Colonisation

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La colonisation est un processus d'expansion et de domination politique, culturelle et économique (à différencier du colonialisme qui est une doctrine ou une idéologie) pratiquée par certains États sur d'autres États ou peuples alors obligés d'accepter des liens plus ou moins étroits de dépendance

Colonisation de l'Algérie[modifier]

Voir le recueil de citations : Conquête et colonisation de l'Algérie

Politique coloniale[modifier]

Alain Accardo[modifier]

Du temps des entreprises coloniales on disait en Europe que les peuples du Tiers-monde étaient «primitifs», «arriérés», «barbares», «non-civilisés», etc. Ce qui contribuait à transfigurer le processus brutal d'expropriation colonialiste en mission civilisatrice et humanitaire.
  • Introduction à une sociologie critique, Alain Accardo, éd. Mascaret, 1997, chap. 2-La légimité, p. 38


Albert Bayet[modifier]

Apporter la science aux peuples qui l'ignorent, leur donner routes, canaux, chemins de fer, autos, télégraphe, téléphone, organiser chez eux des services d'hygiène, leur faire connaître enfin les Droits de l'Homme, c'est une tâche de fraternité [...]. Le pays qui a proclamé les Droits de l'Homme, qui a contribué brillamment à l’avancement des sciences, qui a fait l’enseignement laïque, le pays qui, devant les nations, est le grand champion de la liberté, a [...] la mission de répandre partout où il le peut, les idées qui ont fait sa propre grandeur [...]. Il faut nous considérer comme investis du mandat d’instruire, d’élever, d’émanciper, d’enrichir et de secourir les peuples qui ont besoin de notre collaboration
  • Propos d'Albert Bayet lors du congrès de 1931 de la Ligue des droits de l’homme consacré à la colonisation
  • Albert Bayet, 1931, Ligue des droits de l’homme, dans France coloniale ou parti colonial, paru aux éditions PUF, 1978, p.70, Charles-Robert Ageron.


Léon Blum[modifier]

Nous avons trop l'amour de notre pays pour désavouer l'expansion de la pensée, de la civilisation françaises... Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l'industrie.
  • Déclarations de Léon Blum le 9 juillet 1925 à la Chambre des députés
  • Léon Blum, 9 juillet 1925, Chambre des députés, dans Empire colonial et capitalisme français, paru aux éditions Albin Michel, 1984, p.370, Jacques Marseille.


Saïd Boualam[modifier]

Pour juger [l'œuvre de la France], imposée d'abord par le soldat, rendue possible par le colon, l'ingénieur, le médecin, l'ouvrier, il me parait utile de faire une comparaison. En Algérie, deux recensements 1856 : 2 307 350 Musulmans; 1954 : 8 670 000 Musulmans. En Amérique du Nord, lors de l'arrivée des Blancs, il y avait 1 500 000 Peaux-rouges; aujourd'hui ils sont moins de 300 000. Ces chiffres sont rarement cités par les décolonisateurs ! L'Algérien Boualam ne les oublie pas.
  • Mon pays la France (1963), Saïd Boualam, éd. Pocket, 1973, p. 53


Charles-Édouard Brown-Séquard[modifier]

Les Anglais [...] ont commis sur la race tasmanienne, en plein XIXe siècle, des atrocités exécrables, cent fois plus inexcusables que les crimes jusqu'alors sans rivaux dont les Espagnols du XVe siècle se rendirent coupables aux Antilles.

Ces atrocités ont abouti à une extermination en règle, motivée, disent les optimistes, par l'insociabilité absolue des Tasmaniens. Ce n'est point à nos yeux une circonstance atténuante; mais il résulte réellement de tous les renseignements, que de tous les êtres humains, les Tasmaniens sont, ou plutôt étaient, avec les Australiens, les plus rapprochés de la brute.

  • Les Tasmaniens ont été exterminés entre 1803 et 1835


Albert Camus[modifier]

Le fait est là, clair et hideux comme la vérité : nous faisons dans ces cas-là ce que nous avons reproché aux Allemands de faire.
  • Sur la répression à Madagascar en 1947 et la torture
  • Albert Camus, 10 mai 1947, article "La contagion" dans Combat, dans Albert Camus, l'exigence morale, paru aux éditions Le Manuscrit, Paris, 2006, p.60, Jacqueline Lévi-Valensi.


Si la thèse de l'abandon [de l'Algérie] triomphait, les conséquences seraient terribles pour les Arabes comme pour les Français. C'est le dernier avertissement d'un écrivain voué depuis vingt ans au service de l'Algérie.
  • Nouvelles Paroles d'un revenant, Jacques d'Arnoux, éd. Nouvelles Éditions Latines, 1965, p. 113


Aimé Césaire[modifier]

Oui, il vaudrait la peine d'étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d'Hitler et de l'hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu'il porte en lui un Hitler qui s'ignore, qu'Hitler l'habite, qu'Hitler est son démon, que s'il vitupère, c'est par manque de logique, et qu'au fond, ce qu'il ne pardonne pas à Hitler, ce n'est pas le crime en soi, le crime contre l'homme, ce n'est que l'humiliation de l'homme en soi, c'est le crime contre l'homme blanc, et d'avoir appliqué à l'Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu'ici que les Arabes d'Algérie, les coolies de l'Inde et les nègres d'Afrique.


Entre colonisateur et colonisé, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. J'entends la tempête. On me parle de progrès, de "réalisations", de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d'eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, des cultures piétinées, d'institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d'extraordinaires possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d'hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l'heure où j'écris, sont en train de creuser à la main le port d'Abidjan. Je parle de millions d'hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d'hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme. On m'en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d'hectares d'oliviers ou de vignes plantés. Moi, je parle d'économies naturelles, d'économies harmonieuses et viables, d'économies à la mesure de l'homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières.


Jacques Chirac[modifier]

Pacification, mise en œuvre des territoires, diffusion de l'enseignement, fondation d'une médecine moderne, création d'institutions administratives et juridiques, voilà autant de traces de cette œuvre incontestable à laquelle la présence française a contribué non seulement en Afrique du Nord mais aussi sur tous les continents...A cet hommage que nous dictent le respect, l'admiration et la reconnaissance, nous joindrons aussi celui que nous devons à tous ceux et à toutes celles qui ont contribué à la grandeur de notre pays en incarnant l'œuvre civilisatrice de la France. Nous ne saurions oublier que ces soldats furent aussi des pionniers, des bâtisseurs, des administrateurs de talent qui mirent leur courage, leur capacité et leur cœur à construire des routes et des villages, à ouvrir des écoles, des dispensaires, des hôpitaux.


