Novalis

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Novalis.

Novalis, de son vrai nom Friedrich Leopold, Freiherr von Hardenberg, né le et mort le , est un poète, philosophe et romancier allemand.

Hymnes à la Nuit, 1800[modifier]

   Je sens en moi une céleste lassitude. — Lointain et harassant fut mon pèlerinage au saint-tombeau, et pesante, la croix. — Mais l’onde de cristal, — les sens vulgaires ne la perçoivent pas, — l’onde qui prend sa source au cœur du tertre ténébreux, celui qui l’a goûtée, — celui qui l’a gravi, ce haut lieu au pied duquel vient se briser le flot temporel, celui qui, se dressant sur ces sommets aux frontières du monde, a plongé ses regards dans la patrie nouvelle, dans le domaine de la Nuit, — en vérité, celui-là ne redescend plus aux tumultes du monde, dans la patrie où la lumière habite, en sa perpétuelle agitation.
   Là-haut il les dresse, ses tentes, tabernacles de paix, là il porte sa nostalgie et son amour, le regard plongé au-delà, jusqu’à cette heure entre toutes bénie qu’il sera emporté là-bas, dans les eaux de la source ; […]

  • « Hymnes à la Nuit », Novalis (trad. Armel Guerne) (1800), IV, dans Les Disciples à Saïs ; Hymnes à la Nuit ; Chants religieux ; avec quelques poèmes extraits d’Henri d’Ofterdingen, Novalis, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1980  (ISBN 978-2-07-032193-3), p. 127


   Sur les races humaines largement répandues, pesaient jadis le règne d’un Destin de fer et sa muette autorité. Un sombre et accablant bandeau serrait les âmes dans la crainte.
   Immense était la terre : résidence des dieux — leur patrie. Depuis les éternités leur mystérieux édifice était debout. Sur les monts rouges de l’aurore, dans le sein sacré de la mer, habitait le soleil, le feu universel, la vivante lumière. Un antique géant portait le monde bienheureux. Fermement, sous les montagnes, étaient assujettis les fils premiers de cette Mère, la Terre : impuissants dans leur rage de destruction contre la nouvelle génération magnifique des dieux et son heureuse descendance, l‘humanité. La mer, sa verte et sombre profondeur était le sein d’une déesse. Dans les cavernes de cristal exultait un peuple voluptueux. Les rivières, les arbres, les bêtes et les fleuves avaient un sens humain. Le vin avait un parfum plus suave, donné par la fleur de jeunesse éclatante de vie ; un dieu parmi les grappes ; — une déesse apparaissait, aimante, maternelle, dans le plein or des gerbes ; — l’ivresse sainte de l’amour, c’était le délicieux hommage à la beauté sublime d’une épouse de dieux.

  • « Hymnes à la Nuit », Novalis (trad. Armel Guerne) (1800), V, dans Les Disciples à Saïs ; Hymnes à la Nuit ; Chants religieux ; avec quelques poèmes extraits d’Henri d’Ofterdingen, Novalis, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1980  (ISBN 978-2-07-032193-3), p. 131


   Le monde antique inclinait sur sa fin. Les jardins de délices de la jeune lignée défleurissaient ; — plus haut, cet espèce vacant, désert, les hommes qui grandissaient loin de l’esprit d’enfance aspiraient à l’atteindre. Les dieux et leur cortège s’en étaient allés.
   La Nature était là, solitaire et sans vie. Par des chaînes de fer, le nombre aride et la mesure austère la tenaient entravée. En ruine, poussière et vent au creux des mots obscurs, avait déchu l’immense épanouissement de la vie. Elles s’étaient enfuies, la Foi magique et l’Imagination, sa céleste compagne, reine des métamorphoses et des fraternisations. Hostile, un vent glacé du nord souffla sur les plaines transies ; et glacée, la patrie merveilleuse s’échappa dans l’éther.

  • « Hymnes à la Nuit », Novalis (trad. Armel Guerne) (1800), V, dans Les Disciples à Saïs ; Hymnes à la Nuit ; Chants religieux ; avec quelques poèmes extraits d’Henri d’Ofterdingen, Novalis, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1980  (ISBN 978-2-07-032193-3), p. 132-133


Les Disciples à Saïs, 1802 (posthume)[modifier]

Sur les sens des hommes, il semble qu’un alkahest a été versé. Leurs désirs, leurs pensées ne se condensent, semble-t-il, qu’un instant seulement. Ainsi leurs intuitions naissent-elles ; mais peu après tout flotte de nouveau, comme auparavant, devant leurs regards.
  • « Les Disciples à Saïs », Novalis (trad. Armel Guerne) (1802), I. Le Disciple, dans Les Disciples à Saïs ; Hymnes à la Nuit ; Chants religieux ; avec quelques poèmes extraits d’Henri d’Ofterdingen, Novalis, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1980  (ISBN 978-2-07-032193-3), p. 37


Celui qui ne veut pas, celui qui n’a plus la volonté de soulever le voile, celui-là n’est pas un disciple véritable, digne d’être à Saïs.
  • « Les Disciples à Saïs », Novalis (trad. Armel Guerne) (1802), I. Le Disciple, dans Les Disciples à Saïs ; Hymnes à la Nuit ; Chants religieux ; avec quelques poèmes extraits d’Henri d’Ofterdingen, Novalis, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1980  (ISBN 978-2-07-032193-3), p. 42


Henri d'Ofterdingen, 1802 (posthume)[modifier]

[…] voir de mes yeux la Fleur Bleue, voilà ce qui fait soupirer mon cœur ! C'est elle qui m'occupe constamment l'esprit ; je ne peux plus penser à rien, imaginer rien d'autre.
  • Œuvres complètes, Novalis (trad. Armel Guerne), éd. Gallimard, coll. « Du monde entier », 1975  (ISBN 2-07-028429-8), t. I. Romans, poésies, essais, Henri d'Ofterdingen, p. 79


Les Fragments[modifier]

Le plus grand de tous les biens, c'est la force de l'imagination.
  • Œuvres complètes, Novalis (trad. Armel Guerne), éd. Gallimard, coll. « Du monde entier », 1975  (ISBN 2-07-028430-1), t. II. Les Fragments, Cahiers d'études philosophiques (1795-1796), p. 12


Il n'y a que ce qui demeure qui soit digne de notre pleine attention : ce qui est durablement utile.
  • Œuvres complètes, Novalis (trad. Armel Guerne), éd. Gallimard, coll. « Du monde entier », 1975  (ISBN 2-07-028430-1), t. II. Les Fragments, Cahiers d'études philosophiques (1795-1796), p. 14


Notre moi est particulier et général, individu et espèce. La forme accidentelle ou particulière de notre moi ne cesse que comme forme isolée – la mort ne met un terme qu'à l'égoïsme seulement.
  • Œuvres complètes, Novalis (trad. Armel Guerne), éd. Gallimard, coll. « Du monde entier », 1975  (ISBN 2-07-028430-1), t. II. Les Fragments, Cahiers d'études philosophiques (1795-1796), p. 15


Le véritable acte philosophique est le meurtre de soi.
  • Œuvres complètes, Novalis (trad. Armel Guerne), éd. Gallimard, coll. « Du monde entier », 1975  (ISBN 2-07-028430-1), t. II. Les Fragments, Études philosophiques de 1797, p. 40


On doit écrire comme on compose de la musique.
  • Œuvres complètes, Novalis (trad. Armel Guerne), éd. Gallimard, coll. « Du monde entier », 1975  (ISBN 2-07-028430-1), t. II. Les Fragments, Fragments des dernières années (1799-1800), p. 377


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