l’école de la République ...).[...] Le projet colonial, même s’il n’est pas le seul en cause et si les peuples d’Afrique n’ont pas attendu les négriers occidentaux pour pratiquer la traite des personnes et l’esclavage, est un projet pervers, fondé sur des règles qui font, en tant que telles, honte à une démocratie : Code de l’indigénat, racisme d’État, droit des races dites supérieures à gouverner les inférieures. L’idéologie coloniale, le corps de convictions et de fantasmes qui ont rendu possible la conquête militaire d’une partie du monde par une autre, n’est pas une idéologie génocidaire [...] mais c’est incontestablement, en revanche, une idéologie criminelle [...] : ainsi les 700 000 morts de la conquête de l’Algérie par Bugeaud et Pélissier ; ainsi les 45 000 morts de Sétif ; ainsi les 90 000 victimes de la pacification de Madagascar; j’en passe.[...] l’idée coloniale était, en soi, une idée perverse ; l’aventure coloniale a été, en son principe, une page sombre de notre Histoire ; et il y a dans le geste de ceux qui veulent réviser cette évidence, il y a dans leur aplomb, leur passion, leur enthousiasme repu de beaufs qui se lâchent, un parfum de bond en arrière que l’on n’avait pas senti depuis longtemps.
  • À propos de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
  • Bernard-Henri Lévy, 8 décembre 2005, dans bloc-notes de Bernard-Henri Lévy, paru Le Point, Bernard-Henri Lévy.


La population algérienne a diminué du tiers entre 1830 et 1870 sous le poids de la guerre, des spoliations, des famines et épidémies. Et certains ont annoncé, voire souhaité, sa disparition. Elle sera multipliée par quatre dans le siècle qui suit. Contrairement au discours justifiant la colonisation par un droit ou un devoir de civilisation, par « nos » hôpitaux et « nos » médecins, cette augmentation de la population est due à un ensemble de facteurs où la résistance populaire a pris aussi un aspect démographique - ce que les Québécois ont appelé la « revanche des berceaux. ». Il est non moins vrai que les

Instituts Pasteur installés en Afrique du Nord, comme en Indochine et en Afrique, ont permis des progrès de la médecine importants.

  • « Violence et colonisation », Claude Liauzu, Histoire et Patrimoine, nº 3, été 2005, p. 7


Les colons agricoles français ont une mentalité de pur Boche, avec les mêmes théories sur les races inférieures destinées à être exploitées sans merci. Il n'y a chez eux ni intelligence ni humanité.
  • Maréchal Lyautey, 19 août 1918, dans Lyautey, Juin, Mohammed V, fin d'un protectorat : mémoires historiques, paru chez L'Harmattan, 1991, p.25, Guy Delanoë.


Dans toute l’histoire de la colonisation, l’Algérie est un cas unique. Aucune autre conquête n’a nécessité l’envoi d’une armée aussi nombreuse ni été marquée par des opérations militaires aussi longues et aussi meurtrières. Elle l’est aussi par l’importance de l’immigration européenne, puisque, de toute l’histoire de la colonisation au XIXe siècle, c’est, avec l’Afrique du Sud, le seul cas de colonie de peuplement.
  • Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France, Gilles Manceron, éd. Découverte, 2003, p. 159


Mettre l’accent seulement sur la torture ou les crimes de l’armée française dans la guerre d’Algérie n’incite pas à entamer la nécessaire réflexion globale sur le fait initial - d’où tout le reste a découlé - qu’est le consentement de la République à l’entreprise coloniale et sa légitimation par la doctrine des «races inférieures».
  • Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France, Gilles Manceron, éd. Découverte, 2003, p. 286


