Celui qui dit qu'un homme a le droit de s'opposer à la Loi, dit que la volonté d'un seul est au-dessus de la volonté de tous. Il dit que la nation n'est rien, et qu'un seul homme est tout. S'il ajoute que ce droit appartient à celui qui est revêtu du pouvoir exécutif, il dit que l'homme établi par la Nation, pour faire exécuter les volontés de la Nation, a le droit de contrarier et d'enchaîner les volontés de la Nation ; il a créé un monstre inconcevable en morale et en politique, et ce monstre n'est autre chose que le veto royal.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 87
Si nous ne nous réveillons, c'en est fait de la liberté. On vient de vous demander des soldats et du pain, et pourquoi ? C'est pour repousser le peuple dans ces moments où les passions des grands cherchent à faire avorter la révolution actuelle. Ceux qui veulent l'exciter ont prévu qu'ils en feraient usage contre vous ; ils ont prévu que les émotions populaires seraient un moyen propre à vous demander des lois qui pourraient opprimer le peuple et la liberté ; quand le peuple meurt de faim, il s'attroupe, il faut donc remonter à la cause des émeutes pour les apaiser.
Tous les citoyens quels qu'ils soient ont le droit de prétendre à tous les degrés de représentation. Rien n'est plus conforme à votre Déclaration des Droits, devant laquelle tout privilège, toute distinction, toute exception doivent disparaître. La constitution établit que la souveraineté réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple.
On vous a dit sur les Juifs des choses infiniment exagérées et souvent contraires à l'histoire. Comment peut-on leur opposer les persécutions dont ils ont été les victimes chez différents peuples ? Ce sont au contraire des crimes nationaux que nous devons expier, en leur rendant les droits imprescriptibles de l'homme dont aucune puissance humaine ne pouvait les dépouiller. On leur impute encore des vices, des préjugés, l'esprit de secte et d'intérêt les exagèrent. Mais à qui pouvons-nous les imputer si ce n'est à nos propres injustices ? Après les avoir exclus de tous les honneurs, même des droits à l'estime publique, nous ne leur avons laissé que les objets de spéculation lucrative. Rendons-les au bonheur, à la patrie, à la vertu, en leur rendant la dignité d'hommes et de citoyens ; songeons qu'il ne peut jamais être politique, quoiqu'on puisse dire, de condamner à l'avilissement et à l'oppression, une multitude d'hommes qui vivent au milieu de nous.
Être juif dans la société française du Moyen-Âge à nos jours, Béatrice Philippe, éd. Complexe, 1997, p. 143
Je ne crois pas que vous ayez besoin d'une loi au sujet des comédiens. Ceux qui ne sont pas exclus sont appelés. Il était bon cependant qu'un membre de cette assemblée vînt réclamer en faveur d'une classe trop longtemps opprimée. Les comédiens mériteront davantage l'estime publique quand un absurde préjugé ne s'opposera plus à ce qu'ils l'obtiennent : alors les vertus des individus contribueront à épurer les spectacles, et les théâtres deviendront des écoles publiques de principes, de bonnes mœurs et de patriotisme.
Robespierre : entre vertu et terreur, Slavoj Zizek, éd. Stock, 2008, p. 83-84.
Sur le droit de résistance à l'oppression, invoqué en faveur d'une émeute ouvrière à Toulon, 16janvier1790
S'il est des insurrections justes et généreuses, celle où le peuple repousse la force par la force est sans contredit de ce nombre, et si vous condamniez son énergie en de pareilles circonstances, vous seriez ses premiers oppresseurs.
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 33-34
La loi est-elle l'expression de la volonté générale lorsque le plus grand nombre de ceux pour qui elle est faite ne peuvent concourir, en aucune manière, à sa formation ? Non.
Devons-nous déshonorer le patriotisme en l'appelant séditieux et turbulent et honorer l'esclavage par le nom d'amour de l'ordre et de la paix ?... Ne souffrons pas que des soldats armés aillent opprimer de bon citoyens. Ne mettons pas le sort de la révolution entre les mains des chefs militaires.
Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789-1795-1802, Florence Gauthier, éd. PUF/pratiques théoriques, 1992, p. 60
Discours de Robespierre sur les droits à la liberté du peuple corse, prononcé à la société des Amis de la Constitution, 26avril1790
Le jour où la Société des Amis de la Constitution reçoit les députés du peuple corse est pour elle un jour de fête. Déjà messieurs elle vous avait exprimé ses sentiments quand, pour admettre dans son sein M. Paoli, elle suspendit les règles ordinaires qu'elle s'est prescrites. C'est un hommage qu'elle a rendu à la liberté dans la personne de l'un de ses plus illustres défenseurs.
Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789-1795-1802, Florence Gauthier, éd. PUF/pratiques théoriques, 1992, p. 159
Discours de Robespierre sur le droit de guerre accordé au roi, 15mai1790
Si vous décidez de cette question, conformément aux prétentions de la cour, vous devez craindre qu'une guerre étrangère ne soit une machination formée par les cours ou par les cabinets ministériels contre les nations, dans le moment où la nôtre a reconquis sa liberté, et où les autres sont peut-être déjà tentées d'imiter ce grand exemple.
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 39
Discours de Robespierre sur le plan de constitution du clergé, 31mai1790
Je me bornerai à rappeler en deux mots les maximes évidentes qui justifient le plan du comité. Ce plan ne fait autre chose que consacrer les lois sociales qui établissent les rapports des ministres du culte avec la société. Les prêtres, dans l'ordre social, sont de véritables magistrats destinés au maintien et au service du culte. De ces notions simples dérivent tous les principes.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 142
Contre la motion de Mirabeau de déclarer le prince de Condé traître à la patrie, 28juillet1790
S'il fallait un exemple exclusif, faudrait-il tomber sur un homme qui, attaché par toutes les relations possibles aux abus en tout genre, n'a pas goûté nos principes ? Pourquoi jeter sur un ci-devant Prince, plutôt que sur d'autres plus coupables, puisqu'ils ont des raisons de s'attacher à la Constitution, puisque par leur état ils doivent accélérer le cours de la Révolution ?
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 41
Discours de Robespierre sur les droits du peuple avignonnais, 18novembre1790
Qui n'a pas été indigné d'entendre sans cesse réclamer les droits, la propriété du pape ? Juste ciel ! les peuples, la propriété d'un homme ! Et c'est dans la tribune de l'Assemblée nationale de France que ce blasphème a été prononcé.
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 44
Discours de Robespierre sur l'organisation des gardes nationales limitée aux citoyens actifs, prononcé au club des Jacobins, 5décembre1790
Quoi que vous puissiez faire, les gardes nationales ne seront jamais ce qu'elles doivent être, si elles sont une classe de citoyens, une portion quelconque de la nation, quelque considérable que vous la supposiez.
Les gardes nationales ne peuvent être que la nation entière armée pour défendre, au besoin ses droits ; il faut que tous les citoyens en âge de porter les armes y soient admis sans aucune distinction. Sans cela loin d'être les appuis de la liberté, elles en seront le fléau nécessaire.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 91
Ces gardes nationales porteront sur leur poitrine et sur leur drapeau ces mots : "Le peuple français. Liberté égalité fraternité".
Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789-1795-1802, Florence Gauthier, éd. PUF/pratiques théoriques, 1992, p. 129
Intervention de Robespierre contre la motion d'ordre de Moreau de Saint-Méry, député de la Martinique, tendant à créer un comité chargé de contrôler les décisions coloniales de l'assemblée, 11janvier1791
La motion n’est rien moins qu’une motion d’ordre. Elle tend à gêner la liberté qu’a l’Assemblée de décréter, et chaque membre de proposer ce qui sera utile aux colonies. C’est tout soumettre au Comité colonial. Je demande la question préalable.
Le Moniteur Universel, Charles Joseph Panckoucke, éd. H. Agasse, 1791, t. VII, p. 99
Discours de Robespierre contre la loi censitaire sur l'organisation des jurys, prononcé au club des Jacobins, 20janvier1791
Attachons-nous donc au bonheur de la chose au principe de toute bonne constitution judiciaire et de l'institution des jurés.
Son caractère essentiel c'est que les citoyens soient jugés par leurs pairs : que les citoyens soient jugés avec plus de justice et d'impartialité ; que leurs droits soient à l'abri des coups du despotisme judiciaire. Comparons d'abord avec ces principes le système des comités. C'est pour avoir de véritables jurés que je vais vous prouver qu'ils ne nous en présentent que le masque et le fantôme.
Dans l'étendue d'un département, deux cents citoyens seront pris, seulement, parmi ceux qui paient la contribution exigée pour être éligibles aux places administratives. Ces deux cents éligibles seront choisis par le procureur-général syndic de l'administration du département ; sur ces deux-cents, douze seront tirés au sort ; ce sont ces douze qui, sous le titre de jurés de jugement, décideront si le crime a été commis, si l'accusé est coupable.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 145
Sur la nécessité des condamnations par les jurés à l'unanimité, 2février1791
Les jurés, les juges qui prononcent sur le sort d'un accusé représentent la société entière(...) Alors je crois que le vœu raisonnable et juste de la société est au moins que les opinions de ce petit nombre d'hommes concourent toutes à la condamnation de l'accusé. En effet, messieurs, dans l'ordre que la société détermine pour les jugemens criminels, elle exige le plus haut degré de certitude morale possible pour asseoir la condamnation : et toutes les fois que le très petit nombre de juges destinés pour prononcer sur le sort des accusés, n'est point unanime, alors le plus grand degré de certitude morale où vous voulez parvenir est bien loin d'être acquis ; au contraire, je conclus de ce qu'un de ces juges seroit d'un avis différent, qu'il en résulteroit une présomption considérable, qu'il manque quelque chose à la preuve du crime (...) il y a une très grande présomption morale que la preuve n'est pas assez claire, et que l'on s'exposeroit à sacrifier l'innocence en voulant punir le crime.
Oeuvres de Robespierre, tome 7 janvier-septembre 1791, Marc Bouloiseau, George Lefebvre, Albert Soboul, éd. Presses Universitaires de France, 1950, p. 46-47
Intervention en faveur du secret indivisible des correspondances 28février1791
Il serait d'un bien dangereux exemple que sous le prétexte d'un envoi qui a pour objet des écrits aristocratiques, ou anti-patriotiques, comme on voudra' les nommer, on se permette de violer le secret des lettres; et certainement si l'on arrête à la poste des écrits aristocratiques, il n'y a aucune raison pour n'y pas arrêter des écrits patriotiques. Je demande que les paquets soient renvoyés au dépôt qui les a reçus.
Oeuvres de Robespierre, tome 7 janvier-septembre 1791, Marc Bouoiseau, George Lefebvre, Albert Soboul, éd. Presses Universitaires de France, 1950, p. 85
Discours de Robespierre contre l'inégalité dans le partage des successions 5avril1791
Législateurs, vous n'avez rien fait pour la liberté, si vos loix ne tendent à diminuer, par des moyens doux et efficaces, l'extrême inégalité des fortunes. La loi qui va le plus directement à ce but est celle qui établit l'égalité des partages ; vous l'avez jugée nécessaire ; permettrez-vous à la volonté de l'homme de l'anéantir ou de l'éluder ? Eh! quel seroit le motif de cette funeste contradiction ? La propriété de l'homme s'étend-elle au delà de sa vie ? (...) Non : calculez les effet ? de la faiblesse humaine et les circonstances où se trouve ordinairement l'homme qui fait son testament (...) Comme il envisage toujours la fin de son existence dans une perspective infiniment éloignée; comme l'idée des volontés dernières se lie à celle de sa destruction, il recule ordinairement cet acte important, au moment où son esprit est affaibli par l'âge, ou absorbé par la maladie ; dans tous les temps, la cupidité l'assiège ; elle le poursuit jusque sur son lit de mort sous le masque de l'amitié.
Oeuvres de Robespierre tome 7, janvier-septembre 1791, Marc Bouloiseau, George Lefebvre, Albert Soboul, éd. Presses Universitaires de France, 1950, p. 182
Je dirai qu'il n'y a de sacré dans la puissance paternelle que l'autorité qui lui est confiée ; que cette autorité est bornée par la nature aux besoins de ceux pour qui elle est instituée, et non pas pour l'utilité personnelle des premiers protecteurs de l'enfance. Je dirai que le législateur viole la nature lorsqu'il franchit ces bornes sacrées, lorsque, par le plus absurde de tous les systèmes, il prolonge inutilement l'enfance de l'homme, et le ravit et à lui même et à la patrie... Je conclus de tout ce que je viens de dire que l'égalité des successions ne peut être dérangée par les dispositions de l'homme ; mais je n'en conclus pas que la faculté de tester doive être entièrement anéantie. Je crois que le citoyen peut être le maître de disposer d'une partie de sa fortune, pourvu qu'il ne dérange pas ce principe d'égalité envers ses héritiers.
