Les Arabes sont un groupe ethnique de personnes anthropologiquement différents les uns des autres, qui s’identifient par des liens entre autres linguistiques ou culturels, réparties sur une vaste zone qui s’étend d’Oman à la Mauritanie.
Nous pouvons, dans ces limites, considérer comme appartenant à l'ethnie, peuple ou nationalité arabe ceux qui : 1) parlent une variante de la langue arabe et, en même temps, considèrent que c'est leur langue "naturelle", celle qu'ils doivent parler, ou bien, sans la parler, la considèrent comme telle; 2) regardent comme leur patrimoine l'histoire et les traits culturels du peuple qui s'est appelé lui-même et que les autres ont appelés Arabes, ces traits culturels englobant depuis le VIIe siècle l'adhésion massive à la religion musulmane (qui est loin d'être leur exclusivité; 3) (ce qui revient au même) revendiquent l'identité arabe, ont une conscience d'arabité.
Que leurs attitudes et comportements soient spécifiques, régionaux ou plus généraux, les sociétés arabes ont réalisé autrefois et produisent aujourd'hui des œuvres (au sens le plus large) de haute qualité. Elles ont apporté une contribution de grande valeur au patrimoine commun de la culture humaine. Les Arabes ont manifesté et manifestent des qualités qui doivent être appréciées. Dans le comportement quotidien, on trouve chez nombre d'entre eux beaucoup d'humanité, d'intelligence, de sensibilité, de bienveillance. Si aucun peuple ne doit être admiré totalement et sans critique non plus que soutenu inconditionnellement dans toutes ses entreprises, le peuple arabe a prouvé par son bilan culturel historique qu'il mérite l'estime de toutes les autres collectivités humaines, de même que ses objectifs légitimes (ou ce que ses objectifs ont de légitime) devraient obtenir appui et solidarité.
Les Arabes (1979), Maxime Rodinson, éd. Puf, 2002, p. 171-172
Actuellement, les membres de l'ethnie arabe se rattacheraient en bonne partie à une race méditerranéenne [...] qui serait fortement représentée sur tout le pourtour de la Méditerranée. En Afrique du Nord, on aurait surtout affaire à sa variété dite ibéro-insulaire [...]. On retrouve en Égypte cette variété, avec des modifications datant pour la plupart de l'Antiquité et stabilisées depuis, avec des éléments brachycéphales du Proche-Orient (et, surtout au Sud, avec des éléments négrides) [...]. Au sein de l'ethnie arabe d'Asie antérieure, plusieurs auteurs distinguent une race orientale, là où d'autres ne voient qu'une sous-race sud-orientale de la race méditerranéenne. [...] En tout cas, il y aurait au Proche-Orient beaucoup d'éléments méditerranéens classiques (ibéro-insulaires ou atlanto-méditerranéens) à côté des Orientalides, particulièrement chez les Arabes d'Arabie et de Syrie. La race arabide, qui, selon B. Lundman, se reconnaîtrait dans le désert d'Arabie et en Irak méridional, paraît assez artificiellement constituée. La race arménoïde [...] ou la race anatolienne selon Vallois - se retrouverait dans les montagnes de la région côtière syrienne [...]. En Arabie du Sud, des éléments veddides ou gondides se mélangent à des éléments arménoïdes et « arabides », avec aussi des éléments négrides et éthiopides. [...] La conclusion la plus sûre qu'on en puisse tirer, c'est l'importance et l'ancienneté des mélanges ethniques au sein de l'ethnie arabe.
La perfection que nous avons reconnue dans tous les organes de la vie intérieure et dans ceux de la vie de relation chez les Arabes, annonce en effet une intelligence innée proportionnée à cette perfection physique, et sans doute supérieure, toutes choses égales d'ailleurs, à celle, par exemple, des peuples du nord de la terre. [...] Il est vraisemblable que le climat de l'Arabie, la vie sobre, régulière et simple de cette race d'homme qui a pris naissance dans cette riche et fertile contrée, ont contribué à leur donner cette perfectibilité d'organes et cette intelligence rare qui en fait, en quelque sorte, une espèce à part. [...] On est loin de trouver cette perfectibilité physique chez les nations mélangées d'une partie de l'Asie, de l'Amérique, et surtout chez celles de l'Europe septentrionale. D'après cela, je me persuade que le berceau du genre humain se trouve dans le pays que nous avons désigné [...].
