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Pierre Schneider

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Pierre Schneider, né en 1925 et mort en 2013, est un est un historien de l'art et écrivain français.

Citations

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Les dialogues du Louvre

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Tout artiste pénétrant au Louvre prend l'air du souverain qui retrouve son trône après de longues années d'exil. A un guide qui lui proposait ses services, Toulouse-Lautrec, accompagné de camarades de l'Ecole des beaux-arts, répliqua : « Pour quoi faire ? C'est nous qui faisons le Louvre! » A un double titre. Non seulement l'artiste pourvoit le musée en œuvres nouvelles, mai devant lui – et devant lui seul, serait-on tenté d'affirmer - les œuvres anciennes continuent à vivre, autrement dit à ne pas se figer en objets de culture et d'admiration. La virulence de la peinture du passé, dès qu'un peintre la regarde, est telle qu'Ingres ordonnait à ses élèves, obligés, pour se rendre auprès des toiles du divin Raphaël, de passer devant les tableaux du détestable Rubens : « Mettez-vous des œillères! »
  • « Le feu au Louvre », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 18-19


C'est au sein du musée des érudits, avec ses écoles, ses mouvements, ses cultures classifiées, que le peintre prend conscience de ce qui n'appartient pas à l'Histoire. Pris lui-même dans le flux historique, il trouve au musée la révélation d'une seconde appartenance possible, laquelle n'est point négation du temps, mais son autre versant. Plus il se sentira la proie du temporel, plus il cherchera au Louvre la confirmation de l'autre domaine. Cézanne le fréquente assidûment parce qu'il appartient au mouvement qui fut par excellence celui de l'instant fugitif : « Faire de l'impressionnisme quelque chose de solide et de durable comme les musées. » C'est dans les moments de désarroi, de mise en question, d'innovation, que les peintres reviennent au Louvre, comme les marins rêvent du port pendant la tempête.
  • « Le feu au Louvre », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 22


« Qu'on foute le feu au Louvre, alors, s'écrie Cézanne, tout de suite… si on a peur de ce qui est beau. » Les peintres furent les premiers à lancer le cri : « Incendions le Louvre! » De Pissarro et Monet à Picasso et aux futuristes, les artistes ont maintes fois prêché la destruction du musée – avant d'y voir entrer leurs œuvres. Cézanne lui-même, qui affirme : « Oui, le Louvre est le livre où nous apprenons à lire », rappelle : « Je voulais brûler le Louvre. »
  • « Le feu au Louvre », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 23


Toute œuvre a pour substrat un objet, comme le feu prend assise sur le bois. La fonction de l'œuvre est justement de consumer l'objet. […] Feu qui ne brûle pas et qu'il faut incessamment rallumer : si certain jour tel tableau qui à l'habitude nous parle se refuse, c'est que nous n'avons pas fait notre œuvre. Ce jour-là, le musée ne sera pour nous qu'un musée.
  • « Le feu au Louvre », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 28


Sans un élan poétique, le vin ne peut tenir lieu de sang. La littéralité ne s'abolit que par l'acte de notre conscience. En elle seule naît le feu qui brûle et qui ne brûle pas. Elle seule peut reconnaître la vérité d'une image peinte qui n'est qu'illusion, qui échappe à l'Histoire sans cesser de lui appartenir. Car, bien sûr, l'Histoire existe et le feu brûle et l'objet continue de peser. […]. Le jour où la substitution ne sera plus admise, nous n'irons plus au Louvre.
  • « Le feu au Louvre », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 29


L'homme est une horloge qui tend à retarder et qu'il faut sans cesse remettre à l'heure. Il arrive que nous y réussissions, mais le temps de s'en réjouir et déjà elle retarde à nouveau. Je pense à ce passage d'A travers le miroir : « Dans notre pays, dit Alice, encore un peu pantelante, on arrive généralement quelque part si l'on court très vite longtemps, comme nous l'avons fait. – Il est bien lent votre pays ! dit la Reine. Chez nous, vois-tu, il faut courir aussi vite que le peut quelqu'un comme toi pour rester au même endroit. » Le pays de la Reine ? Celui des arts, de la poésie.


« Un musée qui ne bouge pas est un musée mort», disait, il y a quelques années, Pierre Rosenberg.[…] La remarque traduisait un profond changement d'attitude vis-à-vis d'une institution dont on croyait jusque-là que l'immobilité était le signe distinctif et la vertu suprême. Déménager une idole, c'est la déboulonner. Le musée? « Le cimetière génial», comme l'appelait Chagall : les morts n'aiment guère changer d'adresse.
  • « Postace », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 282


Inutile de courir après ses contemporains, on ne rattrape pas le présent. S'il se terre quelque part, c'est en nous, dorénavant. Il est temps pour moi d'aller seul au Louvre. […] L'expression « se retrouver seul » possède un sens autre que celui, décourageant, qu'elle évoque habituellement : que, par la solitude, on se trouve. Imposée, tout comme l'actualité, par le passage du temps, elle n'est pas pour autant stérile : il arrive qu'elle soit la forme que prend, en nous, le présent.
  • « Postace », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 303


Le mot fin est le seul que nous n'écrivons pas nous-mêmes. Celle qui le trace, tranche mais ne prouve rien, depuis toujours et pour tous. La seule chose qui n'ait pas changé au Louvre, depuis qu'il existe, c'est l'inflexible rangée des gardiens qui, à l'heure de la fermeture, pousse indifféremment vers la sortie jeunes, vieux, historiens, touristes, amoureux, philosophes, écrivains, conservateurs et artistes.
  • « Postace », dans Les dialogues du Louvre, Pierre Schneider, éd. Adam Biro, 1991  (ISBN 2-87660-132-X), p. 306


Voir aussi

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