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« Paul Klee » : différence entre les versions

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=== Bridget Riley ===
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{{Citation|[…]Comme [[Piet Mondrian|Mondrian]], l’œuvre de [[Paul Klee|Klee]] a toujours été centrale pour moi. On peut être influencée de plusieurs manières. Simplement par l’apparence de quelque chose, ou par la possibilité d’atteindre à travers l’apparence la pensée qui est derrière, comme j’ai pu le faire avec le travail de Seurat. À d’autres moments, on est influencée par les idées et non l’apparence. Ce fut comme cela pour moi, avec Klee. Il m’a montré ce que signifie l’abstraction dans la peinture et comment questionner d’une manière artistique.|précisions=}}
{{Réf Livre
| titre = L’Esprit de l’œil
| auteur = Bridget Riley
| traducteur =Emmelene Landon
| éditeur = Beaux-arts de Paris
| année = 2008
| ISBN =978-2-84056-282-5
| chapitre =L’esprit de recherche. Conversation avec [[Jenny Harper]], 2004
| page =160
}}


== Voir aussi ==
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Version du 20 mars 2022 à 20:38

Portrait par Alexander Eliasberg en 1911.

Paul Klee est un peintre allemand né le 18 décembre 1879 à Münchenbuchsee et mort le 29 juin 1940 dans un hôpital de Muralto dans le canton du Tessin.

Citations

Journal, 1957

Berne, 27-4-1898. « Asseyez-vous et tâchez de l'apprendre mieux », disait-on en mathématiques, mais voilà qui est passé et oublié. Pour l'instant se déroule au-dehors le premier orage de l'année. Un frais vent d'ouest m'effleure qui m'apporte une odeur de thym et des sifflets de chemin de fer, et se joue dans mes cheveux humides. La nature m'aime donc ! Consolatrice et prometteuse.
Pareil jour, je demeure invulnérable. Souriant à l'extérieur, riant plus libre au-dedans, une chanson dans l'âme, un gazouillant sifflotement sur les lèvres, je me jette sur le lit, me détends, préserve la sommeillante force.
Vers l'ouest, vers le nord, où que le sort m'entraîne : je crois !


La musique est pour moi comme une bien-aimée ensorcelée. Gloire, en tant que peintre ? Écrivain, poète lyrique moderne ? Mauvaise plaisanterie. Ainsi je reste sans vocation et je flâne.


Rétrospective. Inspection de moi-même ; j'ai dit résolument adieu à la littérature, à la musique. Abandonné mes efforts pour acquérir une expérience sexuelle raffinée dans ce cas particulier. Je pense à peine aux arts plastiques, je ne veux travailler qu'à ma personnalité.


Toi, fleur de feu, nuitamment tu me tiens lieu de soleil, et tu luis profondément dans le cœur secret de l'homme. Février 1900.


Ta tête je la veux tenir dans les mains, ferme, de mes deux mains, et jamais elle ne devra se détourner de moi. Car dans la douleur croîtrait ma force jusqu'à la ruine.


La tempête me clarifie et la vie me captive.


Je me sentais à l'aise dans la « tempête de la vie ». Un peu de calme eût été plus sain, mais impossible.


Il est aisé de qualifier d'aberrante une volonté ruinée.


Au-dedans de moi ondule, certainement, une mer, parce que je suis sensible. L'irrémédiable, c'est de ressentir de telle sorte qu'à toutes les extémités règne la tempête et nulle part un maître qui commande au chaos.


La tempête forme des cuisses puissantes dans le valonnement de la vague et dans la nuque du chêne. On croirait à un combat entre la branche et l'écume. Ce n'est pourtant que jeu. La divinité y assiste et préserve les limites. Dans un sens analogue j'ai contemplé un orage accompagné de grêle. 27 juillet 1901.


Rire à se pâmer. Et je le dis à nouveau, ce rire élève au-dessus de l'animal.


Hautes maisons (jusqu'à treize étages), ruelles des plus étroites dans la vieille ville. Fraîches et malodorantes. Le soir, occupées par une foule compacte. De jour, davantage par la jeunesse. Langes flottant dans l'air comme autant de drapeaux dans une ville pavoisée. Cordes tendues entre les fenêtres qui se font face. De jour, soleil ardent sur ces ruelles, reflets métalliques de la mer là en bas, afflux de lumière de toute part ; éblouissements. A quoi s'ajoutent les résonances d'un orgue de Barbarie, pittoresque métier. Tout autour, ronde d'enfants. Le théâtre dans la réalité. Emporté avec moi assez de mélancolie par-delà le Saint-Gothard. L'influence de Dionysos sur moi n'est pas si simple.
  • À propos de Gênes.


