La connaissance tue l'action, pour agir il faut être obnubilé par l'illusion.
La Naissance de la tragédie (1872), Friedrich Nietzsche (trad. Hans Hildebrand et Laurent Valette), éd. 10/18, 1991 (ISBN2-264-01447-4), partie 7, p. 73
Au détour de quelque coin de l'univers inondé des feux d'innombrables systèmes solaires, il y eut un jour une planète sur laquelle des animaux intelligents inventèrent la connaissance. Ce fut la minute la plus orgueilleuse et la plus mensongère de l'« histoire universelle », mais ce ne fut cependant qu'une minute. Après quelques soupirs de la nature, la planète se congela et les animaux intelligents n'eurent plus qu'à mourir.
Telle est la fable qu'on pourrait inventer, sans parvenir à mettre suffisamment en lumière l'aspect lamentable, flou et fugitif, l'aspect vain et arbitraire de cette exception que constitue l'intellect humain au sein de la nature. Des éternités ont passé d'où il était absent ; et s'il disparaît à nouveau, il ne se sera rien passé.
« Vérité et mensonge au sens extra-moral », Friedrich Nietzsche (1873), ch. 1, dans Œuvres, Friedrich Nietzsche, éd. Éditions Gallimard, coll. « Pléiade », 1975 et 2000, t. I, p. 403
Ne peut-on retourner toutes les valeurs ? Et le bien ne serait-il pas le mal ? Et Dieu une pure et simple invention, une astuce du Diable ? Ne se peut-il pas qu'en dernière instance tout soit faux ? Et si nous sommes trompés, ne sommes-nous pas aussi par là même trompeurs ? Ne sommes-nous pas dans la nécessité d'être trompeurs ?
Préface de Humain, trop humain datée de 1886.
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Avant-propos à Humain, trop humain, p. 57
On ne reste philosophe qu'en… se taisant.
(la)Si tacuisses, philosophus manisses.
Citation de Boèce dans la préface de Humain, trop humain datée de 1886.
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Avant-propos à Humain, trop humain, p. 67
Les médecins les plus dangereux sont ceux qui, comédiens nés, imitent le médecin-né avec un art consommé d'illusion.
Humain, trop humain, Friedrich Nietzsche (trad. Alexandre Marie Desrousseaux), éd. Mercure de France, 1899, partie 1, p. 321 (texte intégral sur Wikisource)
Le demi-savoir triomphe plus facilement que le savoir complet : il conçoit les choses plus simples qu’elles ne sont, et en forme par suite une idée plus saisissable et plus convaincante.
Humain, trop humain, Friedrich Nietzsche (trad. Robert Rovini et Marc de Launay), éd. Gallimard, coll. « Folio essais », 1987, t. I, p. 367
Il faut enlever les échafaudages lorsque la maison est construite.
Humain, trop humain, Friedrich Nietzsche (trad. Henry Albert), éd. Mercure de France, 1902, partie 2, chap. Le voyageur et son ombre, p. 410 (texte intégral sur Wikisource)
La nature et l'histoire sont foncièrement immorales.
(de)Unmoralität von Natur and Geschichte
Préface d'Aurore datée de 1886.
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Avant-propos à Aurore, p. 91
Si l'on pouvait comprendre à l'aide de la raison comment peut être clément et juste ce Dieu qui fait preuve de tant de colère et de méchanceté, à quoi servirait alors la foi ?
(de)Wenn man durch Vernunft es fassen könnte, wie der Gott gnädig und gerecht sein könne, der so viel Zorn und Bosheit zeigt, wozu brauchte man dann den Glauben ?
Citation de Luther dans la préface d'Aurore datée de 1886.
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Avant-propos à Aurore, p. 91
L'évolution ne veut pas le bonheur, elle veut l'évolution et rien de plus.
Aurore, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Stvpress, 2012, p. 62
Nous sommes dans notre toile comme des araignées, et quoi que nous puissions y prendre, ce ne sera toujours que ce qui se laissera prendre à notre toile.
Aurore, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Stvpress, 2012, p. 72
Le mensonge est, sinon la mère, du moins la nourrice de la bonté.
Aurore, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Stvpress, 2012, p. 136
Tous les historiens racontent des choses qui n'ont jamais existé, si ce n'est dans l'imagination.
Aurore, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Stvpress, 2012, p. 150
Si tu te sens grand et fécond dans la solitude, la société des hommes t'amoindrira et te rendra stérile : et inversement.
Aurore, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Stvpress, 2012, p. 191
Être profond et sembler profond. — Celui qui se sait profond s'efforce d'être clair ; celui qui voudrait sembler profond à la foule s'efforce d'être obscur.
Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1901, partie Livre 3, p. § 173
Nul vainqueur ne croit au hasard.
Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1901, p. § 258 (texte intégral sur Wikisource)
Le plus important des événements récents, — le fait « que Dieu est mort », que la croyance au Dieu chrétien a été ébranlée — commence déjà à projeter sur l'Europe ses premières ombres.
Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1901, p. § 343
La moralité, c'est l'instinct du troupeau chez l'individu.
Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1901, p. 116
Partout où les juifs ont eu de l'influence, ils ont enseigné à distinguer avec plus de sensibilité, à conclure avec plus de sagacité, à écrire avec plus de clarté et de netteté : leur tâche a toujours été d'amener un peuple « à la raison ».
Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert et Marc Sautet), éd. Librairie Générale Française, coll. « Le Livre de poche / Classiques de la philosophie », 1993, p. 357
La lutte pour la vie n'est qu'une exception, une restriction momentanée de la volonté de vivre ; la grande et la petite lutte tournent partout autour de la prépondérance, de la croissance, de l'extension du pouvoir, conformément à la volonté du pouvoir qui est précisément la volonté de la vie.
Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert et Marc Sautet), éd. Librairie Générale Française, coll. « Le Livre de poche / Classiques de la philosophie », 1993, p. 358
Car vous le savez bien : tous les grands artistes modernes souffrent de mauvaise conscience.
Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert et Marc Sautet), éd. Librairie Générale Française, coll. « Le Livre de poche / Classiques de la philosophie », 1993, p. 396
La vie n'est désormais plus conçue par la morale : elle veut l'illusion, elle vit d'illusion…
(de)Das Leben ist nun einmal nicht von der Moral ausgedacht : es will Täuschung, es lebt von der Täuschung....
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Préface de 1886 de Par-delà le bien et le mal, p. 52 & 53
Tout homme d'élite aspire instinctivement à sa tour d'ivoire, à sa retraite mystérieuse, où il est délivré de la masse, du vulgaire, du grand nombre, où il peut oublier la règle « homme », étant lui-même une exception à cette règle.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie II, chap. « Le libre esprit », § 26, p. 93
Tout esprit profond a besoin d'un masque. Je dirai plus encore : autour de tout esprit profond, grandit et se développe sans cesse un masque, grâce à l'interprétation toujours fausse, c'est-à-dire plate, de chacune de ses paroles, de chacune de ses démarches, du moindre signe de vie qu'il donne.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie II, chap. « Le libre esprit », § 40, p. 114
Il faut savoir se conserver. C'est la meilleure preuve d'indépendance.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie II, chap. « Le libre esprit », § 41, p. 116
« Mon jugement, c'est mon jugement à moi : un autre ne me semble pas y avoir facilement le droit » — ainsi s'exprimera peut-être un de ces philosophes de l'avenir. Il faut se garder du mauvais goût d'avoir des idées communes avec beaucoup de gens. « Bien » n'est plus bien dès que le voisin l'a dans la bouche. Et comment se pourrait-il qu'il y eût un « bien commun » ! Le mot se contredit lui-même. Ce qui peut être commun est toujours de peu de valeur. En fin de compte, il faut qu'il en soit comme il en a toujours été : les grandes choses sont réservées aux grands, les profondes aux profonds, les douceurs et les frissons aux âmes subtiles, bref tout ce qui est rare aux êtres rares.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie II, chap. « Le libre esprit », § 43, p. 117
On a mal regardé la vie, quand on n'a pas aussi vu la main qui tue en gant de velours.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IV, chap. « Maximes et intermèdes », § 69, p. 152
« Pitié pour tous » — ce serait cruauté et tyrannie pour toi, monsieur mon voisin !
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IV, chap. « Maximes et intermèdes », § 82, p. 155
On commence à se méfier des personnes très avisées dès qu'elles sont embarrassées.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Angèle Kremet-Marietti), éd. L'Harmattan, 2006 (ISBN2-296-00041-X), chap. IV (« Maximes et intermèdes »), § 88, p. 102
La maturité de l’homme : cela veut dire retrouver le sérieux que l'on avait au jeu, étant enfant.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Angèle Kremet-Marietti), éd. L'Harmattan, 2006 (ISBN2-296-00041-X), chap. IV (« Maximes et intermèdes »), § 94, p. 103
Quand on veut dresser sa conscience, elle vous embrasse, en vous mordant.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IV, chap. « Maximes et intermèdes », § 98, p. 158
LE DANGER DANS LE BONHEUR. « Maintenant, tout me réussit : j'aime toute espèce de destinée : — qui a envie d'être ma destinée ? »
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IV, chap. « Maximes et intermèdes », § 103, p. 159
Celui qui lutte contre les monstres doit veiller à ne pas le devenir lui-même. Or, quand ton regard pénètre longtemps au fond d'un abîme, l'abîme, lui aussi, pénètre en toi.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IV, chap. « Maximes et intermèdes », § 146, p. 166
Les poètes manquent de pudeur à l'égard de leurs aventures : ils les exploitent.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IV, chap. « Maximes et intermèdes », § 161, p. 169
Ce sont les instincts les plus élevés, les plus forts, quand ils se manifestent avec emportement, qui poussent l'individu en dehors et bien au-dessus de la moyenne et des bas-fonds de la conscience du troupeau, — qui font périr la notion d'autonomie dans la communauté et détruisent chez celle-ci la foi en elle-même, ce que l'on peut appeler son épine dorsale : voilà pourquoi ce seront ces instincts que l'on flétrira et que l'on calomniera le plus. L'intellectualité supérieure et indépendante, la volonté de solitude, la grande raison apparaissent déjà comme des dangers ; tout ce qui élève l'individu au-dessus du troupeau, tout ce qui fait peur au prochain s'appelle dès lors mal. L'esprit tolérant, modeste, soumis, égalitaire, qui possède des désirs mesurés et médiocres, se fait un renom et parvient aux honneurs moraux. Enfin, dans les conditions très pacifiques, l'occasion et la nécessité d'imposer au sentiment la sévérité et la dureté se font de plus en plus rares ; et, dès lors, la moindre sévérité, même en justice, commence à troubler la conscience. Une noblesse hautaine et sévère, le sentiment de la responsabilité de soi, viennent presque à blesser et provoquent la méfiance. L'« agneau », mieux encore le « mouton », gagnent en considération.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie V, chap. « Histoire naturelle de la morale », § 201, p. 201
