On oublie seulement une chose, c'est qu'une grande partie de l'argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l'exploitation depuis des siècles de l'Afrique, pas uniquement, mais beaucoup viennent de l'exploitation de l'Afrique. Alors, il faut avoir un petit peu de bon sens, je ne dis pas de générosité, de bon sens, de justice, pour rendre aux Africains, je dirais, ce qu'on leur a pris d'autant que c'est nécessaire si l'on veut éviter les pires convulsions ou difficultés avec les conséquences politiques que ça comporte dans le proche avenir.
Jacques Chirac, 10 mai, Africaphonie (2008), écrit par Alain Bidjeck, Modeste Sallah et Michaël Gosselin
J'ai été militant de l'ANC de Mandela depuis la fin des années soixante, le début des années soixante-dix. J'ai été approché par Hassan II, le roi du Maroc, pour aider au financement de l'ANC. [...] Je me souviens qu'à l'époque, le président sud-africain, qui devait être Vorster, exerçait d'énormes pressions auprès de nos ministres pour qu'ils viennent en Afrique du sud. Un certain nombre de ministres français ont accepté ces invitations. Moi aussi, j'ai été très sollicité... Les dirigeants de l'Afrique du Sud voulaient nous faire croire que l'apartheid était normal, ou n'existait pas. J'ai déclaré officiellement, et de la manière la plus claire, urbi et orbi que je n'y mettrais pas les pieds tant que l'apartheid existerait.
L'Inconnu de l'Élysée, Pierre Péan, éd. Fayard, 2007, p. 8 et 9
J'ai quelque peine à comprendre l'ostracisme que notre gouvernement manifeste à l'égard de l'Union sud-africaine. L'Union, de par la situation qu'elle occupe sur la route du pétrole, de par ses richesses minières, de par son opposition à la propagation de mouvement subversifs […] mériterait qu'on la traite avec plus de considération.
Jacques Chirac, juin 1984, à Paris, dans Magazine Hebdo, paru dans l'édition datée du mardi 15juin1984.
Jean-Pierre Raffarin, Journal de 20 heures, TF1, 11mars2007 (commentaire suite à l'allocution de Jacques Chirac où il annonce n'être pas candidat à l'élection présidentielle)
[J]'ai la conviction que notre génération saura créer les institutions et les règles d'une démocratie planétaire ouverte et solidaire.
Il serait immoral et dangereux de laisser, sous l’effet d’un libéralisme sans frein, se creuser le fossé entre une partie du monde de plus en plus riche et des milliards d’hommes, de femmes et d’enfants abandonnés à la misère et au désespoir.
La liberté d'expression doit s'exercer dans un esprit de responsabilité. Je condamne toutes les provocations manifestes, susceptibles d'attiser dangereusement les passions.
Déclaration de M. Jacques Chirac, président de la république, sur la liberté de la presse et le respect des convictions religieuses dans le cadre de l'affaire des caricatures du prophète Mahomet., 8 février 2006, Palais de l’Élysée, dans https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-10872-fr.pdf, paru 8 février 2006.
Contexte : Le chef de l'État s'est exprimé à la télévision vers 20 heures pour annoncer qu'il ne sera pas candidat pour un troisième mandat, à l'élection présidentielle, même si une grande partie des observateurs trouvait ce cas de figure assez improbable.
La France, mes chers compatriotes, je l'aime passionnément. J'ai mis tout mon cœur, toute mon énergie, toute ma force, à son service, à votre service. Servir la France, servir la paix, c'est l'engagement de toute ma vie.
Le vrai combat de la France, le beau combat de la France, c'est celui de l'unité, c'est celui de la cohésion. Oui, nos valeurs ont un sens ! Oui, la France est riche de sa diversité ! Oui, l'honneur de la politique, c'est d'agir d'abord pour l'égalité des chances ! C'est de permettre à chacun, à chaque jeune, d'avoir sa chance.
Ne composez jamais avec l'extrémisme, le racisme, l'antisémitisme ou le rejet de l'autre. Dans notre histoire, l'extrémisme a déjà failli nous conduire à l’abime. C'est un poison. Il divise, il pervertit, il détruit. Tout dans l’âme de la France dit non à l'extrémisme.
Mes chers compatriotes, c'est avec beaucoup d'émotion que je m'adresse à vous ce soir. Pas un instant, vous n'avez cessé d'habiter mon cœur et mon esprit. Pas une minute, je n'ai cessé d'agir pour servir cette France magnifique. Cette France que j'aime autant que je vous aime. Cette France riche de sa jeunesse, forte de son histoire, de sa diversité, assoiffée de justice et d'envie d'agir. Cette France qui, croyez-moi, n'a pas fini d'étonner le monde. Vive la République ! Vive la France !
Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au nord comme au sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. […] Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas pour les générations futures celui d'un crime de l'humanité contre la vie.
La phrase « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » a été proposée à Jacques Chirac par l'historien de l'écologie Jean-Paul Déléage[1].
Jacques Chirac, 2 septembre 2002, Johannesburg, Afrique du Sud, dans Elysee.fr.
Au regard de l'histoire de la vie sur terre, celle de l'humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà, par la faute de l'homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. L'Homme, pointe avancée de l'évolution, peut-il devenir l'ennemi de la Vie ? Et c'est le risque qu'aujourd'hui nous courons par égoïsme ou par aveuglement. Il est apparu en Afrique voici plusieurs millions d'années. Fragile et désarmé, il a su, par son intelligence et ses capacités, essaimer sur la planète entière et lui imposer sa loi. Le moment est venu pour l'humanité, dans la diversité de ses cultures et de ses civilisations, dont chacune a droit d'être respectée, le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau, un lien de respect et d'harmonie, et donc d'apprendre à maîtriser la puissance et les appétits de l'homme.
Jacques Chirac, 2 septembre 2002, Johannesburg, Afrique du Sud, dans Elysee.fr.
Quelque part en Afrique de l’Est, voici plusieurs millions d’années, notre ancêtre commun s’est levé et a décidé de partir à la conquête de l’inconnu. Au gré de ses errances, les peuples et les cultures sont nés. La même aventure s’est jouée aux quatre coins du monde : celle de l’invention d’une identité. Souvent, chaque groupe s’est cru détenteur à lui seul de l’expérience ultime de l’humanité. Et pourtant, il s’est trouvé des hommes pour passer de l’un à l’autre, écouter les uns et les autres.
Plus que jamais le destin du monde est là : dans la capacité des peuples à porter les uns sur les autres un regard instruit, à faire dialoguer leurs différences et leurs cultures.
Qu'est-ce qu'il y a encore comme problème ? Je commence à en avoir assez ! What do you want ? Me to go back to my plane, and go back to France ? Is that what you want ? Then let them go. Let them do. No, that's… no danger, no problem. This is not a method. This is provocation. That is provocation. Please you stop now !
« Le "coup de sang" de Jérusalem, vu par Pierre Haski », Henri Seckel, Europe 1, 6 novembre 2009 (lire en ligne)
Notre premier devoir, c’est la vérité. Les anciens des forces supplétives, les Harkis et leurs familles, ont été les victimes d'une terrible tragédie. Les massacres commis en 1962, frappant les militaires comme les civils, les femmes comme les enfants, laisseront pour toujours l'empreinte irréparable de la barbarie. Ils doivent être reconnus. La France, en quittant le sol algérien, n’a pas su les empêcher. Elle n’a pas su sauver ses enfants. Les Harkis ne sauraient demeurer les oubliés d’une histoire enfouie. Ils doivent désormais prendre toute leur place dans notre mémoire. La mission des historiens doit se poursuivre. Elle doit être menée avec conscience et impartialité. La connaissance du passé, parce qu'elle permet de rendre justice aux victimes de l’histoire ne peut que servir l’approfondissement de notre concorde nationale. Ce devoir de vérité trouve son prolongement naturel dans un devoir de reconnaissance..
Notre problème, ce n'est pas les étrangers, c'est qu'il y a overdose. C'est peut-être vrai qu'il n'y a pas plus d'étrangers qu'avant la guerre, mais ce n'est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! [applaudissements nourris] si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et il faut le comprendre, si vous y étiez, vous auriez la même réaction. Et ce n'est pas être raciste que de dire cela. Nous n'avons plus les moyens d'honorer le regroupement familial, et il faut enfin ouvrir le grand débat qui s'impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s'il est naturel que les étrangers puissent bénéficier, au même titre que les Français, d'une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu'ils ne paient pas d'impôt ! [...] Il faut que ceux qui nous gouvernent prennent conscience qu'il y a un problème de l'immigration, et que si l'on ne le traite pas et, les socialistes étant ce qu'ils sont, ils ne le traiteront que sous la pression de l'opinion publique les choses empireront au profit de ceux qui sont les plus extrémistes.
Jacques Chirac, 19juin1991, Orléans, dans Le Monde, paru 21juin1991 : discours tenu par Jacques Chirac alors président du Rassemblement pour la République (RPR, droite) et maire de Paris au cours d'un dîner-débat du RPR, devant 1300 militants et sympathisants.
Ceux qui ont fait alliance avec les communistes sont définitivement disqualifiés pour donner des leçons en matière de droit de l'homme et de règles de démocratie. […] Je n'aurais pas du tout été gêné de voter pour la liste RPR-FN au second tour. Cela n'a aucune espèce d'importance d'avoir quatre pèlerins du FN à Dreux comparé aux quatre ministres communistes au conseil des ministres.