Georges Clemenceau[modifier]

Regardez l’histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l’oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l’histoire de votre civilisation ! [...] Et c’est un pareil système que vous essayez de justifier en France, dans la patrie des droits de l’homme ! [...] Non, il n’y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations inférieures. [...] N’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires, pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence, l’hypocrisie.
  • En réponse à Jules Ferry
  • Georges Clemenceau, 30 juillet 1885, la Chambre des députés, dans Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France, paru à la Découverte, Paris, 2003, p 106-107, Gilles Manceron.


Races supérieures ! Races inférieures ! C'est bientôt dit. Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure !
  • Georges Clemenceau, 30 juillet 1885, la Chambre des députés, dans Clemenceau journaliste : les combats d'un républicain pour la liberté et la justice, paru chez L'Harmattan, Paris, 2005, (ISBN 2747584755), p. 72, Gérard Minart.


Charles de Gaulle[modifier]

Certes au temps où la colonisation était la seule voie qui permit de pénétrer des peuples repliés dans leur sommeil, nous fûmes des colonisateurs, et parfois impérieux et rudes. Mais au total, ce que nous avons, en tant que tels, accompli laisse un solde largement positif aux nations où nous l'avons fait.
  • De Gaulle vous parle (1967), Charles de Gaulle, éd. Éditions du jour,, 1967, p. 54


Jared Diamond[modifier]

Les tactiques de chasse sur les Tasmaniens incluaient les battues à cheval pour les abattre à l'arme à feu, la pose de pièges en acier pour les capturer, empoisonner la farine qu’ils pouvaient trouver et s’en nourrir. Les bergers coupaient le penis et les testicules des aborigènes mâles, pour les observer courir quelques mètres avant de mourir. Sur une colline baptisée "Le Mont Victoire", les colons abattirent 30 Tasmaniens et jetèrent les corps par-dessus la falaise. Un escadron de police tua 70 Tasmaniens et défonça le crâne des enfants. En 1828 le gouverneur de la Tasmanie déclara la loi martiale, authorisant les Européens à tirer à vue sur tout aborigène se trouvant dans une zone habitée par des Européens.
  • (en) Tactics for hunting down Tasmanians included riding out on horseback to shoot them, setting out steel traps to catch them, and putting out poison flour where they might find and eat it. Sheperds cut off the penis and testicles of aboriginal men, to watch the men run a few yards before dying. At a hill christened Mount Victory, settlers slaughtered 30 Tasmanians and threw their bodies over a cliff. One party of police killed 70 Tasmanians and dashed out the children's brains. In 1828 the governor of Tasmania declared martial law, permitting Europeans to shoot on sight any aborigine found in European-settled areas


Frantz Fanon[modifier]

Le colonialisme et l'impérialisme ne sont pas quitte avec nous quand ils ont retiré de nos territoires leurs drapeaux et leurs forces de police. Pendant des siècles les capitalistes se sont comportés dans le monde sous-développé comme de véritables criminels de guerre. Les déportations, les massacres, le travail forcé, l'esclavagisme ont été les principaux moyens utilisés par le capitalisme pour augmenter ses réserves d'or et de diamants, ses richesses et pour établir sa puissance. Il y a peu de temps, le nazisme a transformé la totalité de l'Europe en véritable colonie. Les gouvernements des différentes nations européennes ont exigé des réparations et demandé la restitution en argent et en nature des richesses qui leur avaient été volées [...]. Pareillement nous disons que les États impérialistes commettraient une grave erreur et une justice inqualifiable s'ils se contentaient de retirer de notre sol les cohortes militaires, les services administratifs et d'intendance dont c'était la fonction de découvrir des richesses, de les extraire et de les expédier vers les métropoles. La réparation morale de l'indépendance nationale ne nous aveugle pas, ne nous nourrit pas. La richesse des pays impérialistes est aussi notre richesse. [...] L'Europe est littéralement la création du tiers monde.
  • Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002, p. 99


Jules Ferry[modifier]

Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder [...] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. [...] Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. [...] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. [...] Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation.
  • Jules Ferry, 28 juillet 1885, devant la Chambre des députés, dans XIXe siècle: collection textes et contextes, paru chez Magnard, Paris, 1981, p.337, Christian Biet, Jean-Paul Brighelli, Jean-Luc Rispail.


Alain Finkielkraut[modifier]

On change l'enseignement de l'histoire coloniale et de l'histoire de l'esclavage dans les écoles. On y enseigne aujourd'hui l'histoire coloniale comme une histoire uniquement négative. On n'enseigne plus que le projet colonial voulait aussi éduquer, apporter la civilisation aux sauvages. On ne parle que des tentatives d'exploitation, de domination, et de pillage. [...] Mon père a été déporté de France. Ses parents ont été déportés et assassinés à Auschwitz. Mon père est revenu d'Auschwitz en France. Ce pays mérite notre haine: ce qu'il a fait à mes parents était beaucoup plus violent que ce qu'il a fait aux Africains. Qu'a-t-il fait aux Africains? Il ne lui a fait que du bien.
  • Alain Finkielkraut, 18 novembre 2005, dans quotidien israélien Haaretz, paru 18 novembre 2005.


Anatole France[modifier]

Les Blancs ne communiquent avec les Noirs ou les Jaunes que pour les asservir ou les massacrer. Les peuples que nous appelont barbares ne nous connaissent encore que par nos crimes. Non certes, nous ne croyons pas qu’il se commette sur cette malheureuse terre d’Afrique plus de cruautés sous notre pavillon que sous les drapeaux des royaumes et des empires. Mais il nous importe à nous, Français, de dénoncer avant tout les crimes commis en notre nom ; il y va de notre honneur, sans compter que parlant de ce qui nous regarde, de ce qui est notre affaire, nous avons un peu plus de chances de ne pas parler en vain. [...] Européens chrétiens, allons nous armer sans cesse contre nous en Afrique, en Asie, d’inextinguibles colères et des haines insatiables et nous préparer pour un avenir lointain sans doute, mais assuré, des millions d’ennemis ?
  • Vers les temps meilleurs (1906), Anatole France, éd. Émile-Paul frères, 1949, t. 2, Meeting de protestation contre la barbarie coloniale, 30 Janvier 1906, p. 136-139


Francis Garnier[modifier]

Un pays comme la France, quand il pose le pied sur une terre étrangère et barbare, doit-il se proposer exclusivement pour but l'extension de son commerce et se contenter de ce mobile unique, l'appât du gain ? Cette nation généreuse dont l'opinion régit l'Europe civilisée et dont les idées ont conquis les monde, a reçu de la Providence une plus haute mission, celle de l'émancipation, de l'appel à la lumière et à la liberté des races et des peuples encore esclaves de l'ignorance et du despotisme. Éteindra-t-elle en ses mains le flambeau de la civilisation vis-à-vis des ténèbres profondes de l'Annam ?
  • La Cochinchine française en 1864, Francis Garnier, éd. E. Dentu, 1864, p. 44-45