Dès les premiers pas [en Algérie] on est gêné par la sensation du progrès mal appliqué à ce pays. C'est nous qui avons l'air de barbares au milieu de ces barbares, brutes il est vrai, mais qui sont chez eux, et à qui les siècles ont appris des coutumes dont nous semblons n'avoir pas encore compris le sens. Nos mœurs imposées, nos maisons parisiennes, nos usages choquent sur ce sol comme des fautes grossières d'art, de sagesse et de compréhension. Tout ce que nous faisons semble un contresens, un défi à ce pays, non pas tant à ses habitants premiers qu'à la terre elle-même.
  • Au Soleil (1884), Guy de Maupassant, éd. Pocket, 1998, Alger, p. 33


Notre système de colonisation consistant à ruiner l’Arabe, à le dépouiller sans repos, à le poursuivre sans merci et à le faire crever de misère, nous verrons encore d’autres insurrections.
  • Au Soleil (1884), Guy de Maupassant, éd. Pocket, 1998, Bou-Amama, p. 44


La Kabylie est plus peuplée que le département le plus peuplé de France. Le Kabyle n'est pas nomade, mais sédentaire et travailleur. Or, l'Algérien n'a pas d'autre préoccupation que de le dépouiller.[...] La Kabylie est le plus beau pays d'Algérie. Eh bien! on exproprie les Kabyles au profit de colons inconnus. Mais comment les exproprie-t-on? On leur paie quarante francs l'hectare qui vaut au minimum huit cents francs. Et le chef de famille s'en va sans rien dire (c'est la loi) n'importe où, avec son monde, les hommes désœuvrés, les femmes et les enfants. Ce peuple n'est point commerçant ni industriel, il n'est que cultivateur. Donc, la famille vit tant qu'il reste quelque chose de la somme dérisoire qu'on lui a donnée. Puis la misère arrive. Les hommes prennent le fusil et suivent un Bou-Amama quelconque pour prouver une fois de plus que l'Algérie ne peut être gouvernée que par un militaire.
  • Au Soleil (1884), Guy de Maupassant, éd. Pocket, 1998, La Kabylie–Bougie, p. 116


Il est certain que la terre, entre les mains des [Européens], donnera ce qu’elle n’aurait jamais donné entre les mains des Arabes Il est certain aussi que la population primitive d'Algérie disparaitra peu à peu; il est indubitable que cette disparition sera fort utile à l'Algérie, mais il est révoltant qu'elle ait lieu dans les conditions ou elle s'accomplit.
  • Au Soleil (1884), Guy de Maupassant, éd. Pocket, 1998, La Kabylie–Bougie, p. 124


Nous nous imaginons bonnement que l'application du régime civil est l'inauguration d'un régime de douceur. C'est, au contraire, dans l'espérance de la plupart des Algériens (les colons), le signal de l'extermination de l'Arabe. Les journaux les plus hostiles au système des bureaux arabes publient à tout instant des articles avec des titres comme celui-ci : « Plus d'arabophiles ! », ce qui équivaut à ce cri : « Vivent les arabophages ! » Le mot d'ordre est : « Extermination ! » la pensée : « Ote-toi de là que je m'y mette ! » Qui parle ainsi ? - Des Algériens d'Alger (les colons) qui dirigent les affaires à la place du gouvernement. Ils n'ont point vu d'autres Arabes que ceux qui leur cirent les bottes : ils font de la colonisation en chambre et de la culture en gandoura.
  • Lettres D'Afrique, Guy de Maupassant, éd. La Boîte à documents, 1990, 20 Août 1881, p. 103


