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Elena Ferrante

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.

Elena Ferrante est une romancière, nouvelliste et essayiste d'expression italienne, à l'identité mystérieuse, née selon sa propre biographie le à Naples. Elle tient à garder son identité secrète et par conséquent accorde uniquement, en quelques occasions, des interviews écrites. Lors de celles-ci, Elena Ferrante a affirmé être une femme, mère de famille, et que son œuvre était d'inspiration autobiographique.

Citations

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Poupée volée, 2006

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Le plus difficile à raconter, c'est ce que nous ne parvenons pas nous-mêmes à comprendre.
  • Poupée volée (2006), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2017  (ISBN 978-2-07-273380-2), chap. 1, p. 10


La petite fille qui se perd au milieu de la foule voit que tout est pareil autour d'elle et pourtant elle ne reconnait plus rien. Il lui manque un point de repère, ce quelque chose qui auparavant rendait les baigneurs et les parasols reconnaissables. La petite fille croit être restée exactement où elle était et pourtant elle ne sait pas où elle est. La petite fille regarde autour d'elle, les yeux épouvantés, et elle voit que la mer est toujours la mer, la plage est toujours la plage, les gens sont toujours les gens, le vendeur de noix de coco fraîches est bien le vendeur de noix de coco. Pourtant tout et tous lui sont étrangers, et alors elle pleure.
  • Poupée volée (2006), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2017  (ISBN 978-2-07-273380-2), chap. 10, p. 59


C'est vrai, j'avais été, quelques années auparavant, une jeune femme perdue. Les espoirs de la jeunesse semblaient déjà tous partis en fumée, j'avais l'impression d'être précipitée vers ma mère, ma grand-mère et la série de femmes muettes et rageuses dont j'étais issue. Les occasions manquées. Mes ambitions étaient encore vives et elles étaient entretenues par mon corps jeune et mon imagination qui accumulait projet sur projet : mais je sentais que ma ferveur créatrice était de plus en plus coupée de la réalité des manigances universitaires et des éventuelles opportunités de carrière. J'étais recluse dans ma propre tête, sans possibilités d'être mise à l'épreuve, et j'étais exaspérée.
  • Le personnage principal menait alors de front des études supérieures et l'éducation de ses deux filles en bas âge.
  • Poupée volée (2006), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2017  (ISBN 978-2-07-273380-2), chap. 15, p. 99


On sait comment sont les enfants, ils vous aiment parfois en vous câlinant et parfois en essayant de vous changer complètement, comme s'ils pensaient que vous aviez mal grandi et qu'ils devaient vous apprendre comment on fait pour vivre, la musique que vous devez écouter, les livres que vous devez lire, les films que vous devez voir, les mots que vous devez employer et ceux que vous ne devez pas parce qu'ils sont obsolètes et que personne ne les utilise plus.
  • Poupée volée (2006), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2017  (ISBN 978-2-07-273380-2), chap. 20, p. 151


J'avais été très heureuse d'apprendre, quand je m'étais retrouvée enceinte pour la première fois, qu'à l'intérieur de moi la vie était en train de se reproduire […]. Mais moi je voulais une grossesse sous contrôle. Je n'étais pas ma grand-mère (sept enfants), je n'étais pas ma mère (quatre enfants), je n'étais pas mes tantes ni mes cousines. J'étais différente et rebelle. Je voulais porter mon ventre gonflé avec plaisir, profiter des neuf mois d'attente, épier, guider et adapter mon corps à la gestation comme je l'avais fait avec toutes les choses de ma vie depuis la prime adolescence, obstinément. Je m'imaginais comme une tesselle brillante dans la mosaïque du futur.
  • Poupée volée (2006), Elena Ferrante, éd. Gallimard, 2017  (ISBN 978-2-07-273380-2), chap. 22, p. 171


