Fanny Raoul
Apparence
Marie Françoise Raoul, dite Fanny Raoul, née à Saint-Pol-de-Léon le 19 décembre 1771 et morte à Paris le 9 décembre 1833, est une écrivaine, journaliste, philosophe et essayiste féministe française.
Citations
[modifier]Opinion d'une femme sur les femmes, 1801
[modifier]Souvent frappée de nos maux domestiques, dont la multiplicité fait le mal public, j'en ai recherché la cause, et je l'ai trouvée dans le peu de considération, je dis plus, dans le mépris qu'on a pour les femmes ; mépris qui prend sa source dans l'état d'avilissement et d'oppression où les a réduites une législation barbare, copiée sur de barbares usages.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, Avertissement, p. 10
D'antiques préjugés, qu'un long usage a convertis en lois, ont établi dans le sort des deux sexes une différence telle, que l'un semble naître pour opprimer l'autre.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 15
Que, dans les siècles d'ignorance, la force ait été la mesure des lois ; qu'on y ait érigé en principe, que celui-là seul est digne de la liberté, qui peut aisément la ravir à un autre : que l'oppression la plus cruelle ait été la suite de cette fausse assertion ; c'est le malheur des temps, et non l'essence des choses ; malheur inévitable dans l'enfance du monde, qui, semblable à celle de l'homme, dut méconnaître l'ascendant de la raison.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 17
Il est temps, enfin, d'abattre cet échafaudage de préjugés absurdes et inhumains, qui dépare le temps des Lumières, dont notre siècle s'honore d'avoir vu l'inauguration.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 18
On allègue, pour cause de l'asservissement des femmes, l'infériorité des forces physiques. Cette raison serait presque sans réplique parmi des sauvages ; je dis presque, car les Amazones, dont la valeur est tant vantée par les Anciens ; les femmes de Sparte, et un grand nombre de paysannes qu'offrent nos campagnes, prouvent que l'éducation, plus encore que la nature, établit cette différence dans la force des deux sexes.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 19-20
Une chose extraordinaire, si l'on ne savait pas jusqu'où peuvent aller l'injustice et l'inconséquence humaines, serait de voir les hommes, toujours en contradiction avec eux-mêmes, établir des règles générales, qui cessent de l'être, par les nombreuses exceptions qu'on y fait ; des lois auxquelles on déroge, lorsqu'il s'agit de certains individus différant de certains autres par la forme ou par la couleur.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 23
- Citation choisie pour le 24 avril 2022.
Par la même raison que le concours des deux sexes est nécessaire à la formation et au maintien de la société, il est évident qu'ils doivent trouver dans cette même société une égale portion d'avantages ; et les lois qui assurent à l'un sa liberté et l'exercice de ses droits, doivent aussi les assurer à l'autre.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 26
Les droits de la mère sont, ce me semble, aussi légitimes que ceux du père. Tous deux sont chefs de famille ; tous deux, par conséquent, doivent avoir la même étendue d'autorité.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 27
La sottise ne connaît d'autre mérite que la force physique, d'autre supériorité que celle qu'elle donne ; elle ne soupçonne même pas qu'il puisse en exister une morale.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 29
C'est ainsi que l'ignorance et la tyrannie marchent de front, et se prêtent réciproquement la main.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 29
Je cherche vainement des preuves de cette incapacité prétendue, je n'en trouve aucune ; seulement je vois de ce qu'on les a toujours écarté des affaires [les femmes], on en a conclu qu'elles n'étaient pas propres aux affaires. Singulière façon de juger et d'établir des principes !
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 30
Quel homme paye de sa santé, de sa vie même, l'avantage de se reproduire ? Et combien de femmes sont victimes de cette reproduction ! Combien ne donnent l'existence qu'au dépens de la leur ! Et pour prix du sacrifice qu'elles en font à l'état, elles sont bannies, chassées de l'état ! Il n'existerait pas sans elles, et elles n'y ont pas même une place au dernier rang !
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 34-35
Combien de ces malheureuses ont été et sont encore victimes de la barbarie d'un époux ! Combien ! dont les mânes gémissants réclament une juste vengeance !
