Max Ernst

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Max Ernst (1968)

Citations[modifier]

Danger de pollution[modifier]

L’amour est à réinventer, Rimbaud l’a dit. L’amour doit renaître non des efforts isolés d’hommes isolés : l’amour renaissant prendra ses origines dans une subconscience collective et devra, par les découvertes et les efforts de tous, monter à la surface de la conscience collective. Cela n’est pas possible sous le règne de la police cléricale et capitaliste. L’amour doit être fait par tous, et non par un. Lautréamont l’a dit, ou presque dit.
  • « Danger de pollution » (1931), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 185


Les mystères de la forêt[modifier]

Qu’est-ce qu’une forêt ? Un insecte merveilleux. Une planche à dessin. Que font les forêts ? Elles ne se couchent jamais de bonne heure. Elles attendent le tailleur. Quelle est la belle saison des forêts ? C'est le futur ; ce sera la saison où les masses d’ombres seront capables de se transformer en paroles et où des êtres doués de la parole auront l’orgueil de chercher minuit à x heures.
  • « Les mystères de la forêt » (1934), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 221


Qu’est-ce que le surréalisme ?[modifier]

Il restait au monde de la culture occidentale comme dernière superstition, comme un triste résidu du mythe de la création, la légende du pouvoir créateur de l’artiste. Un des premiers actes révolutionnaires du surréalisme a été d’attaquer ce mythe par des moyens objectifs, sous la forme la plus corrosive et, certainement, de l’avoir détruit à tout jamais.
  • « Qu’est-ce que le surréalisme ? » (trad. Robert Valançay) (1934), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 228


Qu’est-ce que le Surréalisme ? Si l’on attend une définition qui réponde à cette question, on restera déçu aussi longtemps que durera ce mouvement.
  • « Qu’est-ce que le surréalisme ? » (trad. Robert Valançay) (1934), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 233


Au-delà de la peinture[modifier]

Le 10 août 1925, une insupportable obsession visuelle me fit découvrir les moyens techniques qui m’ont permis une très large mise en pratique de cette leçon de Léonard. […] me trouvant, par un temps de pluie, dans une auberge au bord de la mer, je fus frappé par l’obsession qu’exerçait sur mon regard irrité le plancher, dont mille lavages avaient accentué les rainures. Je me décidai alors à interroger le symbolisme de cette obsession et, pour venir en aide à mes facultés méditatives et hallucinatoires, je tirai des planches une série de dessins, en posant sur elles, au hasard, des feuilles de papier que j’entrepris de frotter à la mine de plomb. En regardant attentivement les dessins obtenus, les parties sombres et les autres de douce pénombre, je fus surpris par l’intensification subite de mes facultés visionnaires et de la succession hallucinante d’images contradictoires, se superposant les unes aux autres avec la persistance et la rapidité qui sont le propre des souvenirs amoureux.
  • « Au-delà de la peinture » (1936), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 242


Le procédé du frottage, ne reposant donc sur autre chose que sur l’intensification de l’irritabilité des facultés de l’esprit par des moyens techniques appropriés, excluant toute conduction mentale consciente (de raison, de goût, de morale), réduisant à l’extrême la part active de celui qu’on appelait jusqu’alors « l’auteur » de l’œuvre, ce procédé s’est relevé par la suite le véritable équivalent de ce qui était déjà connu sous le terme d’écriture automatique. C’est en spectateur que l’auteur assiste, indifférent ou passionné, à la naissance de son œuvre et observe les phases de son développement.
  • « Au-delà de la peinture » (1936), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 244


Nageur aveugle, je me suis fait voyant. J’ai vu. Et je me suis surpris amoureux de ce que je voyais, voulant m’identifier avec lui.
  • « Au-delà de la peinture » (1936), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 245


Qu’est-ce que le collage ? L’hallucination simple d’après Rimbaud, la mise sous whisky marin, d’après Max Ernst. Il est quelque chose comme l’alchimie de l’image visuelle. Le miracle de la transfiguration totale des êtres et objets avec ou sans modification de leur aspect physique ou anatomique.
  • « Au-delà de la peinture » (1936), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 253


