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« Occitanie » : différence entre les versions

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== [[Jean JaurèsMÉTHODE COMPARÉE
Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion
d’admirer, en pays basque, comment un antique
langage, qu’on ne sait à quelle famille rattacher,
avait disparu [sic]. Dans les rues de Saint-Jean-de-
Luz on n’entendait guère parler que le basque, par
la bourgeoisie comme par le peuple : et c’était
comme la familiarité d’un passé profond et mystérieux
continué dans la vie de chaque jour. Par quel
prodige cette langue si différente de toutes autres
s’est-elle maintenue en ce coin de terre ? Mais
quand j’ai voulu me rendre compte de son mécanisme,
je n’ai trouvé aucune indication. Pas une
grammaire basque, pas un lexique basque dans
Saint-Jean-de-Luz où il y a pourtant de bonnes
librairies. Quand j’interrogeais les enfants basques,
jouant sur la plage, ils avaient le plus grand plaisir
à me nommer dans leur langue le ciel, la mer, le
sable, les parties du corps humain, les objets familiers
! Mais ils n’avaient pas la moindre idée de sa
structure, et quoique plusieurs d’entre eux fussent
de bons élèves de nos écoles laïques, ils n’avaient
jamais songé à appliquer au langage antique et
original qu’ils parlaient des [sic] l’enfance, les procédés
d’analyse qu’ils sont habitués à appliquer à la
langue française. C’est évidemment que les maîtres
ne les y avaient point invités. Pourquoi cela, et
d’où vient ce délaissement ? Puisque ces enfants
parlent deux langues, pourquoi ne pas leur apprendre
à les comparer et à se rendre compte de l’une et
de l’autre ? Il n’y a pas de meilleur exercice pour
l’esprit que ces comparaisons ; cette recherche des
analogies et des différences en une matière que l’on
connaît bien est une des meilleures préparations de
l’intelligence. Et l’esprit devient plus sensible à la
beauté d’une langue basque, par comparaison avec
une autre langue il saisit mieux le caractère propre
de chacun [sic], l’originalité de sa syntaxe, la logique
intérieure qui en commande toutes les parties
et qui lui assure une sorte d’unité organique.
Ce qui est vrai du basque est vrai du breton. Ce
serait une éducation de force et de souplesse pour
les jeunes esprits ; ce serait aussi un chemin ouvert,
un élargissement de l’horizon historique.
Mais comme cela est plus vrai encore et plus
frappant pour nos langues méridionales, pour le
limousin, le languedocien, le provençal ! Ce sont,
comme le français, des langues d’origine latine, et
il y aurait le plus grand intérêt à habituer l’esprit à
saisir les ressemblance et les différences, à démêler
par des exemples familiers les lois qui ont présidé à
la formation de la langue française du Nord et de la
langue française du Midi, il y aurait pour les jeunes
enfants, sous la direction de leurs maîtres, la joie de
charmantes et perpétuelles découvertes. Ils auraient
aussi un sentiment plus net, plus vif, de ce qu’a été
le développement de la civilisation méridionale, et
ils pourraient prendre goût à bien des oeuvres
charmantes du génie du Midi, si on prenait soin de
les rajeunir un peu, de les rapprocher par de très
légères modifications du provençal moderne et du
languedocien moderne.
Même sans étudier le latin, les enfants verraient
apparaître sous la langue française du Nord et sous
celle du Midi, et dans la lumière même de la comparaison,
le fonds commun de latinité, et les origines
profondes de notre peuple de France s’éclaireraient
ainsi, pour le peuple même, d’une pénétrante
clarté. Amener les nations et les races à la pleine
conscience d’elles-mêmes est une des plus hautes
oeuvres de civilisation qui puissent être tentées. De
même que l’organisation collectiviste de la production
et de la propriété suppose une forte éducation
des individus, tout un système de garanties des
efforts individuels et des droits individuels, de
même la réalisation de l’unité humaine ne sera
féconde et grande que si les peuples et les races,
tout en associant leurs efforts, tout en agrandissant
et complétant leur culture propre par la culture des
autres, maintiennent et avivent dans la vaste Internationale
de l’humanité, l’autonomie de leur conscience
historique et l’originalité de leur génie.
J’ai été très frappé de voir, au cours de mon
voyage à travers les pays latins, que, en combinant
le français et le languedocien, et par une certaine
habitude des analogies, je comprenais en très peu
de jours le portugais et l’espagnol J’ai pu lire,
comprendre et admirer au bout d’une semaine les
grands poètes portugais. Dans les rues de Lisbonne,
en entendant causer les passants, en lisant les enseignes,
il me semblait être à Albi ou à Toulouse.
Si, par la comparaison du français et du languedocien,
ou du provençal, les enfants du peuple, dans
tout le Midi de la France, apprenaient à retrouver le
même mot sous deux formes un peu différentes, ils
auraient bientôt en main la clef qui leur ouvrirait,
sans grands efforts, l’italien, le catalan, l’espagnol,
le portugais. Et ils se sentiraient en harmonie naturelle,
en communication aisée avec ce vaste monde
des races latines, qui aujourd’hui, dans l’Europe
méridionale et dans l’Amérique du Sud, développe
tant de forces et d’audacieuses espérances. Pour
l’expansion économique comme pour l’agrandissement
intellectuel de la France du Midi, il y a là un
problème de la plus haute importance, et sur lequel
je me permets d’appeler l’attention des instituteurs.
JEAN JAURÈS.]] ==
{{citation|
== [[Gustave Le Bon]] ==
== [[Gustave Le Bon]] ==
{{citation|Dans le département de la Creuse, dans les Hautes-Alpes, et notamment dans plusieurs localités situées autour de Montmaure (montagne des Maures), dans le canton de Baignes (Charente), de même que dans certains villages des Landes, du Roussillon, du Languedoc, du Béarn, les descendants des Arabes sont facilement reconnaissables. On les distingue à leur peau basanée, leurs cheveux couleur d'ébène, leur nez aquilin, leurs yeux foncés et perçants. Les femmes se reconnaissent à leur teint olivâtre, leur figure allongée, leurs grands yeux noirs, leurs sourcils épais, la forme conique de leurs seins, etc.}}
{{citation|Dans le département de la Creuse, dans les Hautes-Alpes, et notamment dans plusieurs localités situées autour de Montmaure (montagne des Maures), dans le canton de Baignes (Charente), de même que dans certains villages des Landes, du Roussillon, du Languedoc, du Béarn, les descendants des Arabes sont facilement reconnaissables. On les distingue à leur peau basanée, leurs cheveux couleur d'ébène, leur nez aquilin, leurs yeux foncés et perçants. Les femmes se reconnaissent à leur teint olivâtre, leur figure allongée, leurs grands yeux noirs, leurs sourcils épais, la forme conique de leurs seins, etc.}}

