Ennui

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L'ennui est un sentiment de fatigue morale, de lassitude, de découragement, lié au manque d'intérêt pour quelque chose ou quelqu'un, ou à une impression de vide, d'inutilité.

Cinéma[modifier]

Critique[modifier]

Paolo Mereghetti, Les grands cinéastes : Orson Welles, 2007[modifier]

Selon les jeunes critiques américains, l'une des grands découvertes de notre époque est la valeur de l'ennui en tant que thème artistique. Si cela est vrai, alors Antonioni mérite de figurer parmi les pionniers de cette tendance en tant que père fondateur.
  • De Orson Welles, cité dans :
  • Les grands cinéastes : Orson Welles, Paolo Mereghetti, éd. Cahiers du cinéma, 2007, p. 71


Littérature[modifier]

Correspondance[modifier]

Arrigo Boito, Verdi. Autobiographie à travers la correspondance, 1894[modifier]

L'ennui est une opinion.
  • « À propos de l'opéra Fior d'Alpe, de Franchetti (réponse à Verdi) », Arrigo Boito, dans Verdi. Autobiographie à travers la correspondance (1894), Aldo Oberdorfer (éd.), éd. J. C. Lattès, 1984, p. 371


Écrit intime[modifier]

Alfred de Vigny, Journal d'un poète, 1867[modifier]

L'ennui est la grande maladie de la vie ; on ne cesse de maudire sa brièveté, et toujours elle est trop longue, puisqu'on n'en sait que faire.
  • Journal d'un poète (1867), Alfred de Vigny, éd. Librairie Delagrave, 1921, p. 86


Pierre Pachet, Autobiographie de mon père, 1994[modifier]

Sans doute est-il nécessaire que je m’explique, moi Pierre Pachet, sur le texte étrange qu’on va lire et pour lequel j’ai tenu la plume. Quel est le sens de ce projet, et comment l’ai-je réalisé ? Dans l’enfance, je m’ennuyais beaucoup (…) Seule ma mère avait la sympathie et la finesse nécessaires pour me comprendre et m’aider(…) Mon père, lui, n’émergeait de son travail que pour rechercher le repos, en « s’allongeant » ou en partant se promener. Mais l’ennui, chez moi, ne voulait pas des promenades.


Essai[modifier]

Blaise Pascal, Pensées, 1669[modifier]

Ennui. — Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir.


Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de la littérature française, 2005[modifier]

On peut aimer l’ennui. C’est même une façon d’aimer la société dans laquelle on vit. Dans les années 1960, les habitants de l’Europe de l’Ouest raffolaient de l’élégant ennui des films d’Antonioni, ceux de l’Europe de l’Est vénéraient le brutal ennui des pièces de Bertolt Brecht.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 280


Quantité de gens se marient pour la même raison qu’ils lisent : ils s’ennuient. Aussitôt s’anéantit le romanesque de l’amour, car, marié, on se rend compte qu’on est le même avec du poids en plus. Les membres du couple s’ennuient. Ils se remettent à lire. La facilité du divorce a réduit le nombre de lecteurs de romans.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 280-281


Poésie[modifier]

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857[modifier]

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices [...],
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris,
Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C'est l'Ennui !


Henri de Régnier, Les jeux rustiques et divins, 1897[modifier]

Je t’entendais jadis du fond des soirs d’ennui
Gémir avec le câble et la mâture
Et les grands et calmes oiseaux
Dont l’aile frôle le silence,
Je t’entends au fond des soirs d’ennui
Pleurer dans l’ombre où l’Heure a fui
Avec les ailes du Silence.

