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Napoléon Ier

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Napoléon sur le trône impérial
Ingres en 1806

Napoléon 1er (15 août 1769 - 5 mai 1821) est un homme politique français et militaire. Général et premier consul sous le nom de Napoléon Bonaparte, il devient Empereur des Français en 1804. À son apogée, il régna sur une grande partie de l'Europe.

Citations

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Sur les hommes

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Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle.
  • Napoléon Bonaparte, 1791, dans Discours sur le bonheur ou Discours de Lyon.


Sur les sciences et la connaissance

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Les sciences, qui nous ont révélé tant de secrets, détruisent tant de préjugés, sont appelés à nous rendre de plus grands services encore. De nouvelles vérités, de nouvelles découvertes nous révéleront des secrets plus essentiels encore au bonheur des hommes ; mais il faut que nous aimions les savants et que nous protégions les sciences.
  • Bonaparte au Directoire, 18 octobre 1797
  • La campagne d'Égypte, Jacques-Olivier Boudon, éd. Belin, 2018  (ISBN 978-2410015270), p. 111


Les vraies conquêtes, les seules qui ne donnent aucun regret, sont celles que l’on fait sur l’ignorance.
  • Bonaparte au Directoire, 18 octobre 1797
  • La campagne d'Égypte, Jacques-Olivier Boudon, éd. Belin, 2018  (ISBN 978-2410015270), p. 111


Sur la religion

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Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole.
  • Allocution aux curés de Milan, 5 juin 1800
  • Correspondance de Napoléon Ier, Napoléon Bonaparte, éd. H. Plon, J. Dumaine, 1861, t. 6, p. 339


Toutes les religions, depuis Jupiter, prêchent la morale. Je croirais à une religion si elle existait depuis le commencement du monde ; mais quand je vois Socrate, Platon, Moïse, Mahomet, je n'y crois plus. Tout cela a été enfanté par les hommes.


Christianisme

La religion chrétienne est celle d'un peuple très civilisé. Elle a élevé l'homme ; elle proclame la supériorité de l'esprit sur la matière, de l'âme sur le corps ; elle est née dans les écoles grecques ; elle est le triomphe des Socrate, des Platon, des Aristide, sur les Flaminius, les Scipion, les Paul-Emile.
  • Campagnes d'Égypte et de Syrie 1798-1799 (dictées par lui-même à Saint-Hélène, gal Bertrand), Napoléon Bonaparte, éd. Comon et cie, 1847, t. 1, Affaires religieuses, p. 206


Islam

Le général Kleber me rend compte de votre conduite et j'en suis satisfait. (...) J'espère que le moment ne tardera pas où je pourrai réunir tous les hommes sages et instruits du pays, et établir un régime uniforme, fondé sur les principes de l'Al-coran, qui sont les seuls vrais et qui peuvent seuls faire le bonheur des hommes.
  • Lettre au Cheikh El-Messiri (11 fructidor an VI), Correspondance de Napoléon Ier, Napoléon Bonaparte, éd. H. Plon, 1861, t. 4, partie Pièce N° 3148, p. 420


La religion de Mahomet est la plus belle.


J'aime mieux la religion de Mahomet. Elle est moins ridicule que la nôtre.


Sur sa famille

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C'est à ma mère que je dois toute ma fortune et tout ce que j'ai fait de bien.
  • Citation prononcée à Saint-Hélène
  • « Une vie ajaccienne », Charles Napoléon, dans Napoléon, une enfance corse, Michel Vergé-Franceschi, éd. Larousse, 2009, partie Préface, p. 10


Divers

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Soldats, […] songez que du haut de ces monuments quarante siècles vous contemplent.
  • Œuvres de Napoléon Bonaparte, Napoléon Bonaparte, éd. C.L.F. Panckoucke, 1821, t. 1, partie Précis chronologique et historique de la vie de Napoléon Bonaparte, 1798 (an VI), 23 juillet (5 thermidor), p. 24