Oeuvres tome 7, janvier-septembre 1791, Robespierre, éd. Presses Universitaires de France, 1950, p. 188
Discours de Robespierre contre le droit censitaire de pétition prononcé à l'assemblée constituante, 9mai1791
Eh messieurs, le droit de pétition ne devrait-il pas être assuré d'une manière particulière aux citoyens non actifs ? Plus un homme est faible et malheureux, plus il a de besoin, plus les prières lui sont nécessaires. Eh ! vous refuseriez d'accueillir les pétitions qui vous seraient présentées par la classe la plus pauvre des citoyens !
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 107
Intervention à l'Assemblée constituante en faveur les droits des hommes de couleur libres,12mai1791
Vous avez donné la qualité de citoyen actif à tout homme qui paie la contribution de trois journées de travail ; et comme la couleur n'y fait rien, tous les gens de couleur qui paient trois journées de travail sont par ce décret reconnus citoyens actifs.
Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789-1795-1802, Florence Gauthier, éd. PUF/pratiques théoriques, 1992, p. 180
Intervention à l'Assemblée constituante sur la constitutionnalisation du statu quo colonial, proposé par Moreau de Saint-Méry, comme de l'esclavage seul, défendu par Barère, 13mai1791
C'est un grand intérêt que la conservation de vos colonies ; mais cet intérêt même est relatif à votre Constitution ; et l'intérêt suprême de la nation et des colonies elles-mêmes est que vous conserviez votre liberté et que vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de cette liberté. Eh ! périssent vos colonies, si vous les conservez à ce prix. Oui, s'il fallait ou perdre vos colonies, ou leur sacrifier votre bonheur, votre gloire, votre liberté, je le répète : périssent vos colonies !
Journal des États généraux, M. Le Hodey, éd. M. Le Hodey, 1791, t. 25, p. 484
Discours de Robespierre contre la constitutionnalisation du statu quo colonial et de l'esclavage, prononcé au club des Jacobins, 13mai1791
On vous parle de l'initiative : est-ce donc un sénat aristocratique de colons que nous avons à consulter ? est-ce un cabinet ministériel ami de l'esclavage ? non c'est l'intérêt suprême de la nation, celui des représentants d'un peuple dont la toute puissance n'est que l'opinion et les principes.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. VII : Discours (2e partie) janvier-septembre 1791, p. 366
Contre l'amendement Rewbell excluant les hommes des couleur libres qui ne sont pas nés de père et mère libres,15mai1791
Je sens que je suis ici pour défendre les droits des hommes de couleur en Amérique, dans toute leur étendue ; qu'il ne m'est pas permis, que je ne puis pas sans m'exposer à un remords cruel, sacrifier une partie de ces hommes-là à une portion de ces mêmes hommes.
Or je reconnais les mêmes droits à tous les hommes libres de quelque père qu'ils soient nés, et je conclus qu'il faut admettre le principe dans son entier. Je crois que chaque membre de cette assemblée s'aperçoit qu'il en a déjà trop fait en consacrant constitutionnellement l'esclavage sur les colonies.
Toussaint Louverture ; la Révolution française et le problème colonial (1961), Aimé Césaire, éd. Présence Africaine, 1981, p. 125-126
Pour nous hors de l'assemblée législative, nous servirons mieux notre pays qu'en restant dans son sein. Nous éclairerons ceux de nos concitoyens qui ont besoin de lumières, nous propagerons partout l'esprit public, l'amour de la paix, de l'ordre, des lois et de la liberté.
Gardez-vous bien de confondre l'efficacité des peines avec l'excès de la sévérité ; l'une est absolument opposée à l'autre.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 148
Il faut croire que le peuple doux, sensible, généreux, qui habite la France et dont toutes les vertus vont être développées par le régime de la liberté traitera avec humanité les coupables, et convenir que l'expérience et la sagesse vous permettent de consacrer les principes sur lesquels s'appuie la motion que je fais que la peine de mort soit abolie.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris, Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 149
Vous voulez dites-vous, prendre des mesures pour assurer le maintien de votre constitution. N'est-il pas trop ridicule de mettre au nombre de ces mesures, celles de confier vos troupes aux ennemis de la constitution ? Les despotes en agissent-ils ainsi ? Confient-ils à des gens dont il ne sont pas sûrs, la garde de leurs places, la défense de leurs frontières ...Je le dis avec franchise, peut-être même avec rudesse ; quiconque ne veut pas, ne conseille pas le licenciement, est un traître.
« Robespierre et la guerre, une question posée dès 1789 ? », Thibaut Poirot, Annales Historiques de la Révolution française, 1er trimestre 2013, p. 123 (115-135)
Discours prononcé au club des Jacobins sur la fuite du roi à Varennes, 21juin1791
Ici j'ai besoin qu'on m'entende jusqu'au bout ; ce qui m'épouvante encore une fois, c'est précisément cela même qui me paraît rassurer tous les autres. C'est que depuis ce matin tout le monde est réuni. Tous ont le même visage, et pourtant il est clair qu'un roi qui avait 40 millions de rentes, qui disposait encore de toutes les places, qui avait encore la plus belle couronne de l'univers et la mieux affermie sur sa tête, n'a pu renoncer à tant d'avantages sans être sûr de le recouvrer.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris, Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 119
Le crime légalement impuni est en soi une monstruosité révoltante dans l'ordre social, ou plutôt il est le renversement absolu de l'ordre social, si le crime est commis par le premier fonctionnaire public, par le magistrat suprême. Je ne vois là que deux raisons de plus de sévir : la première que le coupable était lié à la patrie par un devoir plus saint ; la seconde que comme il est armé d'un grand pouvoir, il est bien plus dangereux de ne pas réprimer ses attentats.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791-juillet 1792), p. 84
Est-il vrai que la liberté de la presse consiste uniquement dans la suppression de la censure et de toutes les entraves qui peuvent arrêter l'essor de la liberté ? Je ne le pense pas et vous ne le penserez pas non plus. La liberté de la presse n'existe pas dès lors que l'auteur d'un écrit peut être exposé à des poursuites arbitraires ; et ici il faut saisir une différence bien essentielle entre les actes criminels et ce qu'on a appelé les délits de presse.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris, Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 105
Sur les menaces de révocation des droits politiques des hommes de couleur du décret du 15 mai 1791 par Antoine Barnave, Alexandre et Charles Lameth, 5septembre1791
Les traîtres à la patrie sont ceux qui cherchent à vous faire révoquer votre décret ; et si pour avoir le droit de se faire entendre dans cette assemblée, il faut attaquer les individus, je vous déclare, moi, que j'attaque personnellement M. Barnave et MM. Lameth.
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 72
Sur les droits politiques des hommes de couleur libres révoqués le 24septembre1791
Mais, messieurs, je ne puis m'empêcher de répondre à une certaine observation que l'on vous a présentée pour affaiblir l'intérêt des hommes libres de couleur. Remarquez qu'il n'est pas question de leur accorder leurs droits, de les leur reconnaître, remarquez qu'il est question de les leur arracher après que vous les leur avez reconnus. Et quel est l'homme qui avec quelque sentiment de justice, puisse se porter légèrement à dire à plusieurs milliers d'hommes : nous avions reconnu que vous aviez des droits, nous vous avons regardés comme des citoyens actifs, mais nous allons vous replonger dans la misère et dans l'avilissement; nous allons vous remettre aux pieds de ces maîtres impérieux dont nous vous avions aidés à secouer le joug.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791-juillet 1792), p. 87
Rappelez-vous toutes ces délibérations où, après avoir remporté l'avantage auquel on semblait d'abord borner tous les voeux, on s'en faisait un titre pour en obtenir de nouveaux ; où vous conduisant toujours de récits en récits, d'épisodes en épisodes, de terreurs en terreurs, on gagnait toujours quelque chose sur vos principes et sur l'intérêt national, jusqu'à ce qu'enfin échouant contre un écueil, on s'est bien promis de réparer son naufrage.
Toussaint-Louverture. La Révolution française et le problème colonial (1961), Aimé Césaire, éd. Présence Africaine, 1981, p. 138-139
Mais moi dont la liberté sera l'idole, moi qui ne connaît ni bonheur, ni prospérité, ni moralité pour les hommes sans liberté, ni pour les nations sans les libertés ; je déclare que j’abhorre de pareils systèmes et que je réclame votre justice, l'humanité, la justice et l'intérêt national en faveur des homme libres de couleur.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791-juillet 1792), p. 88
Contre la tentative de l'assemblée de révoquer les droits des sociétés à l'affiliation 29septembre1791
Comment et de quel front enverrez-vous dans les départements une instruction par laquelle vous prétendez persuader aux citoyens qu'il n'est pas permis aux sociétés aux société des Amis de la Constitution, d'avoir des correspondances, d'avoir des affiliations ? Qu'y a-t-il donc d'inconstitutionnel dans une affiliation ? L'affiliation n'est autre chose que la relation d'une société légitime avec une autre société légitime, par laquelle elles conviennent de correspondre entre elles sur les objets de l'intérêt public.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791-juillet 1792), p. 90
La guerre est toujours le premier vœu d'un gouvernement puissant qui veut devenir plus puissant encore.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (1791-1792), p. 88
La cour et le ministère veulent la guerre, et l'exécution du plan qu'ils proposent ; la nation ne refuse point la guerre, si elle est nécessaire pour acheter la liberté ; mais elle veut la liberté et la paix, s'il est possible, et elle repousse tout projet de guerre qui serait proposé pour anéantir la liberté et la Constitution, même sous le prétexte de les défendre. C'est sous ce point de vue que je vais discuter la question.
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 151
Je ne vous dirai pas que c'est pendant la guerre que le ministère achève d'épuiser le peuple et de dissiper les finances, qu'il couvre d'un voile impénétrable ses déprédations et ses fautes ; je vous parlerai de ce qui touche plus directement encore nos intérêts. C'est pendant la guerre que le pouvoir exécutif déploie la plus redoutable énergie et qu'il exerce une espèce de dictature qui ne peut qu'effrayer la liberté naissante ; c'est pendant la guerre que le peuple oublie les délibérations qui intéressent essentiellement ses droits civils et politiques pour ne s'occuper que des évènement extérieurs, qu'il détourne son attention de ses législateurs et de ses magistrats.
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 152
À Rome quand le peuple, fatigué de la tyrannie et de l'orgueil des patriciens, réclamait ses droits par la voix de ses tribuns, le sénat déclarait la guerre ; et le peuple oubliait ses droits et ses injures pour voler sous l'étendard des patriciens, et préparer des pompes triomphales à ses tyrans. Dans des temps postérieurs, César et Pompée faisaient déclarer la guerre pour se mettre à la tête des légions, et revenaient asservir leur patrie avec les soldats qu'elle avait armés.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791-juillet 1792), p. 99
Ce n'est point ainsi que raisonnent ceux qui, impatients d'entreprendre la guerre, semblent la regarder comme la source de tous les biens (...) Aussi croit-on déjà voir le drapeau tricolore planté sur le palais des empereurs, des sultans, des papes et des rois (...) D'autres assurent que nous n'aurons pas plutôt déclaré la guerre, que nous verrons s'écrouler tosu les trônes à la fois. Pour moi qui ne puis m'empêcher de m'apercevoir de la lenteur des progrès de la liberté en France, j'avoue que je ne crois point encore à celle des peuples abrutis et enchaînés par le despotisme.
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 153-154
Eh ! Ne ressemblez-vous pas à un homme qui court incendier la maison de son ennemi, au moment où le feu prend à la sienne ?
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (1791-1792), p. 117
Il ne faut point déclarer la guerre actuellement (dixit). Il faut avant tout faire fabriquer partout des armes, sans relâche ; il faut armer les gardes nationales ; il faut armer le peuple, ne fut-ce que de piques ; il faut prendre des mesures sévères et différentes de celles qu'on a adoptées jusque ici, pour qu'il ne dépende pas des ministres de négliger impunément ce qu'exige la sûreté de l'Etat ; il faut soutenir la dignité du peuple, et défendre ses droits trop négligés. Il faut veiller au fidèle emploi des finances, couvertes encore de ténèbres, au lieu d'achever de les ruiner par une guerre imprudente, à laquelle seul le système de nos assignats serait un obstacle, si on la portait chez les étrangers : il faut punir les ministres coupables, et persister dans la résolution de réprimer les prêtres séditieux.
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 156-157
La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d'un politique est de croire qu'il suffise à un peuple d'entrer à main armée chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n'aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c'est de les repousser comme des ennemis.
