Kenneth Clark

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Kenneth Clark
Kenneth Clark

Kenneth Clark, né en 1903 et mort en 1983, est un historien de l’art britannique.

Citations[modifier]

Civilisation, 1969[modifier]

Qu’est-ce que la civilisation ? Je l’ignore. Je ne puis en définir le concept, pas encore du moins. Mais je crois pouvoir la reconnaître quand je la vois et je la dévisage en ce moment. Ruskin a déclaré : « Les grandes nations écrivent leurs autobiographies en trois manuscrits, le livre de leurs actes, le livre de leurs mots et le livre de leur art. Il n’est aucun de ces livres qui puisse se comprendre sans lire les deux autres, mais des trois, le seul fiable est le dernier. » Je crois qu’il a raison, dans l’ensemble.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 26


La civilisation signifie davantage que l’énergie, la volonté et la puissance créatrice : quelque chose que les premiers Scandinaves n’avaient pas, mais qui, même de leur temps, commençait à reparaître en Europe occidentale. Comment dire ? Il s’agissait, en trois mots, d’un sentiment de permanence.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 36


L’homme civilisé, selon moi, doit sentir qu’il se situe quelque part dans l’espace et dans le temps ; qu’il aspire consciemment à l’avenir et regarde derrière lui. À cette fin, savoir lire et écrire est d’une grande utilité.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 37


Suger fit traduire ce traité du grec [Les hiérarchies célestes] où il trouva une justification théorique de son amour de la beauté. Il soutenait que nous ne pouvions arriver à comprendre la beauté absolue – qui est Dieu – que par le truchement d’objets beaux et précieux sur nos sens. Il déclarait : « L’esprit grossier s’élève à la vérité par ce qui est matériel. » [Mens hebes ad verum per materialia surgit] C’était là un concept révolutionnaire au Moyen Âge. Tel fut l’arrière-plan intellectuel de toutes les œuvres d’art sublimes du siècle suivant et telle demeure en fait la base de notre foi dans la valeur de l’art jusqu’à ce jour.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 60


On a tant écrit sur le style gothique qu’on a tendance à y voir une évidence, or il reste l’une des réussites humaines les plus remarquables. Depuis la première expression architecturale de la vie civilisée, par exemple la pyramide de Sakhara, l’homme avait conçu les bâtiments comme un poids sur le sol. Il avait accepté leur nature matérielle et, bien qu’il eût tenté de la transcender en recourant à la proportion et à la couleur des marbres précieux, il s’était toujours trouvé limité par les problèmes de stabilité et de poids. En définitive, ils le maintenaient rivé au sol. Désormais, grâce aux artifices du style gothique – le fût entouré d’une cépée de colonnes, qui fuse directement dans la voûte et l’arc brisé – il pouvait rendre la pierre légère, telle l’expression légère de son esprit.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 67


Chartres est un concentré du premier grand réveil de la civilisation européenne. C’est aussi le pont unissant le roman et le gothique, le monde d’Abélard et le monde de saint Thomas d’Aquin, le monde d’une curiosité brouillonne et le monde du système et de l’ordre. De grandes choses allaient se faire dans les siècles suivants du haut gothique, de grands exploits de construction, tant en architecture qu’en philosophie. Mais tous reposaient sur les fondations du XIIe siècle. Ce fut l’âge qui donna son impulsion à la civilisation européenne. Notre énergie intellectuelle, notre contact avec les grands esprits de Grèce, notre aptitude à bouger et changer, notre conviction que Dieu peut être approché par la beauté, notre sentiment de compassion, notre sentiment de l’unité de la chrétienté - tout cela, et bien plus, apparut dans les cent années merveilleuses séparant la consécration de Cluny de la reconstruction de Chartres.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 68


Nous avons été conditionnés par des générations d’historiens protestants et libéraux qui nous affirment qu’aucune société fondée sur l’obéissance, la répression et la superstition ne peut être vraiment civilisée. Mais quel est celui, pour peu qu’il soit doté d’une once de sentiment historique ou de détachement philosophique, qui resterait aveugle aux grands idéaux, à la foi passionnée dans la sainteté, au sacrifice absolu du génie humain pour Dieu partout visibles et triomphants à chaque pas accompli dans la Rome Baroque ? On ne saurait la qualifier de barbare ou de provinciale. Ajoutons à cela que le renouveau catholique fut un mouvement populaire, qu’il permit aux personnes ordinaires de satisfaire, grâce au rituel, aux images et aux symboles, leurs pulsions les plus profondes et d’apaiser leur esprit. Et je crois que nous devrons attendre d’avoir admirer la Rome des papes pour définir le mot « civilisation ».

