Ernst Jünger
Ernst Jünger, né à Heidelberg le 29 mars 1895 et mort à Riedlingen le 17 février 1998, est un écrivain allemand.
Citations d'Ernst Jünger
Orages d'acier, 1920
Le train fit halte à Bazancourt, petite ville de Champagne. Nous descendîmes. Pleins d'un respect incrédule, nous tendîmes l'oreille au rythme lent des laminoirs du front, mélodie qui, durant de longues années, allait nous devenir familière. Très loin, la boule blanche d'un shrapnell fondait dans le ciel gris de décembre. L'haleine du combat nous frôlait et faisait courir en nous un étrange frisson. Sentions-nous que nous allions presque tous être engloutis, en des jours où ce grondement sourd, derrière l'horizon, s'enflerait en tonnerre au roulement continu ? D'abord l'un, puis l'autre ?
- Incipit
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Les tranchées dans la craie Champenoise, p. 11
Il devait d'ailleurs nous suivre pendant la guerre, ce tressaillement convulsif, à chaque bruit soudain et insolite. Qu'un train passât dans un bruit de ferraille, qu'un livre tombât par terre, qu'un cri retentît dans le noir — toujours, le cœur s'arrêtait une seconde, comme sentant la présence d'un grand péril inconnu. Ce fut la marque de ces quatre années passées dans l'ombre de la mort.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Les tranchées dans la craie Champenoise, p. 15
Sur l'une des civières avec lesquelles on nous avait enfoncés dans la voiture comme on enfourne des pains, un camarade atteint d'un coup dans le ventre souffrait atrocement. Il supplia chacun de nous de l'achever avec le pistolet de l'infirmier, pendu dans la voiture. Personne ne répondit. J'allai connaître plus tard ce qu'on ressent quand chaque cahot de la route tombe comme un coup de maillet dans un un blessure grave.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Les Eparges, p. 56
Entre neuf et dix heures, le feu prit une violence démentielle. La terre vacillait, le ciel semblait une marmite de géants en train de bouillir.
Des centaines de batteries lourdes tonnaient à Combles et tout autour ; des obus sans nombre se croisaient, hurlant et miaulant, au-dessus de nous. Tout était enveloppé d'une fumée épaisse, éclairée de lueurs funèbres par des fusées de couleur. Sous l'effet de violentes douleurs à la tête et les oreilles, nous ne pouvions nous entendre qu'en braillant des mots sans suite. La faculté de penser logiquement et le sens de la pesanteur semblaient paralysés. On était en proie au sentiment de l'inéluctable et du nécessaire, comme devant la fureur des éléments. Un sous-officier de la troisième section devint fou furieux.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Guillemont, p. 160
Le chemin creux nous apparaissait maintenant comme une série d'énormes entonnoirs, remplis de lambeaux d'uniformes, d'armes et de morts ; à perte de vue, le terrain environnant était complètement retourné par des gros calibres. Pas un seul brin d'herbe auquel pût s'accrocher le regard. ce champ de bataille labouré était horrible. Les défenseurs morts gisaient pêle-mêle parmi les vivants. En creusant des trous pour nous terrer, nous nous aperçûmes qu'ils étaient empilés par couches les uns au-dessus des autres. Les compagnies qui avaient tenu bon sous le pilonnage avaient été fauchées l'une après l'autre, puis les cadavres avaient été ensevelis par les masses de terre qui faisaient jaillir les obus, et la relève avait pris la place des morts. C'était maintenant notre tour.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Guillemont, p. 164
Ce fut la première fois où je vis à l'œuvre la destruction préméditée, systématique, que j'allais rencontrer jusqu'à l’écœurement dans les années suivantes ; elle est en corrélation étroite avec les doctrines économiques de notre temps et rapporte au destructeur lui-même plus de tord que de profit.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. La retraite de la Somme, p. 212, 213