Dans des États constitués, comme presque tous les pays d'Europe, il y a trois puissances : le monarque, les aristocrates et le peuple ou plutôt le peuple est nul. S'il arrive une révolution dans ces pays, elle ne peut être que graduelle, elle commence par les nobles, par le clergé, par les riches, et le peuple les soutient lorsque son intérêt s'accorde avec le leur pour résister à la puissance dominante qui est celle du monarque.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791- juillet 1792), p. 131
La guerre est bonne pour les officiers militaires, pour les ambitieux, pour les agioteurs qui spéculent sur ces sortes d'évènements ; elle est bonne pour les ministres dont elle couvre les opérations d'un voile plus épais et presque sacré ; elle est bonne pour la Cour, elle est bonne pour le Pouvoir exécutif dont elle augmente l'autorité, la popularité, l'ascendant ; elle est bonne pour la coalition des nobles, des intrigants, des modérés qui gouvernent la France.
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor / Éditions sociales, 1989, p. 165
C'est surtout alors que le parti modéré, revêtu des livrées du patriotisme dont les chefs sont les artisans de cette trame déploiera toute sa sinistre influence : c'est alors qu'au nom du salut public ils imposeront silence à quiconque oserait élever quelques soupçons sur la conduite, ou sur les intentions ou sur les agents du pouvoir exécutif sur lequel il reposera, des généraux qui seront devenus, comme lui, l'espoir de l'idole de la nation ; si l'un de ces généraux est destiné à remporter quelque succès apparent, qui je crois ne sera pas fort meurtrier pour les émigrants, ni fatal à leurs protecteurs, quel ascendant ne donnera-il pas à son parti ? (...) L'esprit public, une fois corrompu, alors jusqu'où le pouvoir exécutif et les factions qui le serviront ne pourront-ils pas pousser leurs usurpations ?
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor / Éditions sociales, 1989, p. 166-167
D'abord, apprenez que je ne suis point le défenseur du peuple ; jamais je n'ai prétendu à ce titre fastueux ; je suis du peuple, je n'ai jamais été que cela, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque a la prétention d'être quelque chose de plus.
Histoire de Robespierre, Ernest Hamel, éd. Chez l'auteur, 1866, t. 2, p. 64
Deuxième discours sur la guerre, suite, 11janvier1792
Est-il question de savoir si la guerre doit être offensive ou défensive ; si la guerre offensive a plus ou moins d'inconvénients; si la guerre doit être faite dans quinze jours ou dans six mois ? Point du tout ; il s'agit, comme nous l'avons prouvé, de connoitre la trame ourdie par les ennemis intérieurs de notre liberté qui nous suscitent la guerre, et de choisir les moyens les plus propres à les déjouer. Pourquoi jeter un voile sur cet objet essentiel ? Pourquoi n'oser effleurer tant d'ennemis puissants, qu'il faut démasquer et combattre 7 Pourquoi prêcher la confiance lorsqu'elle est impossible ? Je demande aussi la guerre ; mais je dirai à qui et comment il faut la faire.
Oeuvres de Robespierre, Marc Bouloiseau, Albert Soboul, Georges Lefebvre,, éd. PUF, 1954, t. VIII octobre 1791-septembre 1792, p. 97
La violation des principes sur lesquels la liberté repose, la décadence de l'esprit public, sont des calamités plus terribles que la perte d'une bataille, et elles sont le premier fruit du plan ministériel que j'ai combattu. Que peut-on attendre pour l'esprit public d'une guerre commencée sous de tels auspices ? Les victoires mêmes de nos généraux seroient plus funestes que nos défaites mêmes.
Oeuvres de Robespierre, Marc Bouloiseau, Albert Soboul, Georges Lefebvre,, éd. PUF, 1954, t. VIII octobre 1791-septembre 1792, p. 101
Dans l'horrible situation où nous ont conduits le despotisme, la faiblesse, la légèreté et l'intrigue, je ne prends conseil que de mon cœur et de ma conscience (...) Je sais que des patriotes ont blâmé la franchise avec laquelle j'ai présenté le tableau décourageant, à ce qu'ils prétendent, de notre situation. Je ne me dissimule pas la nature de ma faute. La vérité n'a-t-elle pas déjà trop de torts d'être la vérité ? Comment lui pardonner, lorsqu'elle vient, sous des formes austères, en nous enlevant d'agréables erreurs, nous reprocher tacitement l'incrédulité fatale avec laquelle on l'a trop longtemps repoussée ?
Oeuvres de Robespierre, Marc Bouloiseau, Albert Soboul, Georges Lefebvre,, éd. PUF, 1954, t. VIII octobre 1791-septembre 1792, p. 109
Ah que je crains dans une révolution odieuse à la Cour, dans une révolution faite contre la Cour,les victoires des généraux choisis par la Cour ! Quel ascendant ils acquièrent sur l'armée qui a partagé leurs succès et qui attache sa gloire à celle de ses chefs. Quel ascendant ils acquièrent sur la nation, dont toutes les idées ont été tournées vers les exploits guerriers et dont le besoin paraît encore de se faire des idoles !
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791- juillet 1792), p. 145
Quel est le seul moyen d'assurer la liberté si les ennemis intérieurs continuent de tramer la ruine de la nation ? La seule ressource qui nous reste, c'est que la nation, fatiguée par les attentats continuels de la tyrannie, éclairée sur leurs intentions perfides, éveillée, secondée par l'énergie de ses représentants, ressaisisse ses droits et termine ses souffrances ; c'est en un mot l'esprit public. Si ce feu sacré, si cette force secrète existe dans l'âme des Français,la guerre est inutile ; si elle n'existe pas la guerre est un fléau.
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 178
(...) ce sont les âmes qu'il faut remuer ; ce sont les esprits qu'il faut éclairer par des lois dignes d'un peuple libre, propres à le tenir à la hauteur de la liberté ; c'est par de grandes actions et par des discours qui transportent les Français d'un saint enthousiasme et qui les rendent capables des actions les plus sublimes. Que dis-je ? Il suffit de briser les entraves qui enchaînent continuellement les élans du patriotisme et répriment les développements de l'esprit public. Le peuple sera-t-il plus respecté plus libre de suivre les mouvements généreux de son ardeur pour la liberté, parce que les soldats seront séparés de lui ?
Robespierre Ecrits, Claude Mazauric, éd. Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 178
Discours sur les moyens de sauver l'État et la liberté, 10février1792
J'ai toujours pensé qu'il avait manqué deux choses à notre révolution : des écrivains profonds aussi nombreux que ceux que le ministère soudoie, et des hommes riches, assez amis de la liberté pour consacrer une partie de leur fortune à la propagation des lumières et de l'esprit public.
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 95
Sur les deux raisons d'une demande de suppression de l'emploi unique du mot "jacobins", 26février1792
La première, c'est qu'il me semble que c'est maintenant moins que jamais le moment de changer le nom avec lequel nous nous sommes formés, nom qui nous rappelle à jamais le but de notre institution et qui le rappelle également à nos ennemis : je désire donc malgré l'inconvénient de la longueur que nous ne changions jamais dans nos actes publics de correspondance notre nom de société des amis de la constitution, séante aux Jacobins.
La seconde raison qui me fait désirer que nous ne nous en tenions pas au nom de Jacobin seul, c'est d'éviter d'adopter uniquement une dénomination qui fait naître sur-le-champ l'idée de corporation et même de faction, grâces aux calomnies dont nos ennemis ne cessent de nous honorer.
Œuvres de Maximilien de Robespierre, Marc Bouloiseau, Georges Lefebvre, Albert Soboul, éd. Presses Universitaires de France, 1954, t. 8 : Discours (3e partie), octobre 1791-septembre 1792, p. 207
Invocation de la Providence dans son dernier discours jacobin contre la guerre, 26mars1792
La Providence qui veille toujours sur nous mieux que notre propre sagesse, en frappant Léopold, parut déconcerter les projets de nos ennemis. Craignons de lasser la bonté céleste qui, jusqu'ici, s'est obstinée à nous sauver malgré nous.
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 99
Défense de Robespierre, prononcée à la Société des Amis de la Constitution en réponse aux deux discours de Brissot et Guadet, 27avril1792
Gardez-vous de penser que les destinées du peuple soient attachées à quelques hommes ; gardez-vous de redouter le choc des opinions, et les orages des discussions politiques, qui ne sont que les douleurs de l'enfantement de la liberté.
Œuvres de Maximilien Robespierre, avec une notice historique, des notes et des commentaires, Maximilien de Robespierre, Armand Carrel (éd.), éd. Ayer Publishing, 1970, t. 3, p. 279
Réimpression de l'ancien Moniteur: seule histoire authentique et inaltérée de la révolution française depuis la réunion des États-généraux jusqu'au Consulat (mai 1789-novembre 1799), A. Ray, éd. Henri Plon, 1847, t. 14, p. 392
La sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté m'est suspecte.
Réimpression de l'ancien Moniteur: seule histoire authentique et inaltérée de la révolution française depuis la réunion des États-généraux jusqu'au Consulat (mai 1789-novembre 1799), A. Ray, éd. Henri Plon, 1847, t. 14, p. 393
Discours à la Convention nationale sur les subsistances, 2décembre1792
La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là ; la propriété n’a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c’est pour vivre d’abord que l’on a des propriétés. Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes.
Œuvres de Maximilien Robespierre, Marc Bouloiseau, Georges Lefebvre, Jean Dautry, Albert Soboul, éd. Presses Universitaires de France, 1958, t. 9 : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 112
Tout homme n'a pas le droit d'entasser du blé, quand son semblable meurt de faim, tout ce qui est nécessaire à l'existence de la vie des hommes, appartient à la société, son superflu seul est un objet de commerce.
Œuvres de Maximilien de Robespierre, Marc Bouloiseau, Georges Lefebvre, Jean Dautry, Albert Soboul, éd. Presses Universitaires de France, 1958, t. 9 : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 119
Et vous, législateurs, souvenez-vous, que vous n'êtes point les représentants d'une caste privilégiée, mais ceux du peuple français, n'oubliez pas que la source de l'ordre, c'est la justice, que le plus sûr garant de la tranquillité, c'est le bonheur des citoyens, et que les longues convulsions qui déchirent les États ne sont que le combat des préjugés contre les principes, de l'égoïsme contre l'intérêt général, de l'orgueil et des passions des hommes puissants contre les droits et contre les besoins des faibles.