Notre Europe contemporaine, ce foyer d'un effort soudain et irréfléchi, pour mélanger radicalement les rangs et, par conséquent, les races, est, par cela même, sceptique du haut en bas de l'échelle, tantôt animée de ce scepticisme noble qui, impatient et lascif, saute d'une branche à l'autre, tantôt troublé et comme obscurci par un nuage de questions — et parfois las de sa volonté à en mourir ! Paralysie de la volonté, où ne rencontre-t-on pas aujourd'hui cette infirmité ! Et parfois on la trouve même maquillée, avec des dehors séducteurs ! Pour cacher cette maladie, on a des habits d'apparat, des parures menteuses ; par exemple ce qu'on étale aujourd'hui sous le nom d'« esprit scientifique », d'« art pour l'art », « connaissance pure, indépendante de la volonté », tout cela n'est que du scepticisme fardé, la paralysie de la volonté qui se déguise — je me porte garant du diagnostic de cette maladie européenne.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie VI, chap. « Nous autres savants », § 208, p. 223
Il faut connaître non seulement la marche hardie, légère, délicate et rapide de ses propres pensées, mais avant tout la disposition aux grandes responsabilités, la hauteur et la profondeur du regard impérieux, le sentiment d'être séparé de la foule, des devoirs et des vertus de la foule, la protection et la défense bienveillante de ce qui est mal compris et calomnié, que ce soit Dieu ou le diable ; le penchant et l'habileté à la suprême justice, l'art du commandement, l'ampleur de la volonté, la lenteur du regard qui rarement admire, rarement se lève et aime rarement…
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie VI, chap. « Nous autres savants », § 213, p. 237
On a fait un grand pas en avant lorsqu'on a fini par inculquer aux grandes masses (aux esprits plats qui ont la digestion rapide) ce sentiment qu'il est défendu de toucher à tout, qu'il y a des évènements sacrés où elles n'ont accès qu'en ôtant leurs souliers et auxquels il ne leur est pas permis de toucher avec des mains impures, — c'est peut-être le point le plus élevé d'humanité qu'ils peuvent atteindre. Au contraire, rien n'est aussi répugnant, chez les êtres soi-disant cultivés, chez les sectateurs des « idées modernes », que leur manque de pudeur, leur insolence familière de l'œil et de la main qui les porte à toucher à tout, à goûter de tout et à tâter de tout ; et il se peut qu'aujourd'hui, dans le peuple, surtout chez les paysans, il y ait plus de noblesse relative du goût, plus de sentiment de respect, que dans ce demi-monde des esprits qui lisent les journaux, chez les gens cultivés.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IX, chap. « Qu'est-ce qui est noble ? », § 263, p. 338
Si l'on admet […] que, de tout temps, le danger n'a rapproché que des hommes qui pouvaient désigner, au moyen de signes semblables, des besoins semblables, des événements semblables, il résulte, dans l'ensemble, que la facilité de communiquer dans le péril, c'est-à-dire en somme le fait de ne vivre que des événements moyens et communs, a dû être la force la plus puissante de toutes celles qui ont dominé l'homme jusqu'ici. Le hommes les plus semblables et les plus ordinaires eurent toujours et ont encore l'avantage ; l'élite, les hommes raffinés et rares, plus difficiles à comprendre, courent le risque de rester seuls et, à cause de leur isolement, ils succombent aux dangers et se reproduisent rarement. Il faut faire appel à de prodigieuses forces adverses pour entraver ce naturel, trop naturel, progressus in simile, le développement de l'homme vers le semblable, l'ordinaire, le médiocre, le troupeau — le commun !
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IX, chap. « Qu'est-ce qui est noble ? », § 268, p. 344
Ce qui sépare le plus profondément deux hommes, c'est un sens et un degré différents de propreté.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IX, chap. « Qu'est-ce qui est noble ? », § 271, p. 349
Signes de noblesse : ne jamais songer à rabaisser nos devoirs à être des devoirs pour tout le monde ; ne pas vouloir renoncer à sa propre responsabilité, ne pas vouloir la partager ; compter ses privilèges et leur exercice au nombre de nos devoirs.
Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991 (ISBN978-2-253-05614-0), partie IX, chap. « Qu'est-ce qui est noble ? », § 272, p. 350
On pourrait imaginer un sentiment de puissance de la société tel qu'elle pourrait s'offrir le luxe le plus exquis qui soit pour elle, - laisser impuni celui qui la lèse. « Que m'importent au fond mes parasites, pourrait-elle dire alors, puissent-ils vivre et prospérer, j'ai bien assez de force ! »... La justice, qui a commencé par poser : « tout peut se régler, tout doit se régler », finit par femer les yeux et par laisser courir l'individu insolvable, - elle finit comme toutes les bonnes choses sur cette terre : elle s'abolit. Cette auto-abolition de la justice : on sait de quelle beau nom elle se désigne - la grâce ; elle demeure, ce qui va de soi, le privilège du plus puissant, mieux : son au-delà du droit.
Généalogie de la morale, Friedrich Nietzsche (trad. Éric Blondel, Ole Hansen-Løve, Théo Leydenbach et Pierre Pénisson), éd. GF Flammarion, 2002 (ISBN978-2-0807-0754-3), partie Deuxième traité § 10, p. 84
Heureusement, j'appris entre-temps à distinguer le préjugé théologique du préjugé moral et cessai de chercher l'origine du mal dans les arrières-mondes.
Préface datée de 1886 de la Généalogie de la morale.
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Avant-propos à La Généalogie de la morale, p. 123
Nous avons besoin d'une critique des valeurs morales, il faut commencer par mettre en question la valeur même de ces valeurs.
(de)Wir haben eine Kritik der moralischen Werthe nöthig, der Werth dieser Werthe ist selst erst einmal in Frage zu stellen.
Préface datée de 1886 de la Généalogie de la morale.
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Avant-propos à La Généalogie de la morale, p. 128-129
On n'a pas hésité à donner à l'homme « bon » une valeur supérieure dans le sens du progrès, de l'utilité, de la prospérité de l'homme. Et si le contraire était vrai ? Et s'il y avait chez le « bon » aussi un symptôme de régression qui permettrait au présent de vivre en quelque sorte aux dépens de l'avenir ? De sorte que la morale serait responsable du fait que le type homme n'a jamais atteint le plus haut degré de puissance et de splendeur ?
