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Natalia Ginzburg

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Natalia Ginzburg.

Natalia Ginzburg, née Levi, est une écrivaine italienne, née le 14 juillet 1916 à Palerme et morte le 7 octobre 1991 à Rome. Son œuvre explore les thèmes des relations familiales, de la politique et de la philosophie.

Citations

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La Route qui mène à la ville

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La strada che va in città

Ecrire par hasard, c’était se laisser aller au jeu de la pure observation et invention, lequel se déroule hors de nous, cueillant au hasard parmi des êtres, lieux et choses à nous indifférents. Écrire non par hasard, c’était dire uniquement ce que nous aimons. La mémoire est amoureuse et n'est jamais de hasard. Elle plonge ses racines dans notre vie même et c'est pourquoi son choix n'est jamais de hasard mais toujours passionné et impérieux.
  • « Petit précis autobiographique », dans La Route qui mène à la ville, Natalia Ginzburg (trad. Georges Piroué), éd. Denoël, 2014  (ISBN 978-2-207-11800-9), p. 117


C'est ainsi que cela s'est passé

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È stato così

Je lui ai dit : « Dis-moi la vérité. » Et il a dit : « Quelle vérité? » et il esquissait rapidement quelque chose sur son calepin. Il m'a montré ce que c'était : un long train avec un gros nuage de fumée noire et lui qui se penchait à une portière et agitait son mouchoir. J'ai tiré dans les yeux. Il m'avait demandé de préparer le thermos pour le voyage. Je suis allée à la cuisine où j'ai fait le thé, j'y ai mis le lait, le sucre et je l'ai versé dans le thermos, j'ai vissé à fond le petit gobelet et je suis retournée dans le bureau. C'est alors qu'il m'a montré le dessin. J'ai pris le revolver dans le tiroir de son bureau et jai tiré. J'ai tiré dans les yeux. Il y a si longtemps déjà que je pensais le faire une fois ou l'autre.
  • C'est ainsi que cela s'est passé, Natalia Ginzburg (trad. Georges Piroué), éd. Denoël, 2017  (ISBN 978-2-207-11894-8), p. 11


Tous nos hiers

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Tutti i nostri ieri

Les Voix du soir

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Le voci della sera

Les petites vertus

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Le piccole virtù

Mon métier est d'écrire. Je le connais bien, et depuis très longtemps. J'espère ne pas me faire mal comprendre. Sur la valeur de ce que j'écris, je ne sais rien. Je sais qu'écrire est mon métier.
  • « Il mio mestiere », 1949
  • Les petites vertus, Natalia Ginzburg (trad. Adriana R. Salem), éd. Ypsilon, 2018  (ISBN 978-2-35654-081-2), chap. Mon métier, p. 67


Lorsque j'écris des histoires, je suis comme quelqu'un qui est dans sa patrie, sur les routes qu'il connaît depuis son enfance, et au milieu de murs et d'arbres qui sont les siens. Mon métier est d'écrire des histoires, des choses inventées ou des choses de ma vie dont je me souviens, mais, en tout cas, des histoires, des choses où n'entre pas la culture, mais seulement la mémoire et la fantaisie. C'est cela mon métier, et je le ferai jusqu'à la mort.
  • « Il mio mestiere », 1949
  • Les petites vertus, Natalia Ginzburg (trad. Adriana R. Salem), éd. Ypsilon, 2018  (ISBN 978-2-35654-081-2), chap. Mon métier, p. 68


Ce métier n'est jamais une consolation ou une distraction. Ce métier est un maître, un maître capable de nous fustiger au sang, un maître qui crie et qui condamne. Il nous oblige à ravaler notre salive et nos larmes, à serrer les dents et essuyer le sang de nos blessures, et à le servir. Le servir lorsqu'il le demande. Alors il nous aide même à rester debout, à garder les pieds solides sur terre, il nous aide à vaincre la folie et le délire, le désespoir et la fièvre. Mais c'est lui qui veut commander, et il se refuse toujours à nous prêter attention, lorsque nous avons besoin de lui.
  • « Il mio mestiere », 1949
  • Les petites vertus, Natalia Ginzburg (trad. Adriana R. Salem), éd. Ypsilon, 2018  (ISBN 978-2-35654-081-2), chap. Mon métier, p. 81