Version du 22 octobre 2023 à 20:36

L'Occitanie (en occitan, Occitània ou Óucitanìo) désigne l'espace où la langue occitane est parlé aujourd'hui ou dans un passé récent. L'Occitanie est caractérisée par la culture occitane qui représente depuis le Moyen Âge le second versant de la culture romane en France, mais aussi dans une moindre mesure, en Italie, Espagne et à Monaco. Cette partition entre langue d'oc et langue d'oil dans l'espace gallo-roman est fort ancienne puisqu'elle débuta avec la romanisation elle-même. En France, l'Occitanie est confrontée à un problème de reconnaissance puisque le français est seule langue de la République dans l'administration.

Georges A. Bertrand

Au XIIIème siècle... notre Occitanie se trouve donc devenir le réceptacle de deux apports esthétiques complémentaires et concomitants venus du monde musulman : l’art de l’Espagne musulmane peu à peu reconquise, celui de

la Palestine peu de temps conquise. Et c’est ainsi que se produira silencieusement, furtivement, lentement, tout cet impalpable mouvement artistique, celui de la mémoire et l’un ramènera d’un voyage telle technique, tel autre, un décor, une assiette ou la faïence, il rencontrera un air de musique ou de poésie "courtoise", tel mot également, du sucre au

café, de l’orange à l’abricot, des damassures de Damas aux mousselines de Mossoul.


