En philosophie classique, la notion d'abstraction consiste à construire ou séparer certains aspects d'une chose (Herbert Spencer) ou d'une représentation par l'attention (Jonh Stuart Mill) afin d'en saisir des caractéristiques communes. Dans ce cas, la pensée abstraite est regardée avec méfiance, par son éloignement de la pensée réelle ou concrète (Joseph Joubert). Par contre, en science, l'abstraction est une habilité à mettre à jour la globalité d'un phénomène inaccessible aux sens (sphère, tout) à partir de l'étude d'éléments du tout (cellules, parties abstraits du tout). Les cellules sont ainsi représentatives et significatives de la sphère (Pascal, Hegel, Marx...). Dans ce cas, en science moderne, l'abstraction est considérée comme une faculté de compréhension plus riche des phénomènes.
L'abstraction est donc l'opération qui isole, pour les considérer à part, certains éléments d'une représentation qui ne sont pas donnés séparément dans la réalité
Manuel de philosophie, A. Cuvillier, éd. Armand Colin, 1947, t. 1 - Introduction générale - Psychologie, p. 481
L'idée abstraite n'est pas, [...], un simple « extrait » de la représentation concrète, une « idée partielle », un résidu appauvri de la perception. L'abstraction véritable est tout autre chose que cette pseudo-abstraction qui n'est guère qu'une attention toute spontanée, prêtée à certains caractères de l'objet perçu tels qu'ils sont donnés dans l'intuition sensible.
Manuel de philosophie, A. Cuvillier, éd. Armand Colin, 1947, t. 1 - Introduction générale - Psychologie, p. 487
L'abstraction proprement dite, celle qui forme les concepts, est INSÉPARABLE DE LA GÉNÉRALISATION.
Manuel de philosophie, A. Cuvillier, éd. Armand Colin, 1947, t. 1 - Introduction générale - Psychologie, p. 487
Avant que l’abstraction soit devenue pour l’esprit une chose qu’il puisse se représenter, et même concevoir, que de temps il lui faut ! Par combien de retouches il faut fortifier cette ombre ! Combien de gens se font abstraits pour paraître profonds ! La plupart des termes abstraits sont des ombres qui cachent des vides.
Pensées (~1780-1824), Joseph Joubert, éd. Librairie Vve Le Normant, 1850, t. 1, p. 321 (texte intégral sur Wikisource)
La notion d'un objet isolable, c'est quelque chose qui, au fond, est singulièrement abstrait. C'est une synthèse accomplie depuis longtemps par nos ancêtres, contre un grand nombre d'apparences et de sensations diverses et même parfois contradictoires, les unes tactiles, les autres visuels, les une individuelles, les autres collectives. Grâce à cette notion de l'objet, non seulement nous groupons, nous synthétisons nos expériences individuelles, mais encore nous pouvons communiquer les unes avec les autres et confronter, humaniser nos représentations.
P. Langevin, La Notion de Corpuscules et d'Atomes, Hermann, Paris, 1934, p.44-46.
In La nature dans la pensée dialectique, Eftýchios Bitsákis, éd. L'Harmattan, 2001, p. 293
Il y a une véritable construction qui a été abstraite au début, et qui s'est colorée de concret à mesure que nous nous le servions. Le concret est l'abstrait rendu familier par l'usage.
P. Langevin, La Notion de Corpuscules et d'Atomes, Hermann, Paris, 1934, p.44-46.
In La nature dans la pensée dialectique, Eftýchios Bitsákis, éd. L'Harmattan, 2001, p. 294
On préfère le concret et c'est bien naturel, car il est plus haut en couleur et l'abstraction à la mauvaises réputation d'être desséchante. Aux théories on reproche d'appauvrir la réalité.
Mais, une théorie n'explique jamais - et ne prétend d'ailleurs d'expliquer - que ce qui est pertinent dans sa problématique.
Essai d'épistémologie, Alain Testart, éd. Errance, 1991, p. 142
Sans doute faut-il rappeler cette banalité qu'aucune théorie scientifique n'a jamais fait la théorie d'aucun fait concret, si l'ont entend par là un objet ou un évènement riche de toutes ses détermination. Une théorie ne fait tout au plus que répondre à des questions : elle ne peut être jugée que dans l'adéquation de ses réponses et sur l'intérêt des questions qu'elle entend poser, autrement dit sur la qualité de l'abstraction qu'elle met en œuvre.
Essai d'épistémologie, Alain Testart, éd. Errance, 1991, p. 142
Pour sentir la vie, l'éprouver vraiment, il faut, bien sûr, être dedans. Mais, pour la connaître, il convient avant tout, de s'en éloigner à une distance suffisante. Sinon, tu n'as aucune vision d'ensemble, tu ne peux distinguer ses traits essentiels, sa dynamique, ces visées.
La maison jaune, Alexandre Zinoviev, éd. Julliard/L'Age d'Homme, 1990, t. 2, p. 397
D'autres interrogent les faits réels et font des erreurs. De mon côté, j'ignore cette face de la réalité et je me trompe peu. Il y a plusieurs façon de trouver la vérité des choses : pour moi, c'est toujours dans ma tête et dans mon cœur.
in The 2012 Alexandre Zinoviev Birthday Book, entrevue d'Alexandre Zinoviev par J.J. Lafaye en 1991 à Munich, éd. blurb, 2012, p. 39
... la réalité ne se réduit pas aux apparences, et qu'à s'en tenir aux apparences, à ce qui nous frappe immédiatement et directement on peut se fourvoyer. L'erreur mise en scène dans ce récit est-elle courante ? Selon, Marx, loin d'être une exception, elle est typique dont la plupart des gens appréhendent la réalité dans notre société. S'appuyant sur ce qu'ils voient, entendent et touchent dans leur environnement immédiat - empreintes de toutes sortes -, ils en tirent des conclusions qui sont dans bien des cas l'exact opposé de la vérité
La Dialectique mise en œuvre, Le processus d'abstraction dans la méthode de Marx, Bertell Ollman, éd. Syllepse, 2005, p. 24
Les images viennent. Elles s’en vont. Elles peuvent être étendues, ayant des parties. L’abstraction les remplace et commence quand on les pousse au point où elles ne peuvent plus être prises dans la réalité.
Cahiers, Paul Valéry, éd. CNRS, 1957, t. 1, p. 102
Le peuple arabe est le plus sensible et sophistiqué des peuples dans sa façon d'appréhender l'Art, c'est la raison pour laquelle il a traité le sujet dans son essence abstraite.
(en)Arabs are the most sensitively sophisticated of peoples in understanding art, and that is why they broached the subject at its abstract essence.
Au sujet de l'abstraction dans l'esthétique arabe
« How the arabs understood visual art », Saloua Raouda Choucair, ARTMargins, 1er février 2015, p. 120 (lire en ligne)