Préface datée de 1886 de la Généalogie de la morale.
Essai d'autocritique et autres préfaces, Friedrich Nietzsche (trad. Marc de Launay), éd. Éditions du Seuil, 1999 (ISBN2-02-035759-3), partie Avant-propos à La Généalogie de la morale, p. 131
Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort. (trad. Henri Albert)
Ce qui ne me tue pas me fortifie. (trad. Patrick Wotling)
À l'école de guerre de la vie. — Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort. (trad. Henri Albert) Appris à l'école de guerre de la vie : ce qui ne me tue pas me fortifie. (trad. Patrick Wotling)
Le Crépuscule des idoles (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Mercure de France, 1908 (éd. 7), partie Maximes et flèches, § 8, p. 108 (texte intégral sur Wikisource)
Crépuscule des idoles (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Patrick Wotling), éd. Flammarion, 2005 (ISBN2-08-071174-1), partie Maximes et flèches, § 8, p. 122
Sans la musique, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil.
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1906, partie Maximes et flèches, § 33, p. 113 (texte intégral sur Wikisource)
On sait ce que j’exige du philosophe : de se placer par-delà le bien et le mal, — de placer au-dessous de lui l’illusion du jugement moral. Cette exigence est le résultat d’un examen que j’ai formulé pour la première fois : je suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a pas du tout de faits moraux. Le jugement moral a cela en commun avec le jugement religieux de croire à des réalités qui n’en sont pas.
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1906, partie Ceux qui veulent rendre l’humanité « meilleure », § 1, p. 1 (texte intégral sur Wikisource)
Parvenir à la puissance se paie cher : la puissance abêtit.
Crépuscule des idoles (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Patrick Wotling), éd. Flammarion, 2005 (ISBN2080711741), partie Ce qui abandonne les allemands, 1, p. 166-167 (texte intégral sur Wikisource)
Pour vivre seul, il faut être une bête, ou un dieu, dit Aristote. Reste un troisième cas : il faut être les deux à la fois… philosophe.
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 1974 (ISBN2-07-032474-5), partie Maximes et traits, p. 11
Comment ? Tu cherches à te multiplier par dix, par cent ? Tu cherches des disciples ? Cherche alors des zéros !
Première rédaction : « On sait de quoi on a besoin pour décupler ses forces : de zéros » (W II 3, 85).
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 1974 (ISBN2-07-032474-5), partie Maximes et traits, p. 13
Qui ne sait mettre sa volonté dans les choses, y met au moins un sens : cela revient à croire qu'une volonté s'y trouve déjà (principe de la « foi »).
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 1974 (ISBN2-07-032474-5), partie Maximes et traits, p. 13
A quoi sert toute libre pensée, toute modernité, toute moquerie, toute souplesse de torcol, quand, avec ses entrailles, on est resté chrétien, catholique et même prêtre !
Le crépuscules des idoles, Friedrich Nietzsche, éd. Flammarion, 2017, p. 128
La nature, évaluée au point de vue artistique, n'est pas un modèle. Elle exagère, elle déforme, elle laisse des trous. La nature, c'est le hasard.
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche, éd. Flammarion, 2017, p. 132
Mais on méconnaît les grands hommes si on les considère sous la perspective misérable d'une utilité publique.
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche, éd. Flammarion, 2017, p. 169
L'aphorisme, la sentence, où je suis passé maître parmi les Allemands, sont les formes de "l'éternité" ; mon orgueil est de dire en dix phrases ce que tout autre dit en un volume, - ce qu'un autre ne dit pas en un volume...
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche, éd. Flammarion, 2017, p. 170
Seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose.
« On ne peut penser et écrire qu'assis » (Gustave Flaubert).
Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 1974 (ISBN2-07-032474-5), partie Maximes et traits, p. 16
Qu'est-ce qui est bon ? Tout ce qui exalte en l'homme le sentiment de puissance, la volonté de puissance, la puissance même.
Qu'est-ce qui est mauvais ? Tout ce qui vient de la faiblesse.
Qu'est-ce que le bonheur ? Le sentiment que la puissance croît, qu'une résistance est en voie d'être surmontée.
Non d'être satisfait, mais d'avoir davantage de puissance. Non pas la paix, mais la guerre. Non la vertu, mais la valeur (vertu dans le sens de la Renaissance, virtu, une vertu « garantie sans moraline »).
Périssent les faibles et les ratés ! Premier principe de notre philanthropie. Et il faut même les y aider.
