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La prêtresse avait commencé à parler. Elle avait ouvert cette séance initiale, et l'année entière qu'elle passerait avec ces étudiants encore inconnus, en leur déclarant :
– La littérature est un Kama Sûtra intellectuel.
Émilie avait hésité à prendre des notes. Elle ne savait pas comment écrire Kama Sûtra.
– La littérature est une forme de plaisir poussée à son raffinement le plus extrême par des écrivains que le rapport habituel au langage ne satisfait plus.
C'est long de faire ressurgir un pays du silence, surtout l'Algérie. Sa superficie est de 2 381 741 kilomètres carrés, ce qui en fait le dixième plus grand pays du monde, le premier sur le continent africain et dans le monde arabe ; 80 % de cette surface est occupée par le Sahara. Cela, Naïma le sait par Wikipédia, pas par les récits familiaux, pas pour avoir arpenté le sol. Quand on est réduit à chercher sur Wikipédia des renseignements sur un pays dont on est censé être originaire, c'est peut-être qu'il y a un problème.
L’Art de perdre, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2017 (ISBN978-2-0813-9553-4), partie Prologue, p. 13
L'Algérie, à l'été 1830, est clanique. Elle a des histoires. Or, quand l'Histoire se met au pluriel, elle commence à flirter avec le conte et la légende. La résistance d'Abd el-Kader et de sa smala, bourgade ambulante qui paraît flotter sur le désert, résistance de sabres, de burnous et de chevaux semble tout droit tirée des Mille et Une Nuits quand on la regarde depuis la métropole. […] L'Histoire plurielle de l'Algérie n'a pas le poids de l'Histoire officielle, celle qui unifie. Alors les livres des Français avalent l'Algérie et ses contes et ils les transforment en quelques pages de leur Histoire à eux, celle qui paraît être un mouvement précis, tendu entre les jalons de dates apprises par cœur dans lesquelles le progrès soudain s'incarne, se cristallise et irradie.
L’Art de perdre, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2017 (ISBN978-2-0813-9553-4), partie 1. L'Algérie de papa, p. 18
La fiction tout comme les recherches sont nécessaires, parce qu'elles sont tout ce qui reste pour combler les silences transmis entre les vignettes d'une génération à l'autre.
L’Art de perdre, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2017 (ISBN978-2-0813-9553-4), partie 1. L'Algérie de papa, p. 22
L'Algérie les appellera des rats. Des traîtres. Des chiens. Des terroristes. Des apostats. Des bandits. Des impurs. La France ne les appellera pas, ou si peu. La France se coud la bouche en entourant de barbelés les camps d'accueil. Peut-être vaut-il mieux qu'on ne les appelle pas. Aucun nom proposé ne peut les désigner. Ils glissent sur eux sans parvenir à en dire quoi que ce soit. Rapatriés ? Le pays où ils débarquent, beaucoup ne l'ont jamais vu, comment alors prétendre qu'ils y retournent, qu'ils rentrent à la maison ? […] Harkis ?… Curieusement, c'est le nom qui leur reste. Et il est étrange de penser qu'un mot qui, au départ, désigne le mouvement (harka) se fige ici, à la mauvaise place et semble-t-il pour toujours.
L’Art de perdre, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2017 (ISBN978-2-0813-9553-4), partie 2. La France froide, p. 166
Puisque la famille lui oppose la mort, le silence et les vœux pieux, il reste à Naïma la mémoire tentaculaire d'Internet pour appréhender l'histoire des harkis. […] Elle entre les uns après les autres les mots clés suivants : Harkis Actions des harkis guerre algérie rôle des harkis Représailles harkis algérie harkis kabyles Départ harkis 62 Ils la renvoient instantanément vers des milliers d'images, des pages et des pages de textes, des informations en pagaille et des fautes d'orthographe multicolores sur lesquelles elle clique, sans être sûre de ce qu'elle recherche, à travers lesquelles elle tombe, ce soir-là comme ceux qui suivent.
L’Art de perdre, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2017 (ISBN978-2-0813-9553-4), partie 3. Paris est une fête, p. 416-417
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– Tu peux venir d'un pays sans lui appartenir, suppose Ifren. Il y a des choses qui se perdent... On peut perdre un pays. Tu connais Elizabeth Bishop ? Elle rit parce que l'apparition du nom de la poétesse américaine dans cette voiture qui longe la côte algérienne à toute vitesse a quelque chose d'incongru. Ifren commence à réciter :
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître, tant de choses semblent si pleines d'envie d'être perdues que leur perte n'est pas un désastre.