Adrien de Gasparin[modifier]

L'extermination est le procédé le plus élémentaire de la colonisation.
  • La France doit-elle conserver Alger ?, Adrien de Gasparin, éd. Béthune et Plon, 1835, p. 44


André Gide[modifier]

Désormais une immense plainte m’habite : je sais des choses et je ne puis pas prendre mon parti. Quel démon m’a poussé en Afrique ? Qu’allais-je chercher dans ce pays ? J’étais tranquille. A présent, je sais : je dois parler.
  • Voyage au Congo (1927), André Gide, éd. Gallimard, 1927, p. 113


Adolf Hitler[modifier]

Les blancs ont toutefois apporté quelque chose à ces peuples (colonisés), le pire qu'ils pussent leur apporter, les plaies du monde qui est le nôtre: le matérialisme, le fanatisme, l'alcoolisme et la syphilis. Pour le reste, ce que ces peuples possédaient en propre étant supérieur à ce que nous pouvions leur donner, ils sont demeurés eux-mêmes [...] Une seule réussite à l'actif des colonisateurs: ils ont partout suscité la haine. Cette haine qui pousse tous ces peuples, réveillés par nous de leur sommeil, à nous chasser. Il semble même qu'ils ne se soient réveillés que pour cela!
  • Testament politique d'Hitler, Adolf Hitler, notes de Martin Bormann, préface de Trevor-Roper, éd. Fayard, 1959, 7 février 1945, p. 71-72


Victor Hugo[modifier]

Que serait l'Afrique sans les blancs ? Rien ; un bloc de sable ; la nuit ; la paralysie ; des paysages lunaires. L'Afrique n'existe que parce que l'homme blanc l'a touchée. Est-ce que vous voyez le barrage ? Il est là, devant vous, ce bloc de sable et de cendre, ce morceau inerte et passif qui, depuis six mille ans, fait obstacle à la marche universelle, ce monstrueux Cham qui arrête Sem par son énormité, -l'Afrique. Quelle terre sue cette Afrique ! L'Asie a son histoire, l'Amérique a son histoire, l'Australie elle-même a son histoire ; l'Afrique n'a pas d'histoire. [...] L'Afrique importe à l'univers. Une telle suppression de mouvement et de circulation entrave la vie universelle, et la marche humaine ne peut s'accommoder plus longtemps d'un cinquième du globe paralysé. [...] Cette Afrique farouche n'a que deux aspects : peuplée, c'est la barbarie ; déserte, c'est la sauvagerie [...] Au dix-neuvième siècle, le blanc a fait du noir un homme ; au vingtième siècle, l'Europe fera de l'Afrique un monde. [...] Allez, Peuples ! emparez-vous de cette terre. Prenez là. A qui ? à personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l'Afrique à l'Europe. Prenez-la. [...] Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes; croissez, cultivez, colonisez, multipliez.
  • Ce banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage, présidé par Victor Hugo, réunissait chez Bonvalet, près de 120 convives. Il avait à sa droite Victor Schoelcher (auteur du décrêt d’abolition de l’esclavage) et Emmanuel Arago, fils du grand savant républicain qui l’a signé comme ministre de la marine. A sa gauche, M Crémieux et Jules Simon. On remarquait dans l’assistance des sénateurs, des députés, des journalistes, des artistes.
  • « Discours sur l'Afrique » (18 mai 1879), dans Œuvres complètes de Victor Hugo, Victor Hugo, éd. J. Hetzel, A. Quantin, 1883, vol. Actes et paroles. IV, partie Assemblée constituante, p. 204 (voir la fiche de référence de l'œuvre)


Cette merveille a disparu. Un jour, deux bandits [la France et l'Angleterre] sont entrés dans le Palais d’été [de Pékin]. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. Une dévastation en grand du Palais d’été s’est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d’Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu’on avait fait au Parthénon, on l’a fait au Palais d’été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l’orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’œuvre d’art, il y avait un entassement d’orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres ; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits. Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voila ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m’en donner l’occasion ; les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais.
  • Lettre de Victor Hugo au capitaine Butler aprés le pillage du Palais d'été de Pékin par les Français et les Anglais le 6 octobre 1860.
  • « Lettre au capitaine Butler » (25 novembre 1861), dans Actes et paroles, Victor Hugo, éd. M. Lévy, 1875, vol. 2-Pendant l'exil, p. 201


Augustin Ibazizen[modifier]

L'aliénation. Voilà un des grands mots d'aujourd'hui. Les doctes sociologues et les psychanalystes s'en sont emparés pour l'appliquer à tout propos, avec ravissement. Depuis que l'Occident a été culpabilisé de ses conquêtes et qu'il s'est retiré des pays occupés, qui forment le gros du Tiers-Monde, le vocable a fait fortune. Il sert à couvrir tous les défoulements, toutes les inaptitudes, tous les refus, toutes les violences. Il est devenu un de ces mots pièges, porteurs d'idées-forces, qui sèment la confusion et qui font barrage sur les voies d'ascension des individus et des peuples. Idées-forces qui poussent certains d'entre eux à haïr à mort et à refuser en bloc l'Occident, symbole du fiel et de l'enfer de la colonisation. Pourtant, tout bilan équitablement dressé, ils doivent quand même à celle-ci d'avoir pu embrayer sur leur avenir. Sans les connaissances et les richesses qu'elle leur a livrées, leurs propres moyens eussent exigé des siècles d'efforts, avant qu'ils ne les acquiè­rent. Là où logiquement les rapports humains devraient rester clairs et confiants, le mot-piège, prêtant à exploitation maligne, a répandu le brouillard et installé la suspicion. Comme si tout n'était pas aliénation dans le monde, depuis la mère qui s'aliène au petit qu'elle nourrit de son lait, jusqu'au saint ermite qui s'aliène à Dieu par adoration, celle-ci étant, disait François Mauriac, la forme d'alié­nation qui « du moins nous préserve de toutes les autres ».
  • Le testament d'un Berbère: un itinéraire spirituel et politique, Augustin Ibazizen, éd. Table ronde, 1979, p. 322


Olivier Le Cour Grandmaison [modifier]