Tout à l'heure, il sera trop tard. Le travail d'extermination se poursuit rapidement. En moins d'un demi-siècle, que de nations j'ai vu disparaître! [...] Où sont nos autres amis, les Indiens de l'Amérique du Nord, à qui notre vieille France avait si bien donné la main? hélas! je viens de voir les derniers qu'on montrait sur des tréteaux... [...] puisse la France sentir à temps que notre interminable guerre d'Afrique [Algérie] tient surtout à ce que nous méconnaissons le génie de ces peuples; nous restons toujours à distance, sans rien faire pour dissiper l'ignorance mutuelle, les malentendus qu'elle cause. Ils ont avoué l'autre jour qu'ils ne combattaient contre nous, que parce qu'ils nous croyaient ennemis de leur religion, qui est l'Unité de Dieu; ils ignoraient que la France, et presque toute l'Europe, eussent secoué les croyances idolâtriques qui pendant le moyen âge ont obscurci l'Unité. Bonaparte le leur dit au Caire; qui le redira maintenant ? Le brouillard se lèvera un jour ou l'autre entre les deux rives, et l'on se reconnaîtra. L'Afrique, dont les races se rapprochent tellement de nos races du Midi, l'Afrique que je reconnais parfois dans mes amis les plus distingués des Pyrénées, de la Provence, rendra à la France un grand service ; elle expliquera en elle bien des choses qu'on méprise et qu'on n'entend pas.
  • Le Peuple, Jules Michelet, éd. Paulin, 1846, p. 217-218


Lieutenant-colonel de Montagnac

Vive Lamoricière ! Voilà ce qui s’appelle mener la chasse avec intelligence et bonheur ! ... Ce jeune général qu’aucune difficulté n’arrête, qui franchit les espaces en un rien de temps, va dénicher les Arabes dans leurs repaires, à vingt-cinq lieues à la ronde, leur prend tout ce qu’ils possèdent : femmes, enfants, troupeaux, bestiaux...
  • Lettres d'un soldat, neuf années de campagnes en Afrique, Lucien de Montagnac, éd. Plon, 1885, Lettre du 1er février 1841, p. 141


Vous me demandez, dans un paragraphe de votre lettre, ce que nous faisons des femmes que nous prenons. On en garde quelques-unes comme otages, les autres sont échangées contre des chevaux, et le reste est vendu à l’enchère comme bêtes de somme.
  • Lettres d'un soldat, neuf années de campagnes en Afrique, Lucien de Montagnac, éd. Plon, 1885, Lettre du 31 mars 1842, p. 225


Il est impossible de se figurer à quelle extrémité nous avons réduit ces malheureuses populations ; nous leur avons enlevé pendant quatre mois, toutes leurs ressources en blé et en orge. Nous leur avons pris leurs troupeaux, leurs tentes, leurs tapis, tous leurs objets de ménage, en un mot toute leur fortune.
  • Lettres d'un soldat, neuf années de campagnes en Afrique, Lucien de Montagnac, éd. Plon, 1885, Lettre du 31 mars 1842, p. 230


Je lui fis couper la tête et le poignet gauche [à un marabout de la province de Constantine] et j’arrivai au camp avec sa tête piquée au bout d’une baïonnette et son poignet accroché à la baguette d’un fusil. On les envoya au général Baraguay d’Hilliers qui campait près de là, et qui fut enchanté, comme tu le pense...
  • Lettres d'un soldat, neuf années de campagnes en Afrique, Lucien de Montagnac, éd. Plon, 1885, p. 297


Nous nous sommes établis au centre du pays brûlant, tuant, saccageant tout. Quelques tribus pourtant résistent encore, mais nous les traquons de tous côtés, pour leur prendre leurs femmes, leurs enfants, leurs bestiaux.
  • Lettres d'un soldat, neuf années de campagnes en Afrique, Lucien de Montagnac, éd. Plon, 1885, Lettre du 2 mai 1843, p. 311


Toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être pris, saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe: l'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis le pied. Qui veut la fin veut les moyens, quoiqu'en disent nos philanthropes. Tous les bons militaires que j'ai l'honneur de commander sont prévenus par moi-même que s'il leur arrive de m'amener un Arabe vivant, ils recevront une volée de coups de plat de sabre. [...] Voilà, mon brave ami, comment il faut faire la guerre aux Arabes : tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger les bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens.
  • Lettres d'un soldat, neuf années de campagnes en Afrique, Lucien de Montagnac, éd. Plon, 1885, Lettre du 15 mars 1843, p. 334


500 000 ? Un million ? La vérité doit se situer entre ces chiffres. Diminuer serait amoindrir une terrible réalité.
  • Montagnon s'interrogeant sur le nombre de victimes de la conquête de l'Algérie
  • La conquête de l'Algérie 1830-1871, Pierre Montagnon, éd. Pygmalion, 1986, p. 414