Ces libations entre survivants d'une bataille comptent parmi les plus beaux souvenirs d'un ancien du front. Même lorsqu'il en était tombé dix sur douze, les deux rescapés se retrouvaient devant une bouteille, le premier soir de repos, vidaient un verre en silence à la mémoire des camarades morts et discutaient plaisamment de leurs expériences communes.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Au village de Fresnoy, p. 231, 232
Il était étrange d'apprendre que nos actes apparemment désordonnés, dans l'obscurité de la nuit, avaient reçu une notoriété publique et le sens d'un destin. Nous avions pris notre large part à l'arrêt de l'offensive, entreprises avec des moyens énormes. Si colossales que fussent les masses d'hommes et de matériel, le travail, aux points décisifs, n'était jamais accompli que par quelques poignées de combattants.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Langemark, p. 285
Dans l'affaiblissement mortel où je me trouvais, il s'insinuait maintenant la conscience d'un bonheur qui prenait sans cesse plus de force et qui, des semaines entières, ne me lâcha plus. Je songeais à la mort sans que cette pensée m'inquiétât. Tous mes liens au monde me semblaient si simples que j'en étais stupéfait, et c'est en me disant : « Tu es en règle » que je glissai dans le sommeil.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. Langemark, p. 294
C'est un sentiment sinistre qui s'insinue en vous quand vous traversez en pleine nuit une position inconnue, même quand le feu n'est pas particulièrement nourri ; l’œil et l'oreille du soldat, entre les parois menaçantes de la tranchée, sont mis en éveil par les illusions les plus étranges ; tout est froid et déconcertant, dans un monde maudit.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. La double bataille de Cambrai, p. 339, 340
Après un instant où je restai paralysé, comme figé par l'horreur, je me levai d'un bond et courus à travers la nuit. C'est seulement dans un trou d'obus où j'étais tombé que je saisis ce qui venait de se passer. Ne plus rien entendre, ne plus rien voir ! Seulement fuir d'ici, jusqu'au fond de l'obscurité ! Mais à quoi bon ? Il fallait bien s'occuper d'eux, c'est à moi qu'ils étaient confiés. J'entendis l'autre voix : « C'est toi qui est le chef de compagnie ! » et me contraignit à revenir sur cette scène d'horreur.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. La grande bataille, p. 369
Le tonnerre du combat était devenu si terrible que personne n'avait plus l'esprit clair. Il avait une puissance étouffante, qui ne laissait plus de place dans le cœur pour l'angoisse. La mort avait perdu ses épouvantes, la volonté de vivre s'était reportée sur un être plus grand que nous, et cela nous rendait tous aveugles et indifférents à notre sort personnel.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. La grande bataille, p. 380
Mon anglais était étendu devant — un jeune garçon à qui ma balle avait traversé le crâne de part en part. Il gisait là ; le visage détendu. Je me contraignis à le regarder dans les yeux. Je suis souvent revenu en pensée à ce mort, et plus fréquemment d'année en année. Il existe une responsabilité dont l'Etat ne peut nous décharger ; c'est un compte à régler avec nous-mêmes. Elle pénètre jusque dans les profondeurs de nos rêves.
- Orages d'acier (1920), Ernst Jünger, éd. Christian Bourgois éditeur, 1995 (ISBN 2-267-00-281-7), chap. La grande bataille, p. 395, 396
- Orages d'acier (1961), Ernst Jünger (trad. Christian Bourgois (revue par Henri Plard)), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1970, p. 349
Le Travailleur, 1932
- Le Travailleur (1981), Ernst Jünger (trad. Julien Hervier), éd. Christian Bourgois, coll. « Chois/essais », 1989, p. 247
- Citation choisie pour le 5 juillet 2010.
Jeux africains, 1936
- Jeux africains (1936), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1944, p. 247
Chacun connaît le sentiment joyeux qui s'empare de nous lorsque nous découvrons un homme.