Qu'est-ce qui est plus nuisible qu'aucun vice ? La compassion active pour tous les ratés et les faibles — le christianisme…
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 2, p. 16
Le christianisme a pris le parti de tout ce qui est bas, vil, manqué, il a fait un idéal de l' opposition à l'instinct de conservation de la vie forte. Même aux natures les mieux armées intellectuellement, il a perverti la raison, en leur enseignant à ressentir les valeurs suprêmes de l'esprit comme entachées de péché, induisant en erreur, comme des tentations.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 5, p. 17
J'appelle dépravé tout animal, toute espèce, tout individu qui perd ses instincts, qui choisit, qui préfère ce qui lui fait mal.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 6, p. 18
La vie est, à mes yeux, instinct de croissance, de durée, d'accumulation de forces, de puissance : là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 6, p. 18
La compassion contrarie en tout la grande loi de l'évolution, qui est la loi de la sélection. Elle préserve ce qui est mûr pour périr, elle s'arme pour la défense des déshérités et des condamnés de la vie, et, par la multitude des ratés de tout genre qu'elle maintient en vie, elle donne à la vie même un aspect sinistre et équivoque.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 7, p. 18
La compassion est la praxis du nihilisme. Répétons-le : cet instinct dépressif et contagieux contrarie les instincts qui visent à conserver et à valoriser la vie : tant comme multiplicateur de la misère que comme conservateur de tout misérable, il est l'instrument principal de l'aggravation de la décadence. La compassion vous gagne à la cause du néant !…
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 7, p. 19
Un mot, encore, contre Kantmoraliste. Il faut qu'une vertu soit notre propre invention, notre recours, notre besoin le plus personnel : en tout autre sens, elle n'est qu'un danger. Ce qui n'est pas une condition de notre vie ne peut que lui nuire. Une vertu est nuisible que si elle ne naît que d'un sentiment de respect pour le mot « vertu », le « devoir », le « bien en soi », le bien doté du caractère de l'impersonnalité et de l'universalité — ce ne sont là qu'élucubrations qui expriment le déclin, le dernier degré d'affaiblissement de la vie, la chinoiserie koenigsberienne. C'est le contraire que commandent les lois les plus profondes de la conservation et du développement : que chacun invente sa propre vertu, son impératif catégorique bien à lui. Un peuple est perdu lorsqu'il confond son devoir avec l'idée du devoir en général.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 22, p. 11
Qu'est-ce qui détruit plus rapidement que de travailler, de penser, de sentir sans nécessité intérieure, sans un choix profondément personnel, sans plaisir, comme un automate mû par le « devoir » ? C'est, tout bonnement, la recette de la décadence, et même de l'idiotie… Kant en est devenu idiot…
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 23, p. 11
Le bouddhisme est cent fois plus réaliste que le christianisme — il a dans le sang l'habitude acquise de poser les problèmes froidement et objectivement, il vient après un mouvement philosophique qui a duré des centaines d'années — la notion de « Dieu » est déjà abolie quand il survient. Le bouddhisme est la seule religion positiviste que nous montre l'Histoire, et même dans sa théorie de la connaissance (un strict phénoménisme) — il ne dit plus « guerre au péché », mais rendant à la réalité ce qui lui est dû : « guerre à la souffrance ». Il a déjà laissé derrière lui — et c'est ce qui le différencie radicalement du christianisme — l'automystification des conceptions morales ; il se trouve, pour employer mon langage, outre bien et mal.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 20, p. 30-31
Le bouddhisme suppose un climat très doux, des mœurs d'une grande aménité et d'une grande tolérance, pas trace de militarisme ; et aussi que le foyer du mouvement se trouve dans les classes supérieures et mêmes savantes. On s'assigne comme but suprême la sérénité, la paix, l'extinction de tout désir et l'on atteint ce but. Le bouddhisme n'est pas une religion dans laquelle on aspire seulement à la perfection ; le parfait y est le cas normal.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 21, p. 32
Le bouddhisme est une religion pour hommes tardifs, pour des races débonnaires, douces, devenues hypercérébrales, qui ressentent trop aisément la souffrance (l'Europe est encore loin d'être mûre pour cela) : il les ramène à la paix et à la sérénité, à la diète dans l'ordre physique. Le christianisme entend venir à bout des fauves : sa méthode consiste à les rendre malades — l'affaiblissement est la recette chrétienne de l' apprivoisement, de la « civilisation ». Le bouddhisme est une religion faite pour l'aboutissement, la lassitude de la civilisation ; le christianisme ne la trouve même pas à sa naissance : au besoin, il la crée.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 23, p. 33
Les Juifs sont le peuple le plus étonnant de l'Histoire universelle, parce que, placés devant la question de l'être et du non-être, ils ont, en pleine conscience et avec une résolution qui fait peur, préféré l'être à tout prix ; ce prix ce fut la falsification radicale de toute nature, de tout naturel, de toute réalité, tant dans le monde intérieur que dans le monde extérieur.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 24, p. 35
Considéré du point de vue de la psychologie, le peuple juif est d'une force vitale prodigieusement résistante, qui, placé dans des conditions impossibles, volontairement et par une profonde habilité à survivre, prend le parti des instincts de décadence — non parce qu'il est dominé par ces instincts, mais parce qu'il a deviné en eux une puissance grâce à laquelle on peut s'imposer contre « le monde ».
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 24, p. 36
Tenir pour sincère un Paul de Tarse, dont la patrie était le centre du rationalisme stoïcien, lorsqu'il arrange une hallucination en preuve de la « survie » du Rédempteur ou simplement lui prêter la foi qu'il raconte qu'il a eu cette hallucination, voilà qui serait pure niaiserie de la part d'un psychologue : Paul voulait la fin, par conséquent il voulait aussi les moyens… Ce que lui-même ne croyait pas, les imbéciles parmi lesquels il répandait sa doctrine le crurent. — Son besoin à lui, c'était le pouvoir : en Paul, c'était encore le prêtre qui aspirait au pouvoir, — tout ce qu'il lui fallait, c'étaient des idées, des enseignements, des symboles, grâce auxquels il pût tyranniser les masses, former des troupeaux. Quel est le seul emprunt que, plus tard, Mahomet fit au christianisme ? L'invention de Paul, son moyen d'asseoir la tyrannie des prêtres, de former des troupeaux : la croyance en l'immortalité — c'est-à-dire la doctrine du « jugement »…
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 42, p. 57
Le mouvement chrétien, en tant que mouvement européen, est d'emblée un mouvement rassemblant sans exclusive toute la lie, tout le rebut de l'humanité (et c'est ce rassemblement qui, par le christianisme, aspire au pouvoir). Il n'exprime pas le déclin d'une race, il est un conglomérat de formes de décadence venues de partout, qui se pressent et se cherchent.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 51, p. 70
Le christianisme n'était pas « national », pas réservé à une race — il s'adressait à tous les déshérités de la vie, quels qu'ils fussent, il avait des alliés partout. La base du christianisme, c'est la rancune des malades, leur instinct dirigé contre les bien-portants, contre la santé. Tout ce qui est achevé, fier, exubérant, et avant tout la beauté, lui fait mal aux oreilles et aux yeux.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 51, p. 70
Un pas de plus dans la psychologie de la conviction, de la « foi ». Il y a longtemps déjà que j’ai fait remarquer que les convictions sont peut-être des ennemis plus dangereux de la vérité que les mensonges (Humain, trop humain ; I, Aph. 483).