Une réalité toute faite, dont la naïve destination a l’air d’avoir été fixée une fois pour toutes (un parapluie) se trouvant subitement en présence d’une autre réalité très distante et non moins absurde (une machine à coudre) en un lieu où toutes deux doivent se sentir dépaysées (sur une table de dissection), échappera par ce fait même à sa naïve destination et son identité ; elle passera de son faux absolu, par le détour d’un relatif, à un absolu nouveau, vrai et poétique : parapluie et machine à coudre feront l’amour.
  • Quel est le mécanisme du collage ?
  • « Au-delà de la peinture » (1936), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 255-256


Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la colle qui fait le collage.
  • « Au-delà de la peinture » (1936), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 256


Le hasard est aussi - et cet aspect très difficile du hasard a été négligé par les chercheurs des « lois du hasard » – le maître de l’humour et par conséquent, dans une époque qui n’est pas rose, dans l’époque que nous vivons, où une belle action consiste à se faire enlever les deux bras dans un combat, le maître de l’humour-qui-n’est-pas-rose, de l’humour noir.
  • « Au-delà de la peinture » (1936), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 263


La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe[modifier]

Q. : Êtes-vous philosophe ?
R. : Erreur de ceux qui préfèrent la navigation sur l’herbe à un buste de femme.
  • « La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe » (1959), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 322


Q. : Que pensez-vous de Kant ?

R. : La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe.
Q. : Pourquoi avez-vous peint Euclide ?
R. : Euclide intrigué par le vol d’une mouche non-euclidéenne.
Q. : Pourquoi avez-vous peint Léonard de Vinci ?

R. : Parce qu’il s’est demandé « Pourquoi une peinture semble-t-elle plus belle vue dans un miroir qu’en réalité ? »
  • « La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe » (1959), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 333


Q. : Comment procédez-vous alors pour trouver les noms de vos œuvres ?
R. Jamais je n’impose un titre à un tableau : j’attends que le titre s’impose à moi. Après l’avoir peint, je reste souvent – parfois longtemps – sous la hantise du tableau, et l’obsession cesse seulement au moment où le titre apparaît comme par magie. Des événements anodins de la vie quotidienne me viennent souvent en aide.
  • « La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe » (1959), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 336


Mes vagabondages, mes inquiétudes, mes impatiences, mes doutes, mes croyances, mes hallucinations, mes amours, mes rages, mes révoltes, mes contradictions, mes refus de me soumettre à une discipline […] n’ont pu créer un climat favorable à l’élaboration d’une œuvre calme et sereine. […] Séditieuse, inégale, contradictoire, elle est inacceptable pour les spécialistes de l’art, de la culture, du comportement, de la logique, de la morale. Elle a, en revanche, le don d’enchanter mes complices : les poètes, les pataphysiciens, quelques analphabètes.
  • « La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe » (1959), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 340


Q. : Comment le peintre peut-il…
R. : Hirondil Hirondelle…
  • « La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe » (1959), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 344


Paramythes[modifier]

couvre ta langue avec une feuille de vigne
mâche tes mots
à serpent donné regarde dans la bouche avec hauteur
escalade l'échelle de jacob
prête l'oreille à la cueillette des oranges
dans les corsages du blanc le plus pur

oh terreur oh culte

les fruits chauds et conscients
fondent
en joie
en rien
entre les doigts des orages du printemps

  • Équinoxe
  • « Paramythes » (1967 (1949)), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 387-388


le peintre peint le soir
il peint la bonne nuit
peint des questions saugrenues
et sonne du poignard avec force
[…]
le peintre peint le demi jour
il peint la nuit entière
il peint le prince elizabeth
et sonne de la hache avec force

  • Combien de couleurs dans la main
  • « Paramythes » (1967 (1949)), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 391-392


de-ci de-là
dans l'œil du silence
oscillent les portes du silence

  • La nuit du jugement dernier
  • « Paramythes » (1967 (1949)), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 396


Notes pour une biographie[modifier]

À part les fous, Max avait certes des amis, et des plus merveilleux. L’inoubliable August Macke subsiste dans sa mémoire comme l’image même de l’enthousiasme juste et intelligent, de la générosité et de l’exubérance. Ses peintures situées aux antipodes de ce qu’il envisageait déjà – vaguement – pour lui-même, s’imposaient par leur calme presque inquiétant, leur secrète élégance et leurs irrésistibles charmes musicaux. Chacune d’entre elles était une « fête pour les yeux ».
  • Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, chap. Notes pour une biographie, p. 20
  • Max Ernst (Paris 1975), Max Ernst, éd. Musée national d'art moderne, 1975, p. 18
  • « Notes pour une biographie : tissu de vérité, tissu de mensonges », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 286
  • Max Ernst : vie et œuvre, Werner Spies (dir.), éd. Centre Pompidou, 2007  (ISBN 978-2-84426-341-4), p. 41


