Sophocle

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Buste de Sophocle. Moulage d'un buste de la collection Farnèse (à présent à Naples) au Musée Poushkine de Moscou.

Sophocle, né à Colone en 495 av. J.-C. et mort en 406 av. J.-C., est l'un des trois grands poètes tragiques de la Grèce classique, avec Eschyle et Euripide. Sur plus de cent vingt pièces, seules sept d'entre elles nous sont parvenues.

Ajax[modifier]

Ajax. — Honte à l’homme qui désire longue vie, s’il ne peut plus rien pour donner le change à ses misères. Quelle joie y a-t-il en un délai jour après jour, par où la mort gagne en instance ce qu’elle perd en distance ? Je ne saurais faire le moindre cas d’un mortel qui se laisse dorloter d’espérances creuses. Non : éclatante vie ou éclatante mort, au preux c’est le seul choix qui s’offre : tout est dit.


Antigone[modifier]

L'actrice italienne Rita Salonia dans le rôle d'Antigone à Oderzo (Italie) en 2011.
Je n'aime pas les gens qui se montrent des « proches » en paroles seulement.
  • (grc)

    λόγοις δ᾽ ἐγὼ φιλοῦσαν οὐ στέργω φίλην.

  • Antigone réprouvant la lâcheté d'Ismène.
  • (grc) Tragédies, Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1973, p. 103, vers 543


Il n’est pas pour les mortels d’usage plus funeste que l’usage de l’argent ; c’est lui qui ruine les cités, qui chasse les maris de leurs maisons ; c’est lui qui pervertit les cœurs honnêtes, et leur enseigne le goût des choses honteuses.


Va, ne laisse pas régner seule en ton âme l'idée que la vérité, c'est ce que tu dis, et rien d'autre. Les gens qui s'imaginent être seuls raisonnables et posséder des idées ou des mots inconnus à tout autre, ces gens-là, ouvre-les : tu ne trouveras en eux que le vide. Pour un homme, pour un sage même, sans cesse s'instruire n'a rien de honteux. Et pas davantage cesser de s'obstiner.
  • (grc)

    Μή νυν ἓν ἦθος μοῦνον ἐν σαυτῷ φόρει,
    ὡς φῂς σύ, κοὐδὲν ἄλλο, τοῦτ’ ὀρθῶς ἔχειν·
    ὅστις γὰρ αὐτὸς ἢ φρονεῖν μόνος δοκεῖ,
    ἢ γλῶσσαν ἣν οὐκ ἄλλος ἢ ψυχὴν ἔχειν,
    οὗτοι διαπτυχθέντες ὤφθησαν κενοί.
    Ἀλλ’ ἄνδρα, κεἴ τις ᾖ σοφός, τὸ μανθάνειν
    πόλλ’ αἰσχρὸν οὐδὲν καὶ τὸ μὴ τείνειν ἄγαν.

  • Hémon essayant de fléchir Créon.
  • (grc) Tragédies, Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1973, p. 108, vers 705-711


Laisse-moi braver ce que j’ose, car, certes, quelque destinée cruelle que je subisse, je mourrai glorieusement.
  • Antigone déclare à sa sœur qu'elle ne craint pas de braver une loi qu'elle juge injuste, même en sachant qu'elle en mourra.


Je ne te demande plus rien ; non, même si tu le voulais maintenant, tu ne me ferais pas plaisir en m'aidant. Soit donc ce qu'il te plaît ; moi je l'ensevelirai. Il me sera beau de mourir dans cette action. Moi, sa sœur, je reposerai près de lui, la sœur près du frère, et devenue saintement criminelle. Car le temps est plus long où je dois plaire aux habitants des enfers plutôt qu'aux hommes. Là, en effet, je reposerai éternellement. Toi, si tu le veux, méprise ce que les dieux honorent.

  • Prologue, Antigone s'adressant à sa sœur, Ismène


Ce n'était ni Zeus ni la Justice, compagne des dieux infernaux, qui avaient publié une pareille loi. Et je ne pensais pas que les décrets eussent assez de force pour que les lois non écrites, mais immuables, émanées des dieux, dussent céder à un mortel. Car elles ne sont ni d'aujourd'hui, ni d'hier ; elles sont éternelles et personne ne sait quand elles ont pris naissance.