- Jeux africains
- Ernst Jünger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 225
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 31
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 35
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2007 (ISBN 978-2-07-028778-9), p. 44
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 55
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 67
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 71
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 93
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 116
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 118
- Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2007 (ISBN 978-2-07-028778-9), p. 149
Jardins et routes, 1942
- Jardins et routes (1942), Ernst Jünger (trad. Maurice Betz (revue par Henri Plard)), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1979, p. 120
- Jardins et routes (1942), Ernst Jünger (trad. Maurice Betz (revue par Henri Plard)), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1979, p. 247
- Jardins et routes (1942), Ernst Jünger (trad. Maurice Betz (revue par Henri Plard)), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1979, p. 249
Premier Journal parisien, 1941-1943
- Premier Journal parisien (1949), Ernst Jünger (trad. Frédérick de Towarnicki (revue par Henri Plard)), éd. Christian Bourgois, 1995, p. 172
Second Journal parisien, 1943-1944
- Second Journal parisien, Journaux de guerre 1939-1948 (1979), Ernst Jünger (trad. Frédérick de Towarnicki (revue par Henri Plard puis Julien Hervier)), éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2008, p. 608
- Second Journal de Paris, Journaux de guerre 1939-1948 (1965), Ernst Jünger (trad. Frédérick de Towarnicki), éd. Julliard, 1965, p. 209
- Second Journal de Paris, Journaux de guerre 1939-1948 (1965), Ernst Jünger (trad. Frédérick de Towarnicki), éd. Julliard, 1965, p. 248
Feuillets de Kirchhorst, 1944
- Journaux de guerre 1939-1948 (1979), Ernst Jünger (trad. Frédéric de Towarnicky, revue par Henri Plard et Julien Hervier), éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2008, p. 764
La Cabane dans la vigne, années d'occupation (1945-1948)
- La Cabane dans la vigne (1948), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1980, p. 140
- La Cabane dans la vigne (1948), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1980, p. 195
… De même que c'est le héros sur qui repose la sécurité du lieu, sa qualité d'habitation, de même, le poète parvient à ce qu'on le reconnaisse, à ce qu'on se souvienne de lui — en devenant pays natal.
Ce sont les poètes qui ouvrent le grand refuge, la grande demeure. Donc, là où ils sont absents, il se répand aussitôt un vide terrible. Ces lieux sont assurément encore habitables, mais deviennent inhospitaliers, dépourvus de sens, et leur face secrète inconnue.
- La cabane dans la vigne
- Ernst junger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 13
Héliopolis, 1949
- Nigromontanus, cité par Lucius de Geer.
- Héliopolis (1949), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « Le Livre de poche », 1975, p. 14
Traité du rebelle, 1951
- Traité du rebelle (1951), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, 1981, p. 9
- Traité du rebelle (1951), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, 1981, p. 39
- Traité du rebelle (1951), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, 1981, p. 72
- Traité du rebelle (1951), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, 1981, p. 75
La grandeur humaine doit être sans cesse reconquise. Elle triomphe lorsqu'elle repousse l'assaut de l'abjection dans le cœur de chaque homme. C'est là que se trouve la vraie substance de l'Histoire - dans la rencontre de l'homme avec lui-même, c'est-à-dire avec sa puissance divine.
- Traité du rebelle
- Ernst Jünger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 267
Le Cœur aventureux, 1961
- Le Cœur aventureux (1961), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'imaginaire », 1969, p. 24
- Le Cœur aventureux (1961), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'imaginaire », 1969, p. 78-79
Graffiti/Frontalières, 1966
- Graffiti/Frontalières (1966), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « 10/18 », 1977, p. 77
- Graffiti/Frontalières (1966), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « 10/18 », 1977, p. 79
- Graffiti/Frontalières (1966), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « 10/18 », 1977, p. 179
Eumeswil (1977)
- Eumeswil (1977), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. La Table ronde, coll. « Folio », 1998, p. 202
- Eumeswil (1977), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. La Table ronde, coll. « Folio », 1998, p. 262-263
Soixante-dix s'efface I 1965-1970
- Soixante-dix s'efface I - 1965-1970 (1980), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 1984, p. 227
- Citation choisie pour le 8 septembre 2016.
- Soixante-dix s'efface I - 1965-1970 (1980), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 1984, p. 381
Soixante-dix s'efface II 1971-1980
- Soixante-dix s'efface II - 1971-1980 (1981), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 1985, p. 257
- Soixante-dix s'efface II - 1971-1980 (1981), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 1985, p. 468
- Soixante-dix s'efface II - 1971-1980 (1981), Ernst Jünger (trad. Henri Plard), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 1985, p. 502
Soixante-dix s'efface III 1981-1985
- Soixante-dix s'efface III - 1981-1985 (1993), Ernst Jünger (trad. Julien Hervier), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 1996, p. 167
- Soixante-dix s'efface III - 1981-1985 (1993), Ernst Jünger (trad. Julien Hervier), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 1996, p. 558
Soixante-dix s'efface IV 1986-1990
- Soixante-dix s'efface IV - 1986-1990 (1995), Ernst Jünger (trad. Julien Hervier), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 2002, p. 54
- Soixante-dix s'efface IV - 1986-1990 (1995), Ernst Jünger (trad. Julien Hervier), éd. Gallimard, coll. « du monde entier », 2002, p. 373
Le Problème d'Aladin, 1983
- Le Problème d'Aladin (1983), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Christian Bourgois, coll. « 10/18 », 1984, p. 68
Les Ciseaux, 1990
- (de) Im Kunstwek lebt ein Glaube, der jedes Dogma überwährt.