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2010  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 142


L’une des raisons pour lesquelles l’architecture médiévale et renaissante surpasse tant la nôtre, c’est que les architectes étaient des artistes. Les tailleurs de pierre des cathédrales gothiques avaient commencé par sculpter leurs portails. À la Renaissance, Brunelleschi fut d’abord un sculpteur, Bramante un peintre ; Raphaël, Peruzzi et Jules Romain étaient tous trois des peintres qui se firent architectes dans l’âge mûr. Parmi les grands architectes de la Rome du XVIIe siècle, Pietro de Cortona était peintre et le Bernin sculpteur ; cela a donné à leur œuvre une puissance d’invention plastique, un sens de la proportion, une articulation reposant sur l’étude de la forme humaine que la maîtrise des forces de tension de l’acier et d’autres nécessités de la construction moderne n’engendrent pas toujours.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2010  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 143,144


N'est-il pas inouï d’apprendre qu’à une seule exception près, les grands artistes du temps étaient tous des chrétiens sincères et pratiquants ? Le Guerchin passait l’essentiel de ses matinées à prier ; Le Bernin faisait souvent des retraites et pratiquait les exercices spirituels de saint Ignace ; Rubens entendait la messe chaque matin avant de se mettre au travail. La seule exception était Caravage, qui nous évoque le protagoniste d’une pièce d’aujourd’hui, à ceci près qu’il se trouvait être un très bon peintre.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2010  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 146


Les religions apaisantes et miséricordieuses du monde, celles qui irradient chaque partie de l’être humain – en Égypte, en Inde, en Chine – ont accordé au principe féminin de la création au moins autant d’importance qu’au masculin ; elles se seraient moquées d’une philosophie qui aurait échoué à tenir compte des deux. Celles-ci furent toutes des communautés d’obéissance, selon la formule de H. G. Wells. Au contraire, les sociétés agressives, nomades – ce qu’il appelait des communautés de volonté – Israël, l’Islam, le Nord protestant, tenaient leurs dieux pour masculins. Et l’on doit remarquer ce fait établi que les religions purement masculines n’ont suscité aucune illustration religieuse, qu’elles l’ont d’ailleurs spécifiquement interdite la plupart du temps. Le grand art de ce monde est étroitement lié au principe féminin.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2010  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 147


Dès le début du XVIe siècle, Titien avait conféré son immense autorité à cette conjugaison du dogme et de la sensualité ; et une fois passée la première influence puritaine du concile de Trente, l’œuvre de Titien put inspirer un Rubens (qui en fit de superbes copies), comme Le Bernin. Chez eux, le conflit entre chair et esprit est admirablement résolu. Il serait difficile d’imaginer une présence au physique plus réconfortant que la figure berninesque de la Charité sur le tombeau d’Urbain VIII. Et dans son tableau d’un sujet fort peu protestant, Les pécheurs sauvés par la pénitence, Rubens a atteint une noble sensualité, en parfaite harmonie avec une foi de charbonnier, que ce soit dans la Madeleine repentante ou même dans la figure du Christ.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2010  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 149


L’opéra, après l’architecture gothique, est une des inventions les plus étranges de l’homme occidental. Quel processus logique aurait-il pu l’annoncer ?

