Dante Alighieri

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Portrait de Dante

Dante Alighieri (Florence, mai 1265Ravenne, 14 septembre 1321) est un poète, un homme politique et un écrivain florentin.

L'Enfer (1308-1321)[modifier]

Chant premier[modifier]

Au milieu du chemin de notre vie
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue.

 Ah dire ce qu'elle était est chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte
qui ranime la peur dans la pensée !

  • (it) Nel mezzo del cammin di nostra vita
    mi ritrovai per una selva oscura,
    ché la diritta via era smarrita.

     Ahi quanto a dir qual era è cosa dura
    esta selva selvaggia e aspra e forte
    che nel pensier rinova la paura!


Chant deuxième[modifier]

« Qu’est-ce donc ? Pourquoi, pourquoi t’arrêtes-tu ? Pourquoi héberges-tu tant de lâcheté dans ton cœur ? Pourquoi manques-tu d’ardeur et de courage,
« Quand trois telles dames bénies ont souci de toi dans le ciel, et qu’un bien si grand te promettent mes paroles ? »
Comme les tendres fleurs inclinées et fermées par la gelée nocturne, lorsque le soleil blanchit relèvent leur tige et s’ouvrent :
Ainsi fut-il de mon courage lassé, et une ardeur si vive me revint au cœur


Chant seizième[modifier]

Toujours autant qu’il peut, l’homme doit clore ses lèvres à ce vrai qui ressemble au mensonge ; car, sans faute aucune, il attire la honte :
Mais ici je ne puis le taire, et par les vers de cette Comédie, par mon désir que longtemps ils plaisent, je te jure, lecteur,
Qu’à travers l’air épais et sombre, je vis monter, nageant, une figure qui aurait troublé le cœur le plus ferme ;
Semblable à celui qui, ayant plongé pour dégager l’ancre retenue par un rocher ou quelque autre empêchement caché dans la mer,
Étend les bras et le corps, ramenant à soi les pieds.


Chant vingtième[modifier]

Si Dieu permet, lecteur, que de cette lecture tu retires du fruit, pense toi-même si d’un œil sec
Je pus voir de près notre image tellement déformée, que, des yeux coulant le long du dos, les pleurs baignaient la croupe.
Certes, appuyé contre un fragment du dur rocher, tant je pleurais que mon Guide me dit : « Es-tu, toi aussi, comme les autres insensés ?
« Ici vit la pitié, lorsque bien elle est morte [2]. Qui plus coupable est que celui qu’émeut de compassion le jugement divin ?.


Chant vingt-quatrième[modifier]

   « Il faut maintenant que tu chasses la paresse »,
dit mon maître : « ce n'est pas assis sous la plume
ni sous la couette, qu'on arrive à la gloire ;
or qui consume sa vie sans elle
laisse de soi, sur terre, trace pareille à celle
de la fumée dans l'air, et de l'écume dans l'eau.
   Lève-toi donc ; vaincs cette angoisse
par le courage qui gagne les batailles,
s'il ne fléchit pas sous le poids du corps. [...] »
  • (it)    « Omai convien che tu cosi ti spoltre »,
    disse 'l maestro ; « ché, seggendo in piuma,
    in fama non si vien, né sotto coltre ;
    sanza la qual chi sua vita consuma,
    cotal vestigio in terra di sé lascia,
    qual fummo in aere e in acqua la schiuma.
       E pero leva su ; vinci l'ambascia
    con l'animo che vince ogne battaglia,
    se col suo grave corpo non s'accascia. [...] »


   « Je ne te donnerai », dit-il, « d'autre réponse
que par l'action ; car la juste requête
doit être suivie par l'acte sans discours. »
  • (it)    « Altra risposta », disse, « non tu rendo
    se non lo far ; ché la dimanda onesta
    si de' seguir con l'opera tacendo. »


Le Purgatoire (1308-1321)[modifier]

Chant premier[modifier]

Douce couleur de saphir oriental,
  • (it) Dolce color d'orïental zaffiro,


Chant onzième[modifier]

« O vaine gloire du génie humain combien peu de temps verdit la cime, si ne surviennent des âges grossiers[1] !