Dans l'œuvre française en Algérie, il y a, certes, bien des insuffisances, bien des erreurs, bien des fautes, peut-être quelques crimes. Mais ce n'est pas sur quelques taches qui parsèment sa façade que l'on juge un édifice. C'est sur son archirtecture générale. L'Algérie est une création française, dont la France doit et peut être fière. Avant notre arrivée [...] il n'y avait pas d'Algérie. C'était de la côte au Sahara et de Tébessa à Tlemcen le chaos et l'anarchie. Les tribus se combattaient, la guerre et le brigandage étaient partout. Ce pays n'avait pas de nom parce qu'il n'avait pas d'unité, parce qu'il n'existait pas. Ce sont les Français qui lui donnèrent son nom : Algérie [...]. Nous avons fait ce pays, économiquement et même politiquement. Et si nous n'y avons pas tout fait, si nous y avons péché par sous-développement, sous-administration, sous-encadrement, du moins lui avions-nous apporté la paix intérieure et peu à peu le sentiment de son existence.
  • 15 janvier 1957, Marcel-Edmond Naegelen fut député socialiste, ministre et gouverneur général de l'Algérie de 1948 à 1951.
  • Algérie, 1830-1962, Jeanne Caussé, Bruno de Cessole, éd. Maisonneuve & Larose, 1999, Marcel-Edmond Naegelen, 15 janvier 1957, p. 473


S’il y a eu vraisemblablement plusieurs centaines de milliers de cas de torture, c’est par millions que se sont comptés les « regroupés », les Algériens chassés de leurs villages devenus « zones interdites » pour être enfermés dans de « nouveaux villages » où ils étaient totalement dépaysés, au sens étymologique du mot, privés des terres de pâture de leur bétail, privés de leurs champs. Sans doute ces centres de regroupement n’étaient-ils pas des camps d’extermination, mais on pouvait très bien y mourir de faim.
  • Les crimes de l’armée française, Algérie 1954-1962 (1975), Pierre Vidal-Naquet, éd. La Découverte, 2001, Vingt-cinq ans après : réflexions sur un retour, p. V


Théodore Pein

Les Ouled Saad avaient abandonné femmes et enfants dans les buissons, j'aurais pu en faire un massacre, mais nous n'étions pas assez nombreux pour nous amuser aux bagatelles de la porte : il fallait garder une position avantageuse et décrocher ceux qui tiraient sur nous.
  • Lettres familières sur l'Algérie, Colonel Pein, éd. A. Jourdan, 1893, p. 26


Le carnage fut affreux ; les habitations, les tentes des étrangers dressées sur les places, les rues, les cours furent jonchées de cadavres. Une statistique faite à tête reposée et d'après les meilleurs renseignements, après la prise, constate le chiffre de 2 300 hommes, femmes ou enfants tués ; mais le chiffre de blessés fut insignifiant, cela se conçoit. Les soldats, furieux d'être canardés par une lucarne, une porte entrebâillée, un trou de la terrasse, se ruaient dans l'intérieur et y lardaient impitoyablement tout ce qui s'y trouvait ; vous comprenez que, dans le désordre, souvent dans l'ombre, ils ne s'attardaient pas à établir de distinction d'âge ni de sexe : ils frappaient partout et sans crier gare !.
  • prise de Laghouat, à laquelle Pein assista le 2 décembre 1852 :
  • Lettres familières sur l'Algérie, Colonel Pein, éd. A. Jourdan, 1893, p. 393


Comment [...] ne pas être convaincu de notre responsabilité spécifiquement française dans l'actuel drame algérien ? Comment croire, un seul instant, qu'il est sans conséquence pour un pays comme l'Algérie d'avoir subi cent trente ans la négation des structures sociales, l'éradication de ses fondements culturels, d'avoir vécu une sorte de dissidence intérieure de tout un peuple, de n'avoir connu de l'État de droit que l'application du droit du plus fort, d'états d'exception en états d'exceptions, d'avoir perdu un million des siens.


