Aller au contenu

Révolution

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.

Une révolution est un changement important et rapide dans la vie d'un peuple. Ces changements peuvent concerner aussi bien des aspects sociaux ou politiques que des aspects économiques ou techniques. Par extension, le mot désigne tout changement qui bouleverse l'ordre établi dans un domaine quelconque

Philosophie

Raymond Aron

Moins l'intelligence adhère au réel, plus elle rêve de révolution.


Histoire

Joseph de Maistre, Considérations sur la France, 1796

On ne saurait trop le répéter, ce ne sont point les hommes qui mènent la révolution, c'est la révolution qui emploie les hommes.
  • Du Pape et extraits d'autres œuvres, Textes de Joseph de Maistre présentés et choisis par E. M. Cioran, éd. J.-J. Pauvert, coll. « Libertés », 1957, p. 196


Prosper-Olivier Lissagaray, Huit journées de mai derrière les barricades, 1871

Il fallait être ou n'être pas pour cette Révolution. La lâcheté seule se tint au milieu. Les socialistes véritables le comprirent et, certains de la catastrophe, ils voulurent du moins faire triompher leur cause par le mépris de la mort.


Mikhaïl Bakounine, La Liberté

La révolution n'est pas la révolution lorsqu'elle agit en despote et lorsque, au lieu de provoquer la liberté dans les masses, elle provoque la réaction en leur sein.

Mao Zedong, Citations du Président Mao Tse-Toung (surnommé Le Petit Livre rouge), 1966

« La révolution n'est pas un dîner de gala ; elle ne se fait pas comme une œuvre littéraire, un dessin ou une broderie ; elle ne peut s'accomplir avec autant d'élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d'amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d'âme. La révolution, c'est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. »

  • (zh) 革命不是请客吃饭,不是做文章,不是绘画绣花,不能那样雅致,那样从容不迫,文质彬彬,那样温良恭儉让。革命是暴动,是一个阶级推翻一个阶级的暴烈的行动。
  • Rapport sur l'enquête menée dans le w:Hunan à propos du mouvement paysan (mars 1927), « Œuvres choisies de Mao Tsé-toung », tome 1.
  • Citations du Président Mao Tse-Toung (毛主席语录), Mao Zedong, éd. ‎Éditions en langues Etrangères, Pékin, 1966, p. 16


Littérature

Critique

Charles-Augustin Sainte-Beuve, Portraits de Femmes, 1844

Il n'est pas en révolution de période plus heureuse, selon elle, c'est-à-dire plus à la merci des efforts et des sacrifices intelligents, que celle où le fanatisme s'applique à vouloir l'établissement d'un gouvernement dont on n'est plus séparé, si les esprits sages y consentent, par aucun nouveau malheur. [Mai 1835]


[...] cette confusion des lieux de peur et des lieux de plaisir dans l'imaginaire européen, qui donne à chacun l'occasion de se rendre fantasmatiquement maître de l'espace destiné à l'asservissement du nombre, préfigure paradoxalement la fête révolutionnaire alors conçue comme « l'éveil d'un sujet collectif qui naît à lui-même, et qui se perçoit en toutes ses parties, en chacun de ses participants ». Et quand la première fête révolutionnaire aurait été la prise de la Bastille, c'est-à-dire la prise de possession collective d'un lieu clos ou bien l'abolition d'un décor qui sépare, le roman noir propose la même fête, mais à l'intérieur d'un décor où la séparation ne se serait maintenue que pour exalter la souveraineté de tous ceux qui s'en rendent fantasmatiquement maîtres. Ainsi niant à la fois le caractère exclusif de la fête aristocratique et le caractère collectif de la fête révolutionnaire, l'architecture noire ouvre un espace de subversion où le nombre délimite négativement le champ d'affirmation de l'unique pour en faire une prison, de même que l'unique y vient nier la possibilité d'un plaisir partagé, excluant tout ce qui s'oppose à sa propre satisfaction. Car illustrant l'idée fort répandue en cette fin de siècle que « l'extrême liberté de quelques-uns attente à la liberté de tous », les demeures du roman noir exposent aussi que la liberté de tous porte atteinte à la liberté de chacun dont elles esquissent les perspectives illimitées.
  • Annie Le Brun cite ici à deux reprises Jean Starobinski (in l'Invention de la liberté).
  • Les châteaux de la subversion, Annie Le Brun, éd. Garnier Frères, coll. « Folio Essais », 1982  (ISBN 2-07-032341-2), partie III, Sans lieu ni date, p. 222


Je n'oublie pas que les premières manifestations du roman noir sont liées aux conquêtes de la Révolution anglaise de 1688 et déjà au rejet du catholicisme. Cependant, la réalité beaucoup plus violente de la Révolution française, surtout en ce qui concerne la question religieuse, permet de voir le véritable enjeu, celui de la souveraineté individuelle s'opposant à toute transcendance spirituelle ou temporelle.
  • Les châteaux de la subversion, Annie Le Brun, éd. Garnier Frères, coll. « Folio Essais », 1982  (ISBN 2-07-032341-2), partie III, Sans lieu ni date, p. 232


