Pensée

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Le Penseur de Rodin. Musée Rodin (Paris, France).

La pensée est l'activité psychique consciente dans son ensemble par laquelle l'être humain élabore des concepts qu'il associe pour apprendre, créer et agir au contact de la réalité.

Enseignement[modifier]

Guide[modifier]

Maharishi Mahesh Yogi Lake Louise Canada, 1968[modifier]

Il est possible à tout homme d'aller profondément à l'intérieur et de saturer sa conscience avec le bonheur intérieur, cette intelligence illimitée, qui demeure à la source de la pensée.
  • (en) It is possible for every man to go deep within and saturate his conscious mind with inner happiness with that unlimited intelligence that dwells at the source of thought.
  • Maharishi Mahesh Yogi, 1968, Lake Louise, Canada, dans Bienfaits-Méditation, paru 2010, Maharishi University.


Littérature[modifier]

Biographie[modifier]

André Maurois, Lélia ou la vie de George Sand, 1952[modifier]

La pensée trop libre n'avance pas, malgré ses efforts ; elle aurait besoin, comme l'oiseau, de la résistance du milieu. L'action révèle les limites que doit s'imposer l'esprit.
  • L'écrivain biographe André Maurois à propos de George Sand.
  • Lélia ou la vie de George Sand (1952), André Maurois, éd. Le Livre de Poche, 2004  (ISBN 2-253-10923-1), chap. I. Aurore Dupin, V. L'héritière de Nohant, p. 69


Cahier[modifier]

Emil Cioran, Cahiers, 1957-1972[modifier]

On ne réfléchit que parce qu'on se dérobe à l'acte. Penser, c'est être en retrait.


Critique[modifier]

Tristan Tzara, Atrocités d'Arthur et Trompette et Scaphandrier, 1919[modifier]

Une pensée peut s'allumer comme un bandage et sauter comme une certaine couleur verte que j'ai composée une fois avec le sang du colibri, le caoutchouc des bicyclettes à califourchon sur un fil télégraphique.
  • « Atrocités d'Arthur et Trompette et Scaphandrier », Tristan Tzara, Littérature, nº 9, Novembre 1919, p. 24


Cécile Guilbert, Les ruses du professeur Nabokov, 2010[modifier]

Ce « ronronnement suprême de plaisir produit par l'impact d'une pensée voluptueuse qui est une autre façon de définir l'art authentique », Nabokov le nomme aussi « frisson ». A cet égard, ne jamais oublier que le mot se dit en italien capriccio, d'où « caprice », fantaisie, liberté.
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXX


Écrit intime[modifier]

Salvador Dali, Les Moustaches radar, 1964[modifier]

J'ai déjà dit, en racontant ma rencontre avec lui, que le crâne de Freud ressemblait à un escargot de Bourgogne. La conséquence est évidente : si on veut manger sa pensée il faut la sortir avec une aiguille. Alors elle sort tout entière.


Anaïs Nin, Henry et June — Les cahiers secrets, 1986[modifier]

Août (1932)

Nos conversations sont merveilleuses, du théâtre à deux, non des duels, mais de fulgurantes illuminations de chacun. Je peux servir de déclencheur à certaines de ses pensées encore imprécises. Il élargit ma propre pensée. Je le fais prendre feu. Il me change en eau. Il y a un mouvement constant entre nous. Et il s'accroche. Il me tient en main comme une proie.
  • Henry et June — Les cahiers secrets (1986), Anaïs Nin (trad. Béatrice Commengé), éd. Stock, 2007  (ISBN 978-2-234-05990-0), Août (1932), p. 268


Journal[modifier]

Ernst Jünger[modifier]

Une pensée qui nous échappe ressemble au poisson qui se détache de l'hameçon. Nous ne devrions pas le pourchasser ; il continue à se nourrir dans les profondeurs pour nous revenir ensuite, plus lourd.
  • Jardins et routes (1942), Ernst Jünger (trad. Maurice Betz (revue par Henri Plard)), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1979, p. 249


Manifeste[modifier]

André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924[modifier]

Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée par la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préocupation esthétique ou morale.


Poésie[modifier]

Paul Éluard , L'Amour la poésie, 1929[modifier]

Passage où la vue détourne d'un coup la pensée

Passage où la vue détourne d'un coup la pensée
Une ombre s'agrandit cherche son univers
Et tombe horizontalement
Dans le sens de la marche.