[N]otre Midi a sa pinte de sang sarrasin, espagnol, andalou.
  • L'identité de la France - Les Hommes et les Choses (1986), Fernand Braudel, éd. Flammarion, 1990, p. 215


Louis Cabrié

La supériorité des Arabes était généralement reconnue dans toute l'Europe. Les mœurs et les usages de l'Orient étaient imités par un très grand nombre de chrétiens. Les seigneurs féodaux meublaient leurs châteaux, les dames se paraient pour les fêtes, les chevaliers s'armaient pour les combats, avec des produits des manufactures d'Espagne, d'Afrique et de Syrie. Des poètes en titre étaient attachés aux cours de Grenade, de Séville et de Cordoue. Souvent les exigences de la cour, ou leur humeur inconstante, les engageaient à visiter les royaumes d'Aragon et de Catalogne, qui étaient entourés par le royaume musulman de Saragosse. Des philosophes, des poètes, des médecins arabes se répandaient facilement dans le midi de la France, et y portaient le goût de leur littérature et de leurs arts; [...]. Comment une civilisation si puissante et si avancée n'aurait-elle pas agi sur l'état intellectuel du midi de la France, qui, par son caractère et son climat, avait tant de ressemblance avec l'Orient! Comment la Provence, qui avait tant de relations avec les Arabes, et par son voisinage et par la réunion des souverainetés de Catalogne et de Provence en un seul royaume, aurait-elle pu préserver l'imagination de ses poètes, de cette littérature brillante et fastueuse dont Cicéron avait déploré les tristes effets sur l'atticisme du siècle d'Auguste !
  • Le troubadour moderne, ou, Poésies populaires de nos provinces méridionales, Louis Cabrié, éd. Librairie d'Amyot, 1844, p. XXXIV


Les Cathares sont le signe, parmi d'autres, de l'originalité du Midi : espace de culture ouverte ou [...] s'entrecroisèrent les influences de l'Orient, le judaïsme, le christianisme, l'islam; ceci dans un contexte d'échanges économiques avec l'Italie et le Levant et de créativité culturelle. [...] Dans le Midi effervescent, multiculturel, l'Orient influence l'art, la science, la pensée. La doctrine cathare traduit ces influences. [...] La barrière des Pyrénées n'existe pas et, jusqu'à la conquête « française », le Midi d'oc n'est pas séparable de cet espace de haute culture intellectuelle et syncrétise : l'Espagne des VIIIe-XIIIe siècle sous domination des califes musulmans.
  • Le mythe national, Suzanne Citron, éd. Éditions de l'Atelier, 2008, p. 235,250


Collectif

L'Occitanie a joué un double rôle pour la science médiévale : pont et foyer créateur. Au Xe siècle, la science arabe est en pointe et gardera longtemps son avance. A son contact par la Catalogne et l'Aragon, mais aussi l'Italie, l'Occitanie en sera irriguée. Gerbert d'Aurillac, futur pape et grand savant, sera le premier maillon d'une longue chaîne. Le colloque de 1992 est centré sur les mathématiques mais l'échange culturel est plus vaste : la poésie des Troubadours, l'architecture, etc. doivent beaucoup à l'Andalousie. Au XIVe siècle, l'occitan devient langue scientifique par la volonté de Gaston II de Foix-Béarn. Il fera traduire une encyclopédie, la chirurgie d'Al-Bucassis et nombre d'autres ouvrages. Vers 1430, le manuscrit occitan de Pamiers nous livre une première mondiale : un nombre négatif comme solution d'un problème ! En 1492, le premier livre imprimé en occitan est un fils du texte de Pamiers. Au XVIIe siècle, un des plus grands, Pierre de Fermat, précurseur génial dans bien des domaines, annonce l'aube d'un temps nouveau : celui des grandes avancées des XVIIIe et XIXe siècles. [...] riche moisson dont nous goûtons encore les fruits.
  • Huit siècles de mathématiques en Occitanie, des Arabes & de Gerbert d'Aurillac à Pierre de Fermat, Actes du colloques de Toulouse et de Beaumont de Lomagne, éd. Éditions PyréMonde, 2008, p. quatrième de couverture


