Johannes Vermeer
Apparence
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Johannes ou Jan Van der Meer, dit Vermeer ou Vermeer de Delft, baptisé le 31 octobre 1632 à Delft et inhumé le 15 décembre 1675 dans cette même ville, est un peintre néerlandais du mouvement de la peinture de genre néerlandaise.
Citations sur Vermeer
[modifier]Daniel Arasse
[modifier]- Voir le recueil de citations : Daniel Arasse
En 1668, Vermeer signe et date L'Astronome. Sur le mur de fond, il peint un tableau dont le sujet a été reconnu comme un Moïse sauvé des eaux, sans qu'on puisse identifier avec certitude l'original supposé. Le cadrage de L'Astronome empêche par ailleurs de savoir quel pourrait être le format de ce Moïse, mais la toile représentée est manifestement supposée de dimensions moyennes, voire petites. Deux ou trois ans plus tard, au fond de La Lettre, Vermeer peint aussi un Moïse sauvé des eaux, « le même » que dans L'Astronome. La citation est, cette fois, tronquée en haut et à droite ; le format de l'original n'est donc toujours pas identifiable et le « tableau-dans-le-tableau » s'est, conjointement, profondément modifié. Non seulement ses dimensions apparentes ont considérablement augmenté mais le rapport des figures et de la surface a changé : la partie supérieure du paysage s'est développée en hauteur et le groupe des personnages s'est éloigné du bord gauche de l'image (dans la version précédente, ce bord gauche découpait à hauteur du genou la figure latérale du groupe). Tous les spécialistes de Vermeer ont observé l'agrandissement du Moïse d'un tableau à l'autre. Sans autre commentaire. Il constitue pourtant une démonstration frappante de la façon dont, loin d'être fidèle à la réalité des tableaux qu'il représente, Vermeer les adapte au besoin de ses propres compositions.
- L’ambition de Vermeer, Daniel Arasse, éd. Adam Biro, 2001 (ISBN 2-87660-321-7), chap. III. Tableaux-dans-le-tableau, p. 56 (lire en ligne)
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Femme écrivant une lettre et sa servante, National Gallery of Ireland
Dans L'Astronome, le « Moïse » est de dimension moyenne et, quelle que soit sa signification « emblématique » précise, qu'elle soit en relation de complémentarité ou d'opposition avec l'activité de la figure principale, il apporte une connotation religieuse et spirituelle à l'ensemble de la toile. Devenu immense dans La Lettre, ce même « Moise » n'y a plus guère de résonance religieuse et entretient plutôt une relation d'association thématique libre avec l'activité épistolaire de la figure principale. De L'Astronome à La Lettre, la transformation du tableau-dans-le-tableau n'affecte donc pas seulement ses dimensions apparentes, mais le sens même qu'il est supposé transmettre : selon le regard qui lui est adressé, Moïse sauvé des eaux change de sens. Il est, en lui-même, polysémique.
- L’ambition de Vermeer, Daniel Arasse, éd. Adam Biro, 2001 (ISBN 2-87660-321-7), chap. III. Tableaux-dans-le-tableau, p. 63 (lire en ligne)
Les représentations de peintures n'ont pas, chez Vermeer, pour fonction première de constituer un énoncé assurant la moralisation d'une scène qui serait, sinon, anodine. Ils ne jouent donc pas vraiment un rôle de « citation » et on conçoit que, comme le note Gowing, ils ne se présentent pas sous la forme de répliques miniatures ou « conceptuelles » de l'œuvre représentée; les tableaux-dans-le-tableau de Vermeer sont de « purs phénomènes visuels, des surfaces plates, tonales ». Juste d'un point de vue plastique, cette définition mérite d'être reprise au registre théorique proposé jadis par André Chastel et selon lequel, en général, un tableau-dans-le-tableau constitue, à l'intérieur du tableau où il apparaît, « une maquette réduite de sa structure ou un scénario de sa production ». Cette formule est d'une appréciable efficacité pour dégager la théorie (implicite) que Vermeer se fait de son art ; comme le dit aussi Chastel dans le même passage, ses « intentions » sont « complexes, sinon dérobées ». Ses tableaux-dans-le-tableau ne manifestent pas seulement l'importance de la « tonalité » ni le rôle dévolu à l'effet de surface dans sa peinture; dans le tableau même, ils réfléchissent la « structure » et le « scénario » selon lesquels Vermeer conçoit son art.