Prise dans son ensemble, l'œuvre de la nation conquérante, mélangée de bien et de mal et très complexe dans ses effets comme toutes les œuvres humaines, n'a pas eu pour résultante générale la diminution et l'abaissement des indigènes. Sans doute il s'est trouvé des hommes pour demander que la loi du talion historique soit appliquée aux Arabes et qu'ils soient « refoulés » vers le désert, comme ils refoulèrent jadis les Berbères vers les montagnes. En beaucoup d'endroits du Tell et aux alentours des villes ces procédés de « refoulement » ont même été mis en pratique, d'une manière indirecte et légale, « par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique » ; mais la plupart des Arabes sont encore en possession de leurs terres, et la part qui leur est restée serait largement suffisante pour les nourrir si elle appartenait aux cultivateurs eux-mêmes, et non pas à de grands chefs, vrais possesseurs sous le nom de la tribu. En dépit des injustices et des cruautés qui accompagnent toute prise de possession violente, la situation des Arabes n'a point empiré; celle des Kabyles, des Biskri, des Mzabites s'est améliorée, grâce à l'extension qui a été donnée à leurs industries et à leur commerce. L'Algérie a beaucoup plus reçu de la France qu'elle ne lui a rendu, et les habitants du pays, quoique non traités en égaux, ont à maints égards gagné en liberté depuis l'époque ou commandait le Turc.
  • Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, Élisée Reclus, éd. Hachette, 1886, t. 11, Mœurs des Kabyles, p. 296-297


Les Français recommencent l'œuvre des Romains, mais en des conditions que la marche de l'histoire a rendues bien différentes. Si ce n'est dans l'Europe occidentale et en Maurétanie, où il atteignait l'Océan, le monde romain était entouré de tous les côtés par des régions inconnues, peuplées d'ennemis; la pression extérieure se faisait sentir constamment sur les frontières, et le moindre relachement des forces dans l'organisme intérieur permettait à l'étau de rapprocher ses branches : il finit par se fermer complètement lors de la rupture d'équilibre politique produite par la migration des Barbares. Aujourd'hui le monde civilisé, que l'on peut, à défaut d'autre nom collectif, appeler le monde européen, n'est point environné par des populations barbares ; au contraire, il les entoure d'une zone incessamment agrandie, il les pénètre, les transforme, leur apporte une industrie nouvelle et de nouvelles mœurs. [...] Maintenant une ère nouvelle a commencé, grâce à l'annexion graduelle du monde barbare au domaine européen, et la postérité pourra reconnaître sans peine la part de travail accomplie depuis 1850 par les colonisateurs français, espagnols, italiens. Elle est déjà fort considérable : d'année en année on voit changer l'aspect de l'Algérie par la naissance des villes, l'accroissement des cultures, l'extension du réseau des routes et des voies ferrées.
  • Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, Élisée Reclus, éd. Hachette, 1886, t. 11, p. 396


Malgré sa paresse et son insouciance, le peuple maure, pris en général, a peut-être plus d'éducation que le peuple français, presque tous les hommes savent lire, écrire et un peu compter; il y a un grand nombre d'écoles publiques dans la régence d'Alger, où on instruit les enfans dès l'âge de quatre ans.
  • Le Lieutenant-colonel Claude-Antoine Rozet (1798-1858), servit en Algérie comme capitaine et chef d'escadron d'état-major (1830-1833).


Maréchal Saint-Arnaud

Le pillage exercé d’abord par les soldats, s’étendit ensuite aux officiers, et quand on évacua Constantine, il s’est trouvé comme toujours, que la part la plus riche et la plus abondante était échouée à la tète de l’armée et aux officiers de l’état-major.
  • Prise de Constantine, octobre 1837


Ces Kabyles sont les soldats les plus braves de toute l'Afrique. Il y en a qui sont venus sur nos pièces et qui

ont été tués par la mitraille a dix pas. Le cadavre du père était tombé, les deux fils se sont fait tuer dessus à coups de baïonnettes. Ce n'est déjà pas si sauvage, en civilisation on ne fait pas mieux que cela.