C’est un pays original que notre Occitanie, à la fois disparate et unique. Un pied dans la Méditerranée, qui après tout n’est qu’un lac, l’autre dans le monde nordique ; mais le corps parfaitement concentrique, et chef-lieu. De la Méditerranée lui sont venues les plus fines attaches, phéniciennes, grecques, romaines, les nerfs et les sens ; les Juifs y ont toujours eu des colonies ; les Arabes, après Charles Martel, s’y sont répandus, dans les montagnes... (l’Ariège, par exemple, pullule de Ben, Benaich, etc. et moi-même, suis-je kabyle, comme on me l’a dit, et comme la physiognomonie le suggère ?). Du nord elle a reçu les valeurs de noblesse ; les Wisigoths sont restés chez nous 700 ans, énorme temps. Que de brassages, de métissages ! Telle est l’Occitanie, dis Aup i Pireneu, peuple aux mille moelles mais à l’âme unanime.
  • Delteil, cathare d'âme (1966), Joseph Delteil, éd. Cahier du Sud, 1966, p. 103


Rien ne contribua tant à éveiller l'instinct poétique des populations du Midi que leurs guerres et leurs relations avec les Arabes d'Espagne. Ces vaillants Sarrasins, ces terribles Maures, qui franchirent tant de fois les défilés des Pyrénées, prirent bien vite dans l'imagination des habitants de Narbonne, de Toulouse, de Bordeaux, une beaucoup plus grande place que dans les arides chroniques des moines. Ils figurèrent de bonne heure dans des légendes fabuleuses, dans des chants historiques , qui servirent comme de noyau aux épopées romanesques des époques subséquentes.
  • Histoire de la poésie Provençale, Claude Fauriel, éd. J. Labitte, 1846, vol. 1, p. 7


On voit, par ce résumé, qu'à l'exception de la courte période où Charles Martel fit la guerre aux Arabes en personne, à la tête des Franks, cette guerre fut toujours soutenue par les Gallo-Romains méridionaux, par les Aquitains, les Septimaniens et les Provençaux. Auxiliaires naturels des Espagnols de la Galice et des Asturies, ces peuples remplirent, en commun avec ces derniers, la tâche toute spéciale de repousser les efforts que firent successivement les Arabes, d'abord pour pénétrer au cœur de l'Europe, puis pour se maintenir en Espagne. Rien ne manquait à cette lutte de ce qui pouvait développer et ennoblir l'instinct poétique déjà éveillé des lors dans le midi de la Gaule.
  • Histoire de la poésie provençale, Claude Fauriel, éd. J. Labitte, 1846, vol. 1, p. 422


A considérer les choses d'une manière générale, il est évident, par l'histoire, que les Arabes andalousiens durent avoir une certaine influence sur la civilisation du midi de la France. Ils eurent, comme tout le monde sait, sous leur domination la Septimanie [...]; et c'est, selon toute apparence, à leur séjour de plus d'un demi-siècle dans cette contrée, qu'il faut attribuer l'introduction dans le Midi de diverses industries, de certains procédés d'agriculture, de certaines machines d'un usage universel, comme, par exemple, de celle qui sert à tirer l'eau des puits, pour l'irrigation des jardins et des champs, qui toutes sont d'invention arabe. C'est à la même époque et à la même cause qu'il faut rapporter l'habitude, longtemps et même encore aujourd'hui populaire dans le midi de la France, d'attribuer aux Sarrasins tout ouvrage qui offrait quelque chose de merveilleux, de grandiose, et supposait une puissance d'industrie supérieure à celle du pays, comme les châteaux fortifiés, les remparts et les tours des villes, et autres grands monuments d'architecture ; comme aussi les armes, les ouvrages de ciselure et d'orfèvrerie, les étoffes précieuses par le travail ou la matière. Toutes ces choses étaient qualifiées d'œuvre arabine, d'œuvre sarrasinesque, d'œuvre de gent sarrasine. Enfin, ce fut aussi par suite de la domination andalousienne dans la Septimanie que s'introduisit, dans le latin barbare du pays, devenu déjà ou prêt à devenir le roman, une certaine quantité de mots arabes qui devait s'accroître encore par la suite.
  • Histoire de la poésie Provençale, Claude Fauriel, éd. J. Labitte, 1846, p. 312