Perds chaque jour quelque chose. L'affolement de perdre tes clés, accepte-le, et l'heure gâchée qui suit. Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
Naïma reste silencieuse. Ifren lui sourit : – Personne ne t'a transmis l'Algérie. Qu'est-ce que tu croyais ? Qu'un pays, ça passe dans le sang ? Que tu avais la langue kabyle enfouie quelque part dans tes chromosomes et qu'elle se réveillerait quand tu toucherais le sol ? Naïma éclate de rire : c'est exactement ce qu'elle avait espéré, sans oser jamais le formuler. – Ce qu'on ne transmet pas, ça se perd, c'est tout. Tu viens d'ici mais ce n'est pas chez toi.
L’Art de perdre, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2017 (ISBN978-2-0813-9553-4), partie 3. Paris est une fête, p. 496-497
Comme un empire dans un empire, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2020 (ISBN978-2-0815-1543-7), p.
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Je suis une fille sans histoire, Alice Zeniter, éd. L’Arche, 2021 (ISBN978-2-38198-014-0), p.
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Je veux à la fois que la fiction m’arrache au monde et qu’elle m’éduque sur lui.
Toute une moitié du monde, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2022 (ISBN978-2-0802-5933-2), chap. Préliminaire, p.
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Toute une moitié du monde, Alice Zeniter, éd. Flammarion, 2022 (ISBN978-2-0802-5933-2), p.
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NB: nombreux extraits de textes et entretiens (dont Lauren Bastide, La Poudre, 2018 (La Poudre. 1, Ecrivain.es et Musiciennes, Marabout (ISBN978-2-501-13794-2)), Julia Vergely, Télérama, 2019 ([lire en ligne]), …)
C’est le premier livre qui me fait me sentir à ma place – je ne sais pas comment l'expliquer : je suis faite pour lire ce livre, ce livre est fait pour être lu par moi. […] La joie, enfant, de découvrir un livre qui paraît fait pour nous, un univers qui nous va mieux que celui dans lequel on est né, je crois que ça dépasse tout. Si j'ai écrit si jeune et sans être impressionnée par la « Littérature » – ça viendra plus tard, avec les études de littérature, justement –, c'est peut-être parce que j'ai rencontré L'Histoire sans fin, un livre qui voulait bien être ma maison.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie I. Au pays des merveilles (made in Normandie), p. 15-16
Ça a toujours été le plus drôle de tous les jeux. Le plus plaisant de tous, sans limite physique. Quand on jouait dans le jardin avec ma frangine, on essayait d'inventer une histoire, des personnages, mais c'était nous qui les vivions avec nos corps de petites filles. Dans l'écriture, on pouvait déployer des palais imaginaires, des costumes, le kif était absolu.
Question : « Écrire a toujours été naturel, pour vous ? »
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie I. Au pays des merveilles (made in Normandie), p. 18
La bascule dans l’imaginaire, c’est un arrachement au quotidien que je trouve merveilleux, ça permet de passer le temps avec rien.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie I. Au pays des merveilles (made in Normandie), p. 21-22
Il joue du violon, résout des enquêtes et il boxe : forcément, ça me plaît. Mais ça ne s'arrête pas là : il prend de la cocaïne, il est dépressif et particulièrement brillant, il n'a aucune douceur et il est misogyne… Il a tout du type qui pourrait ruiner ma vie si je le rencontrais hors des livres. Mais comme je suis protégée par la mince frontière qui sépare la fiction de ma réalité, je peux l'aimer sans qu'il ne me dévore. Je l'aime sûrement encore un peu, d'ailleurs.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie I. Au pays des merveilles (made in Normandie), p. 24-25
Il y a cette phrase de Michel Butor que j'ai citée dans Toute une moitié du monde : « Je crois que toute littérature est politique même si elle est naïve, c'est-à-dire qu'elle ne le voit pas » ou « qu'elle ne s'en doute pas ». J'en suis fermement convaincue.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie II. Vers les vers blancs, p. 45
Je veux encore, aujourd'hui, avoir une écriture du seuil : quelque chose qui puisse accueillir tout le monde et servir d'ouverture vers des œuvres plus difficiles, comme celle de Toni Morrison.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie II. Vers les vers blancs, p. 48
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie III. C’est vrai que cette histoire manque de chameaux, p. 58-…
