Gibran Khalil Gibran

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Gibran Khalil Gibran (6 janvier 1883, Bcharré, Liban10 avril 1931, New York, États-Unis) est un poète et peintre célèbre pour son livre Le Prophète. Parue en 1923, cette œuvre aborde les questions et les problèmes que pose la vie et y répond par la poésie. Bien qu'il n'ait eu le même écho, Les Ailes brisées est un incontournable au Moyen-Orient. Si d'aucuns y voient le premier roman de langue arabe, sa facture rappelle davantage celle de la poésie.

Les Ailes brisées (Al-Ajniha al-Mutakassira, 1912)[modifier]

Khalil Gibran en 1898
Khalil Gibran - Autoportrait avec muse (1911)
Le garçon sensible qui ressent beaucoup les choses mais les connaît peu est la plus misérable des créatures sous le soleil car son esprit demeure tiraillé par deux forces contradictoires considérables : une force invisible qui le propulse dans les nuages et lui montre, au-delà des rêves embrumés, la beauté des êtres ; une force visible qui l'enchaîne à la terre, obscurcit de poussière son discernement et le laisse désemparé et apeuré dans les plus sombres des ténèbres.
  • Les Ailes brisées, Khalil Gibran (trad. Joël Colin), éd. Sindbad-Actes Sud, coll. « Les littératures contemporaines : La bibliothèque arabe », 2001, chap. La mélancolie muette, p. 16


Les personnes âgées aiment à revenir en pensées au temps de leur jeunesse comme l'étranger nostalgique aime à revenir au pays natal ; elles sont enclines à conter leurs histoires d'enfance comme le poète incline à réciter ses vers les plus éloquents ; elles vivent par l'esprit dans un passé révolu car le présent passe à leur côté sans qu'elles puissent le retenir cependant que le futur apparaît à leurs yeux orné des brumes du déclin et des ténèbres de la tombe.
  • Les Ailes brisées, Khalil Gibran (trad. Joël Colin), éd. Sindbad-Actes Sud, coll. « Les littératures contemporaines : La bibliothèque arabe », 2001, chap. La main du destin, p. 20-21


La jeunesse a des ailes dont les plumes sont faites de poésie et les nerfs d'illusions, des ailes qui élèvent les jeunes gens au-delà des nuages […] d'où ils écoutent la vie chanter la Gloire et la Magnificence. Mais ces ailes poétiques ont tôt fait d'être déchirées dans la tourmente de la vie et de s'abattre sur le monde de la réalité.
  • Les Ailes brisées, Khalil Gibran (trad. Joël Colin), éd. Sindbad-Actes Sud, coll. « Les littératures contemporaines : La bibliothèque arabe », 2001, chap. À la porte du sanctuaire, p. 26


[L']âme qui est purifiée par le feu et lavée par les larmes est au-dessus de ce que les gens appellent le vice et la honte : elle s'affranchit de la servitude des lois que les traditions ont établies pour réglementer les émotions du cœur et elle se tient la tête haute face aux trônes des Dieux.
  • Les Ailes brisées, Khalil Gibran (trad. Joël Colin), éd. Sindbad-Actes Sud, coll. « Les littératures contemporaines : La bibliothèque arabe », 2001, chap. Entre Astarté et le Christ, p. 81


Le Prophète (The Prophet, 1923)[modifier]

Fac-simile du dessin de Khalil Gibran en frontispice de l'édition de 1971 en anglais : The Prophet, portrait d'Almustafa (le héros) un peu à la façon du “Saint Suaire de Turin”, ou encore version “voile de Véronique” et “Sainte Face”, miracles “acheiropoïètes” dans la foi chrétienne auxquels ce dessin fait probablement allusion ; ce qui est plus net sur le fichier d'origine de l'édition de 1926 en anglais chez Knopf éditeur, à voir ici : [5]).
[…] Que chacun de vous emplisse la coupe de l'autre, mais ne buvez pas à la même coupe.
Et que chacun donne à l'autre de son pain, mais ne mangez pas du même pain.
Chantez et dansez ensemble et réjouissez-vous, mais que chacun de vous soit seul.
De même que sont isolées les cordes du luth alors qu'elles vibrent du même air.
[…] Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus :
Car les piliers du temple se tiennent à distance,
Et le chêne et le cyprès ne croissent pas à l’ombre l’un de l’autre.
  • Au sujet du mariage


Et une femme qui portait un enfant dans les bras[1] dit : « — Parlez-nous des enfants ».
Et il dit :
« ― Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même[2].
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.

Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.

Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin[3].
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie ;
Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable. »
  • Au sujet des enfants


Les deux ne sont pas séparables. Elles arrivent ensemble, et, quand l'une d'elles s'installe seule à votre table, souvenez-vous que l'autre dort dans votre lit.
  • Au sujet de la joie et la tristesse.
  • Le Prophète, Khalil Gibran (trad. Salah Stétié), éd. La renaissance du livre, 2002  (ISBN 2-8046-0633-3), p. 34


Vos habits voilent beaucoup de votre beauté, mais ils ne cachent pas toute disgrâce.
  • Le Prophète, Khalil Gibran (trad. Salah Stétié), éd. La renaissance du livre, 2002  (ISBN 2-8046-0633-3), p. 39


En moi le cœur se mit à saigner, car vous ne sauriez être libres tant que votre désir de la liberté n'est pas pour vous un aiguillon et tant que vous parlez d'elle comme d'un but et d'un accomplissement.
  • Le Prophète, Khalil Gibran (trad. Salah Stétié), éd. La renaissance du livre, 2002  (ISBN 2-8046-0633-3), p. 51


Votre douleur est ce par quoi se brise la coquille de votre entendement. Et comme il faut que le noyau du fruit se rompe pour que le cœur du fruit s'offre au soleil, ainsi vous faut-il connaître la douleur.
  • Le Prophète, Khalil Gibran (trad. Salah Stétié), éd. La renaissance du livre, 2002  (ISBN 2-8046-0633-3), p. 57


C'est quand vous n'êtes pas en paix avec vos pensées que vous vous mettez à parler;
Et quand il vous devient pénible d'habiter la solitude de votre cœur
alors vous vous mettez à vivre sur vos lèvres,
et votre voix n'est plus que divertissement et jeu.
Et, dans bien de vos propos, la pensée gît quasi assassinée.
  • Le Prophète, Khalil Gibran (trad. Salah Stétié), éd. La renaissance du livre, 2002  (ISBN 2-8046-0633-3), p. 68


Le sable et l'écume - Un livre d'aphorismes (Sand and Foam, A Book of Aphorisms, 1926)[modifier]

Le souvenir est une forme de rencontre. L'oubli est une forme de liberté.
  • Le sable et l'écume - Un livre d'aphorismes, Khalil Gibran (trad. Thierry Gillybœuf), éd. Mille et une nuits, 2001  (ISBN 978-2-842-05549-3), p. 11


Combien noble est celui qui ne veut être ni maitre ni esclave.

ou

Le véritable grand homme est celui qui ne domine personne et qui n'est dominé par personne.
  • Le sable et l'écume - Un livre d'aphorismes, Khalil Gibran (trad. Thierry Gillybœuf), éd. Mille et une nuits, 2001  (ISBN 978-2-842-05549-3), p. 51


Il est deux êtres en chaque homme ; l'un est éveillé dans l'obscurité, l'autre est endormi dans la lumière.
  • Le sable et l'écume - Un livre d'aphorismes, Khalil Gibran (trad. Thierry Gillybœuf), éd. Mille et une nuits, 2001  (ISBN 978-2-842-05549-3), p. 56


Le désir est la moitié de la vie ; l’indifférence est la moitié de la mort.
  • Le sable et l'écume - Un livre d'aphorismes, Khalil Gibran (trad. Thierry Gillybœuf), éd. Mille et une nuits, 2001  (ISBN 978-2-842-05549-3), p. 62


L'art est un pas de la nature vers l'Infini.
  • Le sable et l'écume - Un livre d'aphorismes, Khalil Gibran (trad. Thierry Gillybœuf), éd. Mille et une nuits, 2001  (ISBN 978-2-842-05549-3), p. 71


Si tu ne comprends pas ton ami en toutes circonstances, jamais tu ne le comprendras.


Bien sûr que cette guerre était juste, protesta une femme. Mon fils y est tombé.


Notes et références[modifier]

  1. (Le Prophète - Au sujet des enfants), texte original en anglais de ce passage : « And a woman who held a babe against her bosom » ; traduction alternative plus proche : « Et une femme qui tenait un bébé contre son sein »
  2. (Le Prophète - Au sujet des enfants) : dans le texte de la version originale en anglais, les deux premiers versets sont les suivants : « Your children are not your children. // They are the sons and daughters of Life’s longing for itself. » Ils sont parfois traduits, au plus près du texte original, par exemple par Antoine Ghattas Karan ([1]) ainsi : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. // Ils sont les fils et filles (de l'appel) de la nostalgie de la Vie pour elle-même », ce qui modifie la perspective : « nostalgie » implique passé et tendresse, « appel » sous-entend tension vers l'avenir (cumuler les deux est intéressant).
  3. (Le Prophète - Au sujet des enfants), texte original en anglais de ce passage : « The Archer sees the mark upon the path of the infinite, and He bends you with His might that His arrows may go swift and far » ; traduction alternative par Antoine Ghattas Karan : « L'Archer voit la cible sur le parcours (/la trajectoire, /la Voie) de l'infini, et Il vous tend, de toute Sa force, afin que Ses flèches partent légères et lointaines ».
  4. Le Prophète, pages 19 et 20 :
    • Voir par exemple une traduction alternative par Antoine Ghattas Karan aux Éditions Thierry Magnier ici : [2].
    • Voir sur Internet Archive le fac-simile de cette page de l'édition en français (traduction par Camille Aboussouan) et reproduite ici : [3] (p. 19-20).
    • Voir sur Wikisource le fac-simile et la version numérique de l'édition originale en anglais (1926, chez Knopf éditeur) des deux pages de cette citation ici : [4].
    • Voir enfin le texte intégral de l'ouvrage en version originale anglaise ici : The Prophet.