Les Juifs eurent, au moyen âge, sur la culture de l'Europe en général et sur celle du midi de la France en particulier, une influence qui n'est point assez connue, et dont l'histoire de la civilisation et des sciences s'est malheureusement trop ressentie.
  • Histoire de la poésie provençale, Claude Fauriel, éd. J. Labitte, 1846, vol. 3, p. 313-314


[L]a tradition occitane tend à regretter que les Arabes, hautement civilisés, aient dû laisser leur place à des Germains qui n'étaient alors encore que des sauvages !
  • Des grandes invasions à l'an mille, Marc Ferro, éd. Plon, 2007, p. 91-92


La Provence qui est espagnole et italienne tout a la fois, a gardé fortement l'empreinte du génie arabe: à elle, la pulvérulente Provence, ses

troubadours du Midi, ses galants jouvenceaux, ses poésies galantes qui devaient enfanter Boccace, à elle ses poètes, ses musiciens et ses jongleurs qui scandalisent au dixième [siècle] la froide prudence des hommes du Nord. [...] Certes, il y a, dans le midi de la France, un grand souvenir d'antiquité: Marseille est une villa de Rome, Aix est bâtie avec des pierres romaines, et le génie singulièrement opiniatre du Provençal a conservé quelque chose de romain et d'antique. Mais sous cette poussière apparente de génie antique, perce aussi un autre génie, plus original, plus libre dans ses allures, plus hardi, plus dégagé. Ce n'est plus la beauté régulière de l'antique, froide et nue comme une statue de Minerve, c'est quelque chose de dansant, de dégagé et de voluptueux. Cette poésie musicale et chantante du Midi, ces notes sonores, cette cadence, ce rythme, cette rime enfin, tout cela nous est venu d'Orient. Mais l'âme de cette poésie tendre, passionnée et lyrique, le culte rendu à la femme, l'amour enfin sentimental et langoureux, qui l'a produit? Qui l'a

senti le premier? Les Arabes.
  • « Influence des Arabes d'Espagne sur la civilisation française du Moyen Age » (1837), dans Œuvres complètes de Flaubert, Gustave Flaubert, éd. Club de l'Honnête Homme, 1971, p. 135-136


Il faut [...] reconnaître dans la poésie arabe la mère et la maitresse commune de l'espagnole et de la provençale. On aperçoit dans la poésie des Troubadours les traces de cette filiation, et l'on y voit aucun vestige de la poésie grecque ou latine.


[L]es Arabes, en très grande majorité d'origine orientale, s'étaient avancés, au VIIIe siècle, d'une part jusqu'au Poitou, d'autre part jusqu'à la vallée de la Saône et aussi qu'après leur défaite, ils demeurèrent relativement nombreux sur tout le littoral, de l'embouchure du Rhône à la frontière espagnole ainsi que dans les Alpes. Ils devinrent chrétiens et s'intégrèrent à la population autochtone. Il paraît que l'influence orientale se fait nettement sentir sur tout le littoral du golfe du Lion et autour de l'étang de Berre.
  • Les peuples de l'europe (1927), Hans Günther, éd. Éditions du Lore, 2006, p. 142


Dans le département de la Creuse, dans les Hautes-Alpes, et notamment dans plusieurs localités situées autour de Montmaure (montagne des Maures), dans le canton de Baignes (Charente), de même que dans certains villages des Landes, du Roussillon, du Languedoc, du Béarn, les descendants des Arabes sont facilement reconnaissables. On les distingue à leur peau basanée, leurs cheveux couleur d'ébène, leur nez aquilin, leurs yeux foncés et perçants. Les femmes se reconnaissent à leur teint olivâtre, leur figure allongée, leurs grands yeux noirs, leurs sourcils épais, la forme conique de leurs seins, etc.
  • La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre troisième, chapitre septième, Les Arabes en Sicile, en Italie et en France, p. 237


