Fictions

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Couverture du recueil Ficciones (Fictions), 1944.

Fictions (Ficciones en espagnol) est un recueil de nouvelles de Jorge Luis Borges paru en 1944.

Tlön Uqbar Orbis Tertius[modifier]

C’est à la conjonction d’un miroir et d’une encyclopédie que je dois la découverte d’Uqbar.
  • Incipit.
  • « Tlön Uqbar Orbis Tertius » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 11


Pour un de ces gnostiques, l’univers visible était une illusion ou (plus précisément) un sophisme. Les miroirs et la paternité sont abominables (mirrors and fatherhood are abominable) parce qu’ils le multiplient et le divulguent.
  • Extrait de l’article Uqbar dans un volume de l’Anglo-American Cyclopœdia de 1917.
  • « Tlön Uqbar Orbis Tertius » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 12


À l’hôtel d’Adrogué, parmi les chèvrefeuilles débordants et dans le fond illusoire des miroirs, persiste quelque souvenir limité et décroissant d’Herbert Ashe, ingénieur des Chemins de fer du Sud. Sa vie durant, il souffrit d’irréalité, comme tant d’Anglais ; mort, il n’est même plus le fantôme qu’il était déjà alors.
  • « Tlön Uqbar Orbis Tertius » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 15


Au début, on crut que Tlön était un pur chaos, une irresponsable licence de l’imagination ; on sait maintenant que c’est un cosmos, et les lois intimes qui le régissent ont été formulées, du moins provisoirement.
  • « Tlön Uqbar Orbis Tertius » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 17


Les métaphysiciens de Tlön ne cherchent pas la vérité ni même la vraisemblance : ils cherchent l’étonnement. Ils jugent que la métaphysique est une branche de la littérature fantastique. Ils savent qu’un système n’est pas autre chose que la subordination de tous les aspects de l’univers à l’un quelconque d’entre eux.
  • « Tlön Uqbar Orbis Tertius » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 20


Vers 1944, un chercheur du journal The American (de Nashville, Tennessee) exhuma d’une bibliothèque de Memphis les quarante volumes de la Première Encyclopédie de Tlön. […] Le fait est que la presse internationale divulgua à l’infini la « découverte ». Manuels, anthologies, résumés, versions littérales, réimpressions autorisées et réimpressions faites par les écumeurs des lettres de la Grande Œuvre des Hommes inondèrent et continuent a inonder la terre. Presque immédiatement, la réalité céda sur plus d’un point. Certes, elle ne demandait qu’à céder. Il y a dix ans il suffisait de n’importe quelle symétrie ayant l’apparence d’ordre — le matérialisme dialectique, l’antisémitisme, le nazisme — pour ébaubir les hommes. Comment ne pas se soumettre à Tlön, à la minutieuse et vaste évidence d’une planète ordonnée ?
  • « Tlön Uqbar Orbis Tertius » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 29-30


Le contact et la fréquentation de Tlön ont désintégré ce monde. Enchantée par sa rigueur, l’humanité oublie et oublie de nouveau qu’il s'agit d’une rigueur de joueurs d’échecs, non d’anges.
  • « Tlön Uqbar Orbis Tertius » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 30


Pierre Ménard, auteur du Quichotte[modifier]

Il ne voulait pas composer un autre Quichotte — ce qui est facile — mais le Quichotte. Inutile d'ajouter qu'il n'envisagea jamais une transcription mécanique de l'original ; il ne se proposait pas de le copier. Son admirable ambition était de reproduire quelques pages qui coïncideraient — mot à mot et ligne à ligne — avec celles de Miguel de Cervantès.
  • « Pierre Ménard, auteur du Quichotte » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Paul Verdevoye), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 45


La loterie à Babylone[modifier]

Comme tous les hommes de Babylone, j’ai été proconsul ; comme eux tous, esclave ; j’ai connu comme eux tous l’omnipotence, l’opprobre, les prisons.
  • Première phrase de la nouvelle.
  • « La loterie à Babylone » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 61


J’appartiens à un pays vertigineux où la loterie est une part essentielle du réel ; jusqu’au présent jour, j’avais pensé à elle aussi peu souvent qu’à la conduite des dieux indéchiffrables ou de mon propre cœur. Aujourd’hui, loin de mon pays et de ses chères coutumes, c’est avec quelque surprise que j’évoque la loterie et les conjectures blasphématoires que sur elle, à la chute du jour, vont murmurant les hommes voilés.
  • « La loterie à Babylone » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 62


Un esclave vola un billet série pourpre : d’après le tirage, le porteur du numéro devait avoir la langue brûlée. Mais le code fixait cette même peine pour les voleurs de billets. Certains Babyloniens exprimèrent alors que si l’homme méritait le fer rouge, c’était en sa qualité de voleur ; d’autres, magnanimes, affirmèrent que le bourreau ne devait lui appliquer la peine que pour respecter les décisions du hasard. Ce fut le commencent d’une époque de troubles et de lamentables effusions de sang ; mais le peuple babylonien finit par imposer fermement sa volonté, contre l’opposition des riches.
  • « La loterie à Babylone » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 64


[L]a loterie est une interpolation du hasard dans l’ordre du monde, et […] accueillir des erreurs n’est pas contredire le hasard, mais le corroborer.
  • Pièce doctrinale de la Compagnie.
  • « La loterie à Babylone » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 65-66


La bibliothèque de Babel[modifier]

L'univers (que d'autres appellent la Bibliothèque) se compose d'un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d'aération bordés par des balustrades très basses. De chacun de ces hexagones on aperçoit les étages inférieurs et supérieurs, interminablement.
  • Premières phrases de la nouvelle.
  • « La bibliothèque de Babel » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 71


Qu'il me suffise, pour le moment, de redire la sentence classique : la Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible.
  • « La bibliothèque de Babel » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 71


Quand on proclama que la Bibliothèque contenait tous les livres, la première réaction fut un bonheur extravagant.
  • « La bibliothèque de Babel » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 76


Que je sois outragé et anéanti, pourvu qu'en un être, en un instant, Ton énorme Bibliothèque se justifie.
  • « La bibliothèque de Babel » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 79


Les impies affirment que le non-sens est la règle dans la Bibliothèque et que les passages raisonnables, ou seulement de la plus humble cohérence, constituent une exception quasi miraculeuse.
  • « La bibliothèque de Babel » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 79


La certitude que tout est écrit nous annule ou fait de nous des fantômes...
  • « La bibliothèque de Babel » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 80


Funes ou la mémoire[modifier]

Il me dit : J'ai à moi seul plus de souvenirs que n'en peuvent avoir eu tous les hommes depuis que le monde est monde et aussi : Mes rêves sont comme votre veille. Et aussi, vers l'aube : Ma mémoire, monsieur, est comme un tas d'ordures.
  • « Funes ou la mémoire » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 115


Il avait appris sans effort l'anglais, le français, le portugais, le latin. Je soupçonne cependant qu'il n'était pas très capable de penser. Penser c'est oublier des différences, c'est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funes il n'y avait que des détails, presque immédiats.
  • « Funes ou la mémoire » (1944), Jorge Luis Borges (trad. Ibarra), dans Fictions, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994  (ISBN 2-07-036614-6), p. 118


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