Lorsque j'écris quelque chose, d'habitude, je crois que c'est très important, et que je suis un très grand écrivain. Je pense que cela arrive à tout le monde. Mais il y a un coin dans ma tête, où je sais parfaitement ce « Ce que je suis, c'est-à-dire un petit, un tout petit écrivain ». […] Seulement je ne veux pas penser à des noms : j'ai vu que si je me demande : « Un petit écrivain comme qui ? » cela me chagrine de penser à des noms d'autres petits écrivains. Je préfère croire que jamais personne n'a été comme moi, si petit, si puce ou moustique d'écrivain que je sois.
  • « Il mio mestiere », 1949
  • Les petites vertus, Natalia Ginzburg (trad. Adriana R. Salem), éd. Ypsilon, 2018  (ISBN 978-2-35654-081-2), chap. Mon métier, p. 82


Nous sommes continuellement menacés de graves dangers au moment même de rédiger notre page. […] Il y a le danger de tricher avec des mots qui n'existent pas véritablement en nous, que nous avons pêchés au hasard, hors de nous, et que nous rassemblons avec adresse, parce que nous sommes devenus plutôt malins. Il y a le danger de faire les malins et de tricher. C'est un métier assez difficile, vous le voyez, mais c'est le plus beau métier du monde. Les journées et les circonstances de notre vie, les journées et les circonstances de la vie des autres auxquelles nous assistons, les lectures, les images, les pensées et les propos l'assouvissent et il croît en nous. C'est un métier qui se nourrit même de choses horribles, il dévore le meilleur et le pire de notre vie, nos mauvais sentiments comme nos bons sentiments s'écoulent dans son sang. Il se nourrit et croît en nous.
  • « Il mio mestiere », 1949
  • Les petites vertus, Natalia Ginzburg (trad. Adriana R. Salem), éd. Ypsilon, 2018  (ISBN 978-2-35654-081-2), chap. Mon métier, p. 82-83


Les mots de la tribu

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Lessico famigliare

Ne me demande jamais

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Mai devi domandarmi

J'ai lu Cent ans de solitude par hasard, et je l'ai commencé sans enthousiasme et avec méfiance. Nous sommes devenus tellement méfiants. Nous sommes devenus de mauvais lecteurs de romans. En outre, les romans que nous tentons d'approcher nous repoussent souvent dès les premières lignes, nous avons parfois l'impression en les lisant de manger des pierres, de la sciure, de la poussière, ou bien nous les lisons tristement et distraitement comme si nous étions debout et chargés de valises dans la salle d'attente d'une gare, pleins d'ennui et de froid.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Cent ans de solitude, p. 64


Lire Cent ans de solitude fut pour moi comme entendre le son d'une trompette qui m'aurait tirée du sommeil. Je l'ai commencé sans enthousiasme, m'attendant à être rebutée. Quelque chose a capturé mon attention et j'ai continué avec la sensation d'avancer dans un maquis vert et très touffu, plein d'oiseaux, de serpents et d'insectes. J'ai eu aussi l'impression, après l'avoir lu, d'avoir suivi un vol d'oiseau très rapide et sans fin, dans un ciel aux distances sans fin où il n'y avait pas de consolation, hormis l'amère et tonifiante conscience du vrai.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Cent ans de solitude, p. 66


J'ai toujours la sensation, avec la musique, que j'aurais pu l'aimer, mais qu'une erreur tragique fait qu'elle m'a échappée. J'ai parfois la sensation que j'aime peut-être la musique et que la musique ne m'aime pas. Peut-être qu'elle se trouvait à quelques pas de moi, et je n'ai pas su, ou elle n'a pas voulu, traverser ce petit bout d'espace.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Ne me demande jamais, p. 75-76