Œuvres de Maximilien de Robespierre, avec une notice historique, des notes et des commentaires, Maximilien de Robespierre, Albert Laponneraye, Armand Carrel (éd.), éd. Chez l'éditeur, 1840, t. 3, p. 42
L'assemblée a été entraînée à son insu loin de la véritable question. Il n'y a point ici de procès à faire ; Louis n'est point un accusé. Vous n'êtes point des juges. Vous êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’État et les représentants de la nation. Vous n'avez pas une sentence à rendre pour ou contre un homme mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 80
Je prononce à regret cette fatale vérité… mais Louis doit mourir parce qu'il faut que la patrie vive.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 80
Discours sur l'appel au peuple dans le jugement de Louis XVI, 28décembre1792
Je suis inflexible pour les oppresseurs, parce que je suis compatissant pour les opprimés ; je ne connais point l'humanité qui égorge les peuples, et qui pardonne aux despotes. Le sentiment qui m'a porté à demander mais en vain, à l'Assemblée Constituante l'abolition de la peine de mort, est le même qui me force aujourd'hui à demander qu'elle soit appliquée au tyran de ma patrie, et à la royauté elle-même dans sa personne.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 228
Ils sont bien vains, bien absurdes, les subterfuges par lesquels on tenterait d'apporter un intervalle entre la condamnation et l’exécution. Vous n'auriez rendu qu'un vain hommage à la liberté, car loin de l'avoir servie, vous la détruiriez vous-même, vous rappelleriez les sentiments de pitié, de pusillanimité ; vous réveilleriez des espérances aussi coupables que funestes.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 238-239
Contre la motion de Basire demandant la peine de mort contre un citoyen qui protégerait l'assassin de Le Pelletier de Saint-Fargeau, 21janvier1793
J'attaque le fond même de la motion; elle est contraire à tous les principes. Quoi, au moment où vous allez effacer de votre code pénal îa peine de mort, vous la décréteriez pour un cas particulier ! Les principes d'éternelle justice s'y opposent. Pourquoi d'ailleurs sortir de la loi, pour venger un représentant du peuple ? Vous ne le feriez pas pour un simple citoyen; et cependant l'assassinat d'un citoyen est égal, aux yeux des lois, à l'assassinat d'un fonctionnaire public. Je demande que les lois existantes soient exécutées contre le meurtrier de notre malheureux collègue, et que sur les propositions que l'on a faites, l'Assemblée passe à l'ordre, du jour.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 255
Pour une. fête funèbre au club des Jacobins à Le Pelletier de Saint-Fargeau, 1erfévrier1793
Je soutiens que l'ordre du jour est d'entendre l'bistorique des honneurs rendus à l'apôtre et à la victime de la liberté. Nous ne sommes point embarrassés de foudroyer la ligue des tyrans étrangers ; ce sont leurs alliés dans l'intérieur de la France qu'il faut réduire... Rien ne serait plus agréable pour eux que de voir traiter avec mépris le martyr de la liberté, dont ils ont vu la pompe funèbre avec désespoir. Je veux faire la guerre aux tyrans et aux prêtres, et rien ne me paraît plus intéressant que la lecture que l'on veut écarte.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 261
Défense au club des jacobins du député et ami, Philibert Simond, missionnaire dans le Mont-Blanc, 1ermars1793
Le citoyen Simond, membre de cette société et commissaire de la Convention dans le département du Mont-Blanc, a éprouvé des tracasseries de la part des nobles, des prêtres et des agents de l'aristocratie ; il m'a envoyé un écrit apologétique de sa conduite (...) Je demande que la société lui écrive qu'il a conservé son estime et sa confiance, et qu'elle invite tous les journalistes patriotes (...) à insérer dans les feuilles qu'ils rédigent l'écrit justificatif du citoyen Simond.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 285
Contre le comité de défense générale et en particulier contre Brissot, 3avril1793
Sauver la liberté !… Mais la liberté peut-elle se sauver, lorsque les amis du roi, lorsque ceux qui ont pleuré la perte du tyran, et qui ont cherché à réveiller le royalisme paraissent nos protecteurs, paraissent les ennemis de Dumouriez, lorsqu’il est évident à mes yeux qu’ils sont ses complices.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 116
Sur la conspiration tramée contre la liberté, 10avril1793
Tous les ambitieux qui ont paru jusqu'ici sur le théâtre de la Révolution ont eu cela de commun qu'ils ont défendu les droits du peuple aussi longtemps qu'ils ont cru en avoir besoin. Tous l'ont regardé comme un stupide troupeau, destiné à être conduit par le plus habile ou par le plus fort. Tous ont regardé les assemblées représentatives comme des corps composés d'hommes ou cupides ou crédules, qu'il fallait corrompre ou tromper pour les faire servir à leurs projets criminels. Tous se sont servis des sociétés populaires contre la cour et, dès le moment où ils eurent fait leur pacte avec elle, où qu'ils l'eurent remplacée, ils ont travaillé à la détruire. Tous ont successivement combattu pour ou contre les Jacobins, selon les temps et les circonstances.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 118
Pour l'exécution des lois sur la libération des prisonniers pour dettes votée le 9 mars 1793 (12 avril 1793)
Il y a un mois que vous avez détruit Tusage inhumain de la contrainte par corps, et ordonné l'élargissement de tous les prisonniers détenus pour dettes, et ces lois salutaires, ces lois de bienfaisance ne sont pas encore exécutées. Je demande qu'enfin les pères de famille soient rendus à leurs femmes, à l^urs enfants; je demande que les représentans du peuple et tous les agents de la République s'intéressent plus vivement à l'infortune du pauvre et qu'il n'y ait pas un si long intervalle entre la création d'une loi et son exécution (...) Il y a un mois que vous avez détruit l'usage inhumain de la contrainte par corps, et ordonné l'élargissement de tous les prisonniers détenus pour dettes, et ces lois salutaires, ces lois de bienfaisance ne sont pas encore exécutées. Je demande qu'enfin les pères de famille soient rendus à leurs femmes, à leurs enfants.
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Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 417
Sur « le devoir de fraternité qui unissent tous les hommes et toutes les nations, et leurs droits à une mutuelle assistance » 24avril1793
art. 4 : Les rois, les aristocrates, les tyrans quels qu'ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers qui est la nature.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 135-136
Discours sur la nouvelle déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 24avril1793
XXIX : Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 468
Discours prononcé à l'assemblée nationale sur le nouveau gouvernement représentatif, 10mai1793
Fuyez la manie ancienne des gouvernements de vouloir trop gouverner ; laissez aux individus, laissez aux familles le droit de faire ce qui ne nuit point à autrui ; laissez aux communes le pouvoir de régler elles-mêmes leurs propres affaires, en tout ce qui ne tient point essentiellement à l'administration générale de la République.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 149
Je vous disais que le peuple doit se reposer sur sa force ; mais quand le peuple est opprimé, quand il ne lui reste plus que lui-même, celui-là serait un lâche qui ne lui dirait pas de se lever. C'est quand toutes les lois sont violées, c'est quand le despotisme est à son comble, c'est quand on foule aux pieds la bonne foi et la pudeur, que le peuple doit s'insurger.
Histoire parlementaire de la révolution française, Philippe-Joseph-Benjamin Buchez, Prosper Charles Roux, éd. Paulin, 1793, t. 27, p. 243
Pour une demande au club des Jacobins de destituer les généraux responsables des défaites en Vendée,12juin1793
J'ai reçu des détails sur les malheurs de la Vendée. J'observe que toutes les fois qu'on nous annonce des évènements de cette nature, on ne connaît qu'une seule mesure, c'est celle d'envoyer d'autres bataillons à la boucherie... J'observe qu'il n'est pas même entré dans la tête de personne de destituer un général dont les trahisons sont évidentes. Courageux et stupides, voilà le caractère qu'ont déployé jusqu'à ce jour les Français. Hypocrisie et adresse, voilà les moyens de nos ennemis. Que doivent faire des hommes chargés de sauver la République ? Ne doivent-ils pas monter à la source du mal, et frapper les conspirateurs ?
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 552
Contre l'injustice du projet d'emprunt forcé, 21juin1793
Ce projet de décret présente de grands inconvénients. D'abord les peines rigoureuses qu'on vous propose contre les propriétaires ressemblent beaucoup au fiscal que nous avons anéanti ; en second lieu, la base de ce projet, est essentiellement vicieuse ; elle repose trop sur les fortunes médiocres, celles des bons citoyens, et ne pèse pas assez sur les riches qui sont plus en état de prêter que les citoyens qui n'ont que peu de choses au-dessus du nécessaire.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 586-587
Discours au club des Jacobins contre l'abbé Jacques Roux chef de file des Enragés, délégué intervenant à la Convention 28juin1793
La Constitution la plus populaire qui ait jamais existé, vient de vous être offerte. Une Assemblée qui fut quelque temps contre-révolutionnaire a fait cette grande œuvre, mais elle avait auparavant subi de grandes altérations, le double miracle de son renouvellement, de son épurement est dû tout entier au foyer de lumière dont le peuple l'avait entouré, et au centre de probité qui existe au sein même de la Convention nationale. On calomnie les Jacobins, les Montagnards, les Cordeliers, les vieux athlètes de la liberté. Un homme couvert du manteau du patriotisme (...) insulte à la majesté de la Convention nationale, sous prétexte que la Constitution ne contient point de lois contre les accapareurs (...) Les hommes qui aiment le peuple sans le dire et qui travaillent sans relâche à son bien-être sans s'en targuer, seront bien étonnés d'entendre dire que leur ouvrage est anti-populaire, et que c'est une aristocratie déguisée.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 601
Intervention au club des Jacobins contre des recherches, des pompes funèbres sur Marat assassiné la veille, ou sa panthéonisation, le 14juillet 1793 a)
Je croyais qu'une séance qui suivait le meurtre d'un des plus zélés défenseurs de la patrie, serait tout entière occupée des moyens de le venger en le servant mieux qu'auparavant. On s'occupe d'hyperboles outrées, de figures ridicules et vides de sens, qui n'apportent point de remède à la chose et empêchent de le trouver. On vous demande par exemple (...) de discuter la fortune de Marat. Eh ! qu'importe à la République la fortune d'un de ses fondateurs ?
On réclame les honneurs du Panthéon. Qui sont ceux qui gisent dans ces lieux ? Excepté Le Peletier, je n y vois pas un homme vertueux. Est-ce à côté de Mirabeau qu'on le placera ? (...) Ce n'est point aujourd'hui qu'il faut dominer au peuple le spectacle d'une pompe funèbre, mais quand enfin victorieux, la République affermie nous permettra de nous occuper de ses défenseurs(...)
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 323-324
Intervention au club des Jacobins contre des recherches, des pompes funèbres sur Marat assassiné la veille, ou sa panthéonisation, le 14juillet 1793 b)
Il faut que les assassins de Marat, de Le Peletier, viennent expier sur la place de la Révolution, le crime atroce dont ils se sont rendus coupables. Il faut que les fauteurs de la tyrannie, que les mandataires infidèles du peuple, ceux qui déploient l'étendart de la révolte, qui sont convaincus d'aiguiser tous les jours les poignards sur sa tête, d'avoir assassiné la patrie et individuellement quelques-uns de ses membres ; il faut, dis-je, que le sang de ces monstres nous réponde et nous venge de celui de nos frères qui coula pour la liberté, et qu'ils versèrent avec tant de barbarie.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. IX : Discours (4e partie) septembre 1792-27 juillet 1793, p. 324
A propos d'une demande d'indemnisation d'attachés à la Liste civile le 5août 1793
Je demande que la Convention vienne au secours de tous les malheureux qui se sont dévoués à la défense de la liberté. Les citoyens de Versailles ont sans doute bien mérité de la patrie. Mais ce n'est pas comme créanciers de la Liste civile que l'on doit solliciter votre justice. Parmi cette foule de courtisans chargés des bienfaits honteux d'une cour corrompue, quel seroit celui qui oseroit vous demander, à titre de dettes, une indemnité pour les dons qu'ils ont reçus de la main d'un tyran? Je demande que la liste des créanciers soit imprimée avec les motifs qui ont donné lieu aux pensions dont on réclame la liquidation. Alors la bienfaisance nationale pourra se reposer sur des citoyens qui en sont vraiment dignes. »
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 50
A propos de la lecture d'une adresse à la Convention le 8août 1793
Il faut mériter d'être les témoins du spectacle que les envoyés du peuple français viennent de nous donner ; il faut mériter la reconnoissance qu'ils viennent de vous exprimer, et nous ne pouvons le mériter qu'en travaillant au bonheur de la nation magnanime et généreuse que nous représentons. Il faut frapper le dernier coup : il faut présenter l'adresse sublime qu'on vient de nous lire, à tous les tyrans coalisés contre la France ; ils reculeront d'effroi en voyant le faisceau national qui se forme pour les écraser ; il faut la présenter aux rebelles qui se sont joints à eux pour nous faire la guerre, ils y verront l'arrêt que prononce contre eux le peuple français ; il faut enfin la présenter à tous les départements, aux patriotes persécutés, aux amis de la France, pour les consoler et essuyer leurs larmes.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 59
Pour la défense de Barère au club des Jacobins, 4septembre 1793
Barère m'attaqua personnellement dans un temps où tous mes ennemis réunissaient leurs efforts contre moi, mais je ne sais pas me ressouvenir des injures particulières quand il s'agit du salut public. Je déclare donc que j'ai toujours vu dans Barère un homme faible, mais jamais l'ennemi du bien public (...) Je le vis toujours au Comité s'occupant avec ardeur des intérêts de la patrie, cherchant, saisissant tous les moyens qui pouvaient conduire au grand but de la rendre heureuse, et depuis que Barère est éclairé sur les crimes d'une faction, dont il n'avait pas d'abord conçu toute la scélératesse, il a trouvé l'occasion de témoigner combien il abhorrait leurs principes (...) enfin il a été chargé perpétuellement d'être auprès de la Convention l'organe du Comité de salut public chaque fois qu'il a été utile de lui faire connaître notre travail. Il a rempli cette mission avec un zèle, une franchise vraiment digne d'un républicain(...)
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 96
Nous pouvons mépriser les calomnies ; mais les agents des tyrans, qui nous entourent, nous observent et recueillent tout ce qui peut avilir les défenseurs du peuple ; c'est pour eux, c'est pour prévenir leurs impostures, qu'il faut que la Convention nationale proclame qu'elle conserve toute sa confiance au Comité de salut public.
Robespierre : entre vertu et terreur, Slavoj Zizek, éd. Stock, 2008, p. 181-182.
Contre la mise en accusation des députés protestataires contre l'expuslsion des ténors de la gironde en juin 1793, 3octobre1793
Je dis que la dignité de la Convention lui commande de ne s'occuper que des chefs, et il y en a déjà beaucoup parmi les hommes que vous avez décrétés d'accusation ; s'il en existe encore, le peuple est là (...) je dis que parmi les nombreux signataires de la protestation, il s'en trouve plusieurs, et j'en connais, dont les signatures ont été surprises. D'après toutes ces considérations, je demande que la Convention laisse les choses dans l'état où elles sont, jusqu'après le rapport de son Comité ; et s'il se trouve encore de nouveaux coupables, on verra alors si je ne serai pas le premier à appeler sur leur tête toute la vengeance des lois.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 135
Nouvelle intervention au club des Jacobins en faveur d'une répression modérée, 14octobre1793
Défiez-vous de toutes les propositions inconsidérées, avec lesquelles on cherche à vous jeter dans l'égarement. En vous dénonçant une erreur, je n'ai point prétendu vous faire proscrire celui qui l'avoit commise ; mais lui rappeler qu'il s'est momentanément écarté du droit chemin. Ne cherchons pas à multiplier les coupables ; faisons tomber la tête de la veuve du tyran et des chefs de la conspiration ; mais après ces exemples nécessaires, soyons avares de sang. On va m'accuser de modérantisme, mais sachez qu'il faut toujours agir selon qu'il est utile à la Révolution.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 151-152
Sur la situation politique de la république, 17novembre1793 (27 brumaire an II)
Vous avez sous les yeux le bilan politique de l'Europe et le vôtre et vous avez déjà un grand résultat : c'est que l'univers est intéressé à notre conservation. Supposons la France anéantie ou démembrée, le monde politique s'écroule.
