Manon Roland

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Manon Roland, ou Jeanne Marie, ou Manon Phlipon, communément appelée Madame Roland, devenue par mariage vicomtesse Roland de la Platière, née le 17 mars 1754 à Paris et morte guillotinée le 8 novembre 1793 à Paris, est une figure de la Révolution française.

Elle joua un rôle considérable au sein du parti girondin, et poussa son mari au premier plan de la politique.

D'autres auteurs la concernant[modifier]

Manon Phlipon a été le disciple des doctrines philosophiques et sociales de Jean-Jacques sans les connaître ou avant de les avoir connues : tant l’action qu’elles exerçaient s’était étendue et avait comme enveloppé les esprits ! [...] La lecture de l’ Héloïse lui fut comme une révélation. En moins de quelques jours, Jean-Jacques « tout entier y passa. » « Avoir Jean-Jacques en sa possession, écrit-elle à Sophie Cannet, pouvoir le consulter sans cesse, se consoler, s’éclairer et s’élever avec lui à toutes les heures de la vie, c’est un délice, une félicité qu’on ne peut bien goûter qu’en l’adorant comme je le fais. » Et quelques jours après, à trois heures du matin : « Je suis rentrée depuis onze heures et je griffonne des papiers depuis minuit ; je vais me coucher pour l’amour de toi, car un peu de Jean-Jacques me ferait bien passer la nuit, mais tu gronderais et je ne veux pas te fâcher. » Ses amies s’étonnaient de son admiration. Elle s’étonnait de leur froideur. « Rousseau est le bienfaiteur de l’humanité, le mien… Qui donc peint la vertu d’une manière plus noble et plus touchante ?… Quant à moi, je sais bien que je lui dois ce que j’ai de meilleur. Son génie a échauffé mon âme, je l’ai senti m’enflammer, m’élever et m’ennoblir. Je ne nie point qu’il y ait quelques paradoxes dans son Émile, quelques procédés que nos mœurs rendent impraticables. Mais combien de vues saines et profondes ! Que de préceptes utiles ! Que de beautés pour racheter quelques défauts !… Son Héloïse est un chef-d’œuvre de sentiment. La femme qui l’a lue sans s’en être trouvée meilleure n’a qu’une âme de boue et ne sera jamais qu’au-dessous du commun. Son discours sur l’ Inégalité est aussi profondément pensé que fortement écrit… Ce n’est pas seulement l’homme de génie, c’est l’honnête homme, le citoyen… ».
  • L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Madame Roland, p. 311


À Versailles, elle en était arrivée à mieux aimer voir les statues des jardins que les personnes du château ; et comme sa mère lui demandait si elle était contente du séjour : « Oui, répondait-elle, pourvu qu’il finisse bientôt ; encore quelques jours et je détesterai si fort ces gens que je ne saurai que faire de ma haine. — Quel mal te font-ils donc ? — Sentir l’injustice et contempler à tout moment l’absurdité. » Ne semble-t-il pas que c’est Rousseau qui parle ? Mme Roland ne rappelle pas seulement les emportements austères du maître ; elle en a la modestie ombrageuse et hautaine. Il ne lui suffit pas d’être accueillie comme tout le monde ; les compliments de simple politesse la blessent ; elle entend qu’on la distingue, — nous ne parlons ici que de sa jeunesse, du temps où elle ne comptait encore que pour elle-même ; — et si on ne lui témoigne pas les égards qu’elle se croit dus, quel que soit le personnage, c’est elle qui par sa retenue froide et silencieuse marque la distance et se garde.
  • L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Madame Roland, p. 318