L'élément sémitique, juif et arabe, était fort en Languedoc. Narbonne avait été longtemps la capitale des Sarrasins en France. Les Juifs étaient innombrables. Maltraités, mais pourtant soufferts, ils florissaient à Carcassonne, à Montpellier, à Nîmes; leurs rabbins y tenaient des écoles publiques. Ils formaient le lien entre les chrétiens et les mahométans, entre la France et l'Espagne. Les sciences, applicables aux besoins matériels, médecine et mathématiques, étaient l'étude commune aux hommes des trois religions. Montpellier était plus lié avec Salerne et Cordoue qu'avec Rome. Un commerce actif associait tous ces peuples, rapprochés plus que séparés par la mer. Depuis les croisades surtout, le Haut-Languedoc s'était comme incliné à la Méditerranée, et tourné vers l'Orient, les comtes de Toulouse étaient comtes de Tripoli. Les mœurs et la foi équivoque des chrétiens de la Terre-Sainte avaient reflué dans nos provinces du midi. Les belles monnaies , les belles étoffes d'Asie avaient fort réconcilié nos croisés avecle monde mahométan. Les marchands du Languedoc s'en allaient toujours en Asie la croix sur l'épaule, mais c'était plus pour visiter le marché d'Acre que le Saint Sépulcre de Jérusalem. L'esprit mercantil avait tellement dominé les répugnances religieuses, que les évêques de Maguelone et de Montpellier faisaient frapper des monnaies sarrasines, gagnaient sur les espèces, et escomptaient sans scrupule l'empreinte du croissant.
  • Histoire de France, Jules Michelet, éd. Chamerot, 1861, t. 2, p. 335


Ces nobles du Midi étaient des gens d'esprit qui savaient bien la plupart que penser de leur noblesse. Il n'y en avait guère qui, en remontant un peu, ne rencontrassent dans leur généalogie quelque grand-mère sarrasine ou juive. Nous avons déjà vu qu'Eudes, l'ancien duc d'Aquitaine, l'adversaire de Charles Martel, avait donné sa fille à un émir sarrasin. Dans les romans carolingiens, les chevaliers chrétiens épousent sans scrupule leur belle libératrice, la fille du sultan.
  • Histoire de France, Jules Michelet, éd. Chamerot, 1861, t. 2, p. 337


Au Midi apparaissent les Ibères de Ligurie et des Pyrénées, avec la dureté et la ruse de l'esprit montagnard, puis les colonies phéniciennes; longtemps après viendront les Sarrasins. Le midi de la France prend de bonne heure le génie mercantile des nations sémitiques. Les juifs du moyen âge s'y sont trouvés comme chez eux. Les doctrines orientales y ont pris pied sans peine, à l'époque des Albigeois.
  • Histoire de France, Jules Michelet, éd. Chamerot, 1861, t. 1, p. 106


C'est à la civilisation musulmane d'Espagne que la sensibilité occitane doit de s'être éveillée si tôt.
  • L'érotique des troubadours? (1963), René Nelli, éd. Union générale d'éditions, 1974, p. 103


Au midi de la France, ce sont d'autres "rois de la mer", et de race tout à fait étrangère, qui eurent la plus forte part au mélange du sang. Les Sarrasins gardèrent longtemps sur les côtes de la Provence, à la Garde-Freinet, un solide point d'appui et de là purent faire des incursions dans une partie de la France. Au huitième siècle, lors de l'invasion des Berbères dit Arabes, ceux-ci avaient pénétré jusque dans la vallée de la Loire. [...] les observations des anthropologistes ne permettent pas de douter que nombre de familles françaises dans les bassins de la Garonne et du Rhône ne soient issus des envahisseurs musulmans, Berbères modifiés par leur croisement avec les Espagnols, les Arabes et les noirs d'Afrique.
  • Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, Élisée Reclus, éd. Hachette, 1881, t. 2, chap. 1-Vue d'ensemble - Le milieu et la race, Ançêtres de Français, p. 45-46


Pourquoi le Languedoc est-il réuni à la France du nord, union que ni la langue, ni la race, ni l'histoire, ni le caractère des populations n'appelaient ?
  • La Réforme intellectuelle et morale (1871), Ernest Renan, éd. Complexe, 1985, p. 9