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 55, p. 75
Un antisémite ne devient nullement plus respectable du fait qu'il ment au nom d'un principe.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 55, p. 76
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 55, p. 76-77
Il serait tout à fait indigne d'un esprit un peu profond de trouver à redire à la médiocrité en soi. Elle est même une nécessité primordiale pour qu'il puisse y avoir des exceptions : c'est d'elle que dépend toute haute culture.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), Aphorisme 57, p. 80
Si l’Islam méprise le christianisme, il a mille fois raison : l’Islam suppose des hommes pleinement virils.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 59, p. 85
Le christianisme nous a frustrés de la moisson de la culture antique, et, plus tard, il nous a encore frustrés de celle de la culture islamique. La merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce, a été foulée aux pieds (et je préfère ne pas penser par quels pieds !) — Pourquoi ? Parce qu’elle devait le jour à des instincts aristocratiques, à des instincts virils, parce qu’elle disait oui à la vie, avec en plus, les exquis raffinements de la vie maure !… Les croisés combattirent plus tard quelque chose devant quoi ils auraient mieux fait de se prosterner dans la poussière — une civilisation en comparaison de laquelle même notre XIXe siècle semblerait pauvre et retardataire ! Sans doute, ils rêvaient de butin : l'Orient était riche !… Voyons donc les choses comme elles sont ! Les croisades ? Une piraterie de grande envergure, et rien de plus ! […] L'Église a mené sa guerre à outrance contre tout ce que la Terre portait comme d'aristocratique ! […] La noblesse allemande est à peu près entièrement absente de l’histoire de la culture supérieure : on en devine la cause… Le christianisme, l’alcool — les deux grands moyens de corruption… En soi, on ne devrait même pas avoir à choisir entre l’islam et le christianisme, pas plus qu’entre un Arabe et un Juif. La réponse est donnée d’avance : ici, nul ne peut choisir librement. Soit on est un tchandala, soit on ne l’est pas. « Guerre à outrance avec Rome ! Paix et amitié avec l’Islam. » C’est ce qu’a senti, c’est ce qu’a fait ce grand esprit fort, le seul génie parmi les empereurs allemands, Frédéric II.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 60, p. 85
Il est nécessaire de raviver un souvenir encore cent fois plus gênant pour les Allemands. Les Allemands ont frustré l'Europe de la dernière grande moisson de culture que l'Europe aurait dû engranger : la Renaissance.
L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery), éd. Gallimard, 2006 (ISBN2-07-032557-1), Aphorisme 61, p. 86
Mais la disproportion entre la grandeur de ma tâche et la petitesse de mes contemporains s'est traduite par le fait qu'on ne m'a ni entendu, ni même perçu. Je vis sur le crédit que je m'accorde moi-même, peut-être mon existence se réduit-elle à un préjugé ?…
Cette énergie qui me permit de m'isoler complètement, de me détacher totalement des conditions habituelles, la contrainte que je m'imposai pour ne plus me laisser domestiquer, dorloter et droguer par de douteux docteurs — voilà qui trahit une absolue sûreté d'instinct quant à ce qui, alors, faisait avant tout besoin. Je me suis pris moi-même en main, je me suis rendu à moi-même la santé : la condition de cette réussite — tout physiologiste me l'accordera — c'est d'être fondamentalement sain.
« Ecce homo », Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery) (1888-1908), Pourquoi je suis si sage, dans L’Antéchrist suivi de Ecce Homo, Friedrich Nietzsche, éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), p. 101
Un être typiquement morbide ne deviendra jamais sain, et pourra encore moins se rendre la santé ; pour quelqu'un de typiquement sain, au contraire, le fait d'être malade peut être un stimulant énergique de vie, du « plus-vivre ». C'est en fait ainsi que m'apparaît maintenant cette longue période de maladie : je découvris pour ainsi dire la vie, y compris moi-même, avec des yeux neufs, je savourai toutes les bonnes — et même les petites — choses, comme d'autres auraient du mal à les savourer — je fis de ma volonté de santé et de vie ma philosophie… Car, qu'on y prenne bien garde : mes années de plus faible vitalité furent celles où je cessai d'être pessimiste : l'instinct de l'« autoreconstitution » m'interdisait une philosophie de la pauvreté et du découragement… Et à quoi, au fond, reconnaît-on l' épanouissement physique ? À ce qu'un être épanoui fait du bien à nos sens ; à ce qu'il est taillé dans un bois qui est à la fois ferme, tendre et odorant. Il n'a de goût que pour ce qui lui fait du bien ; son plaisir, son envie, cesse là où la mesure de ce qui convient est franchie. Il invente des remèdes contre les lésions, il exploite à son avantage les hasards malencontreux : ce qui ne le fait pas périr lui donne des forces. D'instinct, de tout ce qu'il voit, entend et vit, il amasse son propre capital : il est un principe de sélection, il élimine bien des choses. Il est toujours dans sa société bien à lui, qu'il commerce avec des livres, des hommes ou des paysages ; par son choix, il honore ce qu'il a choisi, ce qu'il admet, ce à quoi il fait confiance. À toutes sortes de sollicitations, il réagit lentement, avec cette lenteur dont une longue prudence et une fierté délibérée lui ont imposé la discipline. Bien loin d'aller au-devant d'elle, il examine attentivement la sollicitation qui se présente à lui. Il ne croit ni à la « malchance », ni à la « faute » : il vient à bout de lui-même et des autres, il sait oublier — il est assez fort pour que tout, nécessairement, tourne à son avantage. Eh bien, je suis tout le contraire d'un décadent : car c'est moi-même que je viens de décrire.