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 189


L’opéra avait bien sur était inventé au XVIIe siècle et transmué en art par le génie prophétique de Monteverdi ; il était venu du nord de l’Italie catholique pour s’épanouir dans les capitales catholiques – Vienne, Munich et Prague. Les protestants indignés aimaient dire que les églises rococo avaient l’air d’opéras ; assurément, sauf que c’était l’inverse.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 190


Pour une raison mystérieuse, si la civilisation bénéficie d’une relative superfluité de richesse, pléthore de richesse la détruit. Peut-être faut-il penser que le faste finit par éradiquer l’humanité alors qu’un certain sens des limites est la condition de ce que l’on appelle le goût.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 199


J’ai dit au début que c’est le manque de confiance, plus que tout autre chose, qui tue une civilisation. Nous pouvons nous détruire par cynisme et désillusion aussi efficacement que par des bombes. Il y a un demi-siècle, W. B. Yeats, qui tenait plus de l’homme de génie que toute autre de mes connaissances, écrivit un célèbre poème prophétique.

Tout se disloque, le centre ne tient plus ;
L’anarchie pure est lâchée dans le monde,
La marée rouge sang est lâchée et partout
Noyée la cérémonie de l’innocence ;
Les meilleurs manquent de toute conviction, mais les pires
Sont pleins d’intensité passionnée.

  • Civilisation, un point de vue personnel (1969), Kenneth Clark (trad. Guillaume Villeneuve), éd. éditions NEVICATA, 2021  (ISBN 978-2-87523-167-3), p. 275


Léonard de Vinci[modifier]

Léonard chercha en tant qu’artiste à accroître sa connaissance du monde physique par l’observation, la comparaison, l’analyse. Il a, certes, à un moment donné, consigné ses recherches dans des notes et des diagrammes, et non dans des dessins ou des peintures, mais ces deux formes d’expression sont finalement inséparables et elles ont réagi l’une sur l’autre a chacune des phases de son existence.
  • Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : an account of his development as an artist] (1939), Kenneth Clark (trad. Eleonor Levieux et Françoise-Marie Rosset), éd. Librairie générale française, coll. « Livre de poche », 2005  (ISBN 9782253114413), chap. Introduction, p. 14


Di mi se mai fu fatta alcuna cosa - a-t-on jamais fini, je vous le demande, quoi que ce soit - c’était la phrase qui coulait de la plume de Léonard à chaque pause de sa pensée. Di mi se mai, di mi se mai, nous trouvons cette phrase dix fois, cent fois, sur des feuilles de dessins, parmi des gribouillages et des formules de mathématiques, avec les calculs les plus compliqués, à tel point qu’elle devient une sorte de refrain, et le symptôme de son désarroi.
  • Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : an account of his development as an artist] (1939), Kenneth Clark (trad. Eleonor Levieux et Françoise-Marie Rosset), éd. Librairie générale française, coll. « Livre de poche », 2005  (ISBN 9782253114413), chap. IX. 1513-1519, p. 341-342


Léonard de Vinci est l’Hamlet de l’histoire de l’art, que chacun de nous doit recréer pour son propre compte.
  • Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : an account of his development as an artist] (1939), Kenneth Clark (trad. Eleonor Levieux et Françoise-Marie Rosset), éd. Librairie générale française, coll. « Livre de poche », 2005  (ISBN 9782253114413), chap. IX. 1513-1519, p. 371


Citations rapportées[modifier]

Citations sur[modifier]

En 1938, à Londres, l’historien de l’art britannique Kenneth Clark publiait un ouvrage intitulé Cent Détails provenant des peintures de la National Gallery […], un second volume paraît en 1941 : Quelques Détails de plus. L’idée de Kenneth Clark était aussi simple qu’efficace : […] ses livres sont conçus pour le plaisir de l’œil. Les détails sont choisis pour leur beauté intrinsèque et ils reflètent le goût de celui qui les a sélectionnés. Les notes historiques qui accompagnent chaque détail représentent « le genre de conversation que deux amateurs de peinture pourraient avoir » en parcourant le musée.
  • Le détail : pour une histoire rapprochée de la peinture (1992), Daniel Arasse, éd. Flammarion, 2008  (ISBN 9782081217409), chap. Préface, questions, p. 7


Voir aussi[modifier]

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