Les Pyrénées ont plus uni qu'elles n'ont séparés. [...] Des Ibères à l'époque médiévale, le territoire de l'Entre-Deux-Mers a connu une succession impressionnante de peuples et de civilisations : Phéniciens, Grecs, Ligures, Celtes, Romains, Juifs, Syriens, Vascons, Wisigoths, Burgondes, Francs, Berbères et Arabes. Par les ports méditerranéens du golfe du Lion et par les ports pyrénéens, ces populations ont régulièrement noué contact avec celles des rives opposées : Byzantins, Arméniens, Turcs, Perses sassanides, Coptes, Arabes et Juifs orientaux. Il en est résulté pour les pays d'oc et les Pyrénées un imaginaire riche et complexe, profondément original, ou se contredisent et s'entrelacent la légende et l'histoire, la passion et la raison, le dogme et le doute. Cet imaginaire s'est posé en complément, mais aussi en contradiction, avec les mythes fondateurs de l'Europe franque et chrétienne qui ont été élaborés pour la plupart dans l'Entre-Deux-Mers, aux marges de l'Empire carolingien et du califat d'al-Andalus. Les hagiographes, historiographes et chroniqueurs francs et français se sont ingéniés à le réduire à de simples anecdotes ou à carrément l'occulter jusqu'à une époque récente [...]. Privés de mémoire, nous n'avions pas de futur. Maintenant que nous commençons à savoir, des ailes nous poussent. L'univers s'entrouve avec ses ombres et ses lumières. Nous voici autonomes dans notre démarche. Nous ne sommes plus une périphérie, une marge, un confin, mais une croisée de chemins...


Les premiers musulmans arrivèrent en France à la suite de l'occupation de l'Espagne par les Maures, il y a plus d'un millénaire, et s'installèrent dans les environs de Toulouse - et jusqu'en Bourgogne. A Narbonne, les traces d'une mosquée datant du VIIIe siècle sont le témoignage de l'ancienneté de ce passé. Lors de la célèbre, et en partie mythologique, bataille de Poitiers en 732, dont les historiens reconsidèrent aujourd'hui l'importance, Charles Martel aurait stoppé la progression des envahisseurs arabes. Des réfugiés musulmans qui fuyaient la Reconquista espagnole, et plus tard l'Inquisition, firent souche en Languedoc-Roussillon et dans le Pays basque français, ainsi que dans le Béarn.
  • Intégrer l'Islam, Justin Vaïsse, éd. Odile Jacob, 2007, Introduction, p. 32-33


[U]ne civilisation méditerranéenne a surgi qui peut-être aurait avec le temps constitué un second miracle, qui peut-être aurait atteint un degré de liberté spirituelle et de fécondité aussi élevé que la Grèce antique, si on ne l'avait pas tuée. Après le Xe siècle, la sécurité et la stabilité étaient devenues suffisantes pour le développement d'une civilisation; l'extraordinaire brassage accompli depuis la chute de l'Empire romain pouvait dès lors porter ses fruits. Il ne le pouvait nulle part au même degré que dans ce pays d'oc ou le génie méditerranéen semble s'être alors concentré. Les facteurs d'intolérance constitués en Italie par la présence du pape, en Espagne par la guerre ininterrompue contre les Maures, n'y avaient pas d'équivalent; les richesses spirituelles y affluaient de toutes parts sans obstacle. La marque nordique est assez visible dans une société avant tout chevaleresque; l'influence arabe pénétrait facilement dans des pays étroitement liés à l'Aragon; un prodige incompréhensible fit que le génie de la Perse prit racine dans cette terre et y fleurit, au temps même ou il semble avoir pénétré jusqu'en Chine. Ce n'est pas tout peut-être; ne voit-on pas à Saint-Sernin, à Toulouse, des têtes sculptées qui évoquent l'Égypte ?
  • « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique » (1940), dans Cahier du Sud, Simone Weil, éd. Cahier du sud, 1942, p. 105


L'esprit de la civilisation d'òc au XIIème siècle, tel que nous pouvons l'entrevoir, répond à des aspirations qui n'ont pas disparu et que nous ne devons pas laisser disparaître.
  • « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique » (1940), dans Cahier du Sud, Simone Weil, éd. Cahier du sud, 1942, p. 107


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