Mon organisme devint une liqueur sanglante, avec une lie bourbeuse en suspension où croissait un poulpe violent, tellement éloigné de toute humanité qu'il me réduisait, à mesure qu'il se nourrissait et gonflait, en une matière putrescente et sans vie.
  • Récit de la deuxième grossesse du personnage principal.
  • Poupée volée (2006), Elena Ferrante, éd. Gallimard, 2017  (ISBN 978-2-07-273380-2), chap. 22, p. 172


L'amie prodigieuse (tome 1), 2011

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Voir le recueil de citations : L'Amie prodigieuse
Je ne suis pas nostalgique de notre enfance, elle est pleine de violence. Il nous arrivait toutes sortes d'histoires, chez nous et à l'extérieur, jour après jour, mais je crois pas avoir jamais pensé que la vie qui nous était échue fût particulièrement mauvaise. C'était la vie, un point c'est tout, nous grandissions avec l'obligation de la rendre difficile aux autres avant que les autres ne nous la rendent difficile.


Je sens encore la main de Lila qui saisit la mienne, et j'aime à penser qu'elle se décida à le faire non seulement parce qu'elle eut l'intuition que je n'aurais pas le courage d'arriver jusqu'au dernier étage, mais aussi parce qu'elle-même cherchait dans ce geste la force de continuer.
  • L'Amie prodigieuse (2011), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien avec la collaboration de Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2022  (ISBN 978-2-07-046612-2), t. I, p. 76


[La] beauté que Cerullo avait dans la tête depuis l'enfance n'a pas trouvé à s'exprimer: elle a fini entièrement sur sa figure, dans ses seins, ses cuisses et son cul. Mais ce sont des endroits où la beauté passe vite, et après c'est comme si elle n'avait jamais exité.
  • Commentaire de Mme Oliveiro, l'institutrice des deux héroïnes, face à la beauté de Lila Cerullo
  • L'Amie prodigieuse (2011), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien avec la collaboration de Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2022  (ISBN 978-2-07-046612-2), t. I, p. 358


L'amie prodigieuse–Le Nouveau Nom (tome 2), 2012

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Voir le recueil de citations : Le Nouveau Nom
[À] part moi personne ne semblait se rendre compte que le mariage qui venait tout juste d'être célébré (et qui durerait sans doute jusqu'à la mort des conjoints, qui auraient de nombreux enfants et petits-enfants, connaîtraient joies et douleurs, noces d'argent et noces d'or), que ce mariage pour Lila était bel et bien fini, quoi que son mari puisse faire en ce moment-là pour obtenir son pardon.


Toute la vie, on aime des gens qu'on ne connaît jamais vraiment.
  • L'Amie prodigieuse (2012), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-269314-4), t. II-Le Nouveau nom, p. 285


Je craignais ceux qui savaient être cultivés sans ce presque, avec désinvolture. [...]Je faisais partie de ceux qui bûchaient jour et nuit, obtenaient d'excellents résultats, étaient même traités avec sympathie et estime, mais qui ne porteraient jamais inscrit sur eux toute la valeur, tout le prestige de nos études. J'aurais toujours peur : peur de dire ce qu'il ne fallait pas, d'employer un ton exagéré, d'être habillée de manière inadéquate, de révéler des sentiments mesquins et de ne pas avoir d'idées intéressantes.
  • L'Amie prodigieuse (2012), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2016  (ISBN 978-2-07-269314-4), t. II-Le Nouveau nom, p. 532-535


L'amie prodigieuse–Celle qui fuit et celle qui reste (tome 3), 2013

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Voir le recueil de citations : Celle qui fuit et celle qui reste
J'étais comme hypnotisée par la beauté de Naples [...] La dévastation de la ville offrait au prix fort des belvédères de béton donnant sur un paysage extraordinaire.
  • L'Amie prodigieuse (2013), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2022  (ISBN 978-2-07-269309-0), t. III-Celle qui fuit et celle qui reste, p. 255