Voilà le soleil d'Austerlitz !
  • 7 septembre 1812, Napoléon à ses troupes avant la bataille de la Moskova (Borodino) afin de galvaniser ses hommes et les pousser à rééditer leur exploit de 1805 à Austerlitz.
  • Œuvres de Napoléon Bonaparte, Albert Maurin, éd. Bureau de la Société des travailleurs réunis, Paris, 1849, t. 5, p. 42


Souvenez-vous bien de ce que je vous dis : le destin de votre règne dépend de votre conduite à votre retour dans la Calabre. Ne pardonnez pas. Faites passer par les armes au moins 600 des révoltés. Ils m'ont égorgé un plus grand nombre de soldats. Faites brûler les maisons de trente des principaux des chefs de villages, et distribuez leurs propriétés à l'armée. Désarmez tous les habitants et faites piller cinq ou six gros villages de ceux qui se sont le plus mal comportés. .. Privez de leurs biens communaux les villages révoltés, et donnez ces biens à l'armée. Surtout désarmez avec rigueur. Puisque vous comparez les Napolitains aux Corses, souvenez-vous que, lorsqu'on entra dans le Niolo, quarante rebelles furent pendus aux arbres, et que la terreur fut telle que personne ne remua plus. Plaisance s'était insurgée; à mon retour de la Grande Armée, j'y envoyai Junot, qui prétendait que le pays ne s'était pas insurgé et m'envoyait de l'esprit à la française : je lui ai envoyé l'ordre de faire brûler deux villages et de faire fusiller les chefs de la révolte, parmi lesquels étaient six prêtres. Cela fut fait et le pays fut soumis, et le sera pour longtemps.
  • Lettre du 30 juillet 1806 de Napoléon à son frère Joseph, lors de l'accession de celui-ci au trône de Naples en 1806
  • Napoléon et Joseph Bonaparte: correspondance intégrale, 1784-1818, Napoléon Bonaparte, éd. Tallandier, 2007, partie Pièce N° 469, p. 275


Sa demeure à Coppet était devenue un véritable arsenal contre moi ; on venait s’y faire armer chevalier. Elle s’occupait à me susciter des ennemis, et me combattait elle-même. C’était tout à la fois Armide et Clorinde
  • En parlant de Madame de Staël
  • — Napoléon, Le Mémorial de Sainte-Hélène, Comte de Las Cases, éd. T Ernest Bourdin, 1842, p. 554


Qu’ils m’appellent comme ils voudront, ils ne m’empêcheront pas d’être moi !
  • Répondant aux personnes qui l'appellent « général » et non « empereur ».


Citations rapportées de Napoléon Bonaparte

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Mémoires du général de Caulaincourt, tome1, 1933

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Mes frères ne me secondent pas. Ils n’ont des princes que la sotte vanité et aucun talent, point d’énergie. Il faut que je gouverne pour eux. Sans moi, ils ruineraient les pauvres Westphaliens pour enrichir des favoris, des maîtresses, pour donner des fêtes et bâtir des palais. Mes frères ne pensent qu’à eux. Je leur donne cependant bon exemple. Je suis le roi du peuple, car je ne dépense que pour encourager les arts, que pour laisser des souvenirs glorieux et utiles à la nation. On ne dira pas que je dote des favoris et des maîtresses. Je récompense les services rendus à la patrie et rien de plus.


Alexandre se moque de moi. Croit-il que je suis venu à Wilna pour négocier des traités de commerce ? Je suis venu pour en finir une bonne fois avec le colosse des barbares du Nord. L’épée est tirée. Il faut les refouler dans leurs glaces afin que, de vingt-cinq ans, ils ne viennent pas se mêler des affaires de l’Europe civilisée. Même sous Catherine, ajouta-t-il, les Russes n’étaient rien ou peu de chose dans les affaires politiques de l’Europe. C’est le partage de la Pologne qui les a mis en contact avec la civilisation. Il faut maintenant que la Pologne les repousse à son tour chez eux. Sont-ce les batailles d’Austerlitz, de Friedland, serait-ce la paix de Tilsit qui autoriseraient les prétentions de mon frère Alexandre ? Il faut profiter de l’occasion et dégoûter les Russes de demander compte de ce qui se passe en Allemagne.


