Histoire Auguste
L'Histoire Auguste est un ouvrage historique anonyme de langue latine datant de la fin du IVe siècle, bien que l'auteur essaie de faire croire qu'il écrit au début du siècle. C'est une compilation de biographies des empereurs, princes et usurpateurs de l'époque romaine des IIe et IIIe siècles, inspirées de Suétone mais la nature de l'ouvrage est unique en son genre. L'auteur fabule énormément, fait croire que ses biographies sont plus antérieures que sa rédaction, n'hésite pas à broder et à accumuler des détails scabreux inauthentiques, en plus d'être cultivé et de pasticher une grande partie de la littérature gréco-latine.
Citations
[modifier]J'ai l'intention, Dioclétien Auguste, le plus grand de tant de princes, de porter à la connaissance de Ta Divinité non seulement la vie de ceux qui ont occupé la place de princes au poste que tu détiens, vie que je l'ai fait jusqu'au divin Hadrien, mais aussi de ceux qui tout le titre de Césars sans devenir ni princes ni Augustes ou qui, d'une façon ou d'une autre, passèrent dans l'opinion publique pour avoir atteint le principat ou eurent l'espoir d'y parvenir. Parmi eux, il convient de mentionner tout spécialement Aelius Vérus, qui fut le premier à ne recevoir que le titre de César quand son adoption par Hadrien l'eut fait entrer dans la famille des princes. Et, puisqu'il y a assez peu de choses à en dire et que le prologue ne doit pas être plus long que la pièce, je vais parler de lui sans plus attendre.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Aelius, I, p. 69
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Vérus, IV, p. 173
Voici donc le genre de vie qu'il adopta : entouré de trois cents concubines sélectionnées pour leur physique parmi les matrones et les courtisanes et d'un nombre égal de jeunes gitons choisis aussi bien dans la plèbe que dans la noblesse selon le seul critère de leur beauté, il courait dans le palais de festins en baignades. De temps en temps, revêtu du costume du victimaire, il immolait des victimes. Quand il prenait part dans l'arène à des combats de gladiateurs, c'était avec les baguettes. Mais il lui arrivait, contre ses valets de chambre [cubiculaires], d'utiliser des armes acérées. […] il fit tuer sa sœur Lucille qu'il avait exilée à Capri. Puis, après avoir, dit-on, violé toutes ses autres sœurs et abusé d'une cousine germaine de son père, il alla jusqu'à donner à l'une de ses concubines le nom de sa mère. Sa femme, qu'il avait surprise en flagrant délit d'adultère, il la mit à la porte, puis la fit exiler et finalement exécuter. Il obligeait ses concubines à faire l'amour sous ses yeux. Il se faisait aussi sodomiser par de jeunes hommes. Chaque partie de son corps, y compris la bouche, était souillée au contact de l'un et l'autre sexe.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Commode Antonin, V, p. 227
Par goût de la cruauté, il obligeait les sectateurs de Bellone à se couper un bras pour de bon et contraignait les prêtres d'Isis à se battre la poitrine à mort avec des pommes de pin. Lorsqu'il transportait l'image d'Anubis, il tapait violemment sur le crâne des prêtres d'Isis avec la tête de la statue. Vêtu en femme et couvert d'une peau de lion, il frappait à coups de massue non seulement des lions, mais même beaucoup d'hommes. Il déguisait en géants des estropiés et des paralysés des membres inférieurs, les recouvrant des genoux aux pieds de guenilles et de bandes de tissu pour les faire ressembler à des dragons, puis les tuait à coups de flèches. Il souilla par un sacrifice humain réel le culte de Mithra pour lequel d'ordinaire on se limite à raconter ou simuler quelque scène capable d'inspirer l'effroi.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Commode Antonin, IX, p. 233
Il mélangeait souvent, dit-on, des excréments humains au mets les plus coûteux et ne se faisait pas faute d'y goûter ; pensant ainsi se moquer des autres. Il se fit servir sur un plateau d'argent deux bossus difformes nappés de moutarde, puis sitôt après leurs offrit honneurs et richesses. Il jeta dans une piscine son préfet du prétoire Julianus, bien qu'il fût en toge et accompagné des membres de son bureau, puis il lui ordonna de danser nu devant ses concubines en secouant des cymbales et le visage déformé par des légumes cuits de toutes sortes. Étant donné qu'il menait continûment une vie voluptueuse, il invitait rarement à ses repas. Il se baignait sept ou huit fois par jour et mangeait dans le bain même. Il se rendait aux temples des dieux tout souillé de stupre et de sang humain. II jouait aussi au médecin, saignant des gens à mort à coup de bistouri. Pour l'honorer. ses courtisans changeaient même le nom des mois en fonction de ses différents surnoms : août devenait Commode, septembre Hercule, octobre Invincible [Invictus], novembre Grand Vainqueur [Exsuperator], décembre Amazonien. Ce surnom vient de son amour pour sa concubine Marcia dont il appréciait le portrait en tenue d'Amazone, au point de vouloir lui-même descendre dans l'arène de Rome vin, en Amazone. Il prenait part aussi à des combats de gladiateurs et acceptait qu'on lui donne des noms de gladiateurs avec autant de joie que si on lui avait offert des titres triomphaux. Il intervenait toujours dans les spectacles des jeux et faisait inscrire chacune de ses interventions. Il aurait, dit-on, pris part à sept cent trente-cinq combats.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Commode Antonin, XI, p. 235
- Inspiré d'Achille Tatius (IV, 18) et des Éthiopiques (II, 28) d'Héliodore.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Pescennius Niger, VII, p. 357-359
- Le lucanicus est un saucisson selon De re coquinaria. Les lois contre l'outrage impérial et les colliers sont inspirés d'Ammien Marcellin et datent de la fin du IVe siècle.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Antonin Caracalla, V, p. 413
- Cordus est un biographe inventé par l'auteur de l'Histoire Auguste.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, Opilius Macrin, I, p. 451
À propos
[modifier]Le jugement sur l'oeuvre tiendra compte en tout cas des divers stades, très complexes, de son élaboration : biographe presque traditionnel au départ, l'auteur a peu à peu évolué vers le roman « historique », pour finir dans le burlesque: émule de Suétone au début, il rivalise ensuite avec Alexandre Dumas pour achever sa mutation dans la mouvance d'Alphonse Allais sinon d'Alfred Jarry.
- Histoire Auguste, Anonyme (trad. André Chastagnol), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », décennie 390, partie Introduction générale, p. CLXXVI