Robespierre textes choisis (1958), Maximilien de Robespierre, textes choisis par Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 3 (novembre 1793-juillet 1794), p. 75
La force peut renverser un trône ; la sagesse seule peut fonder une république. Démêlez les pièges continuels de nos ennemis ; soyez révolutionnaires et politiques ; soyez terribles aux méchants et secourables aux malheureux ; fuyez à la fois le cruel modérantisme et l'exagération systématique des faux patriotes : soyez digne du peuple que vous représentez ; le peuple hait tous les excès ; il ne veut ni être trompé ni être protégé, il veut qu'on le défende en l'honorant.
Robespierre textes choisis (1958), Maximilien de Robespierre, textes choisis par Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 3 (novembre 1793-juillet 1794), p. 79
Réponse négative à Hébert au club des Jacobins sur sa volonté de faire exécuter Madame Elisabeth, soeur de Louis XVI et belle-soeur de Marie-Antoinette, 21novembre1793 (1er frimaire an II)
Est-il vrai que nos plus dangereux ennemis soient les restes impurs de la race de nos tyrans, les odieux captifs dont les noms servent encore de prétexte à la politique criminelle de quelques rebelles, et surtout des puissances étrangères ? Je vote en mon cœur pour que la race des tyrans disparaisse de la terre, mais puis-je m'aveugler sur la situation de mon pays au point de croire que cet événement suffirait pour éteindre le foyer des conspirations qui nous déchirent ? A qui persuadera-t-on que la punition de la méprisable sœur de Capet en imposerait plus à nos ennemis, que celle de Capet lui-même et de sa criminelle compagne ?
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 194
Rapport présenté au club des Jacobins contre le philosophisme et pour la liberté des cultes, 21novembre1793 (1er frimaire an II)
On a supposé qu'en accueillant des offrandes civiques la Convention avait proscrit le culte catholique.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 317
Non, la Convention n'a point fait cette démarche téméraire ; la Convention ne le fera jamais. Son intention est de maintenir la liberté des culte qu'elle a proclamée, et de réprimer en même temps tous ceux qui en abuseraient pour troubler l'ordre public ; elle ne permettra pas qu'on persécute les ministres paisibles du culte, et elle les punira avec sévérité toutes les fois qu'ils oseront se prévaloir de leurs fonctions pour tromper les citoyens et pour armer les préjugés ou le royalisme contre la République.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 317
L'athéisme est aristocratique ; l'idée d'un grand être qui veille sur l'innocence opprimée, et qui punit le crime triomphant est toute populaire. Le peuple, les malheureux m'applaudissent : si je trouvais des censeurs ce serait parmi les riches et les coupables.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 317
Un manifeste du despotisme contre la liberté ! Quel bizarre phénomène ! Comment les ennemis de la France ont-ils osé prendre des hommes pour arbitre entre eux et nous ?
Robespierre, entre vertu et terreur, Slavoj Zizek, éd. Stock, 2008, p. 199
Les Français ne sont pas atteints de la manie de rendre aucune nation heureuse et libre malgré elle. Tous les rois auraient pu végéter ou mourir impunis sur leurs trônes ensanglantés s'ils avaient su respecter l'indépendance du peuple français : nous ne voulons que vous éclairer sur leurs impudentes calomnies.
Robespierre, entre vertu et terreur, Slavoj Zizek, éd. Stock, 2008, p. 203
Première intervention sur Camille Desmoulins au club des Jacobins, 14décembre1793 (24 frimaire an II)
Il faut considérer Camille Desmoulins avec ses vertus et ses faiblesses. Quelquefois faible et confiant, souvent courageux et toujours républicain, on l'a vu successivement l'ami des Lameth, de Mirabeau, de Dillon ; mais on l'a vu aussi briser ces mêmes idoles qu'il avait encensées. Il les a sacrifiées sur l'autel qu'il leur avait élevé aussitôt qu'il a reconnu leur perfidie. En un mot, il aimait la liberté par instinct et par sentiment, et n'a jamais aimé qu'elle, malgré les séductions puissantes de tous ceux qui la trahirent.
J'engage Camille Desmoulins à poursuivre sa carrière : mais à n'être plus aussi versatile, et à tâcher de ne plus se tromper sur le compte des hommes qui jouent un grand rôle sur la scène politique.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 255
Rapport à la Convention nationale au nom du Comité de Salut Public sur les principes du Gouvernement révolutionnaire, 25décembre1793 (5 nivôse an II)
La fonction du gouvernement est de diriger les forces morales et physiques de la nation vers le but de son institution. Le but du gouvernement constitutionnel est de conserver la République ; celui du gouvernement révolutionnaire est de la fonder. La Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis ; la Constitution est le régime de la liberté victorieuse et paisible.
Documents d'histoire contemporaine: Le XIXe siècle, Jean-Paul Jourdan, éd. Presses Universitaires de Bordeaux, 2002, t. 1, p. 26
Robespierre, Textes choisis, Jean Poperen, éd. Sociales, 1974, t. 3, p. 99
Pour la panthéonisation de Bara, jeune patriote assassiné par les royalistes (28 décembre 1793-8 nivôse an II)
Je demande que les honneurs du Panthéon soient décernés à Bara, que cette fête soit promptement célébrée, et avec une pompe analogue à son objet et digne du héros à qui nous la destinons. Je demande que le génie des arts caractérise dignement cette cérémonie qui doit présenter toutes les vertus, que David soit spécialement chargé de prêter ses talents à l'embellissement de cette fête.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 293
Pour la lecture au club des jacobins d'une adresse anglaise royaliste par Philibert Simond (28 décembre 1793-8 nivôse an II)
Je suis étonné de ce que l'on refuse d'entendre la lecture de cette pièce infâme. Un membre vient de dire que cette lecture est indigne d'un Français. Je réponds que cette réflexion est digne d'un Autrichien. Il y a des hommes en France qui ne veulent pas entendre les crimes des rois, qui ne veulent pas que nous conservions la haine des rois, qui doit bientôt leur donner la mort, et la liberté aux Peuples. Il en est qui ne veulent pas que nous connaissions la stupide scélératesse de Georges et de ses ministres. Je demande que la Société ne fasse pas attention aux murmures, et que la lecture soit continuée.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 293 et 294
Contre la comparution devant le Tribunal Révolutionnaire de Villain D'aubigny, adjoint du ministre de la guerre ( 1er janvier 1794-12 nivôse an II)
La joie que nos victoires viennent de faire éclater dans le sein de cette Assemblée ne doit point être troublée par l'idée qu'un patriote a été persécuté par vous. On vient de faire traduire au Tribunal révolutionnaire un homme zélé pour la République, un homme dont le nom rappelle des services signalés rendus à la Patrie, et qui, dans ce moment, est le coopérateur du Comité de salut public, et qui dirige presque seul les opérations militaires ; je veux parler de Daubigny. Vous avez dû vous apercevoir, Citoyens, lors de sa nomination, combien Daubigny avait d'ennemis (...) Je demande que le décret soit rapporté.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 295
Première partie d'une nouvelle intervention de Robespierre au club des Jacobins sur Camille Desmoulins après la parution de ses numéros du Vieux Cordelier demandant la levée de la loi des Suspects (7 janvier 1794 - 18 nivôse an II a )
Si vous analysez les maximes fausses, déplacées, et impolitiques de Camille Desmoulins, si vous les rapprochez de ses diatribes indécentes qu'il a prodiguées à plusieurs membres de la Convention, vous conviendrez qu'il faut être Desmoulins pour obtenir l'absolution de temt de péchés contre la liberté. Je consens que la liberté traite Desmoulins comme un enfant étourdi qui avait d'heureuses dispositions, et qui a été égaré par les mauvaises compagnies ; mais il faut exiger de lui qu'il prouve son repentir de toutes ses étourderies, en quittant ces compagnies qui l'ont perdu(...) Quand il verra qu'il a mérité des reproches encore plus sévères, il sentira la nécessité de se rallier aux principes, et d'éloigner de lui toutes les causes d'une erreur qu'on veut bien lui pardonner.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 307
Deuxième partie de la Nouvelle intervention de Robespierre au club des Jacobins, consécutive au refus de Camille Desmoulins de brûler ses numéros du Vieux-Cordelier (7 janvier 1794 - 18 nivôse an II b)
Comment oser encore justifier des écrits que tous les vrais patriotes désavouent. Brûler n'est pas répondre ! Cette réponse sublime du philosophe de Genève peut-elle avoir ici son application ? Vouloir justifier des ouvrages contre-révolutionnaires ! Sache, Camille, que tu si n'étois pas Camille, on n'auroit pas autant d'indulgence pour toi. On te traite en enfant égaré, tu oses te plaindre. Eh bien ! je demande que les numéros soient lus en pleine séance, et la Société jugera dans sa sagesse le parti qu'elle doit prendre.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 310-311
Sur les hommages à rendre à Fabre de l'Hérault, représentant en misssion mort au combat dans les Pyrénnées orientales ( 12 janvier 1794 - 23 nivôse an II) a
La Convention a perdu un de ses plus dignes membres, et le peuple un de ses plus zélés défenseurs. Son âme pure brûla constamment du saint amour de la patrie ; son courage intrépide balança longtemps l'influence du génie de la trahison, qui, aux Pyrénées-Orientales semblait combattre pour la cause des tyrans. Il rallia plusieurs fois les soldats de la République ; il les conduisit à la victoire ; mais un enchaînement de perfidies, les plus lâches que la justice du peuple français ait jamais eu à punir, rendit inutile ce généreux dévouement. Fabre ne voulut point survivre aux maux dont il était le témoin.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 324
Sur les hommages à rendre à Fabre de l'Hérault, représentant en misssion mort au combat dans les Pyrénnées orientales, 12 janvier 1794 ( 23 nivôse an II) b
Vous avez mis la gloire et la pompe triomphale dans les familles indigentes. Vous avez consolé par le triomphe de son fils une mère pauvre et vertueuse, qui, dans la même chaumière, a élevé d'autres héros dignes du frère qu'ils ont perdu (...) Il est digne de vos principes d'honorer aussi la mémoire du vertueux représentant que la patrie regrette. Vous pouvez sans balancer lui accorder le double témoignage de la reconnaissance publique et de votre juste douleur. Nous vous proposons de décréter ce qui suit :
La Convention nationale décerne les honneurs du Panthéon à Fabre, représentant fidèle à la cause du peuple, et mort en combattant pour la patrie.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 325
Discours prononcé au club des Jacobins sur le peuple anglais, 30janvier1794 (11 pluviôse an II)
En qualité de Français, de représentant du peuple, je déclare que je hais le peuple anglais.
« Les crimes des Anglais : trahir le droit », Sophie Wanish, Marc Bellissa, Annales historiques de la Révolution française, avril-juin 1995, p. 233
On veut séparer le peuple anglais de son gouvernement. Je ne demande pas mieux, à condition qu'on distinguera aussi le peuple anglais faisant la guerre à la liberté, conjointement avec son gouvernement, du peuple anglais punissant ce même gouvernement des attentats commis contre la liberté.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 348
Qu'est-ce que cette anglomanie, déguisée sous le masque de la philanthropie, si ce n'est la conservation de l'ancien brissotisme, qui néglige le bonheur et la tranquillité de son pays pour aller s'occuper de la liberté de la Belgique ?
« "La déclaration constitutionnelle de paix à l'Europe, grand sujet de débat entre 1791 et 1794." », Jean-Daniel Piquet, La Révolution française ; la guerre et la frontière., 2000, p. 396 (387-397)
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 348
Discours à la Convention nationale sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l'administration intérieure de la République, 5février1794 (17 pluviôse an II)
Nous voulons substituer, dans notre pays, la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République, à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie.
Mercure français, Mercure de France, éd. Mercure de France, 1794, p. 302
Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier, qu'une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie.