Le Tocqueville des écrits consacrés à l'Algérie scelle donc les noces sanglantes de la pensée démocratique et de l'État d'exception. Il nous contraint à jeter un regard nouveau sur les origines de la colonisation et à reconsidérer nombre de nos jugements. Plus fondamentalement, plus précisément aussi, il oblige à réviser des catégories politiques et juridiques majeures car à travers lui se révèle le fait troublant que l'État de droit n'est pas contradictoire avec les massacres et les crimes contre l'humanité ; les deux coexistent parfois. Mieux, le premier prépare et exécute les seconds puisque c'est le même État qui, respectueux des droits fondamentaux pour ceux qu'il considère comme membres de la communauté nationale qu'il organise, se fait État d'exception permanent pour les hommes et les femmes qui n'en font pas partie. Ces derniers constitue un « corps d'exception  » sur lequel s'applique, non la loi républicaine mais la violence et l'arbitraire de la loi martiale qui devient la règle. Avec Tocqueville, on découvre que cet État de droit, en tant qu'il est aussi un État colonial, se structure d'emblée comme un État de guerre et comme un État d'exception permanent parce qu'il est un État colonial justement.
  • À propos des écrits de Tocqueville sur l'Algérie.
  • Olivier Le Cour Grandmaison, hiver 2001, dans D’Alexis de Tocqueville aux massacres d’Algériens en octobre 1961, paru La Mazarine, hiver 2001, pp. 57-60, Olivier Le Cour Grandmaison.


Karl Korsch[modifier]

La nouveauté de la politique totalitaire réside dans le fait que les nazis aient étendu aux peuples "civilisés" d'Europe les méthodes réservées jusqu'alors aux "indigènes" et aux "sauvages" qui vivaient en dehors de cette prétendue civilisation.
  • Karl Korsch, 1942, Notes on History. Th Ambiguities of Totalitarian Ideologies, News Essays, VI, 2, dans Mission civilisatrice, paru à la Découverte, Paris, 2008, p.179, Dino Constantini.


Daniel Lefeuvre[modifier]

Ce qui importe, ce n'est pas de reconnaitre que la France a très largement ouvert son territoire à ses anciens colonisés, qu'elle leur a offert la possibilité de devenir des citoyens à part entière. Ce qui importe, c'est de dresser le portrait d'un de Gaulle raciste pour mieux dénoncer les travers de la République et du peuple français. La colonisation repose sur le racisme, disent les Repentants. La France a été une puissance coloniale, donc la France est raciste. L'école de Jules Ferry n'a-t-elle pas ensigné aux petits Français, des générations durant, que l'himanité est divisée en races, la race blanche, la plus parfaite, étant supérieure aux autres ? Banania, le tirailleur sénégalais, n'est-il pas un grand enfant, sympathique mais demeuré ? Comment, après tout cela, imaginer que nos grands-parents n'étaient pas racistes ? Beau syllogisme mais qui omet une chose : expositions coloniales, publicités, livres d'aventure, rien n'y a fait, les Français sont très largement restés imperméables à l'idéologie impériale. Au grand regret du lobby colonial, qui ne cesse de le déplorer !
  • Pour en finir avec la repentance coloniale (2006), Daniel Lefeuvre, éd. Flammarion, 2008, p. 222


Bernard-Henri Lévy[modifier]

On nous avait fait le coup des aspects positifs de Vichy (bouclier, moindre mal, grandes réformes économiques et sociales...). Voilà qu’on nous refait celui du rôle positif, voire de l’œuvre humaniste, de la présence française en Afrique (équipements, santé, Savorgnan de Brazza, Lyautey, nos ancêtres les Gaulois, l’école de la République ...).[...] Le projet colonial, même s’il n’est pas le seul en cause et si les peuples d’Afrique n’ont pas attendu les négriers occidentaux pour pratiquer la traite des personnes et l’esclavage, est un projet pervers, fondé sur des règles qui font, en tant que telles, honte à une démocratie : Code de l’indigénat, racisme d’État, droit des races dites supérieures à gouverner les inférieures. L’idéologie coloniale, le corps de convictions et de fantasmes qui ont rendu possible la conquête militaire d’une partie du monde par une autre, n’est pas une idéologie génocidaire [...] mais c’est incontestablement, en revanche, une idéologie criminelle [...] : ainsi les 700 000 morts de la conquête de l’Algérie par Bugeaud et Pélissier ; ainsi les 45 000 morts de Sétif ; ainsi les 90 000 victimes de la pacification de Madagascar; j’en passe.[...] l’idée coloniale était, en soi, une idée perverse ; l’aventure coloniale a été, en son principe, une page sombre de notre Histoire ; et il y a dans le geste de ceux qui veulent réviser cette évidence, il y a dans leur aplomb, leur passion, leur enthousiasme repu de beaufs qui se lâchent, un parfum de bond en arrière que l’on n’avait pas senti depuis longtemps.
  • À propos de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
  • Bernard-Henri Lévy, 8 décembre 2005, dans bloc-notes de Bernard-Henri Lévy, paru Le Point, Bernard-Henri Lévy.


Claude Liauzu[modifier]

Il y a pourtant un risque à occulter les crimes et le racisme inhérents au fait colonial. Ces dénis de l’histoire encouragent ceux qui réactivent aujourd’hui les réflexes nationalistes et confortent, par contrecoup, ceux qui prônent l’enfermement communautaire des groupes disqualifiés, ainsi interdits de passé. D’un côté, on a une histoire mensongère, celle de la colonisation positive, et, de l’autre, une histoire faussée, fondée sur le ressentiment : c’est extrêmement dangereux d’un côté comme de l’autre.
  • Claude Liauzu, 8 mai 2005, dans Propos recueillis par Laetitia Van Eeckhout, paru Le Monde, Claude Liauzu.


Albert Londres[modifier]

On dirait que la vie coloniale a pour première nécessité celle de se dérouler en cachette, en tout cas hors des regards du pays protecteur.
  • « Terre d'ébène » (1929), dans Œuvres complètes, Albert Londres, éd. Arléa, 1992, p. 607


Maréchal Lyautey[modifier]

Les colons agricoles français ont une mentalité de pur Boche, avec les mêmes théories sur les races inférieures destinées à être exploitées sans merci. Il n'y a chez eux ni intelligence ni humanité.
  • Maréchal Lyautey, 19 août 1918, dans Lyautey, Juin, Mohammed V, fin d'un protectorat : mémoires historiques, paru chez L'Harmattan, 1991, p.25, Guy Delanoë.