Un jour, Arp me parut plus grave que d’habitude. Il me parla de la nécessité de partir. La guerre menaçait. L’atmosphère en Allemagne devenait irrespirable. Nous avions bientôt la certitude que la catastrophe en suspens allait entraîner dans l’abîme nos jeunesses, nos joies et tout ce que nous aimions. […] L’attitude de Macke nous déconcerte. Influencé par le futurisme, il accepte la guerre non seulement comme la plus grandiose manifestation de la folie moderne, mais aussi comme une nécessité philosophique (la guerre nécessaire pour la réalisation de l’idée d’humanité !).
  • 1914-1917. Pour trois fois rien, Dieu, l’Empereur, la Patrie.
  • Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, chap. Notes pour une biographie, p. 24-25
  • Max Ernst (Paris 1975), Max Ernst, éd. Musée national d'art moderne, 1975, p. 24
  • « Notes pour une biographie : tissu de vérité, tissu de mensonges », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 289
  • Max Ernst : vie et œuvre, Werner Spies (dir.), éd. Centre Pompidou, 2007  (ISBN 978-2-84426-341-4), p. 47


Max passe les vacances à Pornic, petite plage sur la côte de Bretagne. C’est là qu’à la vue d’un parquet usé, il a l’intuition de ce que sera la technique du « frottage ». Ainsi naît Histoire naturelle que, l’année suivante, publie Jeanne Bucher. Arp en écrit l’introduction et Éluard pose la question : « le miroir a-t-il perdu ses illusions ou bien est-ce l’univers débarrassé de son opacité ? » Max poursuit : « C’est en se débarrassant de son opacité que l’univers se fond dans l’homme. Telle est la vocation de l’homme : se délivrer de sa cécité. » La technique du frottage n’est rien d’autre que le moyen de porter les facultés hallucinatoires de l’esprit à ce degré où les « visions » s’y imposent automatiquement ; c’est un moyen de se délivrer de l’aveuglement.
  • 1925. Un parquet usé.
  • Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, chap. Notes pour une biographie, p. 50
  • « Notes pour une biographie : tissu de vérité, tissu de mensonges », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 300
  • Max Ernst : vie et œuvre, Werner Spies (dir.), éd. Centre Pompidou, 2007  (ISBN 978-2-84426-341-4), p. 100-101


Attachez une boite de conserve vide à une ficelle d’un ou deux mètres, faites un trou dans le fond, remplissez la boîte de couleurs bien fluides et laissez-la osciller au bout de la ficelle au-dessus de la toile posée à plat. Dirigez la boîte par des mouvements de la main, des bras, des épaules et de tout le corps. De cette façon, les goutes dessinent sur la toile de surprenantes lignes. Le jeu des associations mentales peut alors commencer. Le tableau, nommé d’abord Art abstrait, art concret, s’appellera plus tard : Jeune homme intrigué par le vol d’une mouche non-euclidienne.
  • 1942. Une mouche non-euclidienne
  • Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, chap. Notes pour une biographie, p. 70
  • « Notes pour une biographie : tissu de vérité, tissu de mensonges », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 322
  • Max Ernst : vie et œuvre, Werner Spies (dir.), éd. Centre Pompidou, 2007  (ISBN 978-2-84426-341-4), p. 171


Où naguère se dressait une maison,
se dresse maintenant une montagne,
Où naguère se dressait une montagne,
s’élève maintenant une étoile…

  • 1953. Hirondil-Hirondelle [Das Schnabelpaar]. Traduction du poème légèrement différente par l’auteur, 1959 (Écritures, p. 346-350).
  • Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, chap. Notes pour une biographie et Hirondil Hirondelle 1952-1959, p. 85 et 346
  • « Notes pour une biographie : tissu de vérité, tissu de mensonges », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 329
  • Max Ernst : vie et œuvre, Werner Spies (dir.), éd. Centre Pompidou, 2007  (ISBN 978-2-84426-341-4), p. 243