Lila qui avait su susciter cette passion, un transport qui n'était pas nourri que de manie de possession, de fanfaronnades de quartier, de vengeance, de basses envies, comme elle avait tendance à le dire, mais qui était une forme obsessionnelle de valorisation de la femme, non pas de la dévotion, non pas de l'infériorité, plutôt un amour masculin des plus recherchés, un sentiment compliqué qui savait faire d'une femme, avec détermination, en un certain sens avec férocité, l'élue entre toutes les femmes.
  • L'Amie prodigieuse (2013), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2022  (ISBN 978-2-07-269309-0), t. III-Celle qui fuit et celle qui reste, p. 267


La nouvelle chair vivante copiait l'ancienne par jeu, nous formions une chaîne d'ombres qui montaient sur scène depuis toujours avec la même charge d'amour, de haine, de désir et de violence.
  • L'Amie prodigieuse (2013), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2022  (ISBN 978-2-07-269309-0), t. III-Celle qui fuit et celle qui reste, p. 370


Quelle désolation, la solitude des cerveaux féminins.
  • L'Amie prodigieuse (2013), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2022  (ISBN 978-2-07-269309-0), t. III-Celle qui fuit et celle qui reste, p. 453


L'amie prodigieuse–L'Enfant perdue (tome 4), 2014

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Voir le recueil de citations : L'Enfant perdue
Comme toujours, elle s'attribuait le devoir de me planter une aiguille dans le cœur, non pour qu'il s'arrête mais pour qu'il batte plus fort.
  • Commentaire de la narratrice sur sa relation avec son amie Lila
  • L'Amie prodigieuse (2014), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2018  (ISBN 978-2-07-274058-9), t. IV-L'Enfant perdue, p. 112


Le tremblement de terre [...] pénétra jusque dans nos os. Il chassa toute notion habituelle de stabilité et de solidité, et toute certitude que chaque instant serait identique à l'instant suivant; il effaça la familiarité des bruits et des gestes, et la conviction de pouvoir les reconnaître; il fit naître en nous la méfiance envers toute parole rassurante, la disposition à croire en toute prophétie de malheur, et une attention angoissée aux signes de fragilité du monde, et il fut difficile de retrouver la maîtrise des choses.
  • L'Amie prodigieuse (2014), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2018  (ISBN 978-2-07-274058-9), t. IV-L'Enfant perdue, p. 216-217


Du bout des doigts, elle caressait les touches grises, et l'écriture naissait sur l'écran en silence, verte comme l'herbe sortant de terre.
  • Description d'une femme tapant sur un clavier d'ordinateur.
  • L'Amie prodigieuse (2014), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2018  (ISBN 978-2-07-274058-9), t. IV-L'Enfant perdue, p. 401


Contrairement aux récits, la vraie vie, une fois passée, tend non pas vers la clarté mais vers l'obscurité.
  • L'Amie prodigieuse (2014), Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), éd. Gallimard, 2018  (ISBN 978-2-07-274058-9), t. IV-L'Enfant perdue, p. 619


Frantumaglia : l'écriture et ma vie

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Permettez-moi de m'en rapporter à Italo Calvino, lequel, persuadé que seule l'œuvre compte chez un auteur, écrivait en 1964 à une chercheuse : « Je ne donne aucune indication biographique, ou alors j'en donne des fausses, de toute façon j'essaie d'en changer d'une fois sur l'autre. Demandez-moi ce que vous voulez savoir et je vous le dirai, mais je ne vous dirai jamais la vérité, vous pouvez en être certaine[n 1]. » Ce passage m'a toujours plu et je me le suis partiellement approprié. […] Le problème, c'est que, contrairement à Calvino, je déteste répondre à une question par un chapelet de mensonges.
  • Jesper Storgaard Jensen, Weekendavisen, août 2003
  • Frantumaglia : l'écriture et ma vie, Elena Ferrante, éd. Gallimard, 2019  (ISBN 978-2-07-273467-0), partie Papiers, 1991-2003, chap. 14. Une histoire de destruction. Réponses aux questions de Jesper Storgaard Jensen, p. 101-102