Gilles Manceron[modifier]

Une autre donnée fait de la nécessité de regarder notre passé colonial un enjeu des plus actuels : la diversité croissante de la population de l’Hexagone, résultat du développement de l’immigration originaire d’anciennes colonies après leur indépendance - Maghreb, Afrique noire, Indochine, mais aussi départements d’outre-mer ...- qui a donné aux préjugés racistes d’antan une nouvelle occasion de s’exprimer, cette fois non plus vis-à-vis de populations lointaines, mais d’une partie de la population même du pays. Même si le parallèle entre la situation coloniale et les phénomènes de discrimination et de rejet racistes dans la France d’aujourd’hui ne doit pas être établi de manière trop mécanique, la tendance existe d’un «transfert de mémoire» qui conduit à rejouer sous une autre forme et en France même le passé colonial [...]. Impossible de trouver une réponse à ces discriminations et violences de la société d’aujourd’hui, sans un regard lucide sur la colonisation passée.
  • Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France, Gilles Manceron, éd. Découverte, 2003, p. 15


Mettre l’accent seulement sur la torture ou les crimes de l’armée française dans la guerre d’Algérie n’incite pas à entamer la nécessaire réflexion globale sur le fait initial - d’où tout le reste a découlé - qu’est le consentement de la République à l’entreprise coloniale et sa légitimation par la doctrine des «races inférieures».
  • Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France, Gilles Manceron, éd. Découverte, 2003, p. 286


Sans faire de toute l'histoire de l'empire colonial français un long enfer qui n'aurait été ponctué que de massacres, et sans prétendre - ce qui serait absurde - que tous les Français qui y ont vécu auraient été des brutes cyniques, force est de reconnaître qu'admettre la quasi-exclusion de certains hommes de l'humanité ouvrait la porte sur une sorte de tolérance à tous les excès, qui équivalait, dans bien des cas, à un véritable «permis de tuer». En cela, il n'est pas illégitime de rapprocher les manifestations les plus aigües de la violence coloniale de celle que les conquérants nazis ont déployée en Europe.
  • Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France, Gilles Manceron, éd. Découverte, 2003, p. 295


L’histoire coloniale de la République ne doit donc pas rester un point aveugle de notre inconscient collectif. Cette histoire est longue et complexe. Elle n’est pas faite, loin de là, uniquement de négations des droits de l’homme, puisqu’elle a été également émaillée, de la part de beaucoup de Français, trompés par le discours officiel et qui croyaient sincèrement en lui, d’une immense volonté de les transmettre. Mais ceux qui, animés de cette conviction, ont essayé de les mettre en œuvre au sein d’un univers fondé sur l’inégalité et l’injustice ont été pris, malgré eux, dans un piège de l’histoire : la condition première de la colonisation, consistant à diviser l’humanité entre Européens civilisés et indigènes coloniaux, rendait vains leurs efforts et ouvrait la voie à la possibilité de tous les crimes et de tous les abus.
  • Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France, Gilles Manceron, éd. Découverte, 2003, p. 309


Jean Monneret[modifier]

Tirer un trait sur la colonisation revient, en un sens, à tirer un trait sur une grande partie de l'histoire des hommes. Les civilisations, les communautés humaines, les nations se sont créées au fur et à mesure du peuplement de la terre par vagues successives et parfois, il est vrai, violentes. Mais aucune des civilisations du globe n'échappe à cette règle.
  • La Guerre d'Algérie en 35 questions, Jean Monneret, éd. L'Harmattan, 2008, p. 37


Rosa Amelia Plumelle-Uribe[modifier]

Hitler ne fut que le révélateur d'une sauvagerie raciste installée et remontant bien avant le XXe siècle, une sauvagerie raciste, un système d'anéantissement de l'homme dont, jusqu'alors, seuls les peuples colonisés avaient fait l'expérience.
  • La férocité blanche, des non-blancs aux non-aryens, Rosa Amelia Plumelle-Uribe, éd. Albin -Michel, 2001, p. 30


Il y a assez pour comprendre que l'entreprise nazie de déshumanisation, s'inscrit dans une continuité, jalonnée sans interruption par la barbarie coloniale. A la fin de la guerre, les puissances coloniales, victorieuses, ont décrété que le nazisme était incompréhensible et effroyable parce que derrière ses atrocités il n'y avait aucune rationalité économique. La motivation utilitaire ayant toujours servi à cautionner les entreprises de déshumanisation menées contre d'autres peuples non-Européens, il fallait absolument que l'entreprise nazie de déshumanisation soit dépourvue de toute motivation utilitaire. De là, cette approche réductionniste qui a historiquement isolé le nazisme, et focalisé l'attention sur les atrocités commises par les nazis, en faisant abstraction des facteurs sans lesquels, chacun devrait le savoir, ce désastre effrayant n'aurait jamais atteint la disproportion que nous savons.
  • Rosa Amelia Plumelle-Uribe, 15 juin 2006, Berlin, Forum de Dialogue organisé par la section européenne de la Fondation AfricAvenir, dans De la barbarie coloniale à la politique nazie d'extermination, paru 15 juin 2006.


Friedrich Ratzel[modifier]

C'est devenu une règle déplorable, que des peuples faiblement avancés meurent au contact avec des peuples hautement cultivés. Cela s'applique à la vaste majorité des Australiens, des Polynésiens, des Asiatiques du Nord, des Américains du Nord et des nombreux peuples d'Afrique du Sud et d'Amérique du Sud. [...] Les Indigènes sont tués, chassés, prolétarisés et l'on détruit leur organisation sociale. La caractéristique principale de la politique des Blancs est l'usage de la violence par les forts sur les faibles. Le but est de s'emparer de leurs terres. Ce phénomène a pris sa forme la plus intense en Amérique du Nord. Des Blancs assoiffés de terres s'entassent entre des peuplements indiens faibles et partiellement désintégrés
  • Anthropogeographie (1891), Friedrich Ratzel, éd. Engelhorn, 1891, chap. 10-Le déclin des peuples de cultures inférieures au contact avec la culture, p. 412


Ernest Renan[modifier]

La nature a fait une race d'ouvriers. C'est la race chinoise d'une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d'honneur; gouvernez-la avec justice en prélevant d'elle pour le bienfait d'un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre : soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l'ordre ; une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien.
  • La Réforme intellectuelle et morale, Ernest Renan, éd. Michel Levy Freres, 1871, p. 93


Maxime Rodinson[modifier]

Je crois avoir démontré dans les lignes qui précèdent que la formation de l’État d’Israël sur la terre palestinienne est l’aboutissement d’un processus qui s’insère parfaitement dans le grand mouvement d’expansion européo-américain des XIXe et XXe siècles pour peupler ou dominer économiquement et politiquement les autres terres. Il s’agit d’ailleurs d’un diagnostic évident et je n’ai employé tant de mots pour l’énoncer que par la faute des efforts désespérés qu’on a multipliés pour le dissimuler. Il s’agit là de faits. Pour ce qui est des termes, il me semble que celui de processus colonial convient fort bien, étant donné le parallélisme évident avec les phénomènes qu’on s’accorde à nommer ainsi.
  • « Israël, fait colonial ? », Maxime Rodinson, Les Temps Modernes, nº 253 bis, 1967, p. 83