  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1929), Paul Éluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Comme une image, XII. Passage où la vue détourne d'un coup la pensée, p. 215


Octavio Paz, Liberté sur parole, 1958[modifier]

Pierre de soleil

[...] vêtue de la couleur de mes désirs
comme ma pensée tu vas nue,
je vais par tes yeux comme dans l'eau,
les tigres boivent du rêve à ces yeux,
le colibri se brûle à ces flammes.

  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Benjamin Péret), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie IV. PIERRE DE SOLEIL (1957), p. 162


Prose poétique[modifier]

André Breton/Philippe Soupault, Les Champs Magnétiques, 1919[modifier]

J'arriverai peut-être à diriger ma pensée au mieux de mes intérêts. Soins des parasites qui entrent dans l'eau ferrugineuse, absorbez-moi si vous pouvez.


André Breton, Poisson soluble, 1924[modifier]

— Tu as raison, me dit-elle, l'ombre ici présente est sortie tantôt à cheval. Les guides étaient faites de mots d'amour, je crois, mais puisque les naseaux du brouillard et les sachets d'azur t'ont conduit à cette porte éternellement battante, entre et caresse-moi tout le long de ces marches semées de pensées.


Joyce Mansour, Dolman le maléfique, 1961[modifier]

Il apprit le langage des aliments savants, la texture des soies de l'Orient, le vol des oiseaux les plus intrépides, la pensée des sages, la mode de digestion des volcans. Et il se lassa. Il se lassa des femmes, des paysages semés de guerriers aux cris de chats, des insectes, de lui-même, du reste. Il tenta bien de ranimer son enthousiasme défaillant par toutes sortes de perversions persuasives mais la délicate ampleur de son libre pénis était dorénavant sans saveur pour lui.
  • « Dolman le maléfique », Joyce Mansour, La Brèche, nº 1, Octobre 1961, p. 49


Roman[modifier]

Jean d'Ormesson, Presque rien sur presque tout, 1996[modifier]

Nous sommes condamnés à la pensée comme nous sommes condamnés au temps et à la liberté. Il est un peu gauche pour un homme de parler de pensée, car il ne peut rien en dire qu’en se servant de la pensée, ou de ce qui lui tient lieu. Ce qui le précipite aussitôt dans un cercle vicieux et dans un tourbillon dont personne ne peut sortir et qui donne le vertige. Penser la pensée est le plus drôle, le plus cruel, le plus dangereux des drôles de jeux.


La pensée n’est pas liée, comme l’instinct chez les fourmis ou chez les abeilles si laborieuses, à telle ou telle situation. Elle n’est pas liée à tel ou tel objet. Elle est une ouverture au tout. L’homme, qui est un animal, n’est plus un animal. Il est autre chose. D’une certaine façon, il est le tout. Parce qu’il le pense.


Victor Hugo, Les Misérables, 1862[modifier]

Penser, voilà le triomphe vrai de l’âme.


La pensée est le labeur de l’intelligence, la rêverie en est la volupté.


Remplacer la pensée par la rêverie, c’est confondre un poison avec une nourriture.


La philosophie est le microscope de la pensée.


Marie d'Agoult, Nélida, 1866[modifier]

Chez les femmes les plus hautement douées, le cœur, dans ses élans rapides, dépasse de si loin la pensée qu'à lui seul il agite, soumet, bouleverse et entraîne au hasard toute la première moitié de l'existence. La pensée, plus lente en sa marche, grandit, d'abord inaperçue, au sein des orages ; mais peu à peu elle s'élève au-dessus d'eux, les connaît, les juge, les condamne ou les absout ; elle devient souveraine. Le combat fut long et cruel pour Nélida, et quand elle entra en possession des forces que la nature lui avait données, elle se trouva en présence d'ennemis extérieurs aussi formidables que l'avait été son amour. La lutte recommença sous d'autres aspects et dans une autre arène.