(Notes : « Mon Algérie, par Alice Zeniter : « Quand la chanson “Aïcha” passait, mes copines se tournaient vers moi » », nouvelobs.com, 25 janvier 2021 [texte intégral], + préface dans Beurettes : un fantasme français, Seuil, 2021 (ISBN978-2-02-147488-6) [lire en ligne])
Mes recherches ont commencé de manière totalement bordélique. […] J'erre de site en site, j'accumule des petites données, des bizarreries, qui allaient m'aider pour les descriptions. Après, je me suis un peu restreinte, en arrêtant de lire n'importe quoi, parce qu'on n'a qu'une vie et un temps limité pour écrire ce livre. Il ne fallait pas que je m'égare.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie III. C’est vrai que cette histoire manque de chameaux, p. 64
J'ai envie que la langue se présente comme traversable et s'il y a des phrases qui restent, des beautés ou des bizarreries, qu'elles soient là un peu par hasard, que je sois moi-même surprise de les avoir entraînées avec moi. Je n'ai pas envie de la phrase qui arrête, qui dit : Attends, relis-moi, c'est incroyable. Je veux que la langue ait l'air facile, qu'on puisse continuer à la suivre, encore et encore.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie III. C’est vrai que cette histoire manque de chameaux, p. 74
Une bataille peut contenir de la joie. Je ne suis pas du tout dans la rhétorique qui dit qu'écrire, c'est accoucher dans la douleur. Ça peut être très, très gai. Si on reconnait d'avance qu'on a perdu, les hématomes à l'ego n'existent pas, peut-être. […] On va se défouler contre un dragon, et c'est passionnant. On va se battre, on va perdre, et on recommencera. Je pense aussi qu'il faut perdre pour continuer ; tuer le dragon, ce serait aboutir au livre parfait et si le livre est parfait, il n'y a plus rien à écrire derrière. C'est justement parce que chaque livre renferme des bouts d'échecs, des problèmes, une faille, qu'on peut en écrire d'autres.
Question : « Avez-vous l'impression, vous aussi, qu'écrire est un combat perdu d'avance ? Un… art de perdre ?[3] »
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie III. C’est vrai que cette histoire manque de chameaux, p. 93
Ce qui est dans le livre, c'est de l'écriture, et la meilleure manière de la découvrir, c'est de la lire, pas d'en parler.
Alice Zeniter : Écrire, c'est le plus drôle de tous les jeux, Alice Zeniter, Richard Gaitet, éd. Arte éditions / Points, 2023 (ISBN978-2-7578-9724-9), partie IV. L’empire sans attaque, p. 105
On continue aujourd’hui à lire Aragon, à l’étudier, à le considérer comme un des auteurs français majeurs du XXe siècle et ce n’est pas le cas pour Triolet. L’effacement des autrices (ou des artistes femmes, en général) qui ont eu le malheur d’être aussi des muses et ne se sont finalement passées à la postérité que comme muses est un cas fréquent […]. Mais dans le cas d’Elsa Triolet, il serait erroné de déclarer qu’on lui a imposé le statut de muse ou de « femme de » et qu’elle en est morte avant même de mourir et encore plus après. Contrairement à ce qu’a été mon premier mouvement de pensée, il n’est pas sexiste de penser à Triolet comme à la femme d’Aragon : elle l’a elle-même voulu.
« Un rêve et un souci », Alice Zeniter, L’Humanité, 2020 (lire en ligne)
Il ne rime à rien de faire exister Triolet sans Aragon, je ne la libérerai pas en la détachant d’une conjugalité que j’ai pu imaginer délétère. Elle ne veut pas que je l’en détache. Imaginant ce qui viendra après la mort, quand « le Grand Jamais » (comme elle le disait) aura fait taire toutes les querelles politiques et amicales dont elle a tant souffert, Triolet écrit : « Alors, nos livres croisés viendront noir sur blanc, la main dans la main, s’opposer à ce qu’on nous arrache l’un à l’autre. »
« Un rêve et un souci », Alice Zeniter, L’Humanité, 2020 (lire en ligne)
Il serait aussi vain, pour faire relire Triolet, de vouloir la séparer du communisme que de la séparer d’Aragon. Elle n’est pas une grande écrivaine malgré ou grâce à ces deux choses, elle l’est avec elles, sans jamais le cacher, puisqu’il s’agit de la matière même dans laquelle sa vie a pris forme et donc de la matière même que son écriture travaille.
« Un rêve et un souci », Alice Zeniter, L’Humanité, 2020 (lire en ligne)
Ce qui m'intéresse dans l’Art de perdre, c'est de montrer que, quand on parle de faire un choix, on imagine que les gens ont toutes les cartes en main. Alors qu'un paysan analphabète, même enrichi, même devenu notable, n'a pas une lecture du monde telle qu'on peut l'avoir aujourd'hui. C'est facile de me dire, si j'avais été à la place de mon grand-père, je n'aurais certainement pas fait ce choix-là. Oui, moi, avec mon éducation, et avec les outils politiques que j'ai.