Mme Roland se plaît à tout le détail de la ferme qu’elle administre. Ses raisins et ses prunes qu’elle sèche, ses noix et ses pommes qu’elle étend dans le grenier, ses poires tapées qu’on va retirer du four, ses poules qui couvent, ses lapins qui multiplient, sa lessive qui chauffe, le linge qu’on raccommode et qu’on range dans la haute armoire, tous ces soins qu’elle dirige l’occupent à fond et la charment. Elle assiste aux fêtes du village et tient sa place dans les danses sous la feuillée [...]. Elle parcourt les champs à pied, à cheval, pour recueillir des simples, enrichir son herbier, compléter ses collections, et elle s’arrête avec bonheur devant les touffes de violettes qui bordent les haies gonflées par les premiers bourgeons du printemps, ou devant les pampres rougis qui frissonnent au souffle de l’automne ; tout lui parle, tout lui rit dans les prés et les bois. George Sand répandra un jour sur ces agrestes tableaux un éclat incomparable : elle n’y portera ni plus de naturel ni plus de fraîcheur.
  • L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Madame Roland, p. 328


C’est elle-même qui avait senti de bonne heure qu’on n’apprend rien quand on ne fait que lire, « qu’il faut extraire et tourner en sa propre substance » les choses qu’on veut conserver. Elle s’était donc mise à faire des extraits et des résumés ; « couchant le matin sur un cahier ce qui la veille avait piqué son intérêt, barbouillant du papier à force quand la tête lui faisait mal, écrivant tout ce qui lui venait en idée pour se purger le cerveau. » Elle n’avait point de plan, point d’autre but que de connaître et de s’instruire.
  • L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Madame Roland, p. 337


Mme Roland a l’enthousiasme de la Révolution, non l’ivresse. Elle n’est pas seulement l’âme éloquente de son parti ; Robespierre et Danton ne s’y trompaient pas: elle en est la raison agissante. Par la passion, a dit Michelet, elle était arrivée à l’idée et elle s’y tenait: cœur chaud, tête saine. Jamais femme n’a moins connu ce que Rousseau appelait, en la glorifiant, « la folie » de la vertu. Au lendemain des premières journées de 1789, tandis que ses amis s’endorment dans les rêves ou s’égarent dans les utopies, c’est elle qui les réveille et les ramène au sentiment pratique des nécessités présentes. Une Constitution qui établisse les droits de la nation, des finances qui lui assurent un lendemain, voilà ce qu’elle leur demande avec la précision et la simplicité familière du bon sens.
  • L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Madame Roland, p. 356


Écrouée à l’Abbaye, elle éprouve un soulagement profond à pouvoir se recueillir et retremper ses forces dans ses réflexions et ses souvenirs. Elle est de longue main préparée aux grands sacrifices. Les conversations des geôliers, les bruits du dehors, les avertissements, les menaces n’arrêtent ni ses méditations, ni son récit. Elle écrit sous les yeux des misérables « qui l’auraient massacrée, s’ils eussent pu lire une ligne. » En vingt-deux jours elle a couvert trois cents pages. Achèvera-t-elle le nouveau cahier qu’elle commence ? On l’interrompt pour lui apprendre qu’elle est comprise dans l’acte d’accusation de Brissot. Le temps lui échappe : « à suivre les choses pied à pied, elle aurait à faire un travail pour lequel il ne lui reste plus assez à vivre, » et elle se resserre, elle se résume. Le dégoût la prend enfin, le désespoir l’emporte: « Je ne sais plus conduire ma plume au milieu des horreurs qui déchirent ma patrie ! s’écrie-t-elle : je ne puis vivre sur ses ruines, j’aime mieux m’y ensevelir. Nature, ouvre ton sein… Dieu juste, reçois-moi. »
  • L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Madame Roland, p. 358


« On jetait indifféremment sur la même paille et sous les mêmes verrous, » raconte M. Beugnot, la duchesse de Grammont et une voleuse de mouchoirs, Mme Roland et une misérable des rues, une bonne religieuse et une habituée de la Salpêtrière. Cet amalgame avait cela de cruel pour les femmes élevées, qu’il leur faisait subir le spectacle journalier de scènes dégoûtantes. Nous étions réveillés toutes les nuits par les cris des malheureuses qui se déchiraient entre elles. La chambre où habitait Mme Roland était devenue l’asile de la paix au sein de cet enfer.
  • L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Madame Roland, p. 358


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