Les colons et colonisateurs ne sont pas des monstres à face humaine. au comportement stupéfiant, comme on le croirait souvent à lire les intellectuels de gauche. Je suis anti-colonialiste et anti-raciste, mais ne puis renoncer pour cela à expliquer le colonialisme et le racisme par des facteurs sociaux et psychologique des plus répandues et des plus banaux, auxquels nul ne devrait jurer qu’il est inaccessible. Le fait d’appartenir à un groupe colonisateur n’est pas le crime indicible et irrémissible qu’on imagine dans les cafés des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel. Qui en est innocent ? Seul le temps passé depuis l’usurpation varie.
  • « Israël, fait colonial ? », Maxime Rodinson, Les Temps Modernes, nº 253 bis, 1967, p. 85


Alain Ruscio[modifier]

Le crime fondamental de la colonisation est d’avoir interrompu des processus historiques de peuples qui n’avaient rien demandé et d’avoir nié les existences nationales - affirmées ou en gestation. D’où la violence qui a toujours, avec des degrés variés, accompagné le système. Le colonialisme pèse son poids de morts. Les enfumades de la conquête de l’Algérie, les colonnes sanglantes de celle du Tonkin, l’utilisation de l’aviation contre des populations civiles dès 1914 (au Maroc), la guillotine dressée partout, comme une ombre sanglante du drapeau français... Détails ? Paulo-Condor, Haiphong, le Rif, Sétif, Madagascar... lieux oubliés ? Quant à la « petite » violence, au quotidien, elle s’exprimait par le vocabulaire blessant, le tutoiement, les claques ou coups de pied aux fesses des boys ou coolies. On nous jette au visage, pour tenter de justifier ce bilan, les routes, les hôpitaux, les écoles... Oui, « la France » a construit des routes... Mais c’étaient les « indigènes » qui travaillaient et, le plus souvent, payaient. Oui, le dévouement des médecins coloniaux, des religieuses, a fait souvent reculer les maladies, mais d’autres (tuberculose) sont apparues. Oui, des centaines de milliers d’enfants et d’adolescents ont été scolarisés, mais des millions restaient analphabètes.
  • « Une offensive colonialiste », Alain Ruscio, L’Humanité, 3 décembre 2005, p. 8


Nicolas Sarkozy[modifier]

Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s'est rétréci quand s'est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l'Europe sur les routes de l'Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d'empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Égypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu'un rêve de civilisation. Cessons de noircir le passé. L'Occident longtemps pécha par arrogance et par ignorance. Beaucoup de crimes et d'injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud n'étaient ni des monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup s'épuisèrent à cultiver un bout de terre ingrat que nul avant n'eux n'avait cultivé. Beaucoup ne partirent que pour soigner, pour enseigner. On peut désapprouver la colonisation avec les valeurs qui sont les nôtres aujourd'hui. Mais on doit respecter les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont pensé de bonne foi œuvrer utilement pour un idéal de civilisation auquel ils croyaient. [...] À tous ceux d'entre vous qui sont revenus des colonies en ayant tout abandonné, n'emportant avec eux que leurs souvenirs de jeunesse et cette nostalgie qui ne les quittera plus jamais, je veux dire que si la France a une dette morale, c'est d'abord envers eux. [...] Faire une politique de civilisation, voilà à quoi nous incite la Méditerranée où tout fut toujours grand, les passions aussi bien que les crimes, où rien ne fut jamais médiocre, où même les Républiques marchandes brillèrent dans le ciel de l'art et de la pensée, où le génie humain s'éleva si haut qu'il est impossible de se résigner à croire que la source en est définitivement tarie. La source n'est pas tarie. Il suffit d'unir nos forces et tout recommencera.
  • Nicolas Sarkozy, 7 février 2007, meeting de Toulon, dans Sarkozy.fr, paru 7 février 2007.


La vérité, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup de puissances coloniales dans le monde qui aient tant œuvré pour la civilisation et le développement et si peu pour l'exploitation. On peut condamner le principe du système colonial et avoir l'honnêteté de reconnaître cela.
  • Nicolas Sarkozy, 9 mars 2007, meeting de Caen, dans Sarkozy.fr, paru 9 mars 2007.


Albert Sarraut[modifier]

La colonisation n'a pas été un acte de civilisation, une volonté de civilisation. Elle a été un acte de force, de force intéressée. Les peuples qui recherchent, dans les continents lointains, des colonies et les appréhendent, ne songent d'abord qu'à eux-mêmes, ne travaillent que pour leur puissance, ne conquièrent que pour leur profit. Ils convoitent dans ces colonies des débouchés commerciaux ou des points d'appui politique. La colonisation n'est qu'une entreprise d'intérêt personnel, unilatérale, égoïste, accomplie par le plus fort sur le plus faible. Tell est la réalité de l'histoire.
  • Grandeur et servitude coloniale, Albert Sarraut, éd. Éditions du Sagittaire, 1931, La colonisation, p. 107-108


Jean-Paul Sartre[modifier]

Vous savez bien que nous sommes des exploiteurs. Vous savez bien que nous avons pris l’or et les métaux, puis le pétrole des "continents neufs", et que nous les avons ramenés dans les vieilles métropoles. [...] L’Europe, gavée de richesses, accorda de jure l’humanité à tous ses habitants : un homme, chez nous, ça veut dire un complice puisque nous avons tous profité de l’exploitation coloniale.
  • Situations V, Jean-Paul Sartre, éd. Gallimard, 1964, p. 187


Ordre est donné de ravaler les habitants du territoire annexé au niveau du singe supérieur pour justifier le colon de les traiter en bêtes de somme. La violence coloniale ne se donne pas seulement le but de tenir en respect ces hommes asservis, elle cherche à les déshumaniser. Rien ne sera ménagé pour liquider leurs traditions, pour substituer nos langues aux leurs, pour détruire leur culture sans leur donner la nôtre ; on les abrutira de fatigue.
  • Les Damnés de la terre, Frantz Fanon, éd. Maspero, 1961, préface de Jean-Paul Sartre, p. 9-26


[Le colonialisme] est notre honte, il se moque de nos lois ou les caricature ; il nous infecte de son racisme [...]. Il oblige nos jeunes gens à mourir malgré eux pour les principes nazis que nous combattions il y a dix ans ; il tente de se défendre en suscitant un fascisme jusque chez nous, en France. Notre rôle, c’est de l’aider à mourir. Non seulement en Algérie, mais partout où il existe. [...] La seule chose que nous puissions et devrions tenter – mais c’est aujourd’hui l’essentiel –, c’est de lutter à ses côtés pour délivrer à la fois les Algériens et les Français de la tyrannie coloniale.
  • « Le colonialisme est un système » (1957), dans Situations V, Jean-Paul Sartre, éd. Gallimard, 1964, p. 47-48