  • Second épisode, Antigone à Créon


Le plus haut bien pour l'homme est la vertu sereine ;
Qui méconnaît ses lois appelle les malheurs.
L'audacieux mortel que son orgueil entraîne
À braver dans les dieux leur force souveraine,
S'il prétend l'ignorer, l'apprendra par les pleurs.

  • Exode, le chœur


Œdipe roi[modifier]

Représentation d'Oedipe roi au Festival de théâtre gréco-latin de Lugo, en Espagne, en 2011.

Œdipe : Et quelle détresse pouvait donc bien vous empêcher, quand un trône venait de crouler, d'éclaircir un pareil mystère ?
Créon : La Sphinx aux chants perfides, qui nous forçait à laisser là ce qui nous échappait, afin de regarder en face le péril placé sous nos yeux.

  • (grc)

    Οἰδίπους : κακὸν δὲ ποῖον ἐμποδών, τυραννίδος
    οὕτω πεσούσης, εἶργε τοῦτ᾽ ἐξειδέναι;
    Κρέων : ἡ ποικιλῳδὸς Σφὶγξ τὸ πρὸς ποσὶν σκοπεῖν
    μεθέντας ἡμᾶς τἀφανῆ προσήγετο.

  • (grc) Œdipe roi, Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 1998, p. 13, vers 128-131


Hélas ! Hélas ! qu'il est terrible de savoir, quand le savoir ne sert de rien à celui qui le possède !
  • (grc)

    Φεῦ φεῦ, φρονεῖν ὡς δεινὸν ἔνθα μὴ τέλη (316)
    λύῃ φρονοῦντι

  • Tirésias n'osant pas révéler à Œdipe la vérité sur la mort de Laïos.
  • (grc) Œdipe roi, Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 1998, p. 25, vers 316-319


La démesure enfante le tyran.
  • (grc)

    Ὕβρις φυτεύει τύραννον·

  • Le Chœur
  • (grc) Œdipe roi, Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 1998, p. 66-67, vers 873


Ah ! puisses-tu jamais n'apprendre qui tu es !
  • (grc)

     Ὦ δύσποτμ’, εἴθε μήποτε γνοίης ὃς εἶ.

  • Jocaste à Œdipe
  • (grc) Œdipe roi, Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 1998, p. 80-81, vers 1068


LE CHŒUR. - Regardez, habitants de Thèbes, ma patrie. Le voilà, cet Œdipe, cet expert en énigmes fameuses, qui était devenu le premier des humains. Personne dans sa ville ne pouvait contempler son destin sans envie. Aujourd'hui, dans quel flot d'effrayante misère est-il précipité ! C'est donc ce dernier jour qu'il faut, pour un mortel, toujours considérer. Gardons-nous d'appeler jamais un homme heureux, avant qu'il ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin.
  • (grc)

    Ὦ πάτρας Θήβης ἔνοικοι, λεύσσετ’, Οἰδίπους ὅδε,
    ὃς τὰ κλείν’ αἰνίγματ’ ᾔδει καὶ κράτιστος ἦν ἀνήρ,
    οὗ τίς οὐ ζήλῳ πολιτῶν ἦν τύχαις ἐπιβλέπων,
    εἰς ὅσον κλύδωνα δεινῆς συμφορᾶς ἐλήλυθεν,
    ὥστε θνητὸν ὄντ’ ἐκείνην τὴν τελευταίαν ἰδεῖν
    ἡμέραν ἐπισκοποῦντα μηδέν’ ὀλβίζειν, πρὶν ἂν
    τέρμα τοῦ βίου περάσῃ μηδὲν ἀλγεινὸν παθών.

  • Derniers vers de la pièce.
  • (grc) Œdipe roi, Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 1998, p. 80-81, vers 1523-1530


Philoctète[modifier]

Malgré tout, prince, j'aimerais mieux encore échouer pour avoir agi loyalement que triompher par une vilenie.
  • (grc)

    βούλομαι δ’, ἄναξ, καλῶς
    δρῶν ἐξαμαρτεῖν μᾶλλον ἢ νικᾶν κακῶς

  • Néoptolème, à Ulysse.
  • (grc) Tragédies, tome III (Philoctète ; Œdipe à Colone), Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1960, p. 13, vers 94-95


Tout un État est dans ses chefs, et une armée de même. Les gens qui se conduisent mal doivent aux leçons de leurs maîtres d'être devenus des méchants.
  • (grc)

    πόλις γὰρ ἔστι πᾶσα τῶν ἡγουμένων
    στρατός τε σύμπας, οἱ δ’ ἀκοσμοῦντες βροτῶν
    διδασκάλων λόγοισι γίγνονται κακοί.