Mémoires du général de Caulaincourt, tome2, 1933

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C'est l'Angleterre qui m'a poussé, forcé à tout ce que j'ai fait. Si elle n'avait pas rompu le traité d'Amiens, si elle avait fait la paix après Austerlitz, après Tilsit, je serais resté tranquille chez moi. La crainte de compromettre les capitaux de mon commerce m’eût maintenu. Je n'aurais rien entrepris au-dehors car ce n'était pas dans mon intérêt. Je ne me serais occupé que de la prospérité intérieure ; je me serais rouillé, accoutumé au repos. Rien n'est plus doux. Je ne suis pas plus ennemi qu'un autre des douceurs de la vie. Je ne suis pas un Don Quichotte qui a besoin de quêter les aventures. Je suis un être de raison qui ne fait que ce qu'il croit utile. La seule différence entre moi et les autres souverains, c'est que les difficultés les arrêtent et que j'aime à les surmonter, quand il m'est démontré que le but est grand, noble, digne de moi et de la nation que je gouverne.

  • Propos rapportés de l'Empereur


Je me fais plus méchant que je ne suis, me dit-il en plaisantant, parce que j'ai remarqué que les Français sont toujours prêts à vous manger dans la main. C'est le sérieux qui leur manque et, par conséquent, ce qui leur en impose le plus. On me croit sévère, même dur. Tant mieux ; cela me dispense de l'être. Ma fermeté passe pour de l'insensibilité ; comme c'est à cette opinion que l'on doit en partie l'ordre qui règne et de n'avoir rien à réprimer, quoi que nous soyons encore bien prêts de la Révolution et que nous vivions avec des générations élevées au milieu des troubles, sans idée de morale ou de religion, je ne m'en plains pas. Allez, Caulaincourt, je suis homme. J'ai aussi, quoi qu'en disent certaines personnes, des entrailles, un cœur, mais c'est un cœur de souverain. Je ne m'apitoie pas sur les larmes d'une duchesse, mais je suis touché des maux des peuples. Je les veux heureux et les Français le seront. L’aisance sera partout si je vis dix ans. Croyez-vous donc que je n'aime pas aussi à faire plaisir ? Un visage content me fait du bien à voir, mais je suis obligé de me défendre de cette disposition naturelle, car on en abuserait. Je l'ai éprouvé plus d'une fois avec Joséphine, qui me demandait toujours et me faisait même tomber dans des embuscades de larmes auxquelles j'accordais ce que j'aurais dû refuser.

  • propos rapportés de l'Empereur


Il me faut des conseillers d'État, des préfets, des officiers, des ingénieurs, des professeurs. Il faut donc donner un grand développement à l'instruction et tremper un peu ces jeunes têtes des Grecs et des Romains. L'important est de diriger monarchiquement l'énergie de ces souvenirs, car voilà la seule histoire. Je m'occuperai encore de l'instruction, et ce sera mon premier soin à la paix, car c'est la garantie de l'avenir. Je veux qu'elle soit publique pour tous, même pour une partie de celle de mon fils. J'ai un grand projet sur cela.

  • propos rapportés de l'Empereur


Au reste, si l'on a à demander compte des malheurs de ce temps à quelqu'un, ce ne serait pas aux conventionnels qui furent entraînés par la frénésie du temps, par la Révolution qui avait été faite par la Cour elle-même. En réalité, en bonne justice, il ne faut demander compte de nos malheurs passés qu'aux princes et aux hommes de la Cour qui ont fait cette révolution. Les Montmorency, les Lameth, les d'aiguillon, les Talleyrand, les Lafayette, les La Rochefoucauld, Monsieur, frère du roi, et tant d'autres en étaient les vrais fauteurs.