  • « Refrain », dans Les jeux rustiques et divins, Henri de Régnier, éd. Mercure de France, 1897, p. 231


Victor Hugo, Dernière gerbe, 1902[modifier]

Vengeance est fille de l'ennui.
  • Dernière gerbe, Victor Hugo, éd. Société d'éditions littéraires et artistiques, 1906?, p. 52


Poésie critique[modifier]

Jean Cocteau, Le Coq et l'Arlequin — Notes autour de la musique, 1918[modifier]

Il y a des œuvres longues qui sont courtes. L’œuvre de Wagner est une œuvre longue qui est longue, une œuvre en étendue, parce que l’ennui semble à ce vieux dieu une drogue utile pour obtenir l'hébétement des fidèles.
  • Le Coq et l'Arlequin, Jean Cocteau, éd. Ed. De la Sirène, 1918, p. 22


Prose poétique[modifier]

André Breton, Poisson soluble, 1924[modifier]

Pourvu que je ne manque pas la correspondance avec l'ennui ! Nous y sommes : l'ennui, les belles parallèles, ah ! que les parallèles sont belles sous la perpendiculaire de Dieu.


Paul Éluard , Capitale de la douleur, 1926[modifier]

Sous la menace rouge d'une épée, défaisant sa chevelure qui guide des baisers, qui montre à quel endroit le baiser se repose, elle rit. L'ennui, sur son épaule, s'est endormi. L'ennui ne s'ennuie qu'avec elle qui rit, la téméraire, et d'un rire insensé, d'un rire de fin du jour semant sous tous les ponts des soleils rouges, des lunes bleues, fleurs fanées d'un bouquet désenchanté.
  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Éluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Sous la menace rouge, p. 99


Robert Desnos, La liberté ou l'amour !, 1927[modifier]

Qui donc a comparé l’ennui à la poussière ? L’ennui et l’éternité sont absolument nets de toute souillure. Un balayeur mental en surveille soigneusement la propreté désespérante. Ai-je dit désespérante ? L’ennui ne saurait pas plus engendrer le désespoir qu’il ne saurait aboutir au suicide. Vous qui n’avez pas peur de la mort essayez donc un peu de l’ennui. Il ne vous servira plus à rien par la suite de mourir. Une fois pour toutes vous auront été révélés le tourment immobile et les perspectives lointaines de l’esprit débarrassé de tout pittoresque et de toute sentimentalité.


L’ennui, l’ennui que je cultive avec une rigoureuse inconscience pare ma vie de l’uniformité d’où jaillissent la tempête et la nuit et le soleil.


Roman[modifier]

Charles Robert Maturin, Melmoth — L'homme errant, 1820[modifier]

Un temps viendra où, par ennui, vous éprouverez autant de désir d'entendre ces cris qu'ils vous inspirent aujourd'hui d'horreur ; vous guetterez le délire de votre voisin, comme vous feriez d'une représentation théâtrale. Tout sentiment d'humanité sera éteint en vous ; les fureurs de ces misérables seront à la fois pour vous une torture et un divertissement.


George Sand, Pierre qui roule, 1870[modifier]

L’ennui me dévorait, car, de toutes les causes d’ennui, l’irrésolution est la plus pesante.
  • Pierre qui roule (1876), George Sand, éd. Michel Lévy frères, 1876, p. 242


Daniel Boulanger, Table d’hôtes, 1982[modifier]

Vous ne savez pas ce que c’est que l’ennui, docteur. Imaginez que vous soyez cette boîte à thé. Elle a six faces.
- Oui, dit Aubineau en regardant le cube de bois blanc marqué au fer en lettres cyrilliques, que prenait la fille du prince de Novgorod.
- Eh bien, j’ôte le couvercle, je la retourne...
- Mais vous faites tomber le thé !
- Nous le ramasserons, dit-elle. Voici donc une boîte vide et sans couvercle. Il lui reste quatre faces et un fond. Ôtez-les un à un.
- Mais il n’y aura plus rien ! dit le docteur.
- Juste le souvenir, reprit-elle, de ce qui était et l’idée de ce qui pourrait redevenir une boîte, mais la boîte n’a aucun désir et je n’ai aucun goût pour elle. Voilà mon existence, voilà l’ennui. J’ajoute que ce qui est écrit sur cette boîte n’est pas le mot thé, mais le mot pâte de fruit. Autrement dit, elle ne sert pas à ses fins premières.
- Un ennui double alors, dit le docteur, un ennui de luxe. Ce qui n’est déjà plus l’ennui pur.