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 37
Il est remarquable de voir des philosophes s'attendrir sur le sort d'individus dont un espace immense les sépare, tandis qu'ils ne daignent pas s'apercevoir des maux qu'ils ont sous les yeux ; proclamer la liberté des nègres, et river les chaînes de leurs femmes, dont l'esclavage est pourtant aussi injuste que celui de ces malheureux ; reconnaître ce dont on n'eût jamais dû douter, que les uns sont, ainsi qu'eux, sortis des mains de la nature, lorsqu'ils semblent oublier que les autres soient son ouvrage.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 38
Rendre l'un des deux sexes objet de mépris pour l'autre, c'est détruire le bonheur de tous les deux ; car si l'opprimé perd sa considération, l'oppresseur perd aussi les avantages et les charmes d'une confiance qui ne peut naître que de l'égalité, et le prix le plus flatteur du mérite, l'estime d'une âme libre.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 44
En les condamnant à la dépendance, on les a nécessairement rendu dissimulées ; car il ne peut y avoir franchise là où il n'y a pas liberté.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 45
Pour preuve, je pourrais citer ici plusieurs femmes reconnues, malgré d'injustes et absurdes préventions, pour auteurs des écrits qu'elles ont publiés ; telles que les Grafini, les Ricoboni, les Beauharnais, les Montanclos, les Bourdic, les Dufresnoy, les Genlis, les Staël, les Pipelet ; telles que beaucoup d'autres, sans doute, que j'ai le malheur d'ignorer, et auxquelles je paierais avec le même plaisir le juste tribut d'éloges qu'elles méritent.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 48
Sans patrie, sans existence morale, privées de l'exercice des droits les plus naturels et les plus légitimes, quels moyens ont-elles de s'illustrer ?
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 50
Au reste, je ne pense pas seulement que l'éducation morale doive être la même pour les deux sexes ; je maintiens encore que l'éducation physique doit l'être aussi, à bien des égards.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 52-53
Vérité incontestable : plus elles auront de considération, plus on les y respectera, plus aussi le caractère national acquerra de force et de grandeur.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 55
Car un moyen certain de propager les Lumières serait de les rendre communes aux deux sexes ; et si les progrès en ont été si lents, c’est sans doute parce qu’un absurde préjugé les a interdites à l’un.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 57-58
(...) par la même raison que je ne veux pas que les femmes dominent, je ne veux pas non plus qu'elles soient dominées ; par la même raison que je ne veux pas qu'elles asservissent, je ne veux pas non plus qu'elles soient asservies.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 60
(...) et de même que parmi les hommes, tous ne sont pas faits pour manier le rabot, la truelle, la bêche, etc. ; de même, aussi, toutes les femmes ne sont pas nées pour ne se servir que de l'aiguille.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 61-62
L'inaction, la nullité à laquelle on les condamne, en ne leur laissant d'autre occupation que la toilette, les réduit à n'être que d'élégantes poupées dans leur jeunesse, et de grands enfants toute leur vie.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 65
Quel être est assez sage pour se condamner à l'oubli ? Tous les hommes en veulent sortir, tous désirent paraître ; et c'est la faute du législateur quand cet orgueil, principe du bien, dégénère en vanité, cause du mal.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 65-66
Français ! imitez ces braves et généreux Gaulois dont vous descendez ; vous avez leur valeur, leur humanité, leur douceur, leur franchise ; ayez aussi leur équité. Ils appelaient leurs femmes aux assemblées générales de la nation, et l'on ne dédaignait pas d'y recueillir leurs suffrages.
- Opinion d'une femme sur les femmes, Fanny Raoul, éd. impr. de Giguet (Paris), 1801, p. 70-71
De la Charte constitutionnelle, 1814
[modifier]La Charte constitutionnelle ne l’est point par ses formes mêmes, les formes constitutionnelles ayant été violées dans sa composition. Le roi a nommé pour lui trois commissaires, c’est fort bien ; mais il a également nommé les commissaires pris dans le Sénat et dans le Corps législatif, et voilà ce qui est mal. C’était à ces deux corps à nommer leurs commissions pour travailler conjointement avec celle du roi. Alors la Charte serait l’ouvrage de tous, tandis qu’à présent elle est celui d’un seul ; car de penser que les commissaires nommés par le roi aient conservé leur indépendance et courageusement défendu les droits de la nation, c’est ce qu’il serait peu raisonnable de croire en connaissant l’influence du pouvoir et, cruelle vérité, le peu de dignité qui règne dans les hommes.
- De la Charte constitutionnelle, Fanny Raoul, éd. Paris, 1814, p. 2 (texte intégral sur Wikisource)