- Les Ciseaux (1990), Ernst Jünger (trad. Julien Hervier), éd. Christian Bourgois, 1993, p. 9
Correspondance
- Lettre de Ernst Jünger à Banine
- Ernst Jünger aux faces multiples, Banine, éd. L'Âge d'Homme, 1989, p. 138
Citations sur Ernst Jünger
Les journaux de guerre d'Ernst Jünger offrent peut-être l'exemple le meilleur et le plus honnête des immenses difficultés auxquelles l'individu s'expose quand il veut conserver intact son système de valeurs morales et son concept de vérité en un monde où vérité et morale ont perdu toute forme identifiable d'expression. Malgré l'indéniable influence que les premiers travaux de Jünger ont exercée sur certains membres de l'intelligentsia nazie, il a été du premier au dernier jour du régime un opposant actif au nazisme, montrant par là que le concept d'honneur, un peu désuet mais répandu jadis parmi le corps des officiers prussiens, suffisait amplement à motiver une résistance individuelle.
- Propos tenus par Hannah Arendt
- Ernst Jünger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 227
Ernst Jünger s'est penché sur nous avec l'honnêteté de l'entomologiste, la ferveur d'un Petit Prince de Saint-Exupéry et, d'un seul coup, nous a donné la bonne place dans son système planétaire. Nous sommes entrés par la grande porte dans la cosmologie d'un des plus grands penseurs vivants, avec armes et bagages, femmes et vins, fleurs et pierres, charmes et travers. C'est enivrant et ça donne à réfléchir.
- Un aristocrate sans mélancolie, Antoine Blondin
- Ernst Jünger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 29
Vous faites partie des perdants. On dirait que rien ne vous fait peur même si vous n'affectez jamais cette bravoure des brutes et des idiots. Vous aimez la vie comme peut-être Dieu l'aime, s'il y a un Dieu. Goutte à goutte, fleur à fleur, pierre à pierre. Vous portez l'uniforme mais vous êtes un ange de paix et d'attention.
Dans le milieu du désastre, une zone de grand calme. Cher Ernst Jünger, puisque tel est votre nom au paradis des contemplatifs, je vous aime de si souvent entrer dans ce vide qui est au cœur de nos occupations même les plus violentes, et de le fleurir par votre attention charitable. Ce 12 mai 1944, émergeant des poussières suspendues de la mort, vous apparaît un marronnier tout allumé de rose, ce que Dieu a de plus beau dans sa garde-robe. La description que vous en faites a la minutie d'un scribe. En vous lisant je me trouve béni par le silence de ce géant aux mille yeux roses ouverts dans les tourbillons de l'enfer.
Dans les grands conflits, dans l'immense guerre civile européenne qui a marqué le XXe siècle, Jünger lit la fin des puissances européennes, la représentation de leur suicide, l'affirmation de la démocratie impériale américaine, de l'État mondial et de la Technique.
- « L'Hôte ingrat », Massimo Cacciari (trad. Antonina Canova), dans Ernst Jünger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'Âge d'Homme, coll. « Les Dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 354
Lu Sur les Falaises de marbre d'Ernst Jünger. [...]
Toute la poésie allemande se retrouve sous une poésie d'aristocrate. Je me demande comment Jünger a pu donner ce livre en Allemagne sans devenir suspect. Il s'oppose au système avec une hauteur étonnante. Il parle des fleurs d'une manière adorable et terrible. Plus vrai que le vrai. Il a compris ce secret de la beauté qui se déroule en cachette. Ce livre inactuel est le comble de l'actualité.
- Jean Cocteau, Journal (1942, 1945), dimanche 29 mars 1942
- Ernst Jünger, Dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 242
… de toute l'œuvre de Jünger , osons le dire, se dégage une note parfaitement originale dans cette époque qui a basé son efficacité sur la culture des passions de masse : l'appel à une aristocratie encore désincarnée, qui porterait désormais les valeurs comme l'ancienne a porté les armes, dont jusqu'à l'idée même de ce qu'elle pourrait bien être un jour nous fait encore défaut absolument, et dont pourtant le pressentiment hante cette époque désemparée d'avoir vu descendre au tombeau sans qu'aucune les réincarne ces hautes figures calmes et dispensatrices qu'ont été le Saint du Moyen Âge, le Philosophe de l'ère des Lumières, ou plus proche de nous, avant qu'il ne tourne en apprenti sorcier, le Savant.