- L’ambition de Vermeer, Daniel Arasse, éd. Adam Biro, 2001 (ISBN 2-87660-321-7), chap. III. Tableaux-dans-le-tableau, p. 65-66 (lire en ligne)
Dans sa cohérence interne, La Leçon de musique se présente donc comme une sphère inaccessible. Son miroir fait bien plus que montrer, comme toujours, l'autre face des objets ou des figures. Il montre l'inaccessibilité interne du tableau; il nous montre que nous ne voyons pas ce qu'il est censé nous montrer, la co-présence vivante du peintre à son tableau. Celle-ci est évoquée par le chevalet mais elle ne renvoie qu'à un passé, à une absence. Dérobée dans la toile, la co-présence vivante du peintre au tableau est interdite au spectateur; le seul lieu où elle se répète indéfiniment est le tableau lui-même. Dans l'intimité du tableau, le miroir suscite un écart (infinitésimal mais insurmontable) entre le peintre (en train de peindre) et le spectateur (en train de regarder). Cet écart instaure le présent du tableau, un effet de présence que nous ne pouvons que constater, dont nous ne pouvons être que les témoins, sans en pénétrer l'intimité.
- L’ambition de Vermeer, Daniel Arasse, éd. Adam Biro, 2001 (ISBN 2-87660-321-7), chap. III. Tableaux-dans-le-tableau, p. 69 (lire en ligne)
Quelle que soit la chronologie que les spécialistes adoptent pour rendre compte de la succession des toiles de Vermeer, La Leçon de musique est la dernière (exception faite de L'Art de la Peinture) où l'on voie ensemble un homme et une femme. Et c'est très certainement la dernière où, dans cette relation duelle, le visage de l'homme est visible. L'Art de la Peinture inverse la relation de visibilité: la femme fait voir son visage à celui qui regarde : le peintre est de dos, dérobant son visage et son regard alors même qu'il est présenté en train de peindre. D'une toile à l'autre, une relation existe qui fait de La Leçon de musique une œuvre-charnière dans l'évolution de Vermeer, et de son miroir le « miroir de l'art » auquel travaillera désormais le peintre.
Quelques années plus tard, L'Art de la Peinture explicitera au registre allégorique la conception de la peinture qui travaillait déjà le thème musical de La Leçon de musique. Dans ses scènes de « genre » en revanche, Vermeer se concentrera sur ce que donne à voir le miroir de La Leçon de musique : sous le regard du peintre (absent), une femme, dans un intérieur. Dans ce reflet prémonitoire, Vermeer a élagué toute iconographie complémentaire, superfétatoire. Au travers d'un thème musical pris au miroir de l'art, il a énoncé la peinture comme représentation, cosa mentale, faite amoris causa.
- L’ambition de Vermeer, Daniel Arasse, éd. Adam Biro, 2001 (ISBN 2-87660-321-7), chap. III. Tableaux-dans-le-tableau, p. 74-75 (lire en ligne)
André Chastel
[modifier]- Voir le recueil de citations : André Chastel
Au XVIIe siècle on constate un peu partout une extraordinaire abondance de tableaux figurés dans des toiles; les spéculations dont ils pouvaient être l'occasion, semblent se multiplier. Nous sommes au cœur du sujet; mais ce cœur il faut l'ausculter très doucement, car nous devons interroger quelques-uns des ouvrages les plus célèbres et les plus impressionnants du monde. Par bonheur, leur puissance même nous impose l'évidence de certains grands effets, et nous les appellerons, pour plus de clarté, l'effet Rembrandt quand le peintre nous fait part de sa prise de conscience aiguë du pouvoir de son art; l'effet Vermeer quand le tableau inscrit accentue au maximum le caractère contemplatif de la peinture; enfin l'effet Vélasquez quand il en accentue le côté énigmatique.
- « Le tableau dans le tableau », dans Fables, formes, figures (II), André Chastel, éd. Flammarion, 1978 (ISBN 2-08-210712-4), vol. II, p. 83-84
Michel Pastoureau
[modifier]- Voir le recueil de citations : Michel Pastoureau
L'admiration de Dalí pour les grands maîtres du passé se lit dans les notes astronomiques qu'il leur accorde : Léonard et Vélasquez n'en ont pas une en dessous de 15 ; Raphaël, aucune en dessous de 18 ; quant à Vermeer, il obtient 20 partout, sauf un 19 en originalité. Pour Dalí, si l’on en croit cet étonnant relevé de notes, c’est Vermeer le plus grand peintre de tous les temps.
- Les couleurs de nos souvenirs, Michel Pastoureau, éd. Seuil, 2010 (ISBN 978-2-02-096687-0), chap. Les arts et les lettres, p. 106-107
Pour Dalí, Vermeer est le plus grand de tous les peintres. Pour moi il l’est aussi, même si je sais bien qu’établir un tel palmarès n’a guère de sens et que comparer des artistes incomparables a quelque chose de futile, voire de scandaleux. […] Parmi ses œuvres, ma préférence s’est tout de suite portée sur La Ruelle et non sur les célèbres Vue de Delft et Jeune Fille au turban. Cette préférence n’a du reste rien d’original, elle est partagée par de nombreux artistes ou critiques d’art. Dès 1884, par exemple, le peintre allemand Max Liebermann […] écrivait que La Ruelle est « le plus beau tableau de chevalet qui soit ». Je partage cette opinion.