Question finale. Max Ernst se permet de demander à ses sévères lecteurs et à ses douces lectrices s’il mérite la flatteuse appellation à lui offerte par un des plus grands (et plus méconnus) poètes de notre temps (René Crevel) :
Le magicien des palpitations subtiles[1].
  • Transcription du manuscrit original écrit par Mar Ernst en 1975[2].
  • « Notes pour une biographie : tissu de vérité, tissu de mensonges », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 338
  • Max Ernst : vie et œuvre, Werner Spies (dir.), éd. Centre Pompidou, 2007  (ISBN 978-2-84426-341-4), p. 341


Entretiens[modifier]

  • « Eleven Europeans in America », James Johnson Sweeney, The Bulletin of the Museum of Modern Art, vol. 13 nº 4/5, 1946, p. 17 (lire en ligne)


Mieux je me connais, moins je comprends, en fin de compte, les mystères et les hasards de la création artistique. Tout à coup je me trouve là où je voulais aller ; mais j’y suis parvenu par un chemin de raccourci que je ne connaissais pas. Ces chemins, c’est le hasard qui me les révèle. C’est pourquoi, dans mon travail, j’ai toujours beaucoup compté sur tous les moyens techniques, comme le collage, le frottage ou le drip and drool, qui permettent au hasard de provoquer l’inspiration.


J’ai suivi l’exemple de Léonard de Vinci, qui corrigeait dans ses écrits ce que Botticelli avait dit au sujet de l’art du paysagiste […]. Léonard avait alors constaté que tous ces effets mystérieux du hasard ou de la nature, entre autres taches d’humidité sur un vieux mur, peuvent nous suggérer un paysage, un visage ou tout autre sujet, mais que l’artiste doit ensuite élaborer ce qu’il a cru découvrir afin de créer une œuvre qui lui est propre.
  • Miró, Ernst, Chagall : propos sur l’art, Édouard Roditi, éd. Hermann, 2006  (ISBN 2-7056-6575-7), p. 30


Le même tache peut en effet suggérer, à deux artistes, deux sujets et enfin deux tableaux tout à fait différents, et chacun de ces tableaux nous révèle des aspects particuliers du monde intérieur du peintre qui l’a créé. Le tachiste orthodoxe se garde de se laisser tenter par le fameux mur de Léonard. […] Paul Éluard : « Le poète n’est pas celui qui est inspiré, mais celui qui inspire. » Paul Éluard était les deux : ses poèmes sont inspirés, son inspiration est contagieuse. Quand à moi-même, j’accorde au peintre de parler, de rire, de prendre position et de jouir de toutes ses facultés hallucinatoires. Refus absolu de vivre comme un tachiste.
  • « Avec Édouard Roditi, 1967 », dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, partie Interviews et déclarations, p. 416


Dans les années qui précédaient la Première Guerre mondiale, Cologne pouvait se vanter d’avoir donné au monde un seul grand peintre moderne, August Macke. […] C’est à lui que je dois toute mon initiation à l’art moderne.
  • Miró, Ernst, Chagall : propos sur l’art, Édouard Roditi, éd. Hermann, 2006  (ISBN 2-7056-6575-7), p. 36


En un premier temps, j’obtiens automatiquement par le frottage et d’autres procédés gestuels un fond chaotique […] ensuite je cherche par une intervention de l’esprit à interpréter ce chaos, à lui donner des formes et significations ambiguës, paranoïaques, fabuleuses, contradictoires selon une logique renversée. Les solutions imaginées sont les seules valables en ce jeu. Vraies ou fausses, elles gardent toujours les apparences de la logique classique.
  • « Max Ernst parle avec Robert Lebel », L’Œil, no176-177, 1969 
  • « Avec Robert Lebel » (1969), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 425


Né allemand mais honni dans mon pays natal, je suis arrivé à Paris en fraude et j’y ai longtemps vécu sous un nom d’emprunt, tant bien que mal, jusqu’au moment où mon origine allemande m’a valu d’être interné. Je me suis exilé une seconde fois, j’ai été naturalisé américain pour revenir ensuite en France et me faire naturaliser français. Trois nationalités successives, ce n’est pas mal pour une seule vie.
  • « Avec Robert Lebel » (1969), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 430