  • Djidjelli, 25 mai 1839


Nous resterons jusqu’à la fin de juin à nous battre dans la province d’Oran, et à y ruiner toutes les villes, toutes les possessions de l’émir.

Partout, il trouvera l’armée française, la flamme à la main.

  • Mai 1841


Mascara, ainsi que je l’ai déjà dit, a dû être une ville belle et importante. Brulée en partie et saccagée par le marechal Clauzel en 1835.
  • Juin 1842


Nous sommes dans le centre des montagnes entre Miliana et Chechell. Nous tirons peu de coup de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes. L’ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux.
  • Avril 1842


Le pays des Beni-Menasser est superbe et l’un des plus riches que j’ai vu en Afrique. Les villages et les habitants sont très rapprochés. Nous avons tout brûlé, tout détruit. Oh la guerre, la guerre ! Que de femmes et d’enfants, réfugiés dans les neiges de l’Atlas, y sont morts de froid et de misère! Il n’y a pas dans l’armée cinq tués et quarante blessés.
  • Région de Cherchell, avril 1842


Abd el Kader nous a renvoyé sans condition, sans échange, tous nos prisonniers. Il leur a dit : « Je n’ai plus de quoi vous nourrir, je ne veux pas vous tuer, je vous renvoie». Le trait est beau pour un barbare.
  • 14 mai 1842


Le lendemain 4, je descendais à Haimda, je brûlais tout sur mon passage et détruisais ce beau village. [...] Il était deux heures, le gouverneur (Bugeaud) était parti. Les feux qui brûlaient encore dans la montagne, m’indiquaient la marche de la colonne. [...] Des tas de cadavres pressés les uns contre les autres et morts gelés pendant la nuit ! C’était la malheureuse population des Beni-Naâsseur, c’étaient ceux dont je brûlais les villages, les gourbis et que je chassais devant moi.
  • Région de Miliana, février 1843
  • Lettres du Maréchal Saint-Arnaud, Maréchal Saint-Arnaud, éd. Michel Lévy frères, 1855, t. 1, p. 472-474


Les beaux orangers que mon vandalisme va abattre !...je brûle aujourd’hui les propriétés et les villages de Ben-Salem et de Bel-Cassem-ou-Kassi.
  • Région de Bougie, 2 octobre 1844


J’ai brûlé plus de dix villages magnifiques.
  • Kabylie, 28 octobre 1844


Le même jour, je poussais une reconnaissance sur les grottes ou plutôt cavernes, deux cents mètres de développement, cinq entrées. Nous sommes reçus à coups de fusil, et j’ai été si surpris que j’ai salué respectueusement quelques balles, ce qui n’est pas mon habitude. Le soir même, investissement par le 53e sous le feu ennemi, un seul homme blessé, mesures bien prises. Le 9, commencement des travaux de siège, blocus, mines, pétards, sommations, instances, prières de sortir et de se rendre. Réponse : injures, blasphèmes, coups de fusil... feu allumé. 10, 11, même répétition. Un Arabe sort le 11, engage ses compatriotes à sortir ; ils refusent. Le 12, onze Arabes sortent, les autres tirent des coups de fusil. Alors je fais hermétiquement boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n’est descendu dans les cavernes ; personne... que moi ne sait qu’il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français. Un rapport confidentiel a tout dit au maréchal, simplement, sans poésie terrible ni image. Frère, personne n’est bon par goût ou par nature comme moi. Du 8 au 12, j’ai été malade, mais ma conscience ne me

reproche rien. J’ai fait mon devoir de chef, et demain je recommencerais. Mais j’ai pris l’Afrique en dégoût.