Écrit intime

Victor Hugo, Choses vues, 1830-1848

Les révolutions sont de magnifiques improvisatrices. Un peu échevelées quelquefois.
  • « Choses vues » (1830), dans Choses vues 1830-1848, Victor Hugo, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1972, p. 105


En France, il y a toujours une révolution possible à l'état de calorique latent.
  • « Choses vues » (1848), dans Choses vues 1830-1848, Victor Hugo, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1972, p. 597


Louise Michel, Mémoires, 1883

La Révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur.
  • Mémoires de Louise Michel, écrits par elle-même, Louise Michel, éd. F. Roy, libraire-éditeur, 1886, chap. Chapitre XII, p. 389-398 (texte intégral sur Wikisource)


Salvador Dali, Les moustaches radar, 1964

Nous entrons dans l'ère de la grande peinture. Quelque chose s'est achevé en 1954 avec la mort de ce peintre d'algue tout juste bon à favoriser la digestion bourgeoise, je veux dire Henri Matisse, peintre de la révolution de 1789.
  • Les moustaches radar (1956), Salvador Dali, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2008  (ISBN 9782070317004), p. 31-32


Essai

Thomas More, L'Utopie

Quel est l'homme qui désire le plus vivement une révolution ? N'est-ce pas celui dont l'existence actuelle est misérable ? Quel est l'homme qui aura le plus d'audace à bouleverser l'État ? N'est-ce pas celui qui ne peut qu'y gagner, parce qu'il n'a rien à perdre ?


Boris Vian, Utilité d'une littérature érotique, 1980

[...] puisque l'amour, qui est tout de même, je le répète, le centre d'intérêt de la majorité des gens sains, est barré et entravé par l'État, comment s'étonner que la forme actuelle du mouvement révolutionnaire soit la littérature érotique ?
  • Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980  (ISBN 978-2-253-14431-1), I. Utilité d'une littérature érotique, p. 35


Oui, les vrais propagandistes d'un ordre nouveau, les vrais apôtres de la révolution future, future et dialectique, comme de bien entendu, sont les auteurs dits licencieux. Lire des livres érotiques, les faire connaître, les écrire, c'est préparer le monde de demain et frayer la voie de la vraie révolution.
  • Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980  (ISBN 978-2-253-14431-1), I. Utilité d'une littérature érotique, p. 35


Jacques Ellul, Les Années personnalistes, 1935

Actuellement, toute révolution doit être immédiate, c’est-à-dire qu’elle doit commencer à l’intérieur de chaque individu par une transformation de la façon de juger (ou pour beaucoup par une éducation de leur jugement) et par une transformation de leur façon d’agir. C’est pourquoi la révolution ne peut plus être un mouvement de masse et un grand remue-ménage (…) ; c’est pourquoi il est impossible actuellement de se dire révolutionnaire sans être révolutionnaire, c’est-à-dire sans changer de vie. (…) Nous verrons le véritable révolutionnaire, non pas dans le fait qu’il prononce un discours sur une charrette à foin mais dans le fait qu’il cesse de percevoir les intérêts de son argent.
  • Les Années personnalistes (1935), Cahiers Jacques-Ellul n°1, éd. L'Esprit du Temps, 2004, p. 81-94


Joseph Ki-Zerbo, À quand L'Afrique ? Entretien avec René Holenstein, 2003

La révolution, c'est le contre-pied de l'existant. C'est non seulement tourner la page, mais changer de dictionnaire.
  • À quand L'Afrique ? Entretien avec René Holenstein, Joseph Ki-Zerbo, éd. Éditions d'en bas, coll. « Le Livre équitable », 2013  (ISBN 978-2-8290-0456-8), p. 17


Prose poétique

Robert Desnos, Deuil pour deuil, 1924

Régulièrement après chaque révolution les drapeaux du régime ancien oubliés sur des édifices dont l'usage doit changer avant peu s'envolent comme des cigognes.


Roman

Marie d'Agoult, Nélida, 1866

L'idée de diriger un jour une communauté tout entière et l'éducation de deux cents jeunes filles, toujours renouvelées et recrutées dans les premiers rangs de la société, s'empara de moi comme la seule qui pût me conduire à un but digne d'efforts. Si je pouvais, me disais-je, infiltrer dans ces jeunes cœurs les sentiments dont le mien déborde ; si, au lieu de la morgue et de la vanité dont on les nourrit, je parvenais à les pénétrer des principes d'une égalité vraie ; si j'allumais dans leur âme un pur et enthousiaste amour du peuple, jaurais fait une révolution... Ce mot me donnait le vertige.


Notre pays, me disais-je, depuis la dernière révolution, n'a pas repris son équilibre. Deux classes de la société, la noblesse et le peuple, sont en proie à de vives souffrances ; l'une subit un mal imaginaire, l'autre un mal réel ; la noblesse, parce qu'elle se voit dépouillée de ses privilèges et de ses honneurs par une bourgeoisie arrogante ; le peuple, parce que le triomphe de cette bourgeoisie, amenée par lui au pouvoir, n'a été qu'une déception cruelle. Il commence à regretter, par comparaison, ses anciens maîtres. Comme il lit peu l'histoire, il ne se souvient que des manières affables et des largesses du grand seigneur. Pourquoi ces deux classes, éclairées par l'expérience, ne s'entendraient-elles pas contre leur commun adversaire ? Pourquoi les instincts courageux du peuple, l'esprit d'honneur de la noblesse, ne triompheraient-ils pas d'une bourgeoisie égoïste et déjà énervée par le bien-être ?