  • propos rapportés de l'Empereur


Autres

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Ma politique est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut l'être. C'est la manière de reconnaître la souveraineté du peuple. C'est en me faisant catholique que j'ai gagné la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultra-montain que j'ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais le peuple juif, je rétablirais le temple de Salomon.
  • Déclaration au Conseil d'État, le 1er août 1800
  • (fr) Manager en toutes lettres, guide d'action et de culture (1995), François Aélion, éd. Les éditions d'organisation, 1999  (ISBN 2-7081-1803X), p. 330


Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours.


En amour, la seule victoire, c'est la fuite.
  • Extrait des Maximes et pensées.
  • « Napoléon Premier fut un conquérant de l'Europe continentale. », Napoléon Bonaparte, proverbes-francais.fr, 10 février 2014 (lire en ligne)


En guerre comme en amour, pour en finir, il faut se voir de près.
  • Manager en toutes lettres, guide d'action et de culture (1995), François Aélion, éd. Les éditions d'organisation, 1999  (ISBN 2-7081-1803X), p. 168


Qui peut tout dire, arrive à tout faire !
  • Maxime de Napoléon rapportée par Balzac


Sur l'esclavage

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Je suis pour les blancs parce que je suis blanc; je n'en ai pas d'autre raison, et celle-là est la bonne. Comment a-t-on pu donner la liberté à des Africains, à des hommes qui n'avaient aucune civilisation, qui ne savaient seulement pas ce que c'était que colonie, ce que c'était que la France ? Il est tout simple que ceux qui ont voulu la liberté des Noirs, veuillent encore l'esclavage des Blancs. Mais encore croyez-vous que, si la majorité de la Convention avait su ce qu'elle faisait, et connu les colonies, elle aurait donné la liberté aux Noirs ? Non sans doute : mais peu de personnes étaient en état d'en prévoir les résultats, et un sentiment d'humanité est toujours puissant sur l'imagination. Mais à présent tenir encore à ces principes, il n'y a pas de bonne foi, il n'y a que de l'amour-propre et de l'hypocrisie.
  • Réponse de Napoléon à Truguet hostile aux colons des îles et à l'esclavage.
  • Napoléon Bonaparte, 21 ventôse an XI, Paris, séance du Conseil d’État, dans Le Consulat et l'Empire, paru chez Jules Renouard, 1834, p.323, A.C Thibaudeau.


Citations sur Napoléon

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On a voulu expliquer Bonaparte par ses origines corses et italiennes. Mais d'éducation toute française, c'était avant tout un homme du dix-huitième siècle. Il en avait les idées, les tours littéraires, celui de la déclaration et de Rousseau, celui de la maxime et de Chamfort. Dans ses monologues de Sainte-Hélène, que retrouve-t-on toujours? L'homme qui avait eu vingt ans en 1789. Formé sous l'ancien régime, il a reconnu lui-même ce qu'il devait à ceux qui l'avaient instruit.
  • Histoire de France (1924), Jacques Bainville, éd. D.E.F.I., coll. « Nos classiques », 1997  (ISBN 2-912385-01-6), chap. 17. Le Consulat et l'Empire, p. 410-411


Dès son entrée en campagne, il se montre tel qu'il est, un esprit supérieur qui saisit d'un coup d’œil les situations et qui les domine. Il a le génie militaire et le don de la politique. L'Italie, il la comprend dans sa diversité qui lui présentera un nouveau problème à chacune de ses victoires. L'ennemi, il le déconcerte par un art de combattre aussi audacieux et nouveau que son art de négocier est subtil. Cette conquête de tout un pays avec une poignée d'homme est un chef-d'œuvre de l'intelligence. C'est pourquoi, comprenant à peine comment tout cela se faisait, les contemporains y ont vu quelque chose de « surnaturel ».