  • 15 août 1845, Saint-Arnaud envoie à son frère le récit de l'enfumade des Sbéahs près de Ténès


II y avait encore des groupes nombreux d’ennemis sur les pitons, j’espérais un second combat. Ils ne sont pas descendus et j’ai commencé à couper de beaux vergers et à brûler de superbes villages sous les yeux de l’ennemi.
  • Dahra, mars 1846


J’ai laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ deux cents, ont été brûlés, tous les jardins saccagés, les oliviers coupés.
  • Petite Kabylie, mai 1851


Nous leur avons fait bien du mal, brûlé plus de cent maisons couvertes en tuile, coupé plus de mille oliviers.
  • Petite Kabylie, juin 1851


La conquête [de l'Algérie] s’est faite par la violence; la surexploitation et l’oppression exigent le maintien de la violence, dont la présence de l’armée. [...] Le colonialisme refuse les droits de l’homme à des hommes qu’il a soumis par la violence, qu’il maintient de force dans la misère et l’ignorance, donc, comme dirait Marx, en état de "sous-humanité". Dans les faits eux-mêmes, dans les institutions, dans la nature des échanges et de la production, le racisme est inscrit.
  • « Les Temps modernes » (juillet-août 1957), dans Situations V, Jean-Paul Sartre, éd. Gallimard, 1964, p. 51-52


Au début de la colonisation de l'Algérie, il fut question d'un « refoulement au loin », voire d'une élimination des Arabes. Certains voulaient qu'ils aillent « coloniser le désert ». Un refoulement systématique eût conduit à une extermination partielle, sans intention apparente.
  • Théorie générale de la population (1954), Alfred Sauvy, éd. PUF, 1963, t. 2, p. 321


[...] qu'allons-nous faire à notre insu dans l'Algérie? Ressusciter l'Afrique. La race sémitique est une de ces races fortes qui, après avoir fait leur temps, s'usent et tombent. Sa civilisation a précédé la nôtre et avait même jeté un grand éclat : cet éclat est fini; mais il peut renaître. Il dépend de nous de communiquer aux Arabes de nouvelles forces pour continuer leur progrès. La France gagnerait de son côté à retremper la fibre molle de ses habitans du nord dans cette nature sèche et bouillante de l'Atlas. Il est des races comme des individus; il y a chez elles déperdition de forces, l'action leur enlève chaque jour de leur puissance; il faut alors que, pour se conserver et s'accroître, elles puisent sans cesse dans les autres races les élémens de leur vitalité. Le type arabe est magnifique et répond assez bien au type français; nous avons reconnu notre image dans cette race nerveuse qui se nourrit de ses luttes et qui s'endurcit de ses cicatrices. Lien naturel des peuples de notre continent avec ceux de l'extrémité de l'Afrique, l'Arabe nous initie à une plus ample conquête. .
  • Paris ou Les sciences, les institutions, et les mœurs au XIXe siècle, Alphonse Esquiros, éd. Hachette, 1847, t. 1, Du mouvement des races humaines (Cours de M.Serres), p. 460-461


Pierre-Alban Thomas

Quant à la colonisation, ce "vol à main armée", selon l'anti-esclavagiste Victor Schœlcher, combien de temps faudra-t-il attendre pour que la lumière soit faite, en toute impartialité, sur ces méfaits et ses bienfaits ? La conquête en dépit des massacres qui l'ont accompagnée, n'a pas encore été reconnue illégalle, contraire au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes[...]. N'a-t-il pas fallu ettendre soixante ans avant que les massacres de Sétif et de Guelma soient officiellement avourés et déplorés ? Ceux de la guerre d'Algérie ne les ont pas encore, de cette guerre qui est la résultante et la phase

ultime de l'action colonisatrice de la France.