Autrement gênant est de s'arracher à la contemplation de cette espèce autochtone, je crois, de sempervivum qui jouit de la propriété effrayante de continuer à se développer en n'importe quelles conditions et cela aussi bien à partir d'un fragment de feuille que d'une feuille : froissée, piquée, déchirée, brûlée, serrée entre les pages d'un livre à tout jamais fermé, cette écaille glauque dont on ne sait s'il convient en fin de compte de la serrer contre son cœur ou de l'insulter, se porte bien. Elle tente, au prix de quels révoltants efforts, de se reconstruire selon les probabilités détruites qui sont les siennes.
Elle est belle et confondante comme la subjectivité humaine, telle qu'elle ressort plus ou moins hagarde des révolutions de type égalitaire. Elle est non moins belle, non moins inextirpable que cette volonté désespérée d'aujourd'hui, qui peut être qualifiée de surréaliste aussi bien dans le domaine des sciences particulières que dans le domaine de la poésie et des arts, d'opérer à chaque instant la synthèse du rationnel et du réel, sans crainte de faire entrer dans le mot « réel » tout ce qu'il peut contenir d'irrationnel jusqu'à nouvel ordre. Elle n'est pas plus belle, elle n'est pas plus pauvre de raisons d'être et plus riche de devenir que la séparation dans l'amour, si courte soit-elle, que cette plaie délicieuse qui s'ouvre et se ferme sur une suite phosphorescentes, séculaire de tentations et de dangers.
J'oubliais que, pour parer à toute velléité d'envahissement de la terre par le sempervivum, les hommes n'ont trouvé rien de mieux – à dire vrai rien d'autre – que de le faire bouillir.


Théâtre

Jean-Paul Sartre, Le Diable et le bon Dieu, 1951

Karl : [...] Les terres sont à vous : celui qui prétend vous les donner vous dupe, car il donne ce qui n'est pas à lui. Prenez-les ! Prenez et tuez, si vous voulez devenir des hommes. C'est par la violence que nous nous éduquerons.
  • Karl affirme à son interlocuteur Gœtz ressentir davantage d'amour pour les hommes que pour ses terres — pour preuve le don qu'il décide d'en faire.


Médias

Presse

Charles-Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 1851

Comme tous ceux qui portent en eux l'idéal, il était très vite capable de dégoût et de dédain. Pourtant, cette misanthropie première ne tint pas devant les grands événements et les promesses de 89. Le serment du Jeu de Paume le transporta. Il n'avait que 27 ans et, pendant deux années encore, jusqu'en 1792, nous le voyons prendre part au mouvement dans une certaine mesure, donner en quelques occasions des conseils par la presse, ne pas être persuadé à l'avance de leur inefficacité ; en un mot, il est plus citoyen que philosophe et il se définit lui-même comme un homme qui gémit de voir la vérité soutenue comme une faction, les droits les plus légitimes défendus par des moyens injustes et violents, et qui voudrait enfin qu'on eût raison d'une manière raisonnable. Et il va chercher quel sont les moyens de lui faire reprendre cette assiette le plus tôt possible et quelles sont les causes ennemies qui s'opposent à l'établissement le plus prompt d'un ordre nouveau.
  • Les lumières et les salons — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès, Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992  (ISBN 2-7056-6178-6), partie André Chénier, 19 mai 1851. Causeries du lundi, t. IV, p. 38


Charles-Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 1852

La révolution de 89, dès le début, apprit à Beaumarchais combien il était impuissant devant ce flot immense qu'il avait été des premiers à provoquer et qui débordait en le menaçant. Sorti de France et réfugié à Hambourg, il y vécut dans la détresse jusqu'au point de devoir ménager une allumette et en réserver la moitié pour le lendemain.


Avant, la révolution était un projet. Avec 68, elle devient une posture. Elle n'est plus transcendante, galvanisée par la portée des ses idéaux, elle est immanente, à la fois partout et nulle-part ; dans les foyers, dans les relations de couple, dans l'art, à l'université... La révolution devient une forme d'exhibition constante et tapageuse du rapport lâche au temps dans lesquels notre bien-être matériel et notre conscience historique nous entretiennent. Désinvoltes et encouragés à le demeurer, nous avons fini par saturer notre horizon de possibles qui n'ont plus de goût. Le rebelle a triomphé du révolutionnaire, le gauchisme de la verticalité communiste, la société de la nation.

  • « Avant, la révolution était un projet. Avec 68, elle devient une posture », Paul Thibaud, Limite, nº hors série, 2018  (ISBN 978-2-36526-196-8), p. 19


Vous pouvez également consulter les articles suivants sur les autres projets Wikimédia :