7-12-1901. Deux lettres et deux cartes sont en route vers le Nord qui ne supposent point de réponse. Je veux savoir rompus la plupart des fils qui me rattachent à naguère. Peut-être est-ce là l'indice d'une commençante maîtrise. Je me sépare de ceux qui m'avaient enseigné. Ingratitude de l'élève ! Que me reste-t-il alors ? Rien que l'avenir. Je m'y apprête avec violence. Je n'avais pas beaucoup d'amis et dès que j'exige de l'amitié intellectuelle je suis à peu près abandonné.


Les singes au parc de la villa Borghèse ! Adorable. Je n'en excepte que le babouin, trop au-dessous du zéro moral. L'existence la plus sinistre qui se puisse voir jamais. Et nonobstant terriblement humain. Plus affreux que le diable même, mais étroitement apparenté à lui, engendré par lui d'une sorcière rabougrie. O forêt vierge du Nord. O Blocksberg. Il n'est pas à sa place dans Rome.


Une petite bête gélatineuse et angélique (d'une transparence psychique) nageait d'un mouvement continu sur le dos, faisant tournoyer sans cesse un petit, subtil pavillon.


O intarissable pêle-mêle, les déplacements de plans, le soleil sanglant, la profonde mer semée de voiles inclinées. Matière sur matière, au point qu'on pourrait s'y dissoudre. Être homme, être antique, naïf et rien, pourtant heureux.


Au-dedans de moi, quel changement ! J'ai vu vivre un morceau d'histoire. Le Forum et le Vatican m'ont adressé la parole. L'humanisme me veut prendre à la gorge, il est davantage qu'une torturante invention des professeurs de lycée. Il me faut le suivre, ne serait-ce qu'un bout de chemin. Adieu Elfes, fée de la lune, étoiles filantes.
Ma bonne étoile ne se lève point, ne se lèvera pas avant longtemps. Estime-toi heureux, Barbare ! Pourvu que tu puisses penser ! Ulysse a vu la mer et moi j'ai vu Rome. Exorcisé ! Voici l'Europe néoclassique.


Les fées sont toujours d'un certain âge et quelque peu sévères. Car autrement il faudrait bien que dans un conte quelconque, lors des trois souhaits habituels, il arrivât que le garçon, pour une fois, souhaitât posséder la fée.


Faux-fuyants : dans les cas de vouloir sans pouvoir.
Dire que les Dieux ne vous l'accordent pas.
Nier prudemment et bravement Mme Vénus.
Croire le Christ encore vivant.
Faux-fuyants.


Le dimanche après-midi berbois est toujours si accablant ! On aimerait se réjouir, comme dans le Faust, lorsque après une semaine de travail tout le monde va s'ébattre en plein air. Mais ces pauvres gens sont pour la plupart si laids qu'on les déteste plus qu'on ne les plaint. Et ce n'est point là de la simple et saine laideur.
Déjà sur les traits délicats des enfants se peut discerner la trace du péché originel. Et ce mauvais goût mi-paysan, mi-petit-bourgeois ! Là où subsisterait un quelconque charme physique, il se voit éliminé sans pitié par le vêtement. Ainsi, des souliers, Dieu sait que les pieds d'enfants grandissent vite, et les nouveaux souliers, justement les souliers du dimanche, sont prévus en conséquence. Les bas témoignent d'une absence totale du sens des couleurs. Tout cela parle un jargon si affreux, d'un esprit si borné. Seules les couleurs ne parlent pas, elles jurent.
Et la voiture d'enfant, archibondée, quelle misère ! La mère enceinte, pâle, méchante et tenace !
Vers le soir l'alcool commence à faire sentir son effet. Le crétinisme gagne en importance, tous deux agissent de façon significative.
Le tout sans élan, le moindre geste entravé. Les gens se gênent parce que, dans le fond, ils ne sont du tout aussi mauvais qu'ils en ont l'air. D'une manière quelconque le dimanche tout entier a un sourire gêné.
Qu'il est difficile, tout de même, de se faire un sentiment social !