  • « Le prince ouvrier », dans Table d’hôtes, Daniel Boulanger, éd. Gallimard, 1982, p. 118-119


Macha est ma meilleure amie, mais elle n’est pas à mon service. L’ennui est pareil à la lampe que la police vous dirige dans l’œil et qui suit chacun de vos mouvements. Il arrive qu’une amie passer entre elle et nous. Cela soulage, mais un si court instant ! L’amie est toujours de hasard, avez-vous remarqué ?
  • « Le prince ouvrier », dans Table d’hôtes, Daniel Boulanger, éd. Gallimard, 1982, p. 121


Philippe Djian, Lent dehors, 1991[modifier]

Ma classe ressemblait à une cité engloutie, peuplée de fantômes et de carcasses piquant du nez dans un courant d'eau tiède.


Certaines avaient de belles paires de fesses, de jolies poitrines. Elles avaient des cris clairs, des dents blanches, des poses étudiées. Les garçons les observaient comme du bétail et souriaient aux obscénités qu'ils échangeaient. Ils avaient des yeux vifs, des dents blanches, des manières brutales. Ce qu'ils partageaient, les uns et les autres, ce qu'évoquait leur visage, était la cruauté et l'ennui.


Fred Vargas, L'armée Furieuse, 2011[modifier]

Ici, c'est comme partout, il y a beaucoup de têtes creuses qui ont vite fait de se remplir de n'importe quoi, si possible du pire. C'est ce que tout le monde préfère, le pire. On s'ennuie tellement.
  • L'armée Furieuse, Fred Vargas, éd. Viviane Hamy, 2011, p. 76


Philosophie[modifier]

Salvador Dalí, Journal d’un génie adolescent, 1964[modifier]

Il vaut mieux péter pour tuer le temps, que de médire, de faire des libelles ou de mauvais vers.
  • Extrait de la citation originelle : « Si ces messieurs n’ont rien de mieux à faire, ils ont raison, il faut égayer l’ennui d'un bureau, et il vaut mieux péter pour tuer le temps, que de médire, de faire des libelles ou de mauvais vers. »
  • Journal d’un génie adolescent, Salvador Dalí, éd. La Table ronde, 1964, p. 293


Marcel Conche, Confessions d’un philosophe. Réponses à André Comte-Sponville, 2003[modifier]

Le grand bonheur est toujours extraordinaire et impréparé ; on ne peut ni le choisir ni l’organiser. Quant au petit bonheur courant, je n’y vois qu’ennui et promesse d’ennui.
  • Confessions d’un philosophe. Réponses à André Comte-Sponville, Marcel Conche, éd. Albin Michel, coll. « Biblio Essais », 2003  (ISBN 2-253-13100-8), p. 154


Alain Jay, Quel ennui !, 2007[modifier]

Dans la perspective chrétienne, l'ennui est un passe-temps de reptile.
  • Quel ennui !, Alain Jay, éd. L'Harmattan, 2007, p. 54


L'analogie entre l'ennui et le sommeil, qui culmine dans la sieste, ne vaut précisément qu'à titre d'analogie. () De fait ils diffèrent, et par un point essentiel : dormir suppose de s'abandonner, alors que l'ennui est une résistance. Passive, certes, mais résistance tout de même.
  • Quel ennui !, Alain Jay, éd. L'Harmattan, 2007, p. 90


L'ennui est la veille d'une conscience solitaire.
  • Quel ennui !, Alain Jay, éd. L'Harmattan, 2007, p. 91


Qu'est-ce que l'insomnie en effet sinon un ennui agacé de petites lanières en cuir pour autant d'ennuis diurnes particuliers remontant à la surface des draps ?
  • Quel ennui !, Alain Jay, éd. L'Harmattan, 2007, p. 91


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