« Entretien avec Alice Zeniter : « Enfant, j’ignorais pourquoi on n’allait pas en Algérie » », Claire Devarrieux, Libération, 1er septembre 2017 (lire en ligne)
L’écriture déforme les choses, pas dans le sens négatif, mais le simple fait d’écrire distord la réalité, et l’emmène ailleurs, et moi j’aime pouvoir me laisser porter par ça, par cette force qu’a l’écriture de créer des choses qu’on n’avait pas forcément pensées avant de commencer à écrire, et qui émergent dans ce travail-là. […] J’ai besoin que l’écriture puisse lâcher les chevaux, et m’amener là où je vais décider qu’il fait froid parce que tout à coup il y a cette envie d’écrire sur ces sensations-là, sur un homme qui marche seul dans une ville aux volets fermés, dans le froid. Cette liberté que laisse la fiction est très précieuse pour moi.
« Entretien avec Alice Zeniter : « Enfant, j’ignorais pourquoi on n’allait pas en Algérie » », Claire Devarrieux, Libération, 1er septembre 2017 (lire en ligne)
La majorité des œuvres littéraires que j’admire ont une portée politique parce qu’elles mettent en présence des individus ou des communautés qui partagent un même espace-temps sans partager du tout le même système de valeurs. À partir de là, elles sont une exploration de ce qu’est la difficulté de s’organiser en société commune, à l’échelle d’une rue, d’une ville ou d’un pays, alors que les sous-mondes sociaux s’ignorent, se méprisent ou se craignent.
« Des incarnations, des percepts et du temps », Alice Zeniter (propos recueillis par Alexandre Gefen), Esprit, 2021 (lire en ligne)
toute personne qui paraît penser qu’il existe une antichambre (artistique, familiale, professionnelle…) à la porte de laquelle on peut laisser la politique (en la priant de « ne pas déranger ») est, à mes yeux, une personne à qui la situation politique bénéficie et qui demande à ceux à qui elle ne bénéficie pas de bien vouloir crier moins fort.
« Des incarnations, des percepts et du temps », Alice Zeniter (propos recueillis par Alexandre Gefen), Esprit, 2021 (lire en ligne)
Il est des textes qui sont écrits pour déstabiliser, décevoir des attentes, donner le vertige et, logiquement, ils tiendront à l’écart les lecteurs et les lectrices qui cherchent des sensations plus familières. Il en est d’autres, dits exigeants eux aussi, qui sont pensés comme des jeux, des boîtes à surprises – sans pour autant garantir à leurs auteurs que les lecteurs s’amuseront avec eux. Mais qui peut se targuer d’avoir cette garantie, de toute manière ?
« Des incarnations, des percepts et du temps », Alice Zeniter (propos recueillis par Alexandre Gefen), Esprit, 2021 (lire en ligne)
Le choix d’un mot plutôt qu’un autre, dans certaines situations, est révélateur d’un discours politique plus vaste, de droite ou de gauche. Reste alors la question du degré de conscience dans l’emploi du mot : est-ce qu’il est utilisé comme une affirmation de son camp politique ? Est-ce qu’il s’est sédimenté à la place de tous les autres par habitude, par atavisme familial ou professionnel, ou à force de matraquage médiatique ? Est-ce que, devant une interrogation ou une explication, il peut céder la place à un autre mot ?
« Des incarnations, des percepts et du temps », Alice Zeniter (propos recueillis par Alexandre Gefen), Esprit, 2021 (lire en ligne)
↑Brouillon : pour choix ill. voir Commons et cat. expo Camille Faucourt (dir.) et Florence Hudowicz (dir.), Abd el-Kader (catalogue d’exposition, Marseille, Mucem, 5 avril-22 août 2022), Errance/Mucem, (ISBN978-2-87772-980-2, lire en ligne). — « Abd el-Kader », sur Mucem — Musée des civilisations et de la Méditerranée (consulté le 7 mai 2022)
↑En référence à la citation suivante : « La littérature ressemble énormément à un combat de samouraïs. Mais un samouraï n'y affronte pas un autre samouraï : il se mesure à un monstre. La plupart du temps, il sait bien qu'il sera vaincu. Avoir le courage, alors que vous savez à l'avance que vous perdrez, de sortir vous battre : voilà ce qu'est la littérature » (Roberto Bolaño, interviewé par Eduardo Cobos, Mezclaje, 1999), cité dans Juste avant l’Oubli (lire en ligne), « Enfin un cadavre », p. 255.