De la part des critiques, nous attendons de la bienveillance. Nous l'attendons comme si c'était un dû. Si nous ne l'obtenons pas, nous nous sentons incompris, persécutés et victimes d'une haine injuste ; et nous voilà aussitôt prompts à déceler chez les autres quelques fins méprisables. Si le critique est un ami, ou simplement une personne que nous croisons de temps à autre et avec laquelle nous échangeons quelques mots, cette amitié ou ces rencontres occasionnelles nous donnent la certitude que son jugement sera élogieux à notre égard. Et si ce n'est pas le cas, si à la place d'un jugement élogieux nous recevons une leçon sans pitié, ou seulement un silence prudent, nous voilà sidérés de découragement et aussitôt envenimés de rancœur: comme si l'amitié ou ces rares rencontres nous donnaient droit à des faveurs éternelles, notre cuistrerie nous incitant à exiger de l'amitié ou du simple sourire de politesse, non pas la vérité, mais un avantage personnel immédiat.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. La critique, p. 98


Jeune, l'écrivain se sentait coupable quand il écrivait. Il ne savait pas pourquoi. Écrire était ce qu'il désirait et avait décidé de faire depuis sa plus tendre enfance. Pourtant, il se sentait coupable. Confusément, il pensait qu'il aurait dû se cultiver et faire des études, afin d'écrire des choses plus sérieuses. Il n'étudiait pas, mais passait son temps à penser qu'il devait se cultiver. Ses heures d'écriture lui semblaient des heures volées.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Portrait d'écrivain, p. 241


Après avoir fini d'écrire, il passait de longues années sans écrire. Les chemins qui menaient à l'écriture, il les avait perdus et oubliés. Ses mains étaient rouillées et ses pensées confuses. Par instants, dans le désordre de ses pensées, il se rappelait qu'il avait écrit quelque chose par le passé; il lui semblait avoir trahi ses anciennes résolutions. Alors il se déclarait à lui-même qu'il avait le devoir d'écrire encore. Et cette idée sévère projetait un sentiment de culpabilité sur sa vie absorbée par d'autres occupations. Il pense parfois qu'il a trouvé le moyen de se sentir coupable toute sa vie, pour des raisons contraires.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Portrait d'écrivain, p. 241-242


À présent, son avenir n'est qu'un tronçon de route détruit et bouleversé où l'herbe ne pousse pas. Son imagination a disparu. Il n'a plus aucun sentiment de culpabilité, plus aucune hâte. Il est devenu patient. Il passe ses heures à faire et défaire. Il se méprise, mais sans sentiment de culpabilité: il se méprise, tout simplement, et sa patience l'agace. Avec l'imagination, l'avarice a disparu aussi: il est devenu généreux, il donnerait tout ce qu'il a, sauf qu'il se soupçonne parfois de n'avoir plus rien.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Portrait d'écrivain, p. 244


Il éprouve, à l'égard de ses livres, une sorte de tolérance vaniteuse qui cohabite avec le dégoût. Mais il lui semble que cette tolérance et ce dégoût ne s'adressent pas tant à ces livres qu'à ce qu'il était, lui, au temps où il les écrivait. Il pense parfois qu'il y a en lui, dans son peu d'amour pour ses livres, dans son refus de les réécrire là où il les hait, quelque chose d'assez laid: une fatigue, un renoncement à être, face à lui-même, cet écrivain limpide et parfait qu'il avait espéré devenir.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg (trad. Muriel Morelli), éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Portrait d'écrivain, p. 246


Quel idiot il a été. Et il s'est posé une montagne de questions idiotes. Il s'est demandé si écrire était pour lui un devoir ou un plaisir. Idiot. Ce n'était ni l'un ni l'autre. Dans les meilleurs moments, écrire était et reste pour lui comme habiter la Terre.
  • Ne me demande jamais, Natalia Ginzburg, éd. Ypsilon, 2024  (ISBN 978-2-35654-124-6), chap. Portrait d'écrivain, p. 248