J'ai trouvé chez les Espagnols, les Basques et les Catalans une grande analogie dans les qualités physiques et instinctives avec les Arabes desquels sans doute la plupart des habitants de l'Espagne et de nos montagnes pyrénéennes sont descendus; je pourrais y ajouter les habitants de la Corse et ceux de plusieurs autres îles de la Méditerranée. Les peuples ou les individus des autres contrées de la terre, dont les formes de la tête et la structure des organes s'approchent le plus de l'état physique des vrais Arabes, ont nécessairement une perfectibilité proportionnée dans leurs fonctions sensitives et dans leurs facultés intellectuelles.
Relation médicale de campagnes et voyages de 1815 à 1840, Dominique-Jean Larrey, éd. J.B Baillière, 1841, Remarques sur la constitution physique des Arabes (1838), p. 279-283
Je citerai les Arabes. Comme les monuments égyptiens nous les représentent, ainsi les trouvons-nous encore, non seulement dans les déserts arides de leur pays, mais dans les contrées fertiles, souvent humides, du Malabar et de la côte de Coromandel, dans les îles de la mer des Indes, sur plusieurs points de la côte septentrionale de l'Afrique, où ils sont, à la vérité, plus mélangés que partout ailleurs ; et leur trace se rencontre encore dans quelques parties du Roussillon, du Languedoc et de la plage espagnole, bien que deux siècles, à peu près, se soient écoulés depuis leur invasion.
Essai sur l'inégalité des races humaines, Joseph Arthur de Gobineau, éd. Librairie de Paris, 1853, t. 1, p. 205
Ces sédentaires [arabes] forment une des plus nobles races de la terre. Fixée dans les districts propres à l’agriculture et aux travaux que facilite la résidence, elle a développé progressivement sa vie politique en laissant s’oblitérer la division des classes et des familles. Les traits caractéristiques qui s’appliquent généralement à ces Arabes sont l’amour de la liberté nationale et individuelle, la haine des réglementations inutiles et de l’intervention administrative, un grand respect pour l’autorité joint à une appréciation clairvoyante des vues et des erreurs des princes, beaucoup de bon sens pratique, la passion des longs voyages, l’esprit de commerce et d’entreprise, le courage à la guerre, la vigueur en temps de paix, une indomptable persévérance et l’exercice de l’hospitalité. Les citadins et les villageois forment en somme les trois quarts de la population de la péninsule. Partisans enthousiastes de leurs chefs locaux, et vrais patriotes, ils gardent le culte de la gloire antique du pays, des hauts faits les plus anciens et revêtus de plus de prestige en raison de leur antiquité même.
Description des Arabes d'Arabie par Palgrave en 1863
Une année dans l'Arabie centrale (1862-1863), William Gifford Palgrave (trad. Emile Jonveaux), éd. Hachette, 1869, p. 94
On doit en outre se rappeler que les Arabes, en très grande majorité d'origine orientale, s'étaient avancés, au VIIIe siècle, d'une part jusqu'au Poitou, d'autre part jusqu'à la vallée de la Saône et aussi qu'après leur défaite, ils demeurèrent relativement nombreux sur tout le littoral, de l'embouchure du Rhône à la frontière espagnole ainsi que dans les Alpes. Ils devinrent chrétiens et s'intégrèrent à la population autochtone. Il paraît que l'influence orientale se fait nettement sentir sur tout le littoral du golfe du Lion et autour de l'étang de Berre.
Les peuples de l'europe (1927), Hans Günther, éd. Éditions du Lore, 2006, p. 142
Au point de vue de la civilisation, bien peu de peuples ont dépassé les Arabes et l'on n'en citerait pas qui ait réalisé des progrès si grands dans un temps si court. Au point de vue religieux, ils ont fondé une des plus puissantes religions qui aient régné sur le monde, une de celles dont l'influence est la plus vivante encore. Au point de vue politique, ils ont créé un des plus gigantesques empires qu'ait connus l'histoire. Au point de vue intellectuel et moral ils ont civilisé l'Europe. Peu de races se sont élevées plus haut, mais peu de races sont descendues plus bas. Aucune ne présente d'exemple plus frappant de l'influence des facteurs qui président à la naissance des empires, à leur grandeur et à leur décadence.