  • Philoctète (parlant d'Ulysse et des Atrides).
  • (grc) Tragédies, tome III (Philoctète ; Œdipe à Colone), Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1960, p. 24, vers 386-388


L'homme qui sait rendre bienfait pour bienfait est un genre d'ami qui vaut tous les trésors.
  • (grc)

    ὅστις γὰρ εὖ δρᾶν εὖ παθὼν ἐπίσταται,
           παντὸς γένοιτ’ ἂν κτήματος κρείσσων φίλος.

  • Néoptolème, à Philoctète.
  • (grc) Tragédies, tome III (Philoctète ; Œdipe à Colone), Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1960, p. 34, vers 672-673


Chaque fois que l'on a besoin de telle ou telle espèce d'hommes, je suis de l'espèce qu'il faut ; et si l'on a quelque jour à choisir parmi des justes et des probes, tu ne découvriras personne de plus scrupuleux que moi. Néanmoins je suis ainsi fait que j'entends l'emporter toujours.
  • (grc)

    Οὗ γὰρ τοιούτων δεῖ, τοιοῦτός εἰμ’ ἐγώ·
    χὤπου δικαίων κἀγαθῶν ἀνδρῶν κρίσις,
    οὐκ ἂν λάβοις μου μᾶλλον οὐδέν’ εὐσεβῆ.
    Νικᾶν γε μέντοι πανταχοῦ χρῄζων ἔφυν

  • Ulysse.
  • (grc) Tragédies, tome III (Philoctète ; Œdipe à Colone), Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1960, p. 49, vers 1049-1051


Avec le droit pour moi, je n'ai pas peur de ton armée.
  • (grc)

     Ξὺν τῷ δικαίῳ τὸν σὸν οὐ ταρβῶ <στρατόν>.

  • Néoptolème, à Ulysse.
  • (grc) Tragédies, tome III (Philoctète ; Œdipe à Colone), Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1960, p. 57, vers 1251


Mon cher, apprends de tes malheurs à ne pas trop faire le fier.
  • (grc)

    Ὦ τᾶν, διδάσκου μὴ θρασύνεσθαι κακοῖς.

  • Néoptolème, à Philoctète.
  • (grc) Tragédies, tome III (Philoctète ; Œdipe à Colone), Sophocle (trad. Paul Mazon), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1960, p. 62, vers 1387


À propos de Sophocle[modifier]

Sophocle accusé par ses fils, tableau d'Ernest Michel, 1860.

Aristote[modifier]

Eschyle le premier porta de un à deux le nombre des acteurs, diminua l'importance du chœur et donna le premier rôle au dialogue ; Sophocle porta le nombre des acteurs à trois et fit peindre la scène. De plus la tragédie prit de l'étendue, abandonnant les fables courtes et le langage plaisant qu'elle devait à son origine satyrique, et elle acquit sur le tard de la majesté.
  • Poétique (IVe siècle avant J.-C.), Aristote (trad. J. Hardy), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1996 (Les Belles Lettres 1990)  (ISBN 2-07-074368-3), 1449a, p. 84


Sophocle […] déclara faire lui-même les hommes tels qu'ils doivent être tandis qu'Euripide les faisait tels qu'ils sont.
  • Citation que Jean de La Bruyère a paraphrasée et adaptée dans ses Caractères : « Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres ; celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu’ils sont. »
  • Poétique, Aristote (trad. Michel Magnien), éd. Librairie générale française, coll. « Le Livre de poche / Classiques », 1990  (ISBN 978-2-253-05241--8), chap. XXV, 1460 b 33-34, p. 128


Nicolas Boileau[modifier]

Sophocle enfin, donnant l’essor à son génie,
Accrut encor la pompe, augmenta l’harmonie,
Intéressa le chœur dans toute l’action,
Des vers trop raboteux polit l’expression,
Lui donna chez les Grecs cette hauteur divine
Où jamais n’atteignit la faiblesse latine.


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