J’y ai vu l'occasion d’un hommage à Léonard de Vinci et, en même temps, à la Touraine qui l’avait accueilli, comme elle devait m'accueillir moi-même quatre siècles plus tard, à mon retour d’Amérique. Je ne crois pas que l'indépendance soit incompatible avec la gratitude ou la politesse.
  • « Avec Robert Lebel » (1969), dans Écritures, Max Ernst, éd. Gallimard, 1970, p. 431


Citations sur[modifier]

Louis Aragon[modifier]

Voir le recueil de citations : Louis Aragon
À divers égards Max Ernst est un primitif. Il ne démêle pas ce qui se dit de ce qui ne se dit pas, ce qui se peint de ce qui ne se peint pas. C’est pourquoi toute son œuvre est baignée d’une clarté spirituelle qui met en colère les gens qui ont une idée arrêtée de la peinture moderne et qui ne veulent pas que l’esprit intervienne dans la peinture. Peinture intellectuelle, littéraire, disent-ils avec mépris.


Max Ernst emprunte ses éléments surtout aux dessins imprimés, dessins de réclame, images de dictionnaire, images populaires, images de journaux. Il les incorpore si bien au tableau qu’on ne les soupçonne pas parfois, et que parfois au contraire tout semble collage, tant avec un art minutieux le peintre s’est appliqué à établir la continuité entre l’élément étranger et son œuvre. Enfin la photographie lui fournit aussi des éléments sans précédents dans la peinture. Tous ces éléments serviront à Ernst pour en évoquer d’autres par un procédé absolument analogue à celui de l'image poétique. Voici une haie que sautent des chevaux. C’est une illusion : approchez-vous, ce que vous preniez pour une haie c’était un modèle photographique de dentelle au crochet. Max Ernst est le peintre des illusions. Illusions partout : illusion cette caravane d’oiseaux extraordinaires traversant un désert, de près ce sont des chapeaux de femmes découpés dans un catalogue de grand magasin; illusion ce glacier, ces arbres, ces personnages. Toute apparence, notre magicien la recrée.


Quand et où le collage apparaît-il ? Je crois, malgré les tentatives de plusieurs dadaistes de la première heure, qu’il faut en faire hommage à Max Ernst, au moins pour ce qui est des deux formes du collage qui sont le plus éloignées du principe du papier collé, le collage photographique et le collage d’illustrations. […] Rapidement l’emploi du collage se trouva limité à quelques hommes, et il est certain que toute l'atmosphère des collages d’alors se trouva être celle de la pensée de Max Ernst, et de Max Ernst uniquement.
  • Préface du catalogue de l’exposition de collages, galerie Goemans, mars 1930, Paris. Repris dans Les Collages.


  • Bonjour Max Ernst, 1976.


Georges Bataille[modifier]

Voir le recueil de citations : Georges Bataille
Qu’est la création du monde turbulent et violent de Max Ernst, sinon la substitution catastrophique d’un jeu, d’une fin en soi à l’activité laborieuse en vue d’un résultat voulu ? Le philosophe sérieux envisage la philosophie comme activité laborieuse, il imite en cela les menuisiers, les serruriers… Il travaille à des meubles philosophiques, à une philosophie huilée répondant comme une serrure à la clé fabriquée. Celui qui reconnaît l’impuissance du travail, au contraire, est ébloui, fasciné par le jeu, qui ne sert à rien. S’il annonce, s’il appelle la mort de la philosophie, ce philosophe qui joue voit dans le serrurier son semblable, mais auquel le lie la misère… Mais, devant la colline inspirée, qui l’éblouit, il est le frère de Max Ernst.
  • « Anthologie », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 379


Max Ernst philosophe ! Si la philosophie devait un jour avoir l’imprudence de l’hilarité, pourrions-nous dire encore que, créant l’univers de ses toiles, Max s’en détourna ?
  • « Anthologie », Max Ernst, dans Max Ernst : rétrospective, Werner Spies (dir.), éd. Centre Georges Pompidou, 1991  (ISBN 2-85850-634-5), p. 379


André Breton[modifier]

Voir le recueil de citations : André Breton
Il apportait avec lui les morceaux irreconstituables du labyrinthe. C’était comme le jeu de patience de la création : toutes les pièces, invraisemblablement distraites les unes des autres, ne se connaissant plus aucune aimantation particulière les unes pour les autres cherchaient à se découvrir de nouvelles affinités.
  • « Le surréalisme et la peinture », dans Œuvres complètes IV – Écrits sur l’art, André Breton, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2008  (ISBN 978-2-07-011692-8), p. 378