« Ecce homo », Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery) (1888-1908), Pourquoi je suis si sage, dans L’Antéchrist suivi de Ecce Homo, Friedrich Nietzsche, éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), p. 101
Ce que je reproche aux âmes compatissantes, c'est qu'elles perdent facilement toute pudeur, toute délicatesse, tout respect des distances, c'est que, pour un rien, la compassion sent sa plèbe et ressemble à s'y méprendre aux mauvaises manières, — c'est que des mains compatissantes, peuvent à l'occasion avoir un effet proprement dévastateur lorsqu'elles s'en prennent à un grand destin, à une solitude blessée, et au privilège d'une faute écrasante.
« Ecce homo », Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery) (1888-1908), Pourquoi je suis si sage, dans L’Antéchrist suivi de Ecce Homo, Friedrich Nietzsche, éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), p. 105
[…] j'ai besoin de solitude, je veux dire de guérison, de retour à moi, du souffle d'un air pur qui circule librement… Tout mon Zarathoustra n'est qu'un dithyrambe en l'honneur de la solitude, ou, si l'on m'a compris, en l'honneur de la pureté… Heureusement, pas en l'honneur de la pure niaiserie ! — Qui sait voir les couleurs l'appellera adamantine… Le dégoût de l'homme, de la « canaille », fut toujours mon plus grand péril…
« Ecce homo », Friedrich Nietzsche (trad. Jean-Claude Hémery) (1888-1908), Pourquoi je suis si sage, dans L’Antéchrist suivi de Ecce Homo, Friedrich Nietzsche, éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006 (ISBN978-2-07-032557-3), p. 110
En tout cela — dans le choix de l'alimentation, du lieu et du climat, du délassement — c'est un instinct de conservation qui commande, lequel s'exprime de la façon la moins équivoque comme instinct d'autodéfense. Refuser de voir, d'entendre, de laisser approcher toutes sortes de choses — première intelligence, première preuve qu'on n'est pas un hasard, mais une nécessité. Le mot courant pour cet instinct d'autodéfense est le goût. Son impératif n'enjoint pas seulement de dire non, là où le oui serait du « désintéressement », mais encore de dire non le moins possible. Se séparer, se couper de tout ce qui obligeait toujours plus à dire non. La raison, en cela, c'est que les dépenses défensives, si petites qu'elles soient, quand elles deviennent la règle, l'habitude, provoquent un appauvrissement extraordinaire et parfaitement superflu. Nos grandes dépenses sont les petites qui s'accumulent. Se défendre, ne pas laisser approcher, c'est une dépense – qu'on ne s'y trompe pas —, une force dilapidée pour des buts négatifs. On peut, dans la détresse constante de la défense, s'affaiblir suffisamment pour n'être plus capable de se défendre.
Je ne saurais voir dans l'athéisme un résultat, un événement : il est chez moi instinct naturel. Je suis trop curieux, trop sceptique, trop hautain pour accepter une réponse grossière. Dieu est une réponse grossière, une goujaterie à l'égard du penseur ; ce n'est même, au fond, qu'une grossière interdiction à notre endroit : Défense de penser…
Le christianisme a fait de l'immense désir de suicide qui régnait au temps de sa naissance le levier même de sa puissance : tandis qu'elle interdisait de façon terrible toutes les autres formes de suicide, il n'en laissa subsister que deux qu'il revêtit de la suprême dignité : le martyre et la lente mise à mort de soi-même par l'ascète.
On veut la liberté aussi longtemps qu'on n'a pas la puissance. Mais si on a la puissance, on veut la suprématie. Si l'on ne réussit pas parce qu'on est trop faible, on veut la « justice », c'est-à-dire une puissance égale.
Manager en toutes lettres, guide d'action et de culture (1995), François Aélion, éd. Les éditions d'organisation, 1999 (ISBN2-7081-1803X), p. 179
Rien ne vaut rien. Il ne se passe rien et cependant tout arrive, mais cela est indifférent.
Nous, chercheurs de la connaissance, nous sommes pour nous-mêmes des inconnus, pour la bonne raison que nous ne nous sommes jamais cherchés. Quelle chance avions-nous de nous trouver quelque jour ? Notre trésor est là où sont les ruches de notre savoir. Abeilles-nées, toujours en quête, collecteurs du miel de l'esprit, une seule chose nous tient vraiment à cœur - ramener quelque chose à la maison. Pour le reste quant à la vie, aux prétendues expériences vécues, lequel d'entre nous les prend seulement au sérieux, lequel en a le temps ? [...] Ainsi arrive-t-il que nous nous frottions les oreilles après-coup, en nous demandant tout étonnés : qu'est-ce que nous avons au juste vécus ? Et nous essayons alors après-coup, comme je viens de le dire, de faire le compte des douze coups de cloches vibrants de notre expérience, de notre vie, de notre être - hélas, sans trouver de résultat juste. Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas. À notre propre égard nous ne sommes pas des « chercheurs de la connaissance. »
Premier paragraphe de l'avant-propos de « La généalogie de la morale ».