Alexandre Dumas, Le Bagnard de l'Opéra, 1868[modifier]

Il est vrai que la nuit, quand je pouvais prendre sur moi de fermer mes volets aux rayons tentateurs de la lune ; quand je pouvais détourner mes regards de ce ciel tout scintillant d'étoiles ; quand je pouvais m'isoler avec ma propre pensée, je ressaisissais quelque empire sur moi-même. Mais, comme un miroir, mon esprit avait conservé un reflet de ses préoccupations de la journée, et, comme je l'ai dit, ce n'étaient plus des créatures humaines avec leurs passions terrestres qui m'apparaissaient, c'étaient de beaux anges qui, à l'ordre de Dieu, traversaient d'un coup d'aile ces espaces infinis ; c'étaient des démons proscrits et railleurs, qui, assis sur quelque roche nue, menaçaient la terre ; c'était enfin une œuvre comme La Divine Comédie, comme le Paradis perdu ou comme Faust, qui demandait à éclore, et non plus une composition comme Angèle ou comme Antony.
Malheureusement je n'étais ni Dante, ni Milton, ni Goethe.


Gabriele D'Annunzio, Le Feu, 1900[modifier]

— Connaissez-vous, Perdita, demanda soudain Stelio, connaissez-vous au monde un autre lieu qui, autant que Venise, possède, à certaines heures, la vertu de stimuler l’énergie de la vie humaine par l’exaltation de tous les désirs jusqu’à la fièvre ? Connaissez-vous une plus redoutable tentatrice ?
Celle qu’il appelait Perdita, le visage penché comme pour se recueillir, ne fit aucune réponse ; mais elle sentit passer dans tous ses nerfs l’indéfinissable frisson que lui donnait la voix de son jeune ami, quand cette voix devenait révélatrice d’une âme véhémente et passionnée vers qui elle était attirée par un amour et une terreur sans limites.
— La paix, l’oubli ! Est-ce que vous les retrouvez là-bas, au fond de votre canal désert, lorsque vous rentrez épuisée et brûlante pour avoir respiré l’haleine des foules qu’un de vos gestes rend frénétiques ? Moi, lorsque je vogue sur cette eau morte, je sens ma vie se multiplier avec une rapidité vertigineuse ; et, à certaines heures, il me semble que mes pensées s’enflamment comme à l’approche du délire.
— La force et la flamme sont en vous, Stelio ! — dit la Foscarina, presque humblement, sans relever les yeux.

  • Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. I. L'épiphanie du feu, p. 4


Renée Dunan, La Culotte en jersey de soi, 1923[modifier]

— Tu as gardé ta pensée d'avant le cataclysme.
— Je n'ai qu'une pensée. Et puis j'ai vu cela. Je l'ai vécu...
— Elle a raison. Le goût de s'individualiser est maladif quand il pousse à renier les seules belles choses que les vieilles théologies avaient révérées et qui nous sont chères par tant de fibres ancestrales.
— On ne peut pas tout juger sous l'aspect de la morale nietzschéenne.
— Mais vous savez bien que la conception du Maître, qui règne et fabrique des superéthiques, finit dans la paralysie générale. Je crois bien que cette conversation nous indique un moyen de charmer les heures à passer ici. Que celles-ci soient longues ou que la plèbe vienne nous assiéger.


George Orwell, 1984, 1948[modifier]

Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer.


La double pensée est le pouvoir de garder à l'esprit simultanément deux croyances contradictoires, et des les accepter toutes deux. Un intellectuel du Parti sait dans quel sens ses souvenirs doivent être modifiés. Il sait, par conséquent, qu'il joue avec la réalité, mais, par l'exercice de la double pensée, il se persuade que la réalité n'est pas violée. Le processus doit être conscient, autrement, il ne pourrait être réalisé avec une précision suffisante, mais il doit aussi être inconscient. Sinon, il apporterait avec lui une impression de falsification et, partant, de culpabilité.


Médias[modifier]

Presse[modifier]

Philosophie[modifier]

Karl Marx/Friedrich Engels, Thèses sur Feuerbach, 1845[modifier]

II. La question de savoir s'il y a lieu de reconnaître à la pensée humaine une vérité objective n'est pas une question théorique, mais une question pratique. C'est dans la pratique qu'il faut que l'homme prouve la vérité, c'est-à-dire la réalité, et la puissance de sa pensée dans ce monde et pour notre temps. La discussion sur la réalité ou l'irréalité de la pensée, isolée de la pratique, est purement scolastique.
  • Textes 1 (1845), Karl Marx (trad. R. Cartelle et G. Badia), éd. sociales, coll. « Classiques du marxisme », 1972, chap. Un nouveau matérialisme, p. 89


Psychanalyse[modifier]

Alberto Eiguer, Le Pervers narcissique et son complice, 1989[modifier]