Le Héros à l’aile
Janvier 1905 (Der Held mit dem Flügel), « Le héros ailé d’une aile », héros tragi-comique, peut-être un antique Don Quichotte. Cette idée poétique dont la formule surgit toute bourbeuse en novembre 1904, la voici définitivement mise à sec, élaborée. Ce personnage, né avec une seule aile d’ange, contrairement aux natures divines, s’efforce infatigablement de prendre son essor. Ce faisant, il se brise bras et jambes, mais n’en persévère pas moins dans son idée. Le contraste de son attitude monumentale et solennelle avec son état d’ores et déjà ruineux, était particulièrement à retenir en tant que symbole du tragi-comique.


Travail plutôt préparatoire. Un Oiseau Phénix. Un homme brandissant les poings serrés, en forme de ramure. Et un autre à qui pousse une denture de fauve dans un moment de passion.


Je commence logiquement à partir du chaos, voilà ce qu’il y a de plus naturel. Je reste calme ce faisant, parce qu’il m’est permis tout d’abord d’être moi-même chaos.
  • Juin 1905.


Dans l'antique Rome on disposait des vomitifs sur la table. De nos jours on les fait s'asseoir en habit et cravate blanche, joliment répartis parmi les invités. Je l'ai constaté moi-même à la société des beaux-arts.


De plus en plus s’imposent à moi des parallèles entre la musique et l’art plastique. Et cependant je n’arrive point à les analyser. Les deux arts sont certainement d’une nature temporelle, on pourrait le démontrer facilement.


Adieu, vie que je mène présentement. Tu ne saurais durer telle qu'elle. Noble tu fus. Pur esprit. Paisible et solitaire. Adieu honneur, dès le premier pas fait en public.
  • Journal, Paul Klee (trad. Pierre Klossowski), éd. Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1999  (ISBN 2246279127), chap. Journal III, p. 193-194


Nul n’a besoin d’ironiser à mes dépends, je m’en charge moi même.


Rêve. Je m’envolais à la maison, où est le Commencement. D’abord je fus à méditer en me rongeant les doigts. Ensuite je reniflai quelque chose ou goûtai quelque chose. La température m’a dissous. Tout dissous d’un seul coup, j’avais fondu comme le sucre dans l’eau. Mon cœur était aussi dans le jeu, beaucoup trop grand depuis longtemps, il gonfla démesurément. Mais nulle trace d’oppression. Et il se vit transporté en des lieux où l’on ne cherche plus la volupté. Si maintenant une délégation se présentait chez moi et s’inclinait solennellement devant l’artiste, désignant avec reconnaissance ses œuvres, ceci ne m’entonnerait guère. Car j’étais là où est le Commencement : chez mon adorée Madame Cellule Originelle, promesse de fécondité.
  • janvier 1906.


O poète ! Si tu veux peindre la moisissure de ton antre et que l’inspiration si nécessaire à cette effet te vienne à manquer, achète-toi un camembert et, le reniflant de temps en temps, tu réussiras.


Il y eut un instant où le cœur sembla s'arrêter. Mon cerveau était embrumé. Point de pensée autre que le cœur qui s'était arrêté. Ne tombe point, Moi ! Avec toi s'écroulerait le monde, et c'est par toi que vit Beethoven !


Je rêvai que j'assommais un jeune homme et que je traitais le mourant de songe. L'homme s'en montrait indigné, n'était-il pas sur le point de rendre l'âme ? Tant pis pour lui, répliquai-je, puisqu'il ne saurait plus évoluer !
Malheur à la bourgeoisie engraissée !


Aux portes de Kairouan
La couleur me possède. Point n'est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre.


Les grands animaux sont endeuillés à table et ne sont point rassasiés. Mais les mouches rusées grimpent sur les montagnes de pain et habitent la cité de beurre.


Animal humain, horloge de sang.


Au commencement la masculine spécialité du choc énergique. Ensuite la charnelle croissance de l'œuf. Ou encore : le fulgurant éclair, puis la nuée pluvieuse.


La clarté de mon âme cristalline, parfois, était çà et là trouble de souffle, mes tours, parfois enveloppées de nuées.


Un chantier d'inauthentiques éléments pour la formation d'impurs cristaux.
Voilà où nous en sommes.
Mais ensuite : il arriva que saigna la druse. Je pensais en mourir, guerre et mort. Puis-je donc mourir, moi cristal ?
Moi cristal.