L'Empereur montait à cheval, la nuit comme le jour, sans prévenir ; il se plaisait même à sortir à l'improviste et à mettre tout le monde en défaut. Ses chevaux de selle étaient divisés par brigade. Chaque brigade avait deux chevaux pour lui, un cheval pour le Grand écuyer et le nombre nécessaire pour les autres personnes de service que l'Empereur montait. Une brigade de chevaux de selle était toujours bridée, la nuit comme le jour. Tous les officiers devaient avoir aussi un cheval bridé. Le piquet de service, composé d'un officier et vingt chasseurs était toujours bridé. Les escadrons de service le fournissaient et le relevaient. Dans les autres campagnes, un seul escadron était de service. Dans celle de Russie, il y en avait quatre, moitié cavalerie légère, moitié grenadiers (?) et dragons. Le piquet ne quittait pas l'Empereur ; les escadrons suivaient en échelon ; ils ne bridaient que quand l'Empereur demandait ses chevaux, ce qui était toujours si imprévu et si prompt qu'il partait toujours avec trois ou quatre personnes ; les autres rejoignaient. Depuis Moscou, comme depuis Smolensk, les escadrons étaient quelquefois de service deux ou trois jours de suite ; les hommes et les chevaux étaient harassés. Habituellement l'Empereur rentrait tard, à nuit close. Les escadrons se jetaient au bivouac le mieux qu'ils pouvaient dans l'obscurité. Quand l'empereur montait à cheval à l'armée, il partait ordinairement au galop, ne fût-ce que pendant deux ou trois cent pas.


Hélas ! L'Empereur se faisait illusion, et cette erreur entraînait notre perte. Les chefs voyaient le salut de l'avenir dans l'excès même du mal et l'Empereur ne voyait pas ce mal aussi grand qu'il était. Il croyait réellement toucher au terme de ses sacrifices, pouvoir s'arrêter, pouvoir établir l'armée comme le prouve assez sa fatale insistance pour tout emmener, pour tout conserver, qui fut cause qui perdit tout. La fortune l'avait trop longtemps comblée de ses faveurs ; il ne put se croire tout à fait abandonné d'elle.

  • retraite de Russie


Il semblait que la fortune voulait nous faire éprouver dans cette cruelle campagne tout ce que ses revers ont de plus fâcheux. Tout ce qui pouvait le plus déranger les combinaisons de l'Empereur se succédait. Après s’être vu enlever les magasins qui auraient pourvu à tous les besoins et donner le moyen de réorganiser l'armée, il perdait encore, au moment où il n'avait pas d'autre salut, le seul passage sur lequel il comptait. Tout autre eût été accablé. L’Empereur se montra plus grand que son malheur. Ces adversités, au lieu de l’abattre, firent ressortir davantage toute l’énergie de ce grand caractère ; il montra ce que peut un noble courage et une brave armée contre l'excès même de l'adversité. Il est certain que l'Empereur se montra supérieur à tous les événements, et, par conséquent, fait pour les maîtriser encore tous, s'il n'eût plus abusé de la fortune, des hommes et de la gloire. L'espoir, même l'apparence d'un succès l'enivrait plus que le plus grand revers ne l’abattait.

  • retraite de Russie


Bonaparte, qui pouvait devenir le Washington de l'Europe et qui n'en fut que le Napoléon, ne s'est jamais trouvé à son aise dans la pourpre impériale.
  • De la France, Henri Heine, éd. Eugène Renduel, 1833, p. 338


Au Nil je le retrouve encore.
L'Égypte resplendit des feux de son aurore;
Son astre impérial se lève à l'orient.
Vainqueur, enthousiaste, éclatant de prestiges,
Prodige, il étonna la terre des prodiges.
Les vieux scheiks vénéraient l'émir jeune et prudent;
Le peuple redoutait ses armes inouïes;
Sublime, il apparut aux tribus éblouies
Comme un Mahomet d'Occident.