René Crevel[modifier]

Voir le recueil de citations : René Crevel

Robert Desnos[modifier]

Voir le recueil de citations : Robert Desnos

Beaux compas, simulez la courbe des soleils
Le cuivre de mes yeux n’est pas un faux métal
Où Max Ernst ait cherché le secret des oreilles
Qui savent les secrets des savoureux dédales

  • 1922
  • Écrits sur les peintres, Robert Desnos, éd. Flammarion, 1984  (ISBN 2-08-064609-5), p. 41


Les yeux caves de Max Ernst estiment les cavernes où s'amusent les statues et où s’inscrivent les maximes de sa muse : Ernestine.
  • 1922-1923
  • Écrits sur les peintres, Robert Desnos, éd. Flammarion, 1984  (ISBN 2-08-064609-5), p. 42


Paul Éluard[modifier]

Voir le recueil de citations : Paul Éluard

Julien Levy[modifier]

René Magritte[modifier]

Voir le recueil de citations : René Magritte
La peinture de Max Ernst représente le monde qui existe en dehors la démence et de la raison. Elle n’a rien à nous apprendre, mais elle nous vise exactement et c’est pourquoi elle peut nous surprendre et nous enchanter.
  • « La peinture de Max Ernst », dans Écrits complets, René Magritte, éd. Flammarion, 2009  (ISBN 978-2-0812-2462-9), p. 482


Max Ernst a cette « réalité » qui sait réveiller, si elle s’endort, notre confiance dans le merveilleux, et qui ne saurait être isolée de la vie présente, où elle apparaît.
  • Lettre à Patrick Waldberg.
  • « La peinture de Max Ernst », dans Écrits complets, René Magritte, éd. Flammarion, 2009  (ISBN 978-2-0812-2462-9), p. 482


Dorothea Tanning[modifier]

Voir le recueil de citations : Dorothea Tanning
Il neigeait dru quand il sonna à ma porte. […] Quelque chose d’autre attira alors son attention. La photographie d’une partie d’échecs, accrochée au-dessus de ma planche à dessin. 'Ah ! Vous jouez aux échecs !' [...] « Alors, faisons une partie. (Courte pause.) Enfin, si vous avez le temps. » Nous nous mettons à jouer. Le soir est tombé, il a cessé de neiger. Un silence absolu emplit l’espace. Ma reine a été mise en échec deux fois et se trouve en très mauvaise posture. Finalement, je perds. [...] Il y a dans les échecs quelque chose de voluptueux, d’intime. 'Votre jeux est plein de promesses. Je pourrais revenir demain et vous apprendre quelques trucs…' C'est ainsi que le lendemain et le surlendemain, nous jouons comme deux forcenés.
  • Dorothea Tanning, La vie partagée, C. Bourgois, 2002 (ISBN 2-267-01645-1), p. 65-67 
  • Max Ernst : vie et œuvre, Werner Spies (dir.), éd. Centre Pompidou, 2007  (ISBN 978-2-84426-341-4), p. 182


Notes et références[modifier]

  1. René Crevel qualifie Max Ernst ainsi une première fois dans L’esprit contre la raison, Les Cahiers du Sud, (lire sur Wikisource), p. 52; puis, de nouveau dans le catalogue d’exposition Max Ernst: ses oiseaux, ses fleurs nouvelles, ses forêts volantes, ses malédictions, son satanas... (exposition, galerie Georges Bernheim, 1-15 décembre 1928), (SUDOC 025358510, lire sur Wikisource), reproduit dans Spies 1991, Anthologie, p. 375.
  2. Dans le cadre de l’exposition au Grand Palais en 1975, Werner Spies demande à Max Ernst de compléter ses Notes pour une biographie, c’est la dernière phrase notée par l’artiste (Maeght 1983, p. 13-15, Spies 2007, p. 10). Sur l'élaboration des ces Notes, voir Julia Drost, « « Notes pour une biographie », Le jeu de Max Ernst avec un genre littéraire », dans Spies 2007 (lire en ligne), p. 17-31.

Voir aussi[modifier]

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