Nietzsche vivait sur le pont du surhumain ; Jean Cocteau vit sur le pont de la concorde.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
Nietzsche a instruit patiemment sa volonté de puissance par ses longues marches dans la montagne, par sa vie en plein vent sur les sommets. Sur les sommets, il a aimé : «L'âpre divinité de la roche sauvage». La pensée dans le vent ; il a fait de la marche un combat. Mieux, la marche est son combat. C'est elle qui donne le rythme énergétique de Zarathoustra. Zarathoustra ne parle pas assis, il ne parle pas en se promenant, comme un péripatéticien. Il donne sa doctrine en marchant énergiquement. Il la jette aux quatre vents du ciel.
L'eau et les rêves — Essai sur l'imagination de la matière (1942), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1993 (ISBN978-2-253-06100-7), partie II, chap. VIII L'eau violente, p. 183
Dans le règne de l'imagination, l'air nous libère des rêveries substantielles, intimes, digestives. Il nous libère de notre attachement aux matières : il est donc la matière de notre liberté. À Nietzsche, l'air n'apporte rien. Il ne donne rien. Il est l'immense gloire d'un Rien. Mais de rien donner n'est-il pas le plus grand des dons. Le grand donateur aux mains vides nous débarrasse des désirs de la main tendue. Il nous habitue à ne rien recevoir, donc à tout prendre. [...] l'air est la véritable patrie du prédateur. L'air est cette substance infinie qu'on traverse d'un trait, dans une liberté offensive et triomphante, comme la foudre, comme l'aigle, comme la flèche, comme le regard impérieux et souverain. Dans l'air on emporte au grand jour sa victime. On ne se cache pas.
L'Air et les Songes — Essai sur l'imagination du mouvement (1943), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1992 (ISBN978-2-253-06100-7), partie III, chap. V. « Nietzsche et le psychisme ascensionnel », p. 175
Le nietzschéisme est essentiellement un vertige surmonté. Près de l'abîme, Nietzsche vient chercher des images dynamiques d'ascension. Le réel du gouffre donne à Nietzsche, par une dialectique bien connue de l'orgueil, la conscience d'être une force surgissante.
L'Air et les Songes — Essai sur l'imagination du mouvement (1943), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1992 (ISBN978-2-253-06100-7), partie III, chap. V. « Nietzsche et le psychisme ascensionnel », p. 175
La volonté nietzschéenne prend appui sur sa propre vitesse. Elle est une accélération du devenir qui n'a pas besoin de matière. Il semble que l'abîme, comme un arc toujours tendu, serve à Nietzsche à lancer ses flèches vers le haut. Près de l'abîme, le destin humain est de tomber. Près de l'abîme, le destin du surhomme est de jaillir, tel un pin vers le ciel bleu.
L'Air et les Songes — Essai sur l'imagination du mouvement (1943), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1992 (ISBN978-2-253-06100-7), partie III, chap. V. « Nietzsche et le psychisme ascensionnel », p. 175
Le renversement (Umkehrung en allemand) se fait, pour Nietzsche, en deux moments historiques et culturels : premièrement, avec ce qu'il appelle la scission de l'ancienne aristocratie en une « aristocratie guerrière » et une « aristocratie sacerdotale », et deuxièmement, avec l'avènement du judaïsme et sa lutte ultérieure avec la culture romaine sous la forme du christianisme. À ces deux moments, le faible l'emporte sur le fort, et la métaphysique prend un essor culturel dont le dernier avatar est le nihilisme moderne.
(fr)Friedrich Nietzsche, Richard Beardsworth, éd. Les belles lettres, 1997 (ISBN2-251-76001-6), p. 55
Montaigne, Nietzsche. Jamais l'un ni l'autre ne pensent sans se raconter. Leur singularité est partout présente, perceptible. Jamais pourtant ils ne se racontent pour le plaisir de l'épanchement. Ils ne cherchent pas à mettre leur vie sous le regard. C'est tout différent : ils regardent, et décrivent, et pensent avec leur vie.
Dernières nouvelles des choses, Roger-Pol Droit, éd. Odile Jacob, 2003, p. 74-75
Lorsque Barbey d'Aurevilly écrit sur Brummell, c'est pour extraire une théorie de ce qu'après Balzac on pourrait appeler la vie élégante. La plus belle réussite d'un dandy est l'emploi de son temps, et non son argent. Car il méprise l'or dans lequel croupissent les bourgeois. Son chef-d'œuvre est sa liberté, l'acquisition de sa liberté. Je me souviens d'une belle phrase de Nietzsche qui écrivait qu'un homme qui ne dispose pas des deux tiers de son temps pour son propre usage n'est pas un homme libre.
Le Désir d'être un volcan — Journal hédoniste, Michel Onfray, éd. Grasset, coll. « Le Livre de Poche Biblio Essais », 1996 (ISBN2-253-94263-4), chap. 9. Baudelaire, encore, p. 76
Dans les fragments, Nietzsche parle à plusieurs reprises de la «misérable grisaille» de la langue de Hegel et de l'allemand de bureaucrate de Kant. Les philosophes allemands écrivent une langue empêtrée, lourde, informe, et cela a encore empiré de nos jours. Seul Ludwig Wittgenstein, parmi les contemporains, écrit une langue digne de l'allemand.
« Nietzsche, la pensée et le style », George-Arthur Goldschmidt, Le Point (hors série) (ISSN 0242-6005), nº 15, septembre-octobre 2007, p. 75
Quel a été jusqu'ici le plus grand péché commis sur terre ? N'était-ce pas la parole de celui qui a dit « malheur à ceux qui rient » ? À l'encontre des promesses du Christ, Nietzsche dit : « Nous ne voulons nullement entrer dans le royaume des cieux. Nous sommes devenus des hommes et c'est pourquoi ce que nous voulons, c'est le royaume de la terre. »
Jésus de Nazareth (2007), Joseph Ratzinger (trad. Dieter Hornig, Marie-Ange Roy et Dominique Tassel), éd. Flammarion, 2007, p. 119
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