Mon identité et mon sexe se trouvent dans mon écriture.
  • Rachel Donadio, « Writing Has Always Been a Great Struggle for Me », The New York Times, 9 décembre 2014 [texte intégral] 
  • Frantumaglia : l'écriture et ma vie, Elena Ferrante, éd. Gallimard, 2019  (ISBN 978-2-07-273467-0), partie Lettres, 2011-2016, chap. 5. Ne jamais baisser la garde, réponses aux questions de Rachel Donadio, p. 303


Autres

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Aujourd’hui je pense qu’un roman fonctionne s’il raconte ce dont vous êtes le seul gardien, s’il se place idéalement à l’intérieur des textes que vous avez aimés, si vous écrivez ici et maintenant, dans le décor que vous connaissez bien, avec un savoir-faire que vous avez appris en fouillant passionnément dans la littérature de toutes les époques et de tous les lieux.
  • « «La vie mensongère des adultes»: Elena Ferrante, à voix découverte », Audrey Martel, Le Devoir, 29 (lire en ligne)


–En quelle mesure pensez-vous que les amitiés de notre vie nous font changer ?

–Une amie ne nous fait pas changer, mais ses changements s’unissent discrètement aux nôtres en un incessant et mutuel effort d’adaptation.

  • « «La vie mensongère des adultes»: Elena Ferrante, à voix découverte », Ioana Zenaida Rotariu, Le Devoir, 29 (lire en ligne)


Citations sur

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Elena Ferrante est donc la créatrice d’une œuvre émouvante, puissante, d’une littérature du désordre, de l’ambiguïté, de la douleur. Elle privilégie une écriture crue, mais pleine de nuances, car on lit et on écrit avec son corps, dit-elle.
  • « Elena Ferrante, la mystérieuse romancière au visage inconnu », Patricia Reznikov, Ouest-France, 21 novembre 2021 (lire en ligne)


ce que Ferrante identifie à travers la métaphore d’un troisième livre [...] invisible, inclassable, que personne n’a jamais vu, ni lu. Il s’agit d’un « libro di nessuno » un volume qui n’est pas en vente dans les librairies, ni à disposition des bibliothèques. C’est un texte qui garde, dans sa structure incertaine, toutes les phrases, tous les mots, qui n’ont pas été écrits par l’auteur. Des phrases imaginées, potentielles – parfois ratées – constituant la membrane transparente qui se situe au croisement entre la pensée et la page. Il s’agit d’une série d’idées restées emprisonnées dans la plume de l’écrivain, des visions qui n’ont pas trouvé de place dans le texte publié.
  • À propos du potentiel livre écrit par le personnage de Lila, dans L'Enfant perdue
  • « Écrire l’effacement : Elena Ferrante et la construction d’un dire par soustraction », Ilaria Moretti, La Clé des langues, Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), 21 novembre 2019 (lire en ligne)


L’écrivaine, dans sa volonté de ne pas participer au panorama des auteurs vedettes, dans sa volonté de marquer une distance avec l’horizons des plateaux télévisés, semble réfléchir, à l’instar d’un critique littéraire, à des nouvelles formes de survie littéraire : à la possibilité de créer une œuvre qui ne soit capable d’émerger, dans le « mare magnum » contemporain (Ferroni, 2005, 92), qu’ à travers la force de sa parole. Une œuvre, qui puisse exister, circuler, justement grâce à la disparition de son auteur.
  • « Écrire l’effacement : Elena Ferrante et la construction d’un dire par soustraction », Ilaria Moretti, La Clé des langues, Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), 21 novembre 2019 (lire en ligne)


Notes et référence

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  1. Lettre de Calvino à Germana Pescio Bottino, 9 juin 1964.

Voir aussi

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