À propos de l'élection municipale de Dreux de la même année, qui a vu les listes RPR et FN fusionner au second tour et l'emporter.
Jacques Chirac, 12 septembre 1983, Rambouillet, dans Le Pen, une histoire française, paru en 2012, Philippe Cohen et Pierre Péan.
Je voudrais exprimer le sentiment que nous éprouvons tous à l'égard de celui qui est probablement le meilleur d'entre nous, notre secrétaire général Alain Juppé.
Jacques Chirac, 1993, Strasbourg, dans Alain Juppé sans masque, paru 2016, Dominique Lormier.
Que nous partagions ou non ses idées, ses combats, nous nous reconnaissions tous en cet homme qui nous ressemblait et nous rassemblait.
Le combat de sa vie, fut celui du respect des différences et du dialogue des cultures. À ses yeux, nul art supérieur aux autres. Mais des arts, des expressions sensibles de l’homme et de l’âme, qu’il faut également considérer, également promouvoir.
Jacques Chirac était un grand Français.
Libre, épris de notre terre, pétri de notre histoire et amoureux taiseux de notre culture.
Lui qui attirait la sympathie de l’agriculteur et du capitaine d’industrie, lui qui prenait le temps d’échanger longuement avec l’ouvrier d’usine comme avec les plus grands artistes, aimait profondément les gens, dans toute leur diversité, quelques soient leurs convictions, leurs professions, leurs conditions.
Il aimait les Français pour les saluer, leur parler, leur sourire… les embrasser.
Les plus humbles, les plus fragiles, les plus faibles furent sa grande cause.
Nous nous souvenons avec émotion et affection de sa liberté et de sa personnalité, de ce talent qu’il eut de réconcilier simplicité et grandeur, proximité et dignité, amour de la patrie et ouverture à l’universel.
Sa soif d’agir était celle d’un homme libre, libéré de la tyrannie de l’ego, protégé de la passion glaçante de ceux qui ne vivent que pour construire leur statue. Révolté par l’injustice, la souffrance, l’indifférence, son mystère, son moteur étaient sa sensibilité.
Comment pouvait-il tout à la fois être chez lui au zinc d’un comptoir de campagne à partager une bière, s’enflammer dans un musée parisien en expliquant avec une telle érudition l’histoire d’un objet antique, comprendre comme si c’étaient les siens, les débats entre communautés et religions presque partout dans le monde ?
C’était Chirac dans toute sa singularité. Mais au fond est-ce que ce n’est pas cela être Français : avoir en même temps les pieds solidement enfoncés dans la terre, la passion des grandes idées et le regard tourné vers le monde, son unité, son universalité.
Sur le plan politique, le double mandat de Jacques Chirac s'était achevé sans avoir livré la clé de l'énigme : pourquoi cet homme avait-il mis autant d'énergie pour conquérir et conserver le pouvoir, alors qu'il s'employait méthodiquement à le vider de son contenu ? La pugnacité du candidat, la férocité à l'égard de ses rivaux, hors et dans son propre camp, contrastaient étrangement avec l'absence de grand dessein de l'élu à la tête de l'État. Avec lui, le domaine présidentiel s'était réduit au périmètre du Téléthon. Sécurité routière, lutte contre le cancer, aide aux handicapés : le quinquennat, qui lui avait échu moins qu'il ne l'avait gagné après un septennat empêché, devait se limiter à la promotion de ce triptyque apolitique et consensuel. Par le primat concédé au diktat de la rue sur la loi votée par la représentation nationale, la présidence chiraquienne fut aussi celle de la capitulation permanente face aux manifestations [évoque la polémique du CPE en 2006]. Au fond, cet héritier apostat du gaullisme se sera pour l'essentiel employé à défaire l'œuvre de relèvement entreprise par le fondateur de la Ve République. Désavoué à deux reprises par le suffrage universel [en 1997 et 2005], il se refusera chaque fois à en inférer la moindre incidence politique, s'accrochant à son trône en carton-pâte avec une constance qui n'aura d'égale que l'opiniâtreté mise à appliquer son seul et unique programme : I will survive.
Poussé par les circonstances, des parrains successifs et une immense ambition à devenir le leader d'une droite qui ne l'aime pas et qu'il n'aime pas, Jacques Chirac a dû assumer un personnage schizophrène sans cesse écartelé entre sa gauche et sa droite. Il s'est souvent pris pour sa caricature, qu'à coups de menton autoritaire, ce fort en anathèmes a cultivé tout au long de sa vie sans doute pour mieux dissimuler sa vraie nature. Au fond Jacques Chirac n'aura été que rarement lui-même. À l'aube du crépuscule l'homme s'est il enfin trouvé ?
Patrick Rotman, Chirac, le vieux Lion (2006), écrit par Patrick Rotman