J'ai porté cette guerre en moi depuis longtemps. C'est pourquoi elle ne me concerne pas intérieurement.
Pour me dégager de mes ruines, il me fallait avoir des ailes. Et je volai. Dans ce monde effondré je ne m'attarde plus guère autrement qu'en souvenir, à la manière dont on pense parfois au passé.
Ainsi je suis « abstrait avec des souvenirs ».


Théorie de l’art moderne

 

De même que l’homme, le tableau a lui aussi un squelette, des muscles, une peau. On peut parler d'une anatomie particulière du tableau. Un tableau avec le sujet « homme nu » n’est pas à figurer selon l’anatomie humaine mais selon celle du tableau. On commence par construire une charpente de l’œuvre à bâtir.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 1. Approches de l’art moderne, p. 11


Les Fenêtres simultanées sur la Ville (Robert Delaunay)
Robert Delaunay, un des meilleurs esprits de l’époque, a donné une solution d’une radicalité saisissante en créant le type du tableau autonome, vivant sans motif de nature d’une existence plastique entièrement abstraite. Un organisme formel avec sa respiration vivante, presque aussi éloigné d’un tapis – il faut le souligner – que l’est une fugue de Bach.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 1. Approches de l’art moderne, p. 12-13


L’art n’est pas une science que fait avancer pas à pas l’effort impersonnel des chercheurs. Au contraire, l’art relève du monde de la différence : chaque personnalité, une fois ses moyens d’expression en mains, a droit au chapitre et seuls doivent s’effacer les faibles cherchant leur bien dans des accomplissements révolus au lieu de le tirer d’eux-mêmes.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 1. Approches de l’art moderne, p. 14


A mesure que l’ouvrage s’étoffe, il arrive facilement qu’une association d’idées s’y greffe, s’apprêtant à jouer les démons de l’interprétation figurative. Car avec un peu d’imagination, tout agencement un peu poussé prête à une comparaison avec des réalités connues de la nature. Une fois interprété et nommé, pareil ouvrage ne répond plus entièrement au vouloir de l’artiste (du moins pas au plus intense de ce vouloir), et ses propriétés associatives sont à l’origine de malentendus passionnés entre l'artiste et le public.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 1. Approches de l’art moderne, p. 23


Remonter du Modèle à la Matrice ! Imposteurs, ces artistes qui bientôt demeurent fixés en chemin. Mais élus ceux qui plongent loin vers la Loi originelle, à quelque proximité de la source secrète qui alimente toute évolution. Ce lieu où l’organe central de tout mouvement dans l’espace et le temps – qu’on appelle cœur ou cerveau de la création – anime toutes les fonctions, qui ne voudrait y établir son séjour comme artiste ? Dans le sein de la nature, dans le fond primordial de la création où gît enfouie la clef de toute chose ? Mais que personne ne s’y croie obligé! que chacun se dirige selon les battements de son cœur.
  • Conférence, Iéna, 1924.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 2. De l’art moderne, p. 30


L’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 3. Credo du créateur, p. 34


Un tableau naît-il jamais d’une seule fois ? Non pas ! Il se monte pièce par pièce, point autrement qu’une maison. Et le spectateur, est-ce instantanément qu’il fait le tour de l’œuvre ? (Souvent oui, hélas).
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 3. Credo du créateur, p. 37


Le dialogue avec la nature reste pour l’artiste condition sine qua non. L’artiste est homme; il est lui-même nature, morceau de nature dans l’aire de la nature.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 4. Voies diverses dans l’étude de la nature, p. 43


Nous construisons et construisons sans cesse, mais l’intuition continue à être une bonne chose. On peut considérablement sans elle, mais pas tout. Sans elle on peut réussir longtemps, réussir beaucoup et diversement, réussir des choses capitales, mais pas tout. Quand l’intuition s’unit à la recherche exacte, elle accélère le progrès de celle-ci de façon saisissante. Et l’exactitude dotée d’ailes par l’intuition a parfois la supériorité.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 5. Recherches exactes dans le domaine de l’art, p. 48


L’œuvre est au premier chef genèse et son histoire peut se représenter brièvement comme une étincelle mystérieusement jaillie d’on ne sait où qui enflamme l’esprit, actionne la main et, se transmettant comme mouvement à la matière, devient œuvre.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 7. Philosophie de la création, p. 59


