Portnoy et son complexe
Apparence
Portnoy et son complexe (Portnoy's Complaint) est le troisième roman de Philip Roth paru en 1969, qui a apporté la notoriété internationale à son auteur.
Citations
[modifier]Un jour, au cours d'une sortie de notre association familiale, j'évidai le cœur d'une pomme, vis avec surprise (et avec l'aide de mon obsession) à quoi elle ressemblait et courus dans le bois pour me jeter à plat ventre sur l'orifice du fruit, feignant de croire que le trou farineux et frais se trouvait en réalité entre les jambes de cette créature mythique qui m'appelait toujours "mon Grand" quand elle m'adjurait de lui accorder ce qu'aucune fille dans toute l'histoire n'avait jamais obtenu. "Oh, mets-le-moi, mon Grand", s'écriait la pomme creuse que je baisais frénétiquement le jour de ce pique-nique.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 32
Un individu dont, si l'on se trouvait à côté de lui dans un autobus sans savoir qu'il est si révéré, on dirait "ce type pue atrocement le tabac", et voilà rigoureusement tout ce qu'on dirait.
- À propos d'un rabbin.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 103
Voilà un homme à qui l'idée est venue un jour que l'élément de base de la pensée dans le langage était la syllabe. Aussi, pas un mot qu'il prononce qui ne soit composé de moins de trois de celles-ci, pas même le mot Dieu.
- À propos d'un rabbin.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 103
Une fois ce tabou si facilement et si simplement transgressé, du coup le côté visqueux, dionysiaque et suicidaire de ma nature avait pris de l'assurance; peut-être avais-je appris que pour passer outre à la loi il suffit de... - simplement vas-y carrément et passe outre! Il suffit de cesser de frémir et de trembler et de trouver ça inconcevable et hors de portée, il suffit de le faire!
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 112
Exerce-toi, chéri, exerce-toi, exerce-toi, exerce-toi. L'inhibition ne pousse pas sur les arbres, vous savez - il faut de la patience, il faut de la concentration, il faut des parents dévoués et prêts à se sacrifier et un enfant attentif et appliqué pour fabriquer en l'espace de quelques années seulement un être humain vraiment ligoté et trouillotant.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 113
Mon propre père baiser des shikse? je reconnaîtrais sous la torture qu'il a baisé ma mère... mais des shikse? Je ne peux pas plus l'imaginer se tapant une pompe à essence.
- Une "shikse" est une femme non-juive, l'équivalent du "goy".
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 120
Comment puis-je expliquer Smolka et son audace? Il a une mère qui travaille. La mienne, qu'on s'en souvienne, patrouille les six pièces de notre appartement comme un groupe de guérilleros se déplace dans son propre territoire - il n'est pas un de mes placards ou de mes tiroirs dont elle n'ai photographié dans sa tête le contenu. La mère de Smolka de son côté passe toute la journée assise près d'une petite lampe sur une petite chaise dans un coin de la boutique de son père, à coudre et à découdre, et quand elle rentre à la maison le soir, elle n'a pas la force de sortir son compteur Geiger et de partir en chasse pour dénicher l'horrifiante collection de revues porno de son enfant.
- À propos de la mère juive.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 237
L'autorité sans l'acrimonie. La vertu sans l'autosatisfaction. La confiance sans la hâblerie ou la condescendance.
- À propos des défaut attachés à une qualité.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 296
(...) au premier tournant de la mémoire me guette l'autolacération.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 297
oh bon Dieu, n'est-elle pas assez pour moi? Ne suffit-elle pas vraiment à mes besoins? Combien de bites ai-je donc?
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 189
Allez, en bas, en bas le short kaki patriotique, étale tes côtelettes, sang de mon sang, déverrouille la forteresse de tes cuisses, ouvre tout grand ce trou juif messianique!
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 364
Pourquoi devrais-je me plier devant l'esprit bourgeois? Est-ce que je leur demande de plier devant moi?