- L'œuvre d'Ernst Jünger en France, Julien Gracq
- Ernst Jünger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 348
August von Kageneck
J'ai vu Jünger une seule fois dans ma vie. c'était en octobre 1984, à Douaumont, le jour où François Mitterrand et Helmut Kohl se sont donnés la main, face au mur de béton de la forteresse devenue la tombe de tant de Français et d'Allemands. Le matin, les deux hommes avaient visité un cimetière allemand non loin de là, et ils avaient invité Ernst Jünger à se joindre à eux pour cette commémoration. Je voyais le vieil homme, droit comme un i mais étrangement absent, muet, les yeux si merveilleusement jeunes, fixant un lointain objectif. Que se passait-il dans sa tête ? Entendait-il gronder les orages d'acier ? Je lisais plutôt une grande tristesse dans ses traits. Priait-il ?
« Dans des situations dans lesquelles les plus malins perdent pied et les plus courageux cherchent une sortie, on tombe, de temps en temps, sur quelqu'un qui fait, avec une grande assurance, la chose juste. On peut alors être sûr d'avoir en face de soi quelqu'un qui sait prier », a-t-il écrit quelque part.
- Propos tenus par August von Kageneck
- Ernst Jünger, Dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 230
Mêlé, jusqu'à risquer sa vie, aux fureurs du siècle, il se tient à l'écart des passions. Personne ne peut s'approprier son regard ni son nom, hormis peut-être ce papillon pakistanais qu'on appelle aujourd'hui Trachydora juengeri, et qui fait sa fierté. Car ce rebelle fait la chasse aux cicindèles ; ce soldat écrit des romans. Ce philosophe a un appétit de vie que le temps n'a pas pu lasser. Peu d’œuvres sont plus diverses, peu d'esprits plus mobiles. Héritière de Goethe, d'Hölderlin, de Nietzsche, mais aussi de Stendhal, la pensée de Jünger conjugue la richesse des Lumières et celle du romantisme, la rigueur de l'une et la générosité de l'autre.
- Hommage à Ernst Jünger (29 mars 1995)
- Ernst Jünger, Dossier conçu et Philippe par philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 235
La pensée de Jünger se défie des modes et s'attirent les querelles. Les amateurs de systèmes n'y trouvent point l'asile où puisse se glisser la nostalgie.
La vérité y cherche un équilibre au beau milieu de forces antagonistes. Entre attirance et résistance, respect du réel et refus des fatalités, Jünger dessine l'espace de la liberté humaine et de ses vrais combats.
- Hommage à Ernst Jünger (29 mars 1995)
- Ernst Jünger, Dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 235
De même sa notion du progrès, qui repousse les prophéties de Hegel et de Marx tout comme le pessimisme de Spengler. Personne n'a mieux que lui conçu l'avènement de l'univers technique, ses bienfaits et ses catastrophes. Quand bien même il tient la marche triomphale de la science et du nombre pour inéluctable, il n'en lutte pas moins contre la démesure de leur progression.
- Hommage à Ernst Jünger (29 mars 1995)
- Ernst Jünger, Dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000 (ISBN 2-8251-1425-1), p. 235
On connait l'écolier dissipé, le fugueur aventureux, le guerrier qui lisait l'Arioste sous l'orage d'acier, le théoricien de la figure du Travailleur, le rebelle anti-bourgeois, l'opposant au national-socialisme, le capitaine des années parisiennes. Après la guerre, on découvre un contemplateur qui sème son énergie intellectuelle au vent de la vie. L'ancien officier se fait voyageur, goûte au LSD, consigne ses rêves et pousse l'exercice d'écriture aux frontières de l'hermétisme. [...]
Dans sa préface à l'édition complète des œuvres de Maupassant en russe, Tolstoï donnait une définition du talent qui cerne Jünger en deux lignes et devrait pétrifier tout écrivain : « Le talent est la faculté de concentrer son attention sur tel ou tel objet et d'y voir quelque chose que les autres ne voient pas. »
- Une très légère oscillation, journal 2014-2017, Sylvain Tesson, éd. Équateurs, 2017 (ISBN 978-2-84990-495-4), p. 13, 14