Quel bavardage : liberté, égalité, fraternité, amour, honneur, patrie, que sais-je ? Cela ne nous empêchait pas de tenir en même temps des discours racistes, sale nègre, sale juif, sale raton.
  • Situations V, Jean-Paul Sartre, éd. Gallimard, 1964, p. 187


Jean-Baptiste Say[modifier]

Les vraies colonies d'un peuple commerçant, ce sont les peuples indépendants de toutes les parties du monde. Tout peuple commerçant doit désirer qu'ils soient tous indépendants pour devenir plus industrieux et plus riches, car plus ils seront nombreux et productifs, plus ils présenteront d'occasions et de facilités pour les échanges. Les peuples deviennent alors pour nous des amis utiles et qui ne nous obligent pas de leur accorder des monopoles onéreux, ni d'entretenir à grands frais des administrations, une marine et des établissements militaires aux bornes du monde. Un temps viendra où on sera honteux de tant de sottise et où les colonies n'auront plus d'autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places lucratives à donner et à recevoir, le tout aux dépens du peuple.
  • Jean-Baptiste Say, 1830, dans Encyclopædia universalis, paru chez E.Universalis France, 1980, t.4, p.705, Claude Grégory, Jacques Bersani.


Herbert Spencer[modifier]

Les forces qui font aboutir le projet grandiose du bonheur parfait ne tiennent nullement compte de la souffrance d’ordre secondaire, et exterminent ces sections de l’humanité qui leur barrent le passage [...]. Qu’il soit humain ou brute, l’obstacle doit être éliminé.
  • (en) The forces which are working out the great scheme of perfect happiness, taking no account of incidental suffering, exterminate such sections of mankind as stand in their way [...]. Be he human being, or be he brute, the hindrance must be got rid of.
  • Social Statics (1850), Herbert Spencer, éd. D. Appleton and company, 1865, p. 454-455


Pierre-Alban Thomas[modifier]

Quant à la colonisation, ce "vol à main armée", selon l'anti-esclavagiste Victor Schoelcher, combien de temps faudra-t-il attendre pour que la lumière soit faite, en toute impartialité, sur ces méfaits et ses bienfaits ? La conquête en dépit des massacres qui l'ont accompagnée, n'a pas encore été reconnue illégalle, contraire au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes[...]. N'a-t-il pas fallu attendre soixante ans avant que les massacres de Sétif et de Guelma soient officiellement avoués et déplorés ? Ceux de la guerre d'Algérie ne le sont pas encore, de cette guerre qui est la résultante et la phase ultime de l'action colonisatrice de la France.
  • Pour l'honneur de l'armée réponse au général Schmitt sur la guerre d'Algérie, lieutenant-colonel Pierre-Alban Thomas, éd. L'Harmattan, 2006, La colonisation, p. 87


Enzo Traverso[modifier]

Il ne s'agit pas de gommer la singularité de la violence nazie en l'assimilant tout simplement aux massacres coloniaux. Il s'agit plutôt de reconnaître qu'elle fut perpétrée au milieu d'une guerre de conquête et d'extermination entre 1941 et 1945, conçue comme une guerre coloniale au sein de l'Europe. Une guerre coloniale qui empruntait largement son idéologie et ses principes - mais avec des moyens et des méthodes bien plus modernes, puissants et meutriers - à celles menées tout au long du XIXe siècle par l'impérialisme classique. Si les victimes de la "Solution finale" incarnaient l'image de l'altérité dans le monde occidental, objet de persécution religieuses et de discriminations raciales depuis le Moyen Age, les circonstances historiques de leur destructions indiquent que cette stigmatisation ancienne et certes particulière avait été revisitée après l'expérience des guerres et des génocides coloniaux. Le nazisme réalisait la rencontre et la fusion entre deux paradigmatiques : le Juif, l'"autre" du monde occidental, et le "sous-homme", l'autre du monde colonisé.
  • La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. Introduction, p. 26-27


Les lois nazies de Nuremberg étaient choquantes dans l'Europe des années trente dans la mesure ou elles frappaient un groupe émancipé depuis un siècle, parfaitement intégré dans la société et dans la culture allemande, mais elles avaient déjà été envisagées par l'ensemble des puissance coloniales comme des mesures normales et naturelles à l'égard du monde non européen.
  • La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 63


Dans la culture occidentale du XIXe siècle, colonialisme, mission civilisatrice, droit de conquête et pratiques d'extermination étaient souvent des synonymes. Une vaste littérature, tant scientifique que populaire, faite d'ouvrages savants, de revues anthropologiques, de récits de voyage, de romans et de nouvelles adressées aux couches cultivées comme aux classes laborieuses, propageait le principe du droit occidental à la domination mondiale, à la colonisation de la planète et à la soumission, voire à la destruction des "peuples sauvages".
  • La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 64


Les conséquences catastrophiques du colonialisme seront perceptibles à long terme, non pas dans les champs de bataille, ou les pertes furent somme toute limitées, mais sur l'ensemble des territoires conquis, à cause d'un déclin démographique qui, dans plusieurs cas, ne peut être qualifié autrement que sous l'appellation de génocide. [...] Selon les estimations les plus fiables, le nombre de victimes des conquêtes européennes en Asie et en Afrique au cours de la seconde partie du XIXe siècle tourne autour de 50-60 millions, dont la moitié environ due à la famine en Inde.
  • La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 75


Les dispositifs de déportation, les mesures de déshumanisation et les projets d'extermination raciale mis en œuvre par l'Allemagne de Hitler recouvrent des idées anciennes, bien ancrées dans l'histoire de l'impérialisme occidental.
  • La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 84


L'idée que la civilisation implique la conquête et l'extermination des "races inférieures" ou "nuisibles", la conception instrumentale de la technique comme moyen d'élimination organisées de l'ennemi n'ont pas été inventées par le nazisme, elles constituaient un "habitus mental" de l'Europe depuis le XIXe siècle et l'avènement de la société industrielle.
  • La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, Conclusions, p. 163


Entre les massacres de l'impérialisme conquérant et la «Solution finale» il n'y a pas seulement des «affinités phénoménologiques», ni des analogies lointaines. Il y a une continuité historique qui fait de l'Europe libérale un laboratoire des violences du XXe siècle et d'Auschwitz un produit authentique de la civilisation occidentale.
  • La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, Conclusions, p. 167


Simone Weil[modifier]