La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre sixième, chapitre deuxième, Causes de la grandeur et de la décadence des Arabes, p. 470
Bien que le séjour des Arabes en France n'ait été constitué que par une série de courtes invasions, nous verrons [...] qu'ils ont laissé des traces profondes de leur passage dans la langue, et nous allons montrer maintenant qu'ils en ont laissé également dans le sang. Plusieurs d'entre eux s'étaient fixés définitivement sur notre sol, dans le voisinage des villes occupées par leurs compatriotes et s'adonnaient à l'industrie et à l'agriculture. On leur a attribué l'importation de la fabrication des tapis à Aubusson, ainsi que plusieurs méthodes agricoles nouvelles. Souvent alliés aux seigneurs chrétiens toujours en guerre, ils finirent sur beaucoup de points par se confondre avec les habitants. L'ethnologie nous en fournit la preuve, en retrouvant, après tant de siècles, des descendants des Arabes sur plusieurs parties de notre sol. Dans le département de la Creuse, dans les Hautes-Alpes, et notamment dans plusieurs localités situées autour de Montmaure (montagne des Maures), dans le canton de Baignes (Charente), de même que dans certains villages des Landes, du Roussillon, du Languedoc, du Béarn, les descendants des Arabes sont facilement reconnaissables. On les distingue à leur peau basanée, leurs cheveux couleur d'ébène, leur nez aquilin, leurs yeux foncés et perçants. Les femmes se reconnaissent à leur teint olivâtre, leur figure allongée, leurs grands yeux noirs, leurs sourcils épais, la forme conique de leurs seins, etc.
La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre troisième, chapitre septième, Les Arabes en Sicile, en Italie et en France, p. 237
[Ernest Renan] assure que les savants arabes n'étaient pas du tout des Arabes, mais bien des gens de Samarkand, Cordoue, Séville, etc. Ces pays appartenant alors aux Arabes, et le sang, aussi bien que l'enseignement arabes, y ayant pénétré depuis longtemps, il me semble évident qu'on ne peut pas plus contester l'origine des travaux qui sont sortis de leurs écoles, qu'on ne pourrait contester celle des travaux des savants français, sous le prétexte qu'ils proviennent d'individus appartenant aux races diverses : Normands, Celtes, Aquitains, etc., dont la réunion a fini par former la France.
La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre cinquième, chapitre dixième, Civilisation de l'Europe par les Arabes, p. 442, Note
Ils se rencontrent aujourd'hui, en nombre plus ou moins important, de l'Égypte au Maroc, notamment en Algérie, ou ils diminuent ; de l'Abyssinie au pays de Foulbes; du golfe d'Aden à la Cafrerie ; au delà même du lac Tanganyka, ou ils ont précédé Livingstone ; de la mer Méditerranée et de la mer Rouge aux monts Bolor d'une part, aux embouchures du Gange et du Cambodge de l'autre. Toujours, sauf en Malaisie et à Madagascar, ils ont suivi les voies de la terre en se maintenant dans les pays avoisinant les tropiques. En Espagne même, ils ont laissé de leur sang; dans le sud-est de la France, on en signale quelques traces sous le nom de Sarrasins. Le type arabe est l'un des plus beaux du monde, disait Larrey.
L'anthropologie, préface de Paul Broca (1879), Paul Topinard, éd. Reinwald, 1895, p. 478
Les Arabes ont exercé une grande influence sur la France, et spécialement sur les contrées méridionales. Au Xe siècle le célèbre Gerbert d'Aurillac, qui fut successivement archevêque de Reims et pape sous le nom de Sylvestre II, alla étudier dans les écoles arabes les sciences mathématiques, qu'il enseigna à la France. La poésie des troubadours, avec sa galanterie subtile, la scolastique qui profita des travaux des Arabes sur Aristote, l'architecture gothique, enfin, dont les ornements capricieux ont conserve le nom darabesques, subirent certainement l'influence de la poésie, de la philosophie et de l'architecture arabes. Les premiers médecins de l'école de Montpellier avaient étudié aux écoles arabes d'Espagne. Les principales notions de physique et de chimie, au moyen âge, furent dues à ce peuple. Enfin, il suffit de rappeler le papier-linge, les chiffres arabes, la boussole et la poudre à canon, pour indiquer tout ce que la France doit aux Arabes.
Article Arabes.
Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la France, Adolphe Chéruel, éd. Hachette et Cie, 1855, vol. 1, Article Arabes, p. 30
Tout pays conquis par les Arabes est bientôt ruiné. [...] Si les Arabes ont besoin de pierres pour servir d'appuis à leurs marmites, ils dégradent les bâtiments afin de se les procurer; s'il leur faut du bois pour en faire des piquets ou des soutiens de tente, ils détruisent les toits des maisons pour en avoir. [...] Sous leur domination la ruine envahit tout. Ils imposent aux gens de métier et aux artisans des corvées pour lesquelles ils ne jugent pas convenable d'offrir une rétribution. Or l'exercice des arts et des métiers est la véritable source de richesses[...]; l'ordre établi se dérange et la civilisation recule. Ajoutons que les Arabes négligent tous les soins du gouvernement; ils ne cherchent pas à empêcher les crimes; ils ne veillent pas à la sûreté publique; leur unique souci c'est de tirer de leurs sujets de l'argent, soit par la violence, soit
par des avanies. Pourvu qu'ils parviennent à ce but, nul autre souci ne les occupe. Régulariser l'administration de l'État, pourvoir au bien-être du peuple soumis, et contenir les malfaiteurs sont des occupations auxquelles ils ne pensent même pas [...]; aussi les sujets d'une tribu arabe restent à peu près sans gouvernement, et un tel état de choses détruit également
Voyez tous les pays que les Arabes ont conquis depuis les siècles les plus reculés : la civilisation en a disparu, ainsi que la population ; le sol même paraît avoir changé de nature
En vérité, il faut un étrange aveuglement pour nier les bienfaits que l'humanité doit à ces prétendus Barbares de l'Orient. Comment [...] oublier que la renaissance de la philosophie, de la littérature et des sciences, est due aux travaux des Arabes? Ces Barbares, qu'on accuse d'avoir arrêté tout progrès, ont été l'instrument du progrès, même pour nous, hommes de l'Occident qui les méprisons aujourd'hui du haut de notre grandeur intellectuelle.
Études sur l'histoire de l'humanité (1864), François Laurent, éd. Meline, Cans et cie, 1864, t. 5, p. 436
Je parle [...] du génie des Arabes qui n'est jamais mort entièrement, qui s'était seulement endormi dans la silencieuse vie des Bédouins, et qui souvent, comme en songe, porta la main sur son épée, quand quelque lion distingué faisait entendre au dehors son rugissement guerrier. Ces Arabes fortifiés par le sommeil séculaire n'attendent peut-être qu'un grand appel prophétique pour s'élancer encore une fois hors de leurs brûlantes solitudes, aussi violemment que jadis aux
temps de Mahomet.
Lutèce (1854), Heinrich Heine, éd. Michel Lévy Frères, 1863, p. 165
Oui, c'est aux Arabes, par l'Espagne et par les croisades, que nous devons cette civilisation dont nous sommes si fiers; notre chevalerie nous vient des Arabes; ce sont eux qui ont appris à l'Italie, et par elle à nous, qu'il avait existé une antiquité, et c'est par eux que nous avons commencé à l'étudier. [...] Le peuple d'Auguste, comme celui de Mahomet, ont conquis le monde deux fois, la première par les armes, la seconde par les lumières, et bien des siècles après que les deux empires ont péri, leur domination dure encore : le règne des mœurs et des idées a survécu à celui des lois. Le monde moderne, comme une médaille frappée à deux coins différens, porte une double empreinte, arabe d'un côté, romaine de l'autre.
« L'Espagne romaine et l'Espagne arabe (Discours prononcé à l'ouverture du cours d'histoire ancienne, Faculté des Lettres de Paris.) » (1838), dans Revue de Paris, Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire, éd. Bureau de la Revue de Paris, 1838, t. 52, p. 231
Cette vie errante fait les délices de la population demi-arabe du midi de l'Espagne. Partout on retrouve des traces du caractère maure. C'est surtout dans le royaume de Murcie, et dans la vallée ou est bâtie sa capitale dans la vallée ou est bâtie sa capitale, que M. Cook l'a remarqué : là le sang africain est si pur que l'on peut, dans beaucoup d'occasions, reconnaître les tribus d'Alger et de Tunis desquelles les habitans descendent. De même, à Cadix, on retrouve le véritable œil maure ou arabe; on le remarque également dans plusieurs autres cantons de l'Andalousie ; il est grand et très plein, s'étend quand il est animé, et est placé dans un orbite dont la dimension surpasse celle à laquelle nous sommes accoutumés. Son origine est incontestable, et il répond exactement à la description de celui que chantent les poètes arabes. Du reste, la physionomie maure n'est pas confinée, dans la classe inférieure, ou moyenne de la société, on l'observe dans tous les rangs en Andalousie; malgré l'orgueil de la pureté du sang, le mélange est reconnaissable dans les premières familles. Cela n'est pas surprenant puisque, suivant les traditions historiques, Cadix fut fondé par les Phéniciens 1100 ans avant J.-C. Or, il y avait dans les traits de ce peuple plus d'un rapport avec ceux des Arabes.