Citations sur

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Italo Calvino

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Voir le recueil de citations : Italo Calvino
Natalia Ginzburg est la dernière femme restée sur la terre. Tous les autres sont des hommes : toutes les figures de femmes qu'elle voit tourner autour d'elle appartiennent désormais au monde des hommes, au monde de ceux qui décident, choisissent, agissent. Elle – c'est-à-dire les héroïnes désenchantées dans lesquelles elle se reconnaît – reste seule à l'extérieur de tout ceci ; pendant des générations entières les femmes sur la terre ont dû se contenter d'attendre et de subir: attendre d'être aimées, épousées, rendues mères, trahies. Il en va ainsi de ses personnages féminins. […] Ainsi ses sentiments et ses gestes : elle ne découvre pas, elle reconnaît de temps à autre des mots et des situations qu'elle connaît : voilà, maintenant, elle doit être amoureuse, et cela, oui cela, ce doit être de la jalousie, et maintenant, comme dans C'est ainsi que cela s'est passé, maintenant elle prend un revolver et elle le tue.
  • l’Unità, 1947[1].
  • « Natalia Ginzburg. C’est ainsi que cela s’est passé », Italo Calvino, dans Italo Calvino, Christophe Mileschi et Martin Rueff, éd. L’Herne, 2024  (ISBN 9791031904269), p. 69


Il y a une phrase qui est dite, à un certain moment, par les deux personnages principaux de Les Voix du soir (Einaudi, 1961), de Natalia Ginzburg, et qui définit bien le vrai sujet du roman ainsi que son style « Nous avons enterré nos pensées ». Les Voix du soir est une histoire de personnes qui essaient d’enterrer leurs pensées, de s’identifier seulement aux gestes qu’elles accomplissent et aux paroles qu’elles disent, et finissent par se retrouver serrés dans un étau d’absurdité et de douleur.
  • Présentation de Le Voci della sera pour le prix Strega, Rome, 23 juin 1961. Publiée dans L’Europa letteraria, II, 9-10, juin-aout 1961[2].
  • « Natalia Ginsburg ou les possibilités du roman bourgeois », dans Défis aux labyrinthes, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2003  (ISBN 2-02-061914-8), t. II, partie Les Classiques, p. 422


Dans chaque page de ce livre il y a sa manière d'être femme : une manière de l'être souvent douloureuse mais toujours pratique et presque brusque, au milieu des douleurs et des joies de la vie. Peut-être jamais écrivaine n'a-t-elle su être si féminine – jeune fille, épouse, mère – dans un sens si opposé à ce que l'on entend habituellement par « littérature féminine », c'est-à-dire abandon lyrique et émotif. Pour elle, le vrai délit – comme il est écrit dans les pages autobiographiques intitulées Mon métier – est de « tricher avec des mots qui n'existent pas véritablement en nous, que nous avons pêchés au hasard, hors de nous, et que nous rassemblons avec adresse car nous sommes devenus plutôt malins. » Au-delà de la leçon de vie, c'est une leçon de littérature que nous pouvons tirer de la simplicité de ces pages.
  • pour le quatrième de couverture de la première édition italienne, 1962, traduction Marie Fabre.
  • « Note d’Italo Calvino », Italo Calvino, dans Les petites vertus, Natalia Ginzburg, éd. Ypsilon, 2018  (ISBN 978-2-35654-081-2), p. 7


Notes et références

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  1. Repris dans (it) È stato così, Einaudi, 2001 (ISBN 88-06-15760-4) [lire en ligne], p. IX .
  2. Repris dans (it) Le voci della sera, Einaudi, 2003 (ISBN 88-06-16478-3) [lire en ligne], p. V .

Voir aussi

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