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 144
(...) mon père est un homme qui doit se faire une certaine somme de soucis chaque jour et parfois il lui faut bien renoncer à écouter les conversations qui se déroulent autour de lui en vue de faire le plein requis d'anxiété.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 130
(...) un juif dont les parents sont vivants est un gamin de quinze ans et restera un gamin de quinze ans jusqu'à leur mort!
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 154
Quelle audace! Ou bien ne suis-je pas plus audacieux qu'un somnambule?
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 301
Je crois avoir déjà parlé de cette tranche de foie que j'avais achetée dans une boucherie puis tronchée derrière un panneau d'affichage en me rendant à une leçon de bar mitzvah. Eh bien, Votre Sainteté, je désire à ce sujet passer des aveux complets. Qu'elle - que ce-n'était pas mon premier morceau. Mon premier morceau, je me l'étais farci dans l'intimité de ma propre maison, enroulé autour de ma bite dans la salle de bains à trois heures et demie - et je me l'étais farci à nouveau au bout d'une fourchette à cinq heures et demie en compagnie des autres membres de cette pauvre et innocent famille qu'est la mienne.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 184-185
Elle se met des cubes de glace dans la bouche jusqu'à ce qu'elle ne sente plus sa langue et ses lèvres, puis me pompe le nœud et ensuite passe au thé brûlant! Tout, tout ce que j'ai imaginé, elle l'a imaginé aussi, et elle le fera.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 182
"Et maintenant, à moi", dit-elle - "un service en mérite un autre", (...) cette inconnue s'est alors mise en devoir de me sucer avec une bouche qui devait avoir suivi des cours dans un collège spécialisé pour y apprendre tous les merveilleux trucs qu'elle connaissait. Quelle trouvaille, je me suis dit, elle vous la prend jusqu'à la racine! Dans quelle bouche suis-je tombé!
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 217-218
Mais, ne le voyez-vous pas - mon bon sens n'est qu'un autre terme pour désigner mes craintes!
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 220
Je la supplie de ne pas partir pour aller s'étendre sur une quelconque plage poisseuse d'humidité, alors qu'il y a ce grand lit Hilton si confortable que nous pouvons partager. "Je n'essaye pas de faire de vous une bourgeoise, Naomi. Si le lit est trop luxueux, nous pouvons faire ça par terre."
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 358
L'aube venue, on m'avait fait comprendre que je représentais la somme de tout ce qu'il y avait de plus honteux dans "la culture de la Diaspora". Ces siècles et ces siècles d'errance avaient produit justement des hommes désagréables dans mon genre - terrifiés, sur la défensive, autodestructeurs, émasculés, et corrompus par la vie dans le monde des Gentils.
- Les "gentils" = les goys = les non-juifs
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 360
Mais il faut reconnaître que mon argot la faisait souffrir elle aussi. La première fois que je dis le mot "chier" en sa présence (...), une expression de souffrance si vive se peignit sure le visage de la Pèlerine, on aurait cru que je venais de lui marquer ces cinq lettres au fer rouge dans la chair.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 319
Notre seul plaisir marginal, c'était le grand miroir fixé au dos de la porte de la salle de bains. Là, debout cuisse à cuisse je chuchotais: "Regarde, Sarach, regarde." Au début, elle se montrait timide, me laissait faire seul le voyeur, au début elle était modeste et ne se soumettait que sur ma prière, mais avec le temps, prise elle aussi d'une sorte de passion pour le miroir, elle suivait le reflet de notre accouplement avec une certaine intensité mêlée de surprise dans le regard.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 320
Ce que je veux dire, Docteur, c'est que je n'ai pas l'impression de planter ma bite dans ces filles autant que je la plante dans leurs antécédents, - comme si, par la copulation, j'allais découvrir l'Amérique. Conquérir l'Amérique - peut-être est-ce plus exact.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 303
Mon Dieu! Le langage est une forme de communication! La conversation n'est pas qu'un simple échange de feux croisés où l'on canarde et où l'on se fait canarder! Où il faut plonger à plat ventre pour sauver sa peau et ne penser qu'à tuer! Les mots ne sont pas seulement des bombes et des balles, - non, ce sont des petits cadeaux, chargés de signification!