Nouvelles annales des voyages (1834), Conrad Malte-Brun, éd. Gide fils, 1834, t. 2, p. 232
Les influences du monde arabe ont représenté un irremplaçable chaînon de la connaissance et de la culture dans la longue élaboration de la civilisation qui est la nôtre aujourd'hui : pour être ancien, le chaînon n'en demeure pas moins irremplaçable dans la trame qui nous constitue.
« La nostalgie andalouse », André Miquel, Nouvel Observateur, coolection Portrait, nº 3, 1990, p. 16-17
Tandis que l'Occident voyait de Dieu le doux reflet lunaire, l'Orient et l'Espagne arabe et juive le contemplaient en son fécond soleil, dans sa puissance créatrice qui verse ses dons à torrents. L'Espagne est le champ du combat. Où paraissent les chrétiens, paraît le désert; où sont les Arabes, l'eau et la vie jaillissent de toutes parts, les ruisseaux courent, la terre verdit, devient un jardin de fleurs. Et le champ de l'intelligence aussi fleurit. Barbares, que serions-nous sans eux? Faut-il dire cette chose honteuse que notre Chambre des comptes attendit au dix-septième siècle pour adopter les chiffres arabes sans lesquels on ne peut faire le plus simple calcul? Les Arabes ont fait au monde le plus riche présent dont aucun génie de peuple ait doué le genre humain. Si les Grecs lui ont donné le mécanisme logique, les Arabes lui ont donné la logique du nombre, l'arithmétique et l'algèbre, l'indispensable instrument des sciences. Et combien d'autres choses utiles! la distillation, les sirops, les onguents, les premiers instruments de chirurgie, l'idée de la lithotritie, etc [...]. Certes, le peuple qui, aux huitième et neuvième siècles, donna les modèles admirables de l'architecture ogivale fut un peuple d'artistes. Le contraste apparaît frappant entre eux et leurs sauvages voisins du Nord, dans le poëme du Cid. La chevalerie alors est au Midi, la douceur, la délicatesse, la religion de la femme et la bonté pour les enfants. C'est ce qu'avouent les chrétiens mêmes.
Histoire de France au XVIe siècle, Jules Michelet, éd. Chamerot, 1857, t. 7, Renaissance, p. 162
On a comparé l'intervention des Arabes dans l'histoire à la floraison subite de l'aloès, plante du désert qui reste grise ou poudreuse pendant cinquante ou cent ans, puis, épanouissant soudain sa large fleur écarlate, illumine la plaine de son éclat. La civilisation arabe fut pour beaucoup de peuples conquis une véritable libération, et coïncida pour nous avec l'apport des manuscrits grecs, avec le renouveau de la science hellénique dans la nuit du moyen âge.
L'homme et la Terre, Livre 3 : Histoire Moderne (1905), Élisée Reclus, éd. Libraire Universelle, 1905, p. 423 (texte intégral sur Wikisource)
Au midi de la France, ce sont d'autres "rois de la mer", et de race tout à fait étrangère, qui eurent la plus forte part au mélange du sang. Les Sarrasins gardèrent longtemps sur les côtes de la Provence, à la Garde-Freinet, un solide point d'appui et de là purent faire des incursions dans une partie de la France. Au huitième siècle, lors de l'invasion des Berbères dit Arabes, ceux-ci avaient pénétré jusque dans la vallée de la Loire : on parle même de leur venue dans la région orientale de la France, à Luxeuil, dans les Vosges et devant Metz. [...] En maints endroits de la France on signale des colonies de Sarrasins; il est vrai que ce nom, étant celui des ennemis les plus exécrés, du être fréquemment donné à d'autres peuples que les Maures; mais les observations des anthropologistes ne permettent pas de douter que nombre de familles françaises dans les bassins de la Garonne et du Rhône ne soient issus des envahisseurs musulmans, Berbères modifiés par leur croisement avec les Espagnols, les Arabes et les noirs d'Afrique.
Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, Élisée Reclus, éd. Hachette, 1881, t. 2, chap. 1-Vue d'ensemble - Le milieu et la race, Ançêtres de Français, p. 45-46
Les Normands étant les corsaires du Nord, les Arabes furent les corsaires du Sud. Sans rien dire de leur immense incursion dans l'Ouest, de l'Espagne aux vallées d'entre Poitiers et Tours ou leur destin fut scellé, ils piratèrent longuement sur le littoral de la Méditerranée "rhodanienne", dans le pays de Narbonne, de Maguelonne, et vers l'orient de Marseille, en ce qui fut ensuite Langudoc, Roussillon, Provence. En certains lieux ils ne firent que passer; ailleurs ils demeurèrent, notamment dans les montagnes littorales des Maures ou ils eurent un camps retranché difficile à forcer en ce temps d'armes sans portée lointaine; et ils méditèrent la conquête de tout le pays, aussi loin que la terre porte le galop du cheval : le monde n'était-il pas promis, et tout entier, aux louangeurs du Prophète, aux hommes de la "Guerre Sainte" ? Et le vrai croyant, mort en conquérant le sol infidèle, n'était-il pas attendu par les vierges dans le lieu des délices, Walhalla sans bière et sans hydromel, - les hommes du Sud étant sobres de nature autant qu'ivrognes ceux du Nord ? Ces Arabes, ces Maures, ces Sarrasins, disons mieux, ces Berbères islamisés étaient peut-être peu ou prou les cousins des hommes de notre midi de par une communauté d'ançêtres préhistoriques; ils entrèrent dans l'alliance de beaucoup de familles méridionales
Le plus beau royaume sous le ciel (1899), Onésime Reclus, éd. Hachette, 1899, p. 765
Collectif
Les Sarrasins, de race syro-arabe, comme les Phéniciens, mêlés aux Berbères africains qu'ils avaient entraînés, firent du VII siècle à la fin du Xe de de nombreuses incursions en France. Ils ont laissé des traces sérieuses de leur passage dans le Roussillon, le Languedoc et le Béarn, dans la basse vallée de la Garonne et jusque dans la Creuse : par le Rhône et la Saône ils sont arrivés dans la Maurienne et jusqu'aux Vosges.
C'est du monde arabe, en particulier, que sont venus les textes arabes d'Aristote, de Galien, et de bien d'autres, qui, traduits en latin, ont nourri la Renaissance du XIIe siècle. […] L'Europe doit ainsi prendre conscience de l'immensité de la dette culturelle qu'elle a envers ces truchements (c'est d'ailleurs un mot arabe…) : envers les Juifs, en dehors d'elle comme en son intérieur, ainsi qu'envers le monde de culture arabe, chrétiens comme musulmans.
Au moyen du Moyen Âge : Philosophies médiévales en chrétienté, judaïsme et islam, Rémi Brague, éd. Transparence, 2006, Les leçons du Moyen Âge, p. 52
Sans les Arabes, difficilement y aurait-il eu un Gerbert, un Albert le Grand, un Arnaud de Villeneuve, un Roger Bacon, un Raimond Lulle ; tous ils avaient fréquenté les sages de l'Espagne ou étudié leurs écrits.
Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité (1791), Johann Gottfried von Herder (trad. Edgar Quinet), éd. F.G. Levrault, 1834, t. 3, Culture de la raison en Europe, p. 475
Dans nos siècles de barbarie et d’ignorance, qui suivirent la décadence et le déchirement de l’empire romain, nous reçûmes presque tout des Arabes : astronomie, chimie, médecine, et surtout des remèdes plus doux et plus salutaires que ceux qui avaient été connus des Grecs et des Romains. L’algèbre est de l’invention de ces Arabes ; notre arithmétique même nous fut apportée par eux.
Si ces Ismaélites ressemblaient aux Juifs par l'enthousiasme et la soif du pillage, ils étaient prodigieusement supérieurs par le courage, par la grandeur d'âme, par la magnanimité.