Il ne faut pas qu'il opère cette seconde naissance qu'est la naissance psychique ; il ne faut pas qu'il croisse, qu'il pense, qu'il désire, qu'il rêve. (...) Pas plus que de rêver, il devra penser : la séduction narcissique ne tolère ni le désir ni la pensée, qui sont preuves d'insurrection »
  • il est question ici de l'enfant de la mère perverse narcissique.
  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie I. Le Champ de la perversion narcissique, chap. Définition et description générale, Séduction narcissique, p. 26


Applications à la psychopathologie

Les traits généraux de la perversion narcissique se retrouvent chez le psychotique avec des différences dues à la structure propre à chaque variante clinique : schizophrénie, paranoïa, psychose maniaco-dépressive. Si le paranoïaque est plus habile parce qu'il possède un degré de savoir et de pensée suffisamment développé, ou est plus habitué à induire des vécus, le schizophrène n'est pas moins efficace parce que déconcertant et paroxystique. Le schizophrène a le désordre interne en plus, mais il risque de faire de la perversion narcissique un mode défensif de restitution, équivalent au délire, et de ce fait, de rendre le travail thérapeutique plus ardu.
  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie II. Applications à la psychopathologie, chap. Psychose et perversion narcissique, Emprise régressive et emprise fonctionnelle, p. 83


Chaque patient organise ses défenses perverses d'après le modèle du conflit interne. Schématiquement, le paranoïaque essaie de paralyser la pensée par la disqualification ; le schizophrène essaie d'étouffer l'émotivité chez l'autre ou de s'en servir pour combler son anesthésie, si toutefois cela est possible ; le maniaco-dépressif agira sur l'humeur de l'autre pour contrôler sa propre tristesse ou son euphorie : le cas du deuil délégué en est un exemple. Bien des récupérations cliniques de ces patients sont liées à l'instauration et au maintien de liens parasitaires, où l'hôte et le parasite finissent par équilibrer leur interaction au prix parfois d'un grand appauvrissement réciproque.
  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie II. Applications à la psychopathologie, chap. Psychose et perversion narcissique, Emprise régressive et emprise fonctionnelle, p. 83


Alberto Eiguer, Psychanalyse du libertin, 2010[modifier]

Paul Valéry rappelle avec pertinence :
« A Rome, les hommes libres, s'ils étaient nés de parents libres, s'appelaient ingénus ; s'ils avaient été libérés, on les disait libertins. Beaucoup plus tard on appela libertins ceux dont on prétendait qu'ils avaient libéré leur pensée ; bientôt ce beau titre fut réservé à ceux qui ne connaissaient pas de chaînes dans l'ordre des mœurs. Valéry, Regards sur le monde actuel » (Le Robert, 1988).

  • Psychanalyse du libertin, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 2010  (ISBN 978-2-10-054958-0), partie Introduction, chap. Liberté génère trois mots proches mais différents : libertin, libertaire, libéral, p. 7


Libertinage, le plaisir et la joie

Lorsqu'elle rappelle que l'intellection pour Spinoza n'est pas une froide mécanique, Sophie de Mijolla-Mellor (1992, 2004) souligne que cette béatitude se retrouve dans le plaisir de penser. Parler de béatitude ne vise pas à sacraliser l'esprit mais à faire remarquer l'excitation jubilatoire que la pensée suscite.
  • Psychanalyse du libertin, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 2010  (ISBN 978-2-10-054958-0), partie I. Libertinage, le plaisir et la joie, chap. Le libertinage épousant l'histoire, Joie et liberté, p. 65


Libertinage et prédation

Un cas relativement fréquent : la coexistence de paranoïa et de perversion-narcissique, ou plutôt d'une perversion-narcissique qui permet de contrôler la chute psychotique, les ruptures dans la pensée que celle-ci déclenche.
  • Psychanalyse du libertin, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 2010  (ISBN 978-2-10-054958-0), partie II. Libertinage et prédation, chap. Psychopathologie du prédateur et de sa famille, La naissance du concept de prédation morale, p. 123


Psychologie[modifier]

Paul-Claude Racamier, Les Schizophrènes, 1980[modifier]

