Mélanie Fazi
Apparence
Mélanie Fazi, née le 29 novembre 1976 à Dunkerque, est une nouvelliste et romancière française de fantastique et de fantasy. Elle est principalement connue pour ses nouvelles fantastiques.
Citations de ses œuvres
[modifier]Serpentine, 2004
[modifier]S'il te plaît, dessine-moi une pulsion.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Serpentine, p. 21
Rends-les moi, je t'en supplie. Ou laisse-moi entrer, laisse-moi les rejoindre. Je ne résisterai pas. Je viendrai à toi en silence, pour les retrouver. Ce sera de mon plein gré, si c'est le seul choix que tu me laisses.
- Début de la nouvelle « Élégie ».
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Élégie, p. 41
Comme une méchante envie de pleurer coincée au fond de la gorge. Et l'air chargé de gouttelettes qui me collent les cheveux au visage, façon toile d'araignée.
- Début de la nouvelle « Nous reprendre à la route ».
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Nous reprendre à la route, p. 53
Si Maman voyait ça — elle et sa phobie des allumettes.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Rêve de cendres, p. 53
Les photos n'ont jamais de rides, jamais l'air trop maquillées. Elles vous regardent sans vous voir. On peut leur parler, leur confier les secrets les plus embarrassants.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Matilda, p. 108
Des senteurs d'huile d'olive, de muscade, d'oignons revenus, d'herbes et de viande grillée. Le miel de mes desserts, derrière cette première strate. Et une trace d'encens pour masquer des odeurs de cuisson moins plaisantes.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Mémoire des herbes aromatiques, p. 131
La farce n'est pas à ton goût, hein ? Mais c'est la rançon des mythes. Sitôt transmis, sitôt déformés, accommodés à des sauces chaque fois plus incongrues.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Mémoire des herbes aromatiques, p. 135
Les zones de transit ont ceci de fascinant qu'elles appartiennent à tout le monde, à force de n'être à personne.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Petit théâtre de rame, p. 154
La plupart des gens prient pour une muse ; moi, j'aimerais tant que la mienne me laisse en paix.
- Début de la nouvelle « Le Passeur ».
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Le Passeur, p. 219
Si une cité a jamais mérité l'appellation de ville fantôme, je peux me vanter d'y résider. Elle semble avoir poussé par accident au milieu de la poussière et du vide, pour satisfaire les caprices d'un dieu farceur. Une blague sinistre et sans but véritable.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Ghost Town Blues, p. 239
Nous qui n'existons pas, 2018
[modifier]Est arrivé un jour où la fiction n'a pas suffi.
- Incipit
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 15
J'ai pour les genres en général, et surtout pour le fantastique, un profond respect. J'aime leurs multiples niveaux de lecture, leur richesse métaphorique, j'aime la façon dont ils permettent de traduire des réalités complexes par des images fortes ou poétiques là où les mots se dérobent parfois.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 15
Je l'ai appris de longue et parfois pénible expérience : ce n'est pas si facile d'expliquer une différence et de la faire entendre aux autres.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 17
La différence dont je vous parle tient à l'absence d'une petite chose très bête que tout être humain est censé posséder : une pulsion considérée comme la chose la plus universelle et la plus banale au monde. Celle qui pousse à chercher un partenaire, à désirer la vie de couple, les relations charnelles, celle qui incite à fonder une famille. La recherche de l'âme sœur, si vous voulez.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 18
Ce n'est sans doute pas un hasard si le fantastique me parle autant. C'est le genre de l'étrange par excellence, qui soulève le voile des apparences et donne la parole au monstre, à la sorcière, à ceux qui ne sont pas comme les autres et qui, parfois, ne désirent qu'être acceptés pour ce qu'ils sont.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 24
J'ai souvent songé que ce serait reposant de lire un roman, de regarder un film où la question de l'amour ne serait même pas évoquée. Une histoire où les personnages vivraient seuls parce qu'ils le souhaitent et où l'intrigue se concentrerait enfin sur autre chose. Parce qu'alors, pour une fois, j'y verrais quelque chose qui ressemblerait à ma vie.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 24
Vivre seul est à mes yeux la chose la plus naturelle au monde et la plus grande liberté qui soit.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 33
Tout trouve son utilité un jour. Même la différence.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 45
En ce début d'année 2011, j'ai compris que j'aimais les femmes et que je n'avais pas voulu le voir.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 46
On jette un voile pudique sur le célibat prolongé de certains, on esquive le sujet pour ne pas les embarrasser ; c'est qu'il y a, à notre époque, une forme de honte associée à ces choses-là — la virginité ou l'abstinence dans leurs différents degrés. « N'avoir jamais personne », c'est tout de même suspect. On ne sait pas trop s'il faut plaindre l'individu concerné ou ricaner derrière son dos.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 56
Le célibat reste souvent associé à un présupposé d'immaturité et l'abstinence, faute de meilleur terme, à celui d'une frustration. Dans les deux cas, on les imagine toujours subis plutôt que choisis — qu'il n'y ait pas de terme moins négatif qu'« abstinence », qui parle nécessairement de renoncement, est éloquent.