Nulle part ni jamais la forme n’est résultat acquis, parachèvement, conclusion. Il faut l’envisager comme genèse, mouvement. Son être est le devenir et la forme comme apparence n’est qu’une maligne apparition, un dangereux fantôme. Bonne donc la forme comme mouvement, comme faire, bonne la forme en action. Mauvaise la forme comme inertie close, comme arrêt terminal. Mauvaise la forme dont on s’acquitte comme d’un devoir accompli. La forme est fin, mort. La formation est Vie.
  • Théorie de l’art moderne (1964), Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), chap. 7. Philosophie de la création, p. 60


Écrits sur l'art

 

La pensée créatrice

Je commence par le chaos, c'est la démarche la plus logique et la plus naturelle. Je ne m’en inquiète pas, car je peux me considérer, en premier lieu, moi-même comme un chaos.
  • Écrits sur l’art, Paul Klee [textes recueillis et annotés par Jürg Spiller] (trad. Sylvie Girard), éd. Dessain et Tolra, 1973  (ISBN 2-249-25012-X), t. 1 : La pensée créatrice, p. 9


La genèse de l’Écriture nous offre une bonne illustration du thème du mouvement. L’œuvre d’art également est en première ligne genèse ; elle n’est jamais vécue comme simple produit. Un certain feu s’allume ; pour se perpétuer, il atteint la main, débouche sur la toile et, de la toile surgit de nouveau sous la forme d’une étincelle et ferme le cercle en revenant plus profondément à son point d’origine : l’œil (il revient au centre du mouvement, de la volonté, de l’idée).
  • Écrits sur l’art, Paul Klee [textes recueillis et annotés par Jürg Spiller] (trad. Sylvie Girard), éd. Dessain et Tolra, 1973  (ISBN 2-249-25012-X), t. 1 : La pensée créatrice, p. 78


Citations rapportées

Ma bien-aimée est et a toujours été la musique ; si j’enlace la déesse du pinceau qui embaume l’huile, c’est bien parce qu’elle est ma femme.
  • Lettre à Hans Bloesch, 1898.
  • « Paul Klee et la musique », Beate Schlichenmaier, dans Paul Klee, 1879-1940, polyphonies [exposition, Paris, Musée de la musique, 18 octobre 2011-15 janvier 2012], Marcella Lista (sous la direction de), Beate Schlichenmaier, Éric de Visscher, et al., éd. Cité de la musique, Actes Sud, 2011  (ISBN 978-2-330-00053-0), p. 19


Léonard de Vinci est le seul homme capable de me réconcilier avec le style noble, sans que je sois pour autant convaincu de pouvoir m’en contenter longtemps.
  • « Introduction », Jürg Spiller, dans Écrits sur l’art, Paul Klee [textes recueillis et annotés par Jürg Spiller] (trad. Sylvie Girard), éd. Dessain et Tolra, 1973  (ISBN 2-249-25012-X), t. 1 : La pensée créatrice, p. 10


Chat et oiseau, 1928.
Il y a des chats qui vous regardent avec le même regard que celui d’une fleur qui aurait l’arme au poing.
  • Note, 1928.
  • Paul Klee, Boris Friedewald (trad. Florence Rougerie), éd. Citadelles et Mazenot, 2016  (ISBN 978-2-85088-6690), p. 209


Citations sur Paul Klee

Louis Aragon

Pierre Boulez

Le premier contact avec Paul Klee, souvent, n’éblouit pas. On pense même à un art trop raffiné, trop précieux. Derrière ce premier sentiment, commence à agir une force qui oblige à réfléchir en profondeur. Il n’y a pas de violence, pas de geste agressif : cette œuvre persuade et la persuasion est persistante.