Préambule et divertimento

Autant savons-nous que le schizophrène combat le réel et l'objet à coups de hache et de laser, autant, plus que quiconque au monde, je soutiens que le schizophrène combat pour le réel, pour l'objet, pour la pensée et pour le Je. C'est pourquoi d'ailleurs il nous en apprend tellement à ce sujet. Il y a bien sûr un enseignement universel à tirer de l'expérience psychanalytique avec les schizophrènes. Autant qu'ils le sachent : ce n'est pas seulement pour eux que l'excursion schizophrénienne m'intéresse, et peut-être l'aurais-je trouvée trop ardue, n'était ce qu'elle nous apprend sur la psyché tout entière.
  • Les Schizophrènes (1980), Paul-Claude Racamier, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot », 2001  (ISBN 978-2-228-89427-2), partie Préambule et divertimento, Souvenir 58-78, p. 13


Schizogrammes

penser De penser qu'il pense fait peur au schizophrène autant qu'au névrosé de penser qu'il désire.


Paul-Claude Racamier, Pensée perverse et décervelage, 1992[modifier]

Préambule

Des sujets qui, plutôt que de souffrir des peines ordinaires, font souffrir des tourments extraordinaires au moi des autres ; [...] des noyaux pervers gâchant tout alentour les charmes de la libido et les vertus de la vérité ; une pensée s’exerçant à tarir le courant de la pensée : rien de plus contraire à l’esprit de la psychanalyse, rien de plus difficile à comprendre ; et pourtant rien de plus important à connaître dans les rouages interpsychiques des familles, des institutions, des groupes et même des sociétés.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Préambule, dans [1], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


De la pensée perverse au désordre de pensée

Afin d’économiser notre temps, je pourrais, pour définir la pensée perverse, dire qu’elle est exactement l’inverse de la pensée créative et en particulier de la pensée psychanalytique [...].
C’est ainsi qu’elle se montre décidément aveugle à la réalité psychique, celle de soi comme celle d’autrui. Du moment que son confort psychique personnel lui est acquis, le pervers n’a cure ni de fantasmes ni d’affects. Une pensée défantasmée donc, et défantasmante [...]. Baignant dans l’opulence de l’agir et dans l’habileté manœuvrière, il est dans le dénuement fantasmatique.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [2], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Cette pensée qui déstabilise le mental, serait-ce une pensée véritablement paradoxale ? Pas du tout : le paradoxe déroute, mais il donne quand même à penser. Il peut se muer en humour. Pas la pensée perverse. En vérité elle ne fait qu’attraper le moi ; elle décourage, démobilise et démolit la compréhension dans son principe même. Ses deux anti-mamelles sont la créativité et l’intelligence. Serait-elle simplement sotte — Elle est pire : anti-intelligente.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [3], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, Les Perversions sexuelles et narcissiques, 2005[modifier]

Perversions narcissiques

« Dérive » manipulatoire de la séduction narcissique, la perversion narcissique appartient à un registre plus public (familial, social) que la perversion sexuelle, d'ordre plus privé. Les manœuvres semant la confusion dans l'esprit de l'autre relèvent d'un registre de disqualification des sensations, des émotions ou des pensées de l'autre, victime de la séduction perverse qui « l'enferme » dans la toute-puissance du pervers. Chez la victime, cette disqualification des émotions et de la pensée crée une « dé-fantasmatisation », une « désymbolisation » et détruit les différences entre les registres psychiques, créant une confusion sur laquelle « joue » le pervers narcissique.
Ces disqualifications apparaissent volontiers dans le champ de la communication, de l'omission de qualification (une mère se plaint que son enfant ne fait pas de sport, s'il en fait, elle dit alors qu'il ferait mieux de faire de la musique), de la surestimation narcissique mensongère de l'objet (flatterie) qui a pour but de contrôler celui-ci... Un autre procédé est l' induction (Eiguer, 1996) : la victime se laisse abuser, parce qu'elle peut se trouver dans une situation de faiblesse, de fragilité. Le pervers le perçoit et va alors faire éprouver à la victime des sentiments inhabituels pour elle mais qui appartiennent au sujet pervers. Utilisant l'identification projective, il délègue et dépose dans l'autre des affects et des idées dont il souhaite se débarrasser. Pousser la victime parfois jusqu'à la faute pour ensuite la critiquer et la mettre à sa merci, tel est le but pervers du « détournement » de toute relation.

  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie IV. Perversions narcissiques, chap. 1. Pourquoi l'extension du terme ?, 1.4 Perversion narcissique a) Pathologie de l'agir de parole, p. 105


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