Biographie universelle et portative des contemporains, Alphonse Rabbe,Claude Augustin Vieilh de Boisjoslin,Charles Claude Binet de Sainte-Preuve, éd. E. Dézairs et A. Blois - 21, rue du Colombier, 1836, t. 5, p. 677
Procédure d'exclusion de Brichet au club des Jacobins, qui demandait à pétitionner pour la punition des députés du Marais 7février1794 (19 pluviôse an II) a)
S'il existait autrefois un Marais égaré par les chefs d'une faction infâme dont la plupart ont péri sur l'échafaud, il est constant que depuis ce moment, la Convention a sauvé la Patrie, et que ceux qui composaient autrefois le Marais se liguent avec la Montagne pour prendre les décisions vigoureuses et salutaires. Ce qui prouve que des scélérats avaient corrompu quelques individus faibles et dont la masse était bien intentionnée.
Je reconnais avec Monsieur Brichet, qu'il y a une faction nouvelle ; elle se divise en deux partis, dont l'un est composé d'agents de puissances étrangères, qui travaillent pour la tyrannie, pour la dissolution de la Convention et le déchirement de la France en lambeaux ; l'autre est composé de factieux qui se sont introduits jusques dans la Convention. Sans doute les émissaires des tyrans ne pourraient exécuter leurs projets, s'ils n'étaient pas secondés par des hypocrites qui se sont glissés dans la Convention.
Brichet vous parle bien de cette faction, mais il ne nomme pas les individus, il ne désigne pas les traîtres qu'il faut punir. Quand on demande vengeance contre des représentans que l'on ne désigne pas, toute la Convention se croit menacée et exposée à de grands malheurs. Alors les véritables traîtres sont ceux qui mettent en avant de pareilles motions.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 371
Justification d'une deuxième procédure d'exclusion d'un autre sociétaire, Santex, qui s'opposa à l'exclusion de Brichet 7février1794 (19 pluviôse an II) b)
Tous les ennemis de la liberté parlent contre le despotisme d'opinion, parce qu'ils préfèrent le despotisme de la force.
Robespierre, Jean Massin, éd. Alinéa, 1988, p. 231
Sur son retour au club des jacobins après un mois de congé-maladie, 13 mars 1794 (23 ventôse an II)
Citoyens, les marques d'estime et d'attachement que vous me prodiguez, sont pour moi un témoignage bien flatteur de vos sentimens à mon égard. Oui, j'aime ma patrie, et je veux lui consacrer toute mon existence. Si jamais la présence des patriotes fut nécessaire, c'est surtout dans les momens critiques où la liberté menacée de toutes parts, court de plus grands dangers que jamais. Heureux si les forces physiques de mon corps, peuvent répondre à l'ardeur dont mon âme est embrasée ! Une faction criminelle a voulu renverser la Convention et les Jacobins eux-mêmes (...) Je demande que toute autre affaire cessante, la Société ne s'occupe plus désormais que de cette nouvelle conspiration, qu'il y ait des séances extraordinaires tous les jours.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 374
A propos des condamnations à mort de députés corrompus tels que Chabot, Basire, Fabre d'Eglantine, Julien de Toulouse, 16mars1794 (26 ventôse an II)
Les forfaits de quelques hommes qui furent nos collègues, sont l'ouvrage de l'étranger. Le principal fruit qu'il espérait en recueillir n'étoit pas leur perte, mais celle de la liberté, celle de la République en ôtant au peuple la confiance dont il a investi ses représentants. Il y a une réponse péremptoire à faire à tous les tyrans. Je les appelle entier, et que chez vous il n'y a que quelques membres corrompus. Au parlement d'Angleterre, on se vend impunément à len lutte avec les représentans du peuple; j'appelle aussi cet homme à qui nous faisons trop d'honneur en le nommant si souvent dans cette enceinte. J'appelle surtout le parlement d'Angleterre de concert avec Pitt. Savez-vous quelle différence il y a entre lui et la Convention nationale ? C'est que cet illustre parlement anglais est corrompu (...) on trafique en public de son opinion ; et parmi nous, quand nous découvrons des hommes corrompus, nous les envoyons à l'échafaud. Je soutiens et tout homme raisonnable dans quelque pays qu'il habite, eut-il le malheur de vivre sous la tyrannie, soutiendra avec moi, que cette affaire-là même est un nouveau titre de gloire pour la Convention nationale. (...) Dans quel pays a-t-on vu un sénat puissant chercher dans son sein les coupables et les envoyer sous le glaive des lois ?
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 382
A propos de la pétition de 8.000 et des 20.000 royalistes 19mars1794 (29 ventôse an II)
Il ne doit point être question dans ce moment de la pétition des vingt mille et des huit mille : de plus grands intérêts doivent fixer notre attention. Je ne sais si, comme moi, citoyens, vous l'avez bien observé, mais j'ai toujours remarqué que dans des momens pénibles, dans des momens de trouble, on reproduisait sans cesse ces fameuses pétitions pour détourner l'attention générale du véritable point où elle devait se fixer, pour jetter l'effroi dans l'âme d'un grand nombre de personnes. C'était-là le cheval de bataille du procureur de la commune, Chaumette, quand on traitait au conseil-général des questions qui ne lui plaisaient pas.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 392
Intervention lors de la séance de la Convention du 31mars1794 (11 germinal an II) à la suite de l'arrestation des dantonistes
Nous verrons dans ce jour si la Convention saura briser une prétendue idole pourrie depuis longtemps, ou si dans sa chute elle écrasera la Convention et le peuple français. Ce qu'on a dit de Danton ne pouvait-il pas s'appliquer à Brissot, à Pétion, à Chabot, à Hébert même, et à tant d'autres qui ont rempli la France du bruit fastueux de leur patriotisme trompeur? Quel privilège aurait-il donc? En quoi Danton est-il supérieur à ses collègues, à Chabot, à Fabre d'Églantine, son ami et son confident, dont il a été l'ardent défenseur? En quoi est-il supérieur à ses concitoyens? Est-ce parce que quelques individus trompés, et d'autres qui ne l'étaient pas, se sont groupés autour de lui pour marcher à sa suite à la fortune et au pouvoir? Plus il a trompé les patriotes qui avaient eu confiance en lui, plus il doit éprouver la sévérité des amis de la liberté.
Réimpression de l'ancien Moniteur: seule histoire authentique et inaltérée de la Révolution française, A. Ray, éd. Henri Plon, 1861, t. 20, p. 95-96
Contre une aggravation de la punition des accaparements 1eravril1794 (12 germinal an II)
La peine proposée par le Comité est suffisante pour atteindre ce but; une peine trop forte réveillerait la malveillance, & une simple négligence pourroit ruiner un marchand. Je vous rappelle que dans la dernière crise à laquelle la liberté vient d'échapper, une partie de la conspiration consistait à empêcher l'approvisionnement de Paris en décourageant le commerce. C'était pour atteindre ce but que, sous le masque de patriotisme, on vint vous présenter une pétition tendante à exclure des fonctions publiques les marchands.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 421
A propos d'un amendement visant à étendre la répression antinobiliaire, 18avril1794 (29 germinal an II)
L'intérêt du peuple veut qu'on n'écoute pas toujours avec complaisance les propositions qui sont en apparence populaires ; il exige qu'on adopte de préférence ce qui peut assurer son bonheur et sa félicité. Les Comités, croyez-le, citoyens, n'ont rien perdu de leur énergie ; j'en atteste les décrets sévères, fulminants qu'ils vous ont proposés (...) D'abord, les articles proposés hier par le Comité de salut public étaient politiques et justes sous tous les rapports ; car on ne peut pas ranger dans la même classe le vil intrigant et celui qui a fait retentir les tribunaux de ses prétentions à la noblesse, et l'homme qui n'a eu qu'un moment la velléité d'être noble. Le membre qui vous a proposé l'amendement a senti lui-même la difficulté de son exécution ; aussi vient-il de se rétracter lui-même, et demander que cet amendement ne fût applicable qu'à ceux qui avaient joui effectivement des privilèges de la noblesse.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 441
Sur les rapport des idées religieuses et morales avec le principe républicains et sur les fêtes nationales. Rapport présenté au nom du comité de salut public,7mai1794 (18 floréal an II)
L'idée de l'Être Suprême et de l'immortalité de l'âme est un rappel continuel à la justice ; elle est donc sociale et républicaine.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 317
Ayez des fêtes générales et plus solennelles pour toute la République ; ayez des fêtes particulières et pour chaque lieu qui soient des jours de repos, et qui remplacent ce que les circonstances ont détruit.
Que toutes tendent à réveiller les sentiments généreux qui font le charme et l'ornement de la vie humaine, l'enthousiasme de la liberté, l'amour de la patrie, le respect des lois.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 325
Pour la défense au club des jacobins de Lequinio député montagnard qui avait plaidé l'atheîsme dans son livre Les Préjugés Détruits15mai1794 (26 Floréal an II)
Ceux qui connaissent l'opinant, ne doutent pas de son patriotisme. Ce ne sont pas ses ouvrages qui pourront nous en faire douter d'avantage (...) Il me semble que lorsqu'on agite les grandes questions, la malveillance cherche toujours à donner le change, en confondant les choses les plus différentes. Lorsque nous avons développé les principes immortels qui servent de bases à la morale, nous en avons parlé en hommes publics et sous le rapport de l'intérêt sacré de la liberté ; mais la Convention a-t-elle voulu descendre dans la pensée de chaque particulier, a-t-elle prétendu se mêler de leurs opinions individuelles ? Non, son intention n'alloit pas au-delà de ce qui intéresse le salut de la France libre. Que nous importe ce que tel a dit, ce qu'il a écrit ? Ce qui nous intéresse est de savoir si tel est un conspirateur, s'il a jeté dans la société civile des ferments de discorde pour détruire la liberté, en un mot s'il a été attaché à la faction de l'étranger. C'est sous ce point de vue que nous avons agité la question et que nous avons établi les grands principesc (...) Lorsque nous songeons à consolider les bases des vertus et du patriotisme, nous sommes bien éloignés de vouloir devenir des persécuteurs.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 468-469
Sur la fête de l'Etre Suprême 8juin1794 (20 prairial an II)
Ne nous reposons que sur notre constance et sur notre vertu, seuls, mais infaillibles garants de notre indépendance ; écrasons la ligue impie des rois par la grandeur de notre caractère, plus encore que par la force de nos armes. Français, vous combattez les rois, vous êtes donc dignes d'honorer la divinité ! Être des êtres, auteur de la nature, l'esclave abruti, le vil suppôt du despotisme, l'aristocrate perfide et cruel, t'outragent en t'invoquant ; mais les défenseurs de la liberté peuvent s'abandonner avec confiance dans ton sein paternel(...) La haine de la mauvaise foi et de la tyrannie brûle dans nos cœurs avec l'amour de la justice et de la patrie; notre sang coule pour la cause de l'humanité : voilà notre prière ; voilà nos sacrifices ; voilà le culte que nous t'offrons. »
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 483
Contre l'ajournement de la loi présentée par Couthon 10juin1794 (22 prairial an II)
Depuis deux mois vous avez demandé au Comité de salut public une loi plus étendue que celle qu'il vous présente aujourd'hui (...) Depuis plus de deux mois, le Tribunal révolutionnaire vous dénonce les entraves qui arrêtent la marche de la justice nationale. La République entière vous dénonce de nouvelles conspirations, et cette multitude innombrable d'agens étrangers qui abondent sur sa surface, c'est dans cette circonstance que le Comité de salut public vous présente le projet de loi dont vous venez d'entendre la lecture ; qu'on l'examine cette loi, et au premier aspect on verra qu'elle ne renferme aucune disposition qui ne soit adoptée d'avance par tous les amis de la liberté; qu'il n'y en a pas un article qui ne soit fondé sur la justice et sur la raison ; qu'il n'est aucune de ses parties qui ne soit rédigée pour le salut des patriotes et pour la terreur de l'aristocratie, conjurée contre la liberté.
De plus, il n'est personne qui ne sache qu'à chaque séance le Tribunal révolutionnaire passe quelques heures sans pouvoir remplir ses fonctions, parce que le nombre des jurés n'est pas complet. Nous venons vous proposer de compléter ce nombre; nous venons vous proposer de réformer deux ou trois abus reconnus dans l'institution de ce Tribunal et dénoncés de toutes parts ; et on nous arrête par un ajournement !
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 485
Sur l'affaire Catherine Théot 27juin1794 (9 messidor an II)
Tous les mystiques se cachent sous le manteau de dévotes dangereuses, de peur d'être découverts. Lançant au hasard des femmes ridicules, ils tâchent de se faire oublier eux-mêmes. Ils veulent faire rire aux dépens d'une femme pour se soustraire au soupçon du crime, caché sous cette écorce. Ils veulent ridiculiser l'Être suprême, persuadés qu'un des plus sûrs moyens de perdre la morale publique, c'est d'effacer l'impression sublime et touchante de la fête de l'Eternel, ces transports fraternels et civiques, par des sarcasmes grossiers et des plaisanteries hébertistes. Ils voudroient que la justice nationale s'arrêtât aux vils instrumens, et les épargnât eux-mêmes.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1958, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-juillet 1794, p. 510-511
Sur des attaques dont il fait l'objet au comité de salut public le 1erjuillet1794 (13 messidor an II)
La vérité est mon seul asile contre le crime ; je ne veux ni de partisans ni d'éloges : ma défense est dans ma conscience. Je prie les citoyens qui m'entendent, de se rappeller que les démarches les plus innocentes et les plus pures sont exposées à la calomnie (...)