« Essais sur les Mœurs » (1756), dans Œuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 11, chap. VI-De l’Arabie et de Mahomet, p. 231
Il est évident que le génie du peuple arabe, mis en mouvement par Mahomet, fit tout de lui-même pendant près de trois siècles, et ressembla en cela au génie des anciens Romains. [...] La chimie et la médecine étaient cultivées par les Arabes. La chimie, perfectionnée aujourd’hui par nous, ne nous fut connue que par eux.[...] L’algèbre fut une de leurs inventions. [...] Enfin, dès le second siècle de Mahomet, il fallut que les chrétiens d’Occident s’instruisissent chez les musulmans
« Essais sur les Mœurs » (1756), dans Œuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 11, chap. VI-De l’Arabie et de Mahomet, p. 235-237
Les Arabes polirent l’Asie, l’Afrique, et une partie de l’Espagne, jusqu’au temps où ils furent subjugués par les Turcs, et enfin chassés par les Espagnols; alors l’ignorance couvrit toutes ces belles parties de la terre; des mœurs dures et sombres rendirent le genre humain farouche de Bagdad jusqu’à Rome.
Nous devons payer un juste tribut de reconnaissance aux Arabes, qui, après le déclin de l'école d'Alexandrie,
et quand l'Occident était plongé pour longtemps encore dans la barbarie et l'ignorance, ont recueilli avec ardeur et intelligence les débris des sciences grecques et les connaissances orientales, qu'ils nous ont transmises vers le XIIe siècle. Leurs ouvrages ont été le modèle de tous les ouvrages européens, depuis cette époque, et longtemps encore après le XVe siècle, qui marque la renaissance des lettres et de la civilisation en Europe.
Traité de géométrie supérieure, Michel Chasles, éd. Bachelier, 1852, p. 53
Les Sarrasins en effet, ou Maures d'Espagne, étaient un peuple composé non seulement d'Arabes musulmans, mais aussi de Berbères idolâtres auxquels s'étaient joints quelques Juifs. Dans la vallée des Bauges (entre le lac d'annecy et Chambéry), vallée alpestre longtemps occupée par les Sarrasins, on retrouve encore de leurs descendants devenus chrétiens. Aubusson, dans le département de la Creuse, a été peuplé en partie de Sarrasins.
Traité d'hygiène (1877), Adrien Proust, éd. Masson, 1881, Ethnogénie de la France, p. 28
Le type arabe est magnifique et répond assez bien au type français ; nous avons reconnu notre image dans cette race nerveuse qui se nourrit de ses luttes et qui s'endurcit de ses cicatrices.
Paris: ou Les sciences, les institutions, et les mœurs au XIXe siècle (1847), Alphonse Esquiros, éd. Comon et cie, 1847, p. 469
Les trois religions qui ont répandu la connaissance d'un Dieu immortel, incréé, maître et créateur des hommes, sont sorties de l'Arabie. Moïse, Jésus-Christ, Mahomet sont Arabes, nés à Memphis, à Nazareth, à la Mecque. L'Europe, l'Asie, l'Afrique, l'Amérique, qui renferment tant d'immenses solitudes, tant de hautes montagnes, tant de vastes mers,
tant de riches plaines, tant de grandes métropoles, implorent Moïse, Jésus-Christ ou Mahomet, se règlent sur les livres saints, l'Évangile ou le Coran, ont les yeux tournés vers l'Arabie, sur Jérusalem, Nazareth ou la Mecque.
Campagnes d'Égypte et de Syrie 1798-1799 (dictées par lui-même à Saint-Hélène au gén. Bertrand), Napoléon Bonaparte, éd. Comon et cie, 1847, t. 1, Affaires religieuses, p. 210
Les Arabes ont été pendant cinq cents ans la nation la plus éclairée du monde. C'est à eux que nous devons notre système de numération, les orgues, les cadrans solaires, les pendules et les montres. Rien de plus élégant, de plus ingénieux, de plus moral que la littérature persanne, et en général, tout ce qui est sorti de la plume des littérateurs de Bagdad et Bassora.
Mémoires pour servir l'histoire de France sous Napoléon, écrits à Saint-Hélène sous sa dictée, Napoléon Bonaparte, éd. Firmin-Didot, 1823, t. 2 (Général Gourgaud), Égypte - Religion, p. 258