- À propos de sa première fin de semaine au sein d'une famille goy.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 320
"Bonjour", dit-il et il me vient maintenant à l'idée que le mot "jour", tel qu'il l'utilise, désigne spécifiquement les heures comprises entre huit heures du matin et huit heures du soir. Je n'y avais encore jamais songé sous cette forme. Il veut que les heures entre huit heures du matin et huit heures du soir soient bonnes, c'est-à-dire plaisantes, agréables, bénéfiques. Nous nous souhaitons tous les uns aux autres douze heures de plaisir et de réussite. Mais c'est formidable, ça! C'est drôlement gentil, ma parole! Bonjour! Et il en est de même pour "bonsoir" et "bonne nuit".
- À propos de sa première fin de semaine au sein d'une famille goy.
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 320
Oui, les seuls êtres au monde dont, me semble-t-il, les Juifs n'ont pas peur sont les Chinois parce que, un, la façon dont ils parlent l'anglais fait de mon père l'égal de lord Chesterfield; deux, ils n'ont de toute façon à l'intérieur du crâne qu'une poignée de riz bouilli; et trois pour eux nous ne sommes pas des Juifs mais des Blancs - et peut-être même des Anglo-saxons. Vous vous rendez compte! Pas étonnant que les serveurs ne puissent nous intimider. Pour eux, nous ne sommes qu'une quelconque variété de Wasp à grand nez!
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 127
Même au restaurant chinois où le Seigneur a levé l'interdit sur les plats à base de porc pour les fils obéissants d'Israël, Dieu (dont le porte-parole sur la terre pour les questions d'ordre alimentaire est maman) considère l'absorption de homard cantonais comme totalement hors de question. Pourquoi nous pouvons manger du porc dans Pell Street et pas à la maison, c'est que... franchement je n'ai pas encore bien tiré au clair ce problème, mais à l'époque je crois que cela tient pour une bonne part à ce que le vieil homme qui tient la boîte et qu'entre nous nous appelons shmendrick n'est pas de ceux dont l'opinion qu'il entretient à nôtre égard puisse être un sujet de souci.
- shmendrick=crétin
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 127
Alors que vienne quelqu'un, n'importe qui, pour me démasquer et me condamner. J'ai commis l'action la plus terrible que vous puissiez concevoir: j'ai pris ce que je ne suis pas censé posséder! J'ai choisi le plaisir pour moi-même au mépris de mes devoirs envers les êtres que j'aime. Je vous en prie, saisissez-vous de moi, incarcérez-moi avant que, à Dieu ne plaise, j'échappe au châtiment - et que je m'égare pour faire à nouveau ce qui me tente vraiment!
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 120
(...) pourquoi a-t-il fallu que tu ramènes une shikse à la maison? Parce que tu ne pouvais pas supporter l'idée qu'une femme de la race des Gentils traverse l'existence sans avoir connu le goût d'un entremets en gelée juif? Ou parce que tu ne pouvais plus toi-même continuer à vivre sans faire une confession juive? Sans confronter ton épouse avec ton crime, en sorte qu'elle puisse t'accuser, te stigmatiser, t'humilier, te punir et t'extirper ainsi à jamais tes désirs défendus!
- À propos de la "confession à la juive".
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 119
Pourquoi les deux espèces de vaisselle? Pourquoi le savon kasher et le sel? Pourquoi, je vous le demande, sinon pour nous rappeler trois fois par jour que la vie n'est que contrainte et restriction, centaines de milliers de petites règles établies par personne d'autre que Personne d'Autre, règles que vous observez sans discussion, si stupides puissent-elles sembler (...) ou que vous transgressez sans doute au nom du bon sens outragé - que vous transgressez parce que même un enfant n'aime pas se sentir un minus ou un demeuré total (...)
- Portnoy et son complexe, Philip Roth, éd. folio, 1973, p. 113