Quelle doit être la conduite des amis de la liberté, lorsqu'ils se trouvent dans la misérable alternative ou de trahir la patrie, ou d'être traités de tyrans, d'oppresseurs, d'hommes injustes et avides de sang, s'ils ont le courage de remplir leurs devoirs et la tâche que leur impose la Convention, et de préférer l'innocence opprimée à la horde exécrable des scélérats qui conspirent contre la liberté ? Trahissez la patrie d'une manière adroite, bientôt les ennemis du peuple sont à votre secours. Défendez la cause de la justice, vous ne pourrez pas dire une parole sans être appelle tyran et despote ; vous ne pourrez pas invoquer l'opinion publique, sans être désigné comme un dictateur.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 515
Intervention contre Fouché au club des Jacobins, suite à la lecture d'une lettre de lui qui ne répondait pas à des accusations de deux patriotes lyonnais, 14juillet1794 (26 messidor an II)
Je commence par faire la déclaration que l'individu Fouché ne m'intéresse nullement. J'ai pu être lié avec lui parce que je l'ai cru patriote ; quand je l'ai dénoncé ici, c'étoit moins à cause de ses crimes passés que parce qu'il se cachait pour en commettre d'autres, et parce que je le regarde comme le chef de la conspiration que nous avons à dévoiler. J'examine la lettre qui vient d'être lue, et je vois qu'elle est écrite par un homme qui, étant accusé pour des crimes, refuse de se justifier devant ses concitoyens. C'est le commencement d'un système de tyrannie ; celui qui refuse de répondre à une Société populaire dont il est membre, est un homme qui attaque l'institution des Sociétés populaires (...) Il est étonnant que celui qui, à l'époque dont je parle, briguait l'approbation de la Société, la néglige lorsqu'il est dénoncé, et qu'il semble implorer pour ainsi dire le secours de la Convention contre les Jacobins.
Œuvres, Maximilien de Robespierre, éd. Presses universitaires de France, 1967, t. X : Discours (5e partie) juillet 1793-27 juillet 1794, p. 527-528
Dernier discours à la Convention nationale, 26juillet1794 (8 thermidor an II)
Les révolutions qui, jusqu'à nous, ont changé la face des empires n'ont eu pour objet qu'un changement de dynastie ou le changement du pouvoir d'un seul à celui de plusieurs. La Révolution française est la première qui ait été fondée sur les théories des droits de l'humanité et sur les principes de la justice. Les autres révolutions n'exigeaient que de l'ambition ; la nôtre impose des vertus.
Robespierre, écrits, Claude Mazauric, éd. Paris Messidor/Éditions sociales, 1989, p. 332
Mais elle existe, je vous en atteste, âmes sensibles et pures ; elle existe, cette passion tendre, impérieuse, irrésistible, tourment et délices des cœurs magnanimes, cette horreur profonde de la tyrannie, ce zèle compatissant pour les opprimés, cet amour sacré de la patrie, cet amour plus sublime et plus saint de l'humanité, sans lequel une grande révolution n'est qu'un crime éclatant qui détruit un autre crime. Elle existe, cette ambition généreuse de fonder sur la terre la première République du monde ; cet égoïsme des hommes non dégradés, qui trouve une volupté céleste dans le calme d'une conscience pure et dans le spectacle ravissant du bonheur public. Vous la sentez, en ce moment, qui brûle dans vos âmes ; je la sens dans la mienne.
Histoire parlementaire de la révolution française, Philippe-Joseph-Benjamin Buchez, Prosper Charles Roux, éd. Paulin, 1793, t. 23 et 24, p. 419
Non Chaumette, non Fouché, la mort n'est pas un sommeil éternel. Citoyens, effacez des tombeaux cette maxime gravée par des mains sacrilèges, qui jette un crêpe funèbre sur la nature, qui décourage l'innocence opprimée et qui insulte à la mort ; gravez y plutôt celle- ci : « La mort est le commencement de l'immortalité. »
Histoire de Robespierre, Ernest Hamel, éd. Chez l'auteur, 1867, t. 3, p. 729
Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner.
Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la Tribune Nationale depuis 1789 jusqu'à ce jour, Guillaume N. Lallement, éd. A. Eymery, 1821, t. 14, p. 309
Mais si le gouvernement prenait le parti de refuser sa protection aux bâtards, ne craignons-nous pas que cette conduite ne contribue à accélérer les progrès de ce mal terrible, bien plus qu'à épurer les mœurs ?
Oeuvres de Maximilien Robespierre, Florence Gauthier/Société des Études robespierristes, éd. Centenaire de la Société des Études robespierristes, 2007, t. 11 Écrits et compléments, p. 140 (137-183)
Ne balançons point à leur tendre une main secourable. Quel titre leur manque-t-il pour obtenir la protection de l'Etat ? Ils sont innocents, ils sont malheureux ; ils sont hommes, ils sont citoyens. L'humanité, la justice, l'intérêt public, tout impose à la patrie le devoir sacré de veiller efficacement à leur conservation.
Oeuvres de Maximilien Robespierre, Florence Gauthier/Société des Études robespierristes, éd. Centenaire de la Société des Études robespierristes, 2007, t. 11 Écrits et compléments, p. 141 (137-183)
Réponse de Maximilien Robespierre avocat au parlement et directeur de l'Académie au discours de Mademoiselle de Kéralio , 1787
Ce n'est pas seulement par leurs lumières que les femmes contribueraient au progrès des lettres et à la gloire des sociétés savantes, c'est surtout par leur présence…
Ouvrez aux femmes les entrées des académies et vous en bannissez en même temps la négligence et la paresse qui en sont les fléaux.
Oeuvres de Maximilien Robespierre, Florence Gauthier/Société des Études robespierristes, éd. Centenaire de la Société des Études robespierristes, 2007, t. 11 Écrits et compléments, p. 194 (189-201)
A la nation artésienne sur la nécessité de réformer les états d'Artois, 1789
Cette heureuse révolution et la fin de tous les maux qui nous accablent, dépend de la vertu, du courage et des sentiments de ceux à qui nous confierons le redoutable honneur de défendre nos intérêts dans l'assemblée de la Nation ; nous éviterons avec soin, dans ce choix important, tous les écueils que l'intrigue et l'ambition vont semer sous nos pas ; nous n'irons pas surtout nous reposer de la réforme des abus, sur le zèle de ceux qui se sont intéressés à les conserver par les plus puissants de tous les mobiles, l'intérêt personnel, l'esprit de corps, l'amour et l'habitude de la domination.
« Robespierre et l'authenticité révolutionnaire », Marisa Linton, Annales Historiques de la Révolution française, 1er trimestre 2013, p. 159-160 (153-171)
Oeuvres de Maximilien Robespierre, Florence Gauthier/Société des Études robespierristes, éd. Centenaire de la Société des Études robespierristes, 2007, t. 11 Écrits et compléments, p. 244 (205-245)
Le véritable moyen d'anéantir les abus qui causent les malheurs publics, est d'aller droit aux sources principales d'où ils découlent. Or la première source des malheurs d'un Peuple, ce sont les vices de son gouvernement ; aussi l'expérience nous prouvera-t-elle bientôt que l'Artois doit attribuer la plupart des siens aux vices qui ont dénaturé la véritable constitution à qui son administration était confiée.
Oeuvres de Maximilien Robespierre, Florence Gauthier/Société des Études robespierristes, éd. Centenaire de la Société des Études robespierristes, 2007, t. 11 Écrits et compléments, p. 207 (205-245)
Sur la nécessité de révoquer le marc d'argent, vers le début avril 1791
Quel système que celui où l'honnête homme dépouillé par un injuste oppresseur retombe dans la classe des ilotes, tandis que l'autre s'élève par son crime même au rang des citoyens ! ou un père voit croître, avec le nombre de ses enfants la certitude qu'il ne leur laissera point avec son patrimoine divisé ; ou tous les fils de famille, dans la moitié de l'empire, ne peuvent trouver une patrie qu'au moment où ils n'ont plus de père !
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1974, t. 1 (avril 1791- juillet 1792), p. 75
Adresse de Maximilien Robespierre aux Français, vers la fin juillet 1791
On savait bien que nous n'avions jamais combattu ni l'existence ni même l'hérédité de la royauté; on n'était pas assez stupides pour ignorer que ces mots république, monarchie n'étaient que ds termes vagues et insignifiants, propres seulement à devenir des noms de sectes et des semences de division, mais qui ne caractérisent pas une nature particulière de gouvernement ; que la république de Venise ressemble davantage au gouvernement turc qu'à celle de Rome, et que la France actuelle ressemble plus à la république des États-Unis d'Amérique qu'à la Monarchie de Frédéric ou de Louis XIV ; que tout état libre est une république, et qu'une nation peut être libre avec un monarque.
Oeuvres de Maximilien Robespierre, Florence Gauthier/Société des Études robespierristes, éd. Centenaire de la Société des Études robespierristes, 2007, t. 11 Écrits et compléments, p. 356 (347-376)
La guerre est commencée ; il ne nous reste plus qu'à prendre les précautions nécessaires pour la faire tourner au profit de la Révolution. Faisons la guerre du peuple contre la tyrannie et non celle de la Cour, des patriciens, des intrigants et des agioteurs contre le peuple.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 1 (avril 1791-juillet 1792), p. 167
Il fallait dès l'origine, il faut encore aujourd'hui déclarer solennellement que les Français n'useront de leurs forces et de leurs avantages que pour laisser à ce peuple la liberté de se donner la Constitution qui leur paraîtra le plus convenable. Que cette déclaration soit remise entre les mains de nos propres soldats afin que chacun d'eux connaisse la volonté nationale dont il doit être l'exécuteur.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 1 (avril 1791-juillet 1792), p. 169
Je leur rends grâce au nom de l'Humanité d'avoir défendu les droits des hommes libres de couleur de nos colonies. Loin d'imiter l'injustice de ceux qui leur ont cherché des torts jusque dans cette action louable en elle-même, je me croirais coupable d'ingratitude si je refusais cet hommage à ceux qui ont fait triompher la cause que j'avais plusieurs fois plaidée dans la même tribune. Peu m'importent les motifs quand les faits sont utiles au bien général. Sans examiner s'il est vrai que les uns défendent même la cause de l'Humanité comme des hommes d'affaire et les autres comme des défenseurs officieux je me borne à rechercher si les malheurs de l'Europe vous ont aussi vivement occupés que les infortunes américaines et si le peuple français a trouvé en vous le même zèle que celui de Saint-Domingue.
Sur ses nouveaux adversaires girondins qui rétablirent heureusement les 24 mars et 4 avril 1792 à l'assemblée législative les droits des hommes de couleur libres, révoqués par l'assemblée Constituante le 24 septembre 1791.
Œuvres de Maximilien Robespierre, Marc Bouloiseau, Georges Lefebvre, Jean Dautry, Albert Soboul, éd. Presses Universitaires de France, 1939, t. 4, Le Défenseur de la Constitution, p. 84
L'émancipation des Noirs dans la Révolution française, (1789-1795), Jean-Daniel Piquet, éd. Karthala, 2002, p. 155
Observez avec quelle défiance, j'ai presque dit avec quel effroi, on envisage encore la partie la plus nombreuse des citoyens, et la plus pure, en dépit de l'ignorance et de l'orgueil. Observez ce penchant éternel à lier l'idée de sédition et de brigandage, avec celle de peuple et de pauvreté. Voyez, d'un côté, combien il est difficile à la loi d'atteindre les conspirateurs puissants ; de l'autre, avec quelle rapidité elle abat toutes les têtes des malheureux qui ont été plus faibles que coupables.
Œuvres de Maximilien Robespierre, Maximilien de Robespierre, éd. Albert Laponneraye, 1840, vol. 2, « Des papiers publics », p. 96
« Des papiers publics », Lettres de M. Robespierre à ses commettants, nº 5, novembre1792
… Or est-il utile ?, est-il nécessaire d'infliger une peine à Louis détrôné, impuissant, abandonné aujourd'hui ? Citoyens, est-il nécessaire de punir ces malheureux accusés de vol ou de faux, que la loi garde dans vos maisons d'arrêt. Ceux-là sont bien plus impuissants et plus abandonnés. Citoyens, s'il importe d'effrayer la misère ou la cupidité ou le désespoir lui-même, importe-t-il moins d'épouvanter la tyrannie ?