- Nous qui n'existons pas, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2018, p. 58
L'Année suspenduee, 2021
[modifier]Je n'osais plus parler de cette fatigue constante, par peur de lasser les autres ou parce qu'on me répondait chaque fois « Pourtant tu as l'air en forme » quand j'aurais aimé entendre « C'est vrai que tu as l'air épuisée ». Parce que les autres ne comprenaient pas que je ne parlais pas d'une fatigue ordinaire qui passerait au bout d'une semaine de vacances, mais de quelque chose de plus profond et de plus insidieux, qui s'incruste dans vos os et grignote peu à peu votre envie même de faire les choses.
- L'Année suspendue, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2021, Première partie. L'autre spectre, p. 13
J'ai passé ma vie entière à tenter de convaincre les autres — et moi-même — que je n'étais pas si bizarre qu'on me l'avait toujours fait sentir.
- L'Année suspendue, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2021, Première partie. L'autre spectre, p. 13
J'entendrai souvent dire, au cours de ma vie, qu'il ne faut pas « rester enfermé ». Je ne comprendrai jamais pourquoi cette idée prend pour les autres une telle valeur d'évidence.
- L'Année suspendue, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2021, Deuxième partie. La question, p. 22
On n'apprécie pas les choses à l'identique selon qu'on est seul ou accompagné. On les goûte parfois mieux, parfois moins bien, mais jamais avec la même attention pleine et entière, la même forme exacte d'intensité que dans la solitude.
- L'Année suspendue, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2021, Deuxième partie. La question, p. 51
Ceux qui, comme moi, n'ont pas la possibilité de vivre constamment au contact des autres, ceux que le monde épuise vite, ceux dont un handicap ou une maladie limite les déplacements, tous ceux-là savent déjà quel baume peut être un échange virtuel avec la bonne personne au bon moment.
- L'Année suspendue, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2021, Addendum. Vivez ma vie, p. 267-268
J'ai dit à plusieurs reprises à des proches, en ironisant : Vous êtes en train de vivre ma vie. Soudain, le monde devenait autiste.
- Au sujet du confinement de mars 2020 en France durant la pandémie de Covid-19, période durant laquelle on vivait chez soi et où les sorties étaient fortement limitées.
- L'Année suspendue, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2021, Addendum. Vivez ma vie, p. 268
Pour une fois, le monde se conformait à mes besoins. Si seulement il avait pu le faire pour de tout autres raisons : par respect du fonctionnement de certains, plus nombreux qu'on ne veut bien le croire, plutôt que par urgence sanitaire.
- Au sujet du confinement de mars 2020 en France durant la pandémie de Covid-19, période durant laquelle on vivait chez soi et où les sorties étaient fortement limitées.
- L'Année suspendue, Mélanie Fazi, éd. Dystopia, coll. « Non-fiction », 2021, Addendum. Vivez ma vie, p. 273-274
Propos publics
[modifier]Sur l'écriture et les arts
[modifier]Nous : A quel moment as-tu réalisé que tu écrirais ?
Mélanie Fazi : Il n’y a pas eu réellement un moment. Depuis que je suis petite, j’invente des histoires et j’ai toujours eu envie soit de les dessiner soit de les écrire. J’ai abandonné le dessin à l’adolescence. Vers 17 ans, j’ai écrit des nouvelles et me suis tout de suite sentie à l’aise dans le format écriture. Quelques années après, plusieurs ont été publiées et tout s’est enchaîné à partir de là.
Mélanie Fazi : Il n’y a pas eu réellement un moment. Depuis que je suis petite, j’invente des histoires et j’ai toujours eu envie soit de les dessiner soit de les écrire. J’ai abandonné le dessin à l’adolescence. Vers 17 ans, j’ai écrit des nouvelles et me suis tout de suite sentie à l’aise dans le format écriture. Quelques années après, plusieurs ont été publiées et tout s’est enchaîné à partir de là.