Chant seizième[modifier]

« Vous qui vivez, vous cherchez la raison de tout au ciel, comme s’il emportait tout dans son mouvement par nécessité.

« S’il en était ainsi, en vous serait détruit le libre arbitre, et point ne serait-ce justice de recueillir pour le bien la joie, pour le mal les pleurs.

« Du ciel vos mouvements ont leur commencement, je ne dis pas tous ; mais supposé que je le dise, pour discerner le bien et le mal une lumière vous est donnée,

« Et le libre vouloir. Qui ne se refuse point à la fatigue des premiers combats contre le ciel, résiste, puis vainc tout, s’il se nourrit bien [2].

« À une force plus grande et à une nature meilleure, libres, vous êtes soumis[3], et celle-ci en vous crée l'esprit, que le ciel n'a pas sous sa dépendance.

« Si donc le monde présent dévie, en vous en est la cause, en vous doit-elle être cherchée


Chant dix-septième[modifier]

Donc, si mes divisions sont exactes, le mal qu’on aime est le mal du prochain, et cet amour, sur votre limon, nait de trois manières.

Tel, en opprimant son prochain, espère l’excellence, et pour cela seul il souhaite que de sa grandeur il soit jeté bas ;

Tel craint de perdre pouvoir, faveur, honneurs, renommée, si un autre s’élève ; et d’autant plus il s'en attriste, qu’il aime plus le contraire.

Tel d’une injure parait tant s’irriter qu’il devient avide de vengeance ; et celui-ci force est qu’il cherche le mal d’autrui.

Cet amour triforme ici-dessous se pleure[4].


Le Paradis (1308-1321)[modifier]

Chant deuxième[modifier]

Elle sourit un peu ; puis : « Si l’opinion des mortels erre, » dit-elle, « lorsque la clef des sens n’ouvre pas[5],
« Point, certes, ne devrais-tu désormais être frappé d’étonnement, voyant que, même à la suite des sens, court est le vol de la raison.


Chant onzième[modifier]

O souci insensé des mortels, que fautifs sont les syllogismes qui te font battre en bas les ailes !

Qui suivant le droit, qui les aphorismes[6] et qui le sacerdoce, s’en allait, et qui à régner par force ou par sophismes,

Qui à voler, qui aux affaires civiles, qui enfoncé dans les plaisirs de la chair, se fatiguait, et qui se plongeait dans l’oisiveté,

Tandis que moi, dégagé de toutes ces choses, en haut avec Béatrice j’étais si glorieusement accueilli dans le ciel.


Sur Dante[modifier]

De vulgari eloquentia, 1577

Félicité Robert de Lamennais[modifier]

De ce qui vient d’être dit il résulte que Dante n’eut point de philosophie propre ; il adopta, sans innover, celle alors admise dans l’école, impuissante à créer la science de l’univers, qui ne pouvait naître et se développer qu’à l’aide d’une méthode directement inverse de la sienne. L’une, fondée sur l’observation, remonte des faits aux causes qu’ils impliquent ; l’autre, partant d’hypothèses logiques, descend des causes supposées aux faits qui s’en déduisent et doivent s’y plier : d’où, au lieu d’un système de connaissances réelles, un système fantastique d’abstractions.


Notes et références[modifier]

  1. « Combien courte est la gloire de ceux qui paraissent avoir atteint le sommet de l’art, si la barbarie, en arrêtant le progrès, n’empêche pas que d’autres s’élèvent au-dessus d’eux. »
  2. « Contre l’influence des astres. » Il s’agit du ciel matériel, et des vaines doctrines, alors si répandues, de l’astrologie judiciaire.
  3. S’il continue de combattre avec courage.
  4. Ces trois sortes d’amours vicieux sont punies dans les cercles situés au-dessous de celui-ci, le cercle des Superbes, le cercle des Envieux et le cercle des Colères.
  5. « Lorsque les sens ne nous apprennent pas ce que sont réellement les choses dont nous jugeons. »
  6. Les aphorismes d’Hippocrate, la médecine.

Voir aussi[modifier]

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