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 66
Et cependant ce sont les crimes des rois qui enfantent tous les autres crimes avec les passions lâches et la misère.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 66
« Des papiers publics », Lettres de M. Robespierre à ses commettants, nº 6, novembre1792
Le sort du peuple est à plaindre quand il est endoctriné précisément par ceux qui ont intérêt à le tromper, et que ses agents, devenus ses maîtres par le fait, se constituent encore ses précepteurs. C'est à peu près comme si un homme d'affaires était chargé d'apprendre l'arithmétique à celui qui doit vérifier ses comptes.
Œuvres de Maximilien Robespierre, Maximilien de Robespierre, éd. Phénix éditions, 2000, vol. 5 : « Lettres à ses commettants », « Des papiers publics », p. 75
« Des papiers publics », Lettres de M. Robespierre à ses commettants, nº 7, novembre1792
Sage Pétion, la Commune de Paris avait levé l'étendard de l'insurrection au nom de la patrie, la cause de la Commune était celle de la France entière.
Réponse à Jérôme Pétion.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 62
« Observations sur le projet annoncé au nom du comité des Finances de supprimer les fonds affectés au culte, adressées à la Convention nationale », Lettres de M. Robespierre à ses commettants, nº 8, novembre1792
1) Lorsqu'il prit les armes pour le détrôner, pour le chasser, et que vous l'en détournâtes et que vous le dérobâtes vous-mêmes à sa juste colère en lui promettant une vengeance éclatante.
2) Lorsqu'il vous imposa le devoir sacré de le condamner d'une manière éclatante pour le salut de la patrie et pour l'exemple du monde.
Lorsqu'on est si ingénieux à trouver des moyens d'appels ou de révision, c'est une preuve au moins qu'on est mécontent du jugement. Or le procureur le plus illustre fut-il aussi fertile que vous l'êtes en cette affaire en exceptions déclinatoires, dilatoires, péremptoires ou rescisoires ?
Lettre à MM.Vergniaud, Gensonné, Brissot, Guadet, sur la souveraineté du peuple et sur leur système de l'appel du jugement de Louis Capet.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 91-92
« Des papiers publics », Lettres de M. Robespierre à ses commettants, tome 2, février1793
Le véritable objet de notre politique doit être de détacher les peuples de la cause des tyrans ligués contre nous. Car si les peuples partageaient leur animosité contre la révolution, si le fanatisme de la servitude ou de la superstition s'unissait au fanatisme de l'aristocratie et à l'orgueil du despotisme, nous aurions à soutenir une espèce de guerre beaucoup plus terrible que celle que tous les rois du monde pouvaient faire jadis à un monarque français.
Sur les relations avec les peuples étrangers.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 97
Ceux qui veulent donner des lois les armes à la main ne paraissent jamais que des étrangers et des conquérants, surtout à des hommes qu'il faut désabuser et apprivoiser avec la république et avec la philosophie.
Sur les relations avec les peuples étrangers.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 102-103
« Des papiers publics », Lettres de M. Robespierre à ses commettants, tome 2, nº 9, 8 mars1793
Les troubles ne peuvent devenir redoutables que lorsque les ennemis de la liberté peuvent faire retentir les mots de disette et de misère aux oreilles d'un peuple affamé ou désespéré. Il faut leur arracher cette arme dangereuse, et la tranquillité publique sera d'autant plus assurée, que le peuple français que les citoyens, de Paris surtout,ont montré jusqu'ici une patience égale à leur courage, et que, pour le consoler, il suffit de paraître s'occuper sérieusement de son bonheur ou de ses besoins.
Sur les troubles de Paris.
Robespierre textes choisis (1957), Jean Poperen, éd. Éditions sociales, 1973, t. 2 (août 1792-juillet 1793), p. 104-105
M. Robespierre a fait beaucoup de déclamations pour empêcher qu'on n'employât le mot esclaves et pour qu'on lui subsiste les mots non-libres. Quelle ridicule petitesse ! Comme s'il y avait pas la plus légère différence dans les choses, ou comme si celle qui est dans les mots méritait qu'on fit perdre à l'assemblée une seconde de son temps.
« Nouvelles pièces sur Robespierre et les colonies en 1791 », Jean-Daniel Piquet, Annales Historiques de la Révolution française, 1er trimestre 2013, p. 189 (187-194)
C'est avec joie que l'on a entendu des députés menacés de perdre les colonies dire soyons pauvres mais vertueux… Quelle liberté lorsque quelques-uns peuvent dire à plusieurs : « nous ne voulons pas que vous soyez membres actifs dans le corps social ; soyez passifs, c'est une liberté à la JF Maury, Robespierre, dans cette séance, a développé l’âme des Français, combien il était grand, au milieu de ces préjugistes et de ces vendeurs d’hommes qui ont parlé avant et après lui !
Histoire de Robespierre, Ernest Hamel, éd. Ledrappier, 1987, vol. 1, p. 344
« Nouvelles pièces sur Robespierre et les colonies en 1791 », Jean-Daniel Piquet, Annales Historiques de la Révolution française, 1er trimestre 2013, p. 191 (187-194)
Gouy d'Arcy, député esclavagiste et ségrégationniste de Saint-Domingue à l'assemblée constituante (dans une brochure de septembre 1791)
Il allait bien plus loin que M. Rewbell, et l'exagération de ses principes donnait un vernis de modération au détestable amendement du député de Strasbourg.
L'émancipation des Noirs dans la Révolution française, (1789-1802), Jean-Daniel Piquet, éd. Karthala, 2002, p. 81
Réponse de Brissot au rapport Amar du 3 octobre 1793 qui l'accusait d'avoir défendu les Noirs par le vote du décret-loi du 4 avril 1792 pour livrer les colonies à l'Angleterre (courant octobre 1793)
Faites le procès à la nation qui l'a ratifié, aux colonies qui l'ont reçu avec reconnaissance. Faites le procès à Robespierre surtout qui dans l'assemblée constituante, défendit lors du décret du 15 mai, les mêmes principes que moi, qui dans l'excès de son indignation fit cette exclamation énergique tant anathémisée par ces colons qu'il soutient aujourd'hui. Périssent les colonies plutôt que de sacrifier un seul principe ! Faites le procès à la Montagne qui, fidèle au principe, vient encore de le consacrer !
Mémoires de Brissot, J.P.Brissot, éd. Alphonse Picard, 1912, vol. 2, p. 296
« Robespierre et la question coloniale », Bernard Gainot, Robespierre : portraits croisés., 2012, p. 88-89 (79-94)
Tout ce que fait Robespierre est utile et nécessaire pour le bien public. C'est lui, et lui seul qui a raison. Et ceux qui ne sont pas d'accord avec lui doivent être considérés comme des ennemis de la France et de la liberté.
Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Jean Tulard, Alfred Fierro, Jean-François Fayard, éd. Robert Laffont, 1987, p. 748
Jean-Baptiste Belley, député noir de Saint-Domingue à la Convention (novembre 1794, 11 brumaire-10 frimaire an III), à Benoît Gouly, député créole des Mascareignes, récent auteur d'un pamphlet raciste.
Gouly ! Homme sans principes et vendu à la faction des planteurs, tes amis et tes complices, je t'avais déjà jugé aux jacobins, lorsque le 3 thermidor (en fait le 6) je te voyais assis aux pieds de Robespierre ; tu le flagornais si grossièrement qu'il fut obligé de repousser publiquement tes basses flatteries par son mépris et sa réprobation. Tu t'en souviens, Gouly, tu demandais ce jour une séance extraordinaire pour le lendemain, parce que Robespierre voulait dénoncer la conspiration qui se tramait (disait-il) contre lui et la liberté.
Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789-1795-1802, Florence Gauthier, éd. PUF/pratiques théoriques, 1992, p. 260
Pierre Page, intrigant esclavagiste de Saint-Domingue à Paris (20 février 1795-2 ventôse an III)
Pour juger de l'influence dont nous jouissions, lisez le rapport Courtois. Vous verrez que Littée notre ami, le seul qui nous ait soutenu dans la Convention nationale, état poursuivi par les agents de Robespierre ; et vous y verrez avec quelle précaution Robespierre se faisait rendre compte des numéros que nous adressions au Comité de salut public, intitulés Notes au comité de salut public. Si nous eussions été dans un si grand rapport avec le Comité de salut public, Robespierre n'aurait pas fait épier nos démarches & fait des recherches pour savoir ce que nous écrivions et ce que nous n'écrivions pas ; enfin il n'aurait pas fait suivre et espionner Littée, qui était notre protecteur dans la Convention.
Robespierre et la liberté des Noirs en l'an II d'après les archives des comités et les papiers de la commission Courtois., Jean-Daniel Piquet, éd. Annales Historiques de la Révolution française, 2001(Janvier/Mars), vol. 323, p. 83 (69-91)
Jean-François Reubell (citation rapportée par Carnot en 1798)
Votre opinion sur Robespierre est au moins fort hasardée si elle n'est pas fausse ; les hommes d'État ne doivent pas être jugés d'après les règles ordinaires de morale. En 1793 et 1794, il s'agissait de sauver le corps social et s'il était prouvé que le chef des Jacobins n'eût fait dresser les échafauds de la Terreur que pour abattre les factions et rétablir ensuite ce gouvernement royal que la France entière désirait, il serait injuste de regarder Robespierre comme un homme cruel et de l'appeler tyran ; il faudrait au contraire voir en lui, comme dans Sylla, une forte tête, un grand homme d'État. Richelieu aurait fait plus que Robespierre s'il se fut trouvé dans une position semblable.
Robespierre, Joël Schmidt, éd. Gallimard, 2011, p. 305-306
Peu de jours après Thermidor, un homme, qui vit encore et qui avait alors dix ans, fut mené par ses parents au théâtre, et à la sortie admira la longue file de voitures brillantes qui, pour la première fois, frappaient ses yeux. Des gens en veste, chapeau bas, disaient aux spectateurs sortants : « Faut-il une voiture, mon maître? » L'enfant ne comprit pas trop ces termes nouveaux. Il se les fit expliquer, et on lui dit seulement qu'il y avait eu un grand changement par la mort de Robespierre.
Histoire de la Révolution française, Jules Michelet, éd. A. Le Vasseur, 1869, vol. 9, p. 360
Soyons juste enfin, et ne craignons plus de le dire : Robespierre est l'un des plus grands hommes de l'histoire. Ce n'est pas à dire qu'il n'ait eu des fautes, des erreurs, et par conséquent des crimes à se reprocher ; entraîné sur une pente rapide, il fut au niveau des malheureuses théories du moment, bien supérieur à tous les hommes qui les appliquaient. Mais dans quelle carrière politique orageuse l'histoire nous montrera-t-elle un seul homme pur de quelque péché mortel contre l'humanité? Sera-ce Richelieu, César, Mahomet, Henri IV, le maréchal de Saxe, Pierre le Grand, Charlemagne, Frédéric le Grand, etc., etc. ? Quel grand ministre, quel grand prince, quel grand capitaine, quel grand législateur n'a commis des actes qui font frémir la nature et qui révoltent la conscience? Pourquoi donc Robespierre serait-il le bouc-émissaire de tous les forfaits qu'engendre ou subit notre malheureuse race dans ses heures de lutte suprême !
Robespierre, Joël Schmidt, éd. Gallimard, 2011, p. 308
Où Mirabeau disparaît Robespierre se montre (…) Il demandera justice, justice pour tous sans exception ; il prêchera le droit. Et avec lui, pas de compromis : est-ce que la vérité n'est pas une ? Qu'aucun parti ne le réclame : il est du parti de sa conviction, cela suffit. Dès son premier pas dans la carrière où il laissera la trace de son sang et un nom maudit, on a pu le surnommer l'Immuable. (dixit)
Histoire de la Révolution française, Louis Blanc, éd. Pagnerre, 1857-1870, vol. 5, p. 255 et 256
Comparer le "prolongement de la politique de lutte" contre la féodalité et l'absolutisme, de la politique de la bourgeoisie en voie d'affranchissement, au "prolongement de la politique" d'une bourgeoisie caduque — c'est-à-dire impérialiste, c'est-à-dire qui a pillé le monde entier — et réactionnaire, qui en alliance avec les féodaux, écrase le prolétariat, c'est comparer des mètres à des kilogrammes (dixit). Cela ressemble à la comparaison que l'on ferait des "représentants de la bourgeoisie" Robespierre, Garibaldi, Jéliabov, avec les "représentants de la bourgeoisie" Millerand, Salandra, Goutchkov. On ne peut être marxiste sans éprouver la plus profonde estime pour les grands révolutionnaires bourgeois à qui l'histoire universelle avait conféré le droit de parler au nom des "patries" bourgeoises, et qui ont élevé des dizaines de millions d'hommes des nouvelles nations à la vie civilisée, dans la lutte contre le système féodal.
Œuvres de Lénine,, IXème congrès du PCR et IIème congrès des Soviets, éd. Editions Sociales, 1960, t. 21 : Août 1914-décembre 1915, p. 225