  • Pour l'honneur de l'armée réponse au général Schmitt sur la guerre d'Algérie, lieutenant-colonel Pierre-Alban Thomas, éd. L'Harmattan, 2006, La colonisation, p. 87


D'une autre part, j'ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n'approuve pas, trouver mauvais qu'on brûlât les moissons, qu'on vidât les silos et enfin qu'on s'emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. Et, s'il faut dire ma pensée, ces actes ne me révoltent pas plus ni même autant que plusieurs autres que le droit de la guerre autorise évidemment et qui ont lieu dans toutes les guerres d'Europe. En quoi est-il plus odieux de brûler les moissons et de faire prisonniers les femmes et les enfants que de bombarder la population inoffensive d'une ville assiégée ou que de s'emparer en mer des vaisseaux marchands appartenant aux sujets d'une puissance ennemie ? L'un est, à mon avis, beaucoup plus dur et moins justifiable que l'autre. Si en Europe on ne brûle pas les moissons, c'est qu'en général on fait la guerre à des gouvernements et non à des peuples.[...] Le second moyen en importance, après l'interdiction du commerce, est le ravage du pays. Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l'époque de la récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu'on nomme razzias et qui ont pour objet de s'emparer des hommes ou des troupeaux.
  • « Travail sur l'Algérie » (1841), dans Alexis de Tocqueville, De la colonie en Algérie, Alexis de Tocqueville, éd. Complexe, 1988, p. 77


Quoi qu'il en soit, on peut dire d'une manière générale que toutes les libertés politiques doivent être suspendues en Algérie.
  • « Travail sur l'Algérie » (1841), dans Alexis de Tocqueville, De la colonie en Algérie, Alexis de Tocqueville, éd. Complexe, 1988, p. 143


La société musulmane, en Afrique, n'était pas incivilisée ; elle avait seulement une civilisation arriérée et imparfaite. Il existait dans son sein un grand nombre de fondations pieuses, ayant pour objet de pourvoir aux besoins de la charité ou de l'instruction publique. Partout nous avons mis la main sur ces revenus en les détournant en partie de leurs anciens usages. Nous avons réduit les établissements charitables, laissé tomber les écoles, dispersé les séminaires. Autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé. C'est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle n'avait été avant de nous connaître.
  • « Rapport sur l'Algérie » (1847), dans Alexis de Tocqueville, De la colonie en Algérie, Alexis de Tocqueville, éd. Complexe, 1988, p. 169-170


Si [...] nous agissions de manière à montrer qu'à nos yeux les anciens habitants de l'Algérie ne sont qu'un obstacle qu'il faut écarter ou fouler aux pieds; si nous enveloppions leurs populations, non pour les élever dans nos bras vers le bien-être et la lumière, mais pour les y étreindre et les y étouffer, la question de vie ou de mort se poserait entre les deux races. L'Algérie deviendrait, tôt ou tard, croyez-le, un champs clos, une arène murée, ou les deux peuples devraient combattre sans merci, et l'un deux devrait mourir.
  • Œuvres, papiers et correspondance, Alexis de Tocqueville, éd. Michel Lévy frères, 1866, t. 9, p. 443


Par quel moyen le Journal des Débats veut-il que nous puissions détruire les croyances de toute l'Algérie ? Y en a-t-il un autre que de faire aux Arabes une guerre d'extermination, ou de ruiner, par les bienfaits chrétiens de la civilisation chrétienne, cette redoutable foi qui leur fait inaltérablement espérer la victoire et chercher la mort ? Il n'y a pas trois procédés pour soumettre l'Algérie et la tenir en paix : il faut vaincre Mahomet, ou exterminer les Arabes ; il faut amener ces peuples au Christianisme, qui seul les rendra Français, ou accepter la mission sauvage et funeste de les détruire. C'est à choisir entre le missionnaire qui donne, au besoin, sa vie sans la défendre pour frayer la route à l'Évangile, ou le soldat, dont le courage, respectable aussi, devient aisément cruel. Il faut bâtir des églises ou allumer des fascines aux issues des grottes du Dahra. De ces deux moyens, quel est celui que le Journal des Débats préfère dans sa tolérance et dans son amour pour l'humanité ?
  • Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires, 1842-1856, Louis Veuillot, éd. Gaume, 1857, La croisade en Algérie (7 juin 1847), p. 565


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