Limite

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Une limite est une restriction ; un point réel fini au-delà duquel on ne doit pas aller.

Littérature[modifier]

Biographie[modifier]

André Maurois, Lélia ou la vie de George Sand, 1952[modifier]

Toujours elle souhaitera retrouver l'indépendance masculine, dont Nohant et Deschartres lui avaient donné le goût. Toujours aussi elle gardera ce sens que donne le contact avec les réalités de la terre et du travail. La pensée trop libre n'avance pas, malgré ses efforts ; elle aurait besoin, comme l'oiseau, de la résistance du milieu. L'action révèle les limites que doit s'imposer l'esprit.
  • Lélia ou la vie de George Sand (1952), André Maurois, éd. Le Livre de Poche, 2004  (ISBN 2-253-10923-1), chap. I. Aurore Dupin, V. L'héritière de Nohant, p. 69


Correspondance[modifier]

Jacques Rivière à Antonin Artaud, 1923-1924[modifier]

Pris en lui-même, l'esprit est une sorte de chancre ; il se propage, il avance constamment dans tous les sens ; vous notez vous-même comme un de vos tourments « l'impulsion à penser, à chacune des stratifications terminales de la pensée » ; les débouchés de l'esprit sont en nombre illimité ; aucune idée ne le bloque ; aucune idée ne lui apporte fatigue et satisfaction ; même ces apaisements temporaires que trouvent par l'exercice nos fonctions physiques, lui sont inconnus. L'homme qui pense se dépense à fond. Romantisme à part, il n'y a pas d'autre issue à la pensée pure que la mort.
  • L'Ombilic des Limbes suivi du Pèse-nerfs et autres textes, Antonin Artaud, éd. Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 1956, partie Correspondance avec Jacques Rivière, Jacques Rivière à Antonin Artaud. Paris, le 25 mars 1924, p. 32


Voici ma pensée serrée d'un peu plus près : l'esprit est fragile en ceci qu'il a besoin d'obstacles, — d'obstacles adventices. Seul, il se perd, il se détruit. Il me semble que cette « érosion » mentale, que ces larcins intérieurs, que cette « destruction » de la pensée « dans sa substance » qui affligent le vôtre, n'ont d'autre cause que la trop grande liberté que vous lui laissez. C'est l'absolu qui le détraque. Pour se tendre, l'esprit a besoin d'une borne et que vienne sur son chemin la bienheureuse opacité de l'expérience.
  • L'Ombilic des Limbes suivi du Pèse-nerfs et autres textes, Antonin Artaud, éd. Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 1956, partie Correspondance avec Jacques Rivière, Jacques Rivière à Antonin Artaud. Paris, le 25 mars 1924, p. 32


[...] où l'objet, où l'obstacle manquent tout à fait, l'esprit continue, inflexible et débile ; et tout se désagrège dans une immense contingence.
  • L'Ombilic des Limbes suivi du Pèse-nerfs et autres textes, Antonin Artaud, éd. Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 1956, partie Correspondance avec Jacques Rivière, Jacques Rivière à Antonin Artaud. Paris, le 25 mars 1924, p. 34


Écrit intime[modifier]

Paul Klee, Journal, 1957[modifier]

La tempête forme des cuisses puissantes dans le valonnement de la vague et dans la nuque du chêne. On croirait à un combat entre la branche et l'écume. Ce n'est pourtant que jeu. La divinité y assiste et préserve les limites.


Essai[modifier]

Ivan Illich[modifier]

Il est plus important pour une société post-industrielle de fixer des critères pour la conception de l'outillage – et des limites à la croissance – que de se donner des objectifs de production, comme c'est le cas aujourd'hui. En rendant le développement de la productivité obligatoire et systématique, notre génération menace l'humanité dans sa survie.


Cette crise oblige l'homme à choisir entre des outils conviviaux et l'écrasement par la méga-machine, entre la croissance indéfinie et l'acceptation de bornes multidimensionnelles. La seule réponse possible consiste à reconnaître sa profondeur et à accepter le seul principe de solution qui s'offre : établir, par accord politique, une autolimitation.


Alain Finkiekraut[modifier]

Ce que les anciens appelaient démesure ou péché façonne notre paysage quotidien et nous avançons, nous avançons tout le temps. À la limite, nous répliquons automatiquement par l'enjambée. Mais le lyrisme, la fierté et la joie conquérante accompagnent-ils encore ces sauts et ces bonds ? Où est, aujourd'hui, pour nous le destin ? Dans les frontières ou dans leur dépassement ? Dans ce qui nous est donné pour impossible ou dans l'impossibilité où nous sommes de nous arrêter, de faire le point et même de ralentir ?


Nicolas Hulot[modifier]

Osons dire que toutes nos crises n'en sont qu'une : une crise de l'excès. Fixons-nous des limites, car la limite n'est pas une entrave à la liberté mais sa condition.