Je n'oublierai jamais le moment ou, pour la première fois, j'ai senti et compris la tragédie de la colonisation. [...] Depuis ce jour, j'ai honte de mon pays. Depuis ce jour, je ne peux pas rencontrer un Indochinois, un Algérien, un Marocain, sans avoir envie de lui demander pardon. Pardon pour toutes les douleurs, toutes les humiliations qu'on lui a fait souffrir, qu'on a fait souffrir à leur peuple. Car leur oppresseur, c'est l'État français, il le fait au nom de tous les Français, donc aussi, pour une petite part, en mon nom. C'est pourquoi, en présence de ceux que l'État français opprime, je ne peux pas ne pas rougir, je ne peux pas ne pas sentir que j'ai des fautes à racheter.
  • « Qui est coupable des menées antifrançaises » (1938), dans Écrits historiques et politiques, Simone Weil, éd. Gallimard, 1960, p. 341


On ne peut pas dire que la colonisation fasse partie de la tradition française. C'est un processus qui s'est accompli en dehors de la vie du peuple français. L'expédition d'Algérie a été d'un côté une affaire de prestige dynastique ; de l'autre une mesure de police méditerranéenne ; comme il arrive souvent, la défense s'est transformée en conquête. Plus tard l'acquisition de la Tunisie et du Maroc ont été, comme disait un de ceux qui ont pris une grande part à la seconde, surtout un réflexe de paysan qui agrandit son lopin de terre. La conquête de l'Indochine a été une réaction de revanche contre l'humiliation de 1870. N'ayant pas su résister aux Allemands, nous sommes allés en compensation priver de sa patrie, en profitant de troubles passagers, un peuple de civilisation millénaire, paisible et bien organisé.
  • « À propos de la question coloniale dans ses rapports avec le destin du peuple français » (1943), dans Œuvres, Simone Weil, éd. Gallimard, 1999, p. 430


L'hitlérisme consiste dans l'application par l'Allemagne au continent européen, et plus généralement aux pays de race blanche, des méthodes de la conquête et de la domination coloniales. [...] Si on examine en détail les procédés des conquêtes coloniales, l'analogie avec les procédés hitlériens est évidente. [...] L'excès d'horreur qui depuis quelque temps semble distinguer la domination hitlérienne de toutes les autres s'explique peut-être par la crainte de la défaite. Il ne doit pas faire oublier l'analogie essentielle des procédés, d'ailleurs venus les uns et les autres du modèle romain. Cette analogie fournit une réponse toute faite à tous les arguments en faveur du système colonial. Car tous ces arguments, les bons, les moins bons et les mauvais, sont employés par l'Allemagne, avec le même degré de légitimité, dans sa propagande concernant l'unification de l'Europe. Le mal que l'Allemagne aurait fait à l'Europe si l'Angleterre n'avait pas empêché la victoire allemande, c'est le mal que fait la colonisation, c'est le déracinement. Elle aurait privé les pays conquis de leur passé. La perte du passé, c'est la chute dans la servitude coloniale. Ce mal que l'Allemagne a vainement essayé de nous faire, nous l'avons fait à d'autres.
  • Écrit à Londres en 1943 pour les services de la France Libre (note de l'éditeur)
  • « À propos de la question coloniale dans ses rapports avec le destin du peuple français » (1943), dans Œuvres, Simone Weil, éd. Gallimard, 1999, p. 431


Xavier Yacono[modifier]

Condamner en bloc la colonisation, c’est tirer un trait sur l’histoire de l’humanité qui, avant tout, est celle du peuplement de la terre, lequel s’est effectué le plus souvent, et non sans violence, par vagues successives constituant les strates d’une sédimentation plusieurs fois séculaire, sinon millénaire, au terme de laquelle la civilisation actuelle de chaque peuple n’est qu’un humus superficiel.

[...] La France n’est-elle pas encore, dans une certaine mesure, une nation en formation, colonisée par les apports d’émigrants qui s’intègrent plus ou moins bien dans son peuple ? Et que serait cette France si ses populations primitives, comme les aborigènes d’Australie par exemple, étaient demeurées à l’écart des palpitations de l’humanité? [...] Et pourquoi l’expansion coloniale contemporaine qui a bouleversé le monde ne serait-elle pas aussi, dans le temps où elle s’est produite, une étape dans la lente et pénible ascension de l’humanité vers un avenir plus rayonnant ? Comme elle s’est accompagnée de diverses formes d’exploitation on en est arrivé à considérer, idée toujours couramment admise, que la métropole vivait de ses colonies. Si cela était vrai, cette économie se serait effondrée lorsque la France a quitté son horizon impérial : or c’est le contraire qui s’est produit. Deux idées paraissent devoir être retenues. La première : la colonisation a aidé nombre de pays à franchir une étape dans la voie du développement économique, même si le prix à payer fut parfois très lourd. La seconde : l’œuvre accomplie par la France a été incomplète parce que l’ensemble de sa classe politique, à l’image de ses électeurs, n’a jamais été convaincu de la nécessité d’accepter les sacrifices indispensables pour la mener à bien.

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  • Algérie : l'œuvre française, Pierre Goinard, éd. Robert Laffont, 1984, préface de Xavier Yacono, p. 9-10


Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages, 1998[modifier]

On peut tout prendre à défaut chez les Français mais jamais la grande expérience de colonisateurs consciencieux et humains.


Visions de la colonisation[modifier]

Le parallèle entre la conquête romaine et le colonialisme [dans les manuels scolaires de la IIIè République] relève de l'implicite, sauf chez le bouillant révolutionnaire Gustave Hervé (...) qui construit tout son chapitre sur la Gaule et les Gaulois autour de l'analogie entre l'occupation romaine et la présence française en Afrique et en Algérie (...) : "En somme, nos ancêtres gaulois étaient des sauvages aussi peu avancés que le sont, à l'heure actuelle, beaucoup de nègres en Afrique. (...) Aujourd'hui, quand les soldats français ou anglais se battent contre des nègres africains, ils finissent toujours par les vaincre, car ils ont sur eux l'avantage d'avoir de meilleures armes. De même, les soldats romains qui envahirent la Gaule devaient finir par battre les Gaulois, car ils étaient beaucoup mieux armés" (Gustave Hervé et Gaston Clemendot, Histoire de France : cours élémentaire et moyen, Paris, Bibliothèque d'Éducation, 1904, p.10-13)
  • De l'art et la manière d'accommoder les héros de l'histoire de France, Christian Amalvi, éd. Albin Michel, 1988, p. 64


Tel était le cercle magique du capitalisme impérial : crédit finançant les découvertes, découvertes menant aux colonies, colonies rapportant des profits, profits alimentant la confiance, et confiance se traduisant en davantage de crédit.


Articles connexes[modifier]

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