- « Interview de Mélanie Fazi », Anne Fakhouri et Mélanie Fazi, ActuSF, janvier 2004 (lire en ligne)
Quand j'écris, je réfléchis d'abord en termes de sensations : je sais quelle impression je veux transmettre, ce que ressentent mes personnages, et je cherche la meilleure manière de le formuler. Et il arrive un moment où je sais que j'ai trouvé « la » phrase qui dira ce que je cherchais de la manière la plus précise et la plus percutante possible. Il y a un vrai plaisir à trouver une phrase qui coule naturellement, qui a un certain impact. Mais en fait il ne s'agit pas tellement de « faire de la belle phrase » : je prends plaisir à jouer avec les mots, mais il faut qu'ils aient un sens dans le cadre du texte, qu'ils ne soient pas là uniquement pour faire joli. Sinon, c'est facile et tentant de tomber dans l'excès.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi et Jean-Pierre Fontana, NooSFere, novembre 2003/janvier 2004 (lire en ligne)
Depuis la petite enfance, j’ai une vraie fascination pour toutes les formes de création. J’ai été une lectrice boulimique dès que j’ai su lire, une adolescente passionnée de cinéma, et la musique occupe une grande place dans ma vie actuelle. Les chansons comme la fiction sont au cœur de mon rapport au monde, elles m’aident à l’appréhender et à le comprendre.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi, Lecteurs.com (fondation Orange), 30 mars 2021 (lire en ligne)
Sur le métier de traductrice
[modifier] C'est vrai qu'il y a un piège dans la mesure où je suis libre de fixer mes propres horaires, et il n'y a donc pas une coupure aussi nette qu'à l'époque où j'étais salariée : il y avait des horaires fixes pour le travail, et du temps libre que je pouvais consacrer à la traduction ou à l'écriture. Mais il y a une liberté vraiment appréciable liée au travail de traductrice. Par exemple si j'ai besoin de faire une pause dans une traduction pour me consacrer un moment à l'écriture, je peux me le permettre : le seul frein, c'est la manière dont je m'organise. Il y a donc moins de contraintes extérieures, ce qui peut être à double tranchant. Mais j'apprécie vraiment de pouvoir mener les deux activités en même temps.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi et Jean-Pierre Fontana, NooSFere, novembre 2003/janvier 2004 (lire en ligne)
Sur l'autisme
[modifier]- Voir le recueil de citations : Autisme
Contrairement au cliché de l’autiste qui ne prête pas attention à son environnement, nous sommes au contraire bombardés d’informations trop nombreuses qui sont, de ce fait, difficiles à hiérarchiser.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi, Lecteurs.com (fondation Orange), 30 mars 2021 (lire en ligne)
L’effort fourni pour comprendre et adopter certains codes sociaux, notamment, est épuisant à maintenir. On peut apprendre avec le temps à mieux s’adapter au monde et aux gens qui nous entourent, mais c’est au prix d’une grande fatigue qui peut conduire au burn out.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi, Lecteurs.com (fondation Orange), 30 mars 2021 (lire en ligne)
Si l’on insiste souvent sur cette notion de « trouble », je considère que certains de mes traits autistiques ont été au contraire un atout, notamment une grande créativité, une capacité à me passionner pour les choses et à les voir sous des angles auquel les autres ne pensent pas. L’autisme est aussi ma force.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi, Lecteurs.com (fondation Orange), 30 mars 2021 (lire en ligne)
Chaque parcours est différent, et il est difficile de donner des conseils universels. Mais un point qui me semble essentiel est d’apprendre à comprendre son fonctionnement et ses besoins de manière à les respecter. En particulier, je conseillerais de faire extrêmement attention à la fatigue et au risque de burn out, qui est une épreuve douloureuse à vivre.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi, Lecteurs.com (fondation Orange), 30 mars 2021 (lire en ligne)
J’ai toujours eu un goût profond pour la solitude. Petite, je passais des heures à lire ou dessiner dans ma chambre, et aujourd’hui encore j’ai plaisir à m’occuper seule chez moi des journées entières. Je n’ai jamais eu le désir de vivre en couple ni de fonder une famille, tant ce besoin de me ressourcer dans la solitude est capital chez moi.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi, Lecteurs.com (fondation Orange), 30 mars 2021 (lire en ligne)
Je ne peux jamais être complètement détendue, complètement moi-même en présence des autres, ni vivre les choses avec le même type d’intensité. Ce sont deux plaisirs différents, complémentaires, mais tous deux essentiels.
- « Interview de Mélanie Fazi », Mélanie Fazi, Lecteurs.com (fondation Orange), 30 mars 2021 (lire en ligne)
Citations à propos de Mélanie Fazi
[modifier]Mélanie Fazi est un monstre.
- Extrait de la préface de Michel Pagel au recueil Serpentine.
- Serpentine, Mélanie Fazi, éd. Éditions de l'Oxymore, 2004, Préface, p. 10
Au sein de la jeune génération (celle éclose au tournant des années 2000, disons), Mélanie Fazi occupe un territoire singulier. Parce qu'elle publie assez peu, d'abord, mais aussi parce que l'essentiel de son œuvre ciselée ressortit au fantastique (un fantastique aux couleurs de fantasy, parfois).
- Bifrost n°77, Rédaction de Bifrost, éd. Éditions du Bélial’, 2015, Introduction à la nouvelle « La Clé de Manderley », p. 6