  • Les Orientales, Victor Hugo, éd. Charpentier, 1850, Lui, p. 267


L'ironie de l'histoire a fait que Bonaparte, qui s'est voulu le défenseur de l'Islam et de l'arabisme, est passé injustement à la postérité comme l'un des fondateurs du sionisme, ce qu'il n'a jamais été et qu'il n'a jamais prétendu être.
  • Orientales (2004), Henry Laurens, éd. CNRS, 2007, Le projet d'État juif en Palestine attribué à Bonaparte, p. 143


Selon Jules Michelet, il est le dernier de nos grands hommes à avoir «fait de l'histoire de France celle de l'humanité». Des pans entiers de la culture française et européenne sont inspirés de son action et continuent à imprégner nos esprits. Rien de ce que la littérature, la philosophie et l'art ont produit pendant les deux premiers siècles qui ont suivi sa mort n'aurait pu exister sans l'histoire de Napoléon, le souvenir de Napoléon, le mythe de Napoléon, la légende de Napoléon.


Napoléon fut un homme d'État doté de ce que nous appellerions une magnifique «mécanique intellectuelle» : tempérament de chef, mémoire phénoménale, vastes connaissances, analyse minutieuse du nécessaire et du réalisable, pensée et expressions nettes, bon sens, énergie contagieuse, sûreté dans la prise de décision. Il ne changeait pas d'opinion tous les quatre matins pour plaire à tout le monde (ou ne déplaire à personne) et s'élevait souvent au-dessus «des petites vanités et des petites passions» avec lesquelles, disait-il, «on ne fait jamais rien de grand». L'historien Jean Lucas-Dubreton a écrit qu'il inaugurera au sommet de l'État l'ère du sérieux, celle du gouvernant qui gouverne vingt-quatre heures par jour et suscite la même abnégation chez ceux qui ont l'honneur de servir l'État.


S'inspirant de Montesquieu, Bonaparte écrivait en 1797 que «le droit de la guerre n'autorise peut-être pas à faire à son ennemi tout le mal possible». Il s'en tint en général à cette position, reprenant à son compte le «jus in bello» de l'Église et des philosophes : l'implacabilité de l'affrontement devait être tempéré par une sorte de code d'honneur touchant au respect des prisonniers, au secours aux blessés et à la sanctuarisation des hôpitaux, au remplacement du pillage par des contributions de guerre, à la protection et la bonne administration des populations civiles dans les territoires conquis. D'éducation intellectuelle classique et chrétienne, Napoléon considérait que la guerre était une affaire entre États qui ne mettait pas fin aux règles d'or de la civilisation.


Peut-on renier un homme qui eut comme programme l'ordre public, l'égalité civile et la reconnaissance du mérite ? Le premier est le fondement d'une société paisible dans laquelle l'État empêche que «l'homme soit un loup pour l'homme». La seconde est une ambition - et aussi une revendication - de tout citoyen de notre pays, dont l'accomplissement prime celui de la liberté. Le troisième est ce qui fonde la récompense et la promotion de l'effort individuel, des bonnes actions pour la collectivité et de l'amour de son métier. Sur ces trois points, le consensus s'est étiolé de façon accélérée ces dernières décennies.


Bonaparte! [...] Jamais nom de mortel n'eut des destins si beaux.
  • Les nuits italiennes (1853), Joseph Méry, éd. Payot & Rivages, coll. « Voyageurs », 1998, chap. III, p. 36


Un spirituel Anglais, M. Disraeli, voudrait faire croire Bonaparte Juif d'origine. Et comme la Corse fut autrefois peuplée par les Sémites d'Afrique, Arabes, Carthaginois ou Maures, Maranes, disent les Espagnols, il semble appartenir à ceux-ci plus qu'aux Italiens. L'amour de thésauriser, tant de millions entassés aux caves des Tuileries, cela sent aussi le Marane. De Pradt dit à merveille : "L'Empereur est tout ruse, ruse doublée de force. Mais il attache plus de prix à sa ruse. Pour lui, triompher n'est rien; c'est attraper qui est tout : "Je suis fin" m'a-t-il dit cent fois."
  • Histoire du XIXe siècle (1874), Jules Michelet, éd. Adamant Media Corporation, 2002, t. 3-Jusqu'à Waterloo, p. 421