- Les couleurs de nos souvenirs, Michel Pastoureau, éd. Seuil, 2010 (ISBN 978-2-02-096687-0), chap. Les arts et les lettres, p. 108
Vermeer est un peintre du bleu (et même du bleu et blanc, tant ces deux couleurs fonctionnent chez lui en association). […] Chez Vermeer, il faut rappeler - encore et toujours -, à la suite de Marcel Proust, l’importance des petites zones jaunes, certaines plus ou moins rosées. […] Sur ces jaunes, souvent discrets, semble reposer toute la musique vermeerienne, celle qui nous enchante et qui en fait un peintre à nul autre pareil.
- Les couleurs de nos souvenirs, Michel Pastoureau, éd. Seuil, 2010 (ISBN 978-2-02-096687-0), chap. Les arts et les lettres, p. 111
Norbert Schneider
[modifier]Au début des temps modernes[...] les femmes qui avaient la charge du foyer recevaient quantité de tâches et des responsabilités que les autorités et les auteurs pédagogiques populaires leur appelaient constamment. La plupart des tableaux de Vermeer ont ces obligations pour sujet, mais ils montrent également les conflits intérieurs que les devoirs et les préceptes de vertu engendrent chez les femmes.
- Lire Tout l'oeuvre peint de Vermeer, Norbert Schneider[n 2], éd. Taschen, 2005 (ISBN 978-2-743-45296-4), p. 91
- Voir le recueil de citations : Maria Helena Vieira da Silva
Je n'ai pas un peintre préféré, mais si, par exemple, je pense à la peinture de Vermeer, c'est une certitude, c'est un absolu. C'est tellement pur que c'est une certitude. (...) Ma peinture c'est juste le contraire de celle de Vermeer. Lui il était sûr. Il devait avoir une tout autre nature que la mienne. Dans ma peinture, on voit cette incertitude, ce labyrinthe terrible. C’est mon ciel, ce labyrinthe, mais peut-être qu’au milieu de ce labyrinthe on trouvera une toute petite certitude.
- Georges Charbonnier, Le Monologue du peintre.
- Vieira da Silva : monographie, Guy Weelen, Jean-François Jaeger, Jean-Luc Daval, Diane Daval Béran, Virginie Duval, éd. Skira, 1993 (ISBN 2-605-00251-9), partie Renouveler l'expérience du voir, chap. 3. Figuration-abstraction, p. 113
Citations sur ses œuvres
[modifier]La Laitière, 1658
[modifier]Anne Calife, La déferlante, 2003
[modifier]Ce soir, j’attaque Vermeer. Je vais tenter de reproduire ce tableau « La Laitière », qui m’a laissé toute abasourdie. De la cruche dans la jatte, coule le lait. Il coulait de façon quasi éternelle. La femme au tablier baisse les yeux, sa main gauche soutenait la cruche. On ne voit pas ses yeux. Morte ? Immobile, figée ? Éternité ? Surtout, surtout au centre du tableau, le tablier ! Non, que le Tablier ! Un tablier d'un Bleu ! Une de ces couleurs qui vous saute au visage … Impossible de reproduire le bleu outremer du tablier. J’ajoute par-ci une touche de violet, par-là du noir. J’ai beau m’acharner, rien à faire. Invincible ce Bleu.
- La déferlante, Anne Calife, éd. Balland, 2003, réédition Menthol House, 2003 (ISBN 2-7158-1436-4), p. 20
Citation choisie pour le 27 septembre 2024 Également sur la page consacrée à Anne Calife).

Norbert Schneider
[modifier]Les domestiques sont généralement représentés dans la peinture hollandaise comme des êtres paresseux [...] ou comme des êtres lubriques. On ne trouve pas ce genre d'allusions piquantes dans le portrait de servante de Vermeer. Le lait qui s'écoule en gouttes épaisses est versé avec précaution dans un pot de terre à deux anses. Le regard baissé de la servante est à la fois signe d'humilité et de modeste méditation.
- Vermeer, 1632-1675, ou Les sentiments dissimulés, Norbert Schneider, éd. Le Monde/Taschen, coll. « Le Musée du "Monde" », 2005 (ISBN 3-8228-4656-2), chap. Donner le bon exemple, p. 61 (lire en ligne)
L'Astronome, 1668
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Après avoir longuement contemplé l'Astronome de Veemer, Goering réfréna son envie : celui-ci serait offert à Hitler, il en rêvait depuis si longtemps.
- Göring «fait son marché» au Musée du Jeu de Paume (Paris) parmi les toiles des collections privées confisquées par le Régime de Vichy aux familles Rotschild, Wildenstein et Seligmann.
- Rose Valland, l'espionne à l'œuvre, Jennifer Lesieur, éd. Robert Lafond (Le Livre de poche), 2023 (ISBN 978-2-253-24937-5), chap. L'Ogre et les madones, p. 9
Notes et références
[modifier]- ↑ « L'Astronome », sur collections.louvre.fr.
- ↑ Norbert Schneider (1945-2019) est un professeur d'université allemand, historien de l'art et spécialiste des temps modernes.
Voir Aussi
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