Presse[modifier]

Jean-Pierre Le Goff[modifier]

Il y a un débat légitime sur la notion de progrès et de limite. Je suis pour un progrès qui intègre la limite, mais encore s'agit-il de savoir à partir de quelle conception de l'homme et de la société. Le problème n'est pas la Technique érigée en principe métaphysique. Je préfère Ellul à Heidegger dans la mesure où Ellul, à sa façon, mène une réflexion éthique. Mais dans tous les cas, j'aime beaucoup cette phrase de Raymond Aron : « La société de consommation devient le monstre à combattre par ceux-là mêmes qui en possèdent les bienfaits. »


Prose poétique[modifier]

Novalis, Hymne à la nuit, 1800[modifier]

Je sens en moi une grande fatigue, mon pélerinage jusqu’au saint tombeau a été long et pénible ; mais celui qui a une fois goûté la boisson salutaire que l’homme sensuel ne peut connaître, celui qui s’est assis aux limites du monde, et qui a porté les yeux dans la nouvelle contrée, dans le domaine de la nuit, celui-là ne retournera plus au milieu des passions qui occupent les hommes, dans la terre où la lumière ramène toujours l’inquiétude. Il se bâtit sa demeure à lui, sa demeure où la paix habite, où il garde ses désirs et son amour, et d’où il élève ses regards en haut jusqu’à ce que la dernière heure sonne pour lui.
  • « Hymne à la nuit », Novalis, Nouvelle revue germanique, nº 14, 1833, p. 235


Robert Desnos, La liberté ou l'amour !, 1927[modifier]

Pas plus que l’océan, pas plus que le désert, pas plus que les glaciers, les murs du cimetière n’assignent de limites à mon existence tout imaginaire. Et cette matérielle figure, le squelette des danses macabres, peut frapper s’il lui plaît à ma fenêtre et pénétrer dans ma chambre. Elle trouvera un champion robuste qui se rira de son étreinte.


René Char, Fureur et mystère, 1948[modifier]

Feuillets d'Hypnos

Nous sommes pareils à ces poissons retenus vifs dans la glace des lacs de montagne. La matière et la nature semblent les protéger cependant qu'elles limitent à peine la chance du pêcheur.
  • Fureur et mystère (1948), René Char, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1962  (ISBN 2-07-030065-X), partie FEUILLETS D'HYPNOS (1943-1944), p. 121


Psychologie[modifier]

Mary Esther Harding, Les Mystères de la femme, 1953[modifier]

[...] lorsqu'un homme ou une femme se soumet aux lois ou principes de son être propre et renonce à l'orientation personnelle de l'ego, il définit progressivement les limites de sa propre nature et son individualité se cristallise en lui.
  • Les Mystères de la femme (1953), Mary Esther Harding (trad. Eveline Mahyère), éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2001  (ISBN 2-228-89431-1), chap. XIV. Renaissance et immortalité, p. 314


Dans les textes tantriques [...] il est dit que l'évolution de la conscience passe, grâce au croissant, de la région humide à la zone enflammée du soleil, et de là, à travers la région de l'air, à la pleine lune. Celui qui atteint la pleine lune « voit les trois périodes et a la vie longue », il est aux portes de la « grande libération ». Ces trois périodes sont le passé, le présent et l'avenir. Elles correspondent aux trois mondes des mythes de la lune : les enfers, la terre et les cieux. [...] en termes de psychologie, celui qui a atteint au royaume de la pleine lune a gagné la connaissance de l'inconscient qui est source, passé, origine ; il possède la puissance dans le monde présent, son regard pénètre l'avenir. En un sens il échappe au temps dont il transcende les limites. Il a acquis l'immortalité.
  • Les Mystères de la femme (1953), Mary Esther Harding (trad. Eveline Mahyère), éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2001  (ISBN 2-228-89431-1), chap. XIV. Renaissance et immortalité, p. 317


Jean Gortais, Processus de la schizophrénie, 2002[modifier]

Le processus schizophrénique, selon P. Federn, s'étaye sur un trouble de la « frontière du moi » : celle-ci n'est pas à entendre dans un sens statique ni comme une ligne de partage également répartie au sein du psychisme. Lorsqu'il avance que la mutilation narcissique dans la schizophrénie est liée avant tout à la « perte d'investissement de la frontière mentale et corporelle du moi », il entend alors insister sur une perte et une mise en échec de la fonction de séparation que le moi exerce habituellement, à l'état vigile, entre la réalité extérieure et le monde psychique interne.
  • Processus de la schizophrénie (2002), Catherine Azoulay/Catherine Chabert/Jean Gortais/Philippe Jeammet, éd. Dunod, coll. « Psycho Sup », 2002  (ISBN 2-10-004780-9), chap. I « Approche historique d'une psychopathologie psychanalytique de la schizophrénie (Jean Gortais) », 9. Schizophrénie et psychologie du moi, p. 33


Catherine Chabert, Processus de la schizophrénie, 2002[modifier]

L'éradication des relations, loin de soutenir une représentation de soi trophique, va à l'encontre des capacités de synthèse et d'unification, les barrières entre dedans et dehors sont sans cesse effractées, voir annulées, ce dont témoigne la confusion entre l'interne et l'externe, entre le sujet et l'autre.
  • Processus de la schizophrénie (2002), Catherine Azoulay/Catherine Chabert/Jean Gortais/Philippe Jeammet, éd. Dunod, coll. « Psycho Sup », 2002  (ISBN 2-10-004780-9), chap. IV « Quelques réflexions métapsychologiques (Catherine Chabert) », 1. Continuité ou discontinuité des concepts psychanalytiques dans l'approche psychopathologique de la psychose, p. 180


Sociologie[modifier]

Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, 1984[modifier]

La science consiste à faire ce qu'on fait en sachant et en disant que c'est tout ce qu'on peut faire, en énonçant les limites de la validité de ce qu'on fait.


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