Jusqu’à ma rencontre avec Paul Klee je ne raisonnais qu’en musicien, ce qui n’est pas toujours le meilleur moyen d’y voir clair.
  • Le Pays fertile, Paul Klee, Pierre Boulez, éd. Gallimard, 1989  (ISBN 9782070111749), p. 71


André Chastel

Le chat Fripouille, 1921.
Tous ceux qui, comme son collègue Lothar Schreyer dans son recueil de souvenirs (1956), ont su rapporter leur impression décrivent une sorte de magicien captif, dessinant inlassablement, enfermé dans l'atelier où règne un gros chat, et toujours accueillant avec « une ironie affable qui adoucit le sérieux de son regard ». Ironique et affable, mais prodigieusement sûr.
  • L'image dans le miroir, André Chastel, éd. Gallimard, 1980, chap. Le dossier Klee, p. 396


L’œuvre entier, qui à sa mort comptait neuf mille numéros, bien catalogués, peintures, aquarelle et dessins, est la réponse faite au jour le jour à une inspiration qui ne cessait apparemment de le visiter. L’art de Klee est la plus extraordinaire manifestation d’une continuité sans faille, que toute exposition doit d’abord mettre en évidence.
  • « Paul Klee, doctor angelicus », Le Monde, 27 novembre 1969 [texte intégral] .
  • L'image dans le miroir, André Chastel, éd. Gallimard, 1980, chap. Paul Klee, doctor angelicus, p. 401-402


L’élément formel qui semble se déployer pour lui-même, Klee se sent presque toujours contraint de l’infléchir vers une allusion signifiante : une perspective contient des yeux, une spirale devient germination et ainsi de suite. Tout son art agit dans ces menues inflexions, dont il connaissait assez le prix pour conseiller de travailler des deux mains : « la main droite court avec plus de naturel, la main gauche écrit plutôt des hiéroglyphes. »
  • « Paul Klee, doctor angelicus », Le Monde, 27 novembre 1969 [texte intégral] .
  • L'image dans le miroir, André Chastel, éd. Gallimard, 1980, chap. Paul Klee, doctor angelicus, p. 405


René Crevel

L’œuvre de Klee est un musée complet du rêve.
Le seul musée sans poussière.


La poésie est la découverte des rapports insoupçonnés d’un élément à un autre. Le peintre doué de poésie, dans la plus sèche géométrie saura trouver les échelles pour ses plongées. Il monte, descend, remonte et, au plus haut palier, parce que la clef a été perdue de cette porte qui devait s’ouvrir à même le ciel, à même le vent, Paul Klee n’aura qu’à regarder par le trou de la serrure, pour découvrir, dans deux centimètres carrés béants, un monde d’étoiles que les hommes croyaient perdu.


Les limites de la raison
En hommage à un poète vous avez eu raison, Paul Klee, de dédier cette échelle rouge perdue au sein de l’éther tourterelle.
Cette échelle, voilà bien l’escalier, le seul qui puisse nous mener jusqu’au tremplin d’où nous sauterons, à pieds joints, dans l’impossible, puisqu’il s’agit enfin de décrocher la lune.


Paul Éluard

Christian Geelhaar

Pierre-Henri Gonthier

A qui prend de l’œuvre théorique de Klee, une connaissance en profondeur, la conviction s’impose bientôt qu’elle revêt pour l’art du XXème siècle la même importance que les Carnets de Léonard de Vinci pour celui de la Renaissance. Des écrits de ce poète géomètre qui eussent fasciné un Valéry, Georg Schmidt a pu dire qu’ils étaient « le plus profond et le plus éclairant qui ait été formulé sur l’art moderne, et peut-être sur l’art tout court ».
  • « Avant-propos », Pierre-Henri Gonthier, dans Théorie de l’art moderne, Paul Klee (trad. Pierre-Henri Gonthier), éd. Folio, 1998  (ISBN 978-2-07-032697-6), p. 6


Herman Hesse

Aussi bleu que neige,
Aussi Paul que Klee.
  • (de) So blau wie Schnee,
    So Paul wie Klee.


Vassily Kandinsky

Bridget Riley

Bridget Riley

[…]Comme Mondrian, l’œuvre de Klee a toujours été centrale pour moi. On peut être influencée de plusieurs manières. Simplement par l’apparence de quelque chose, ou par la possibilité d’atteindre à travers l’apparence la pensée qui est derrière, comme j’ai pu le faire avec le travail de Seurat. À d’autres moments, on est influencée par les idées et non l’apparence. Ce fut comme cela pour moi, avec Klee. Il m’a montré ce que signifie l’abstraction dans la peinture et comment questionner d’une manière artistique.
  • L’Esprit de l’œil, Bridget Riley (trad. Emmelene Landon), éd. Beaux-arts de Paris, 2008  (ISBN 978-2-84056-282-5), chap. L’esprit de recherche. Conversation avec Jenny Harper, 2004, p. 160


Voir aussi

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