Il était là, debout sur la colline devant laquelle brûlait Sbodonovo. Il était là, petit et gris, vêtu de son habit de chasseur à cheval de la Garde, entouré d'emplumés, d'illuminés, d'oiseaux de proie et d'aides de camp, la longue-vue incrustée sous le sourcil et médisant dans sa barbe parce que la fumée l'empêchait de voir ce qu'il se passait sur le flanc droit. Il était là, comme sur les gravures enluminées, tranquille et froid comme la mère qui l'avait enfanté, à donner des ordres sans se retourner, calmement, le chapeau bien enfoncé, tandis que les maréchaux, les secrétaires, les flatteurs et les courtisans s'inclinaient respectueusement autour de lui. Oui, Sire. En effet, Sire. Bien entendu, Sire.
  • Incipit


A midi, L’Empereur sortit sur le perron, Bassano et Belliard l’entouraient dans une grappe d’aides de camp et de barons. Il y eut un brouhaha, comme une houle. Napoléon enleva son chapeau pour saluer les soldats qui levaient le nez vers lui, puis il descendit rapidement l’escalier en fer à cheval, s’avança en face des troupes qui avaient pris le garde-à-vous sans qu’on leur en donnât l’ordre. Quelques grognards avaient des larmes, d’autres reniflaient. L’empereur leva le bras, mais aucune acclamation délirante ne répondit comme d’habitude à ce geste ; un silence épouvantable s’installait. Il se mit à parler ; seuls les officiers massés devant lui entendaient vraiment ses paroles ; ils les répétaient derrière eux au fur et à mesure, et les phrases, par bribes, couraient de bouche en bouche, fortifiées par leur simplicité : « Je pars… Vous, mes amis, continuez à servir la France… Je vais écrire les grandes choses que nous avons faites ensemble… Adieu, mes enfants ! »


Si la Révolution se réduit à une entreprise de lutte pour la liberté, Napoléon est le fossoyeur des principes de 1789. Son antiparlemantarisme, son autoritarisme, son impérialisme guerrier l'apparente à César. Mais, si la révolution se définit comme un combat pour l'égalité, l'Empereur en fut le plus ardent promoteur. L'égalité civile fut son œuvre technique. L'égalité au mérite son obsession morale. A quelle autre époque de l'Histoire de France un garçon boucher eut-il autant de chances de devenir général par la grâce de ses talents ? L'idéal d'héroïsme irrigua les débuts de l'Empire. Ces maréchaux, brillant dans l'aube impériale, insultaient plus insolemment les privilèges de l'Ancien Régime que ne le firent les bouchers de la Terreur.


Napoléon n'a pas inspiré au monde moins de terreur et d'horreur qu'Hitler, ni moins justement. Quiconque parcourt, par exemple, le Tyrol, y trouve à chaque pas des inscriptions rappelant les cruautés commises alors par les soldats français contre un peuple pauvre, laborieux et heureux pour autant qu'il est libre. Oublie-t-on ce que la France a fait subir à la Hollande, à la Suisse, à l'Espagne ? On prétend que Napoléon a propagé, les armes à la main, les idées de liberté et d'égalité de la Révolution française ; mais ce qu'il a principalement propagé, c'est l'idée de l'État centralisé, l'État comme source unique d'autorité et objet exclusif de dévouement ; l'État ainsi conçu, inventé pour ainsi dire par Richelieu, conduit à un point plus haut de perfection par Louis XIV, à un point plus haut encore par la Révolution, puis par Napoléon, a trouvé aujourd'hui sa forme suprême en Allemagne. Il nous fait à présent horreur, et cette horreur est juste ; n'oublions pas pourtant qu'il est venu de chez nous.
  • « Réflexion sur les origines de l'hitlérisme » (1940), dans Écrits historiques et politiques, Simone Weil, éd. Gallimard, 1960, p. 13-14


Voir aussi

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