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Paul Verlaine

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.
Photo en noir et blanc, cadrage buste, jaunie par le temps, d'un homme barbu avec une calvitie, en costume et lavallière
Paul Verlaine en 1883.

Paul Verlaine (Metz, 30 mars 1844 — Paris, 8 janvier 1896) est un poète français.

Poèmes de jeunesse

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     La Mort

Telle qu'un moissonneur, dont l'aveugle faucille
Abat le frais bleuet, comme le dur chardon,
Telle qu'un plomb cruel qui, dans sa course, brille,
Siffle, et, fendant les airs, vous frappe sans pardon […]

  • Œuvres poétiques, Paul Verlaine, éd. Jean de Bonnot, 1975, t. 7, p. 210, vers 1-4


     L'apollon de Pont-Audemer

Plus tard, soit que le sort, l'épargne ou le désigne,
On le verra, bon vieux, barbe blanche, œil terni,
S'éteindre doucement, comme un jour qui finit.

Ou bien, humble héros, martyr de la consigne,
Au fond d'une tranchée obscure ou d'un talus
Rouler, le crâne ouvert par quelque éclat d'obus.

  • 9 sept. 1864
  • Œuvres poétiques, Paul Verlaine, éd. Jean de Bonnot, 1975, t. 7, p. 215, vers 9-14


Poèmes saturniens, 1866

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Car tous ceux qui sont nés sous le signe Saturne,
Fauve planète, chère aux nécromanciens,
Ont entre tous, d’après les grimoires anciens,
Bonne part de malheur et bonne part de bile.

  • Poèmes saturniens (1866), Paul Verlaine, éd. Livre de poche, coll. « Classiques de poche », 1996, p. 21, vers 8-11 (texte intégral sur Wikisource)


Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même,

Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
  • Poèmes saturniens, Paul Verlaine, éd. A. Lemerre, 1866, partie Mélancholia, poème VI (« Mon rêve familier »), p. 23, vers 1-4 (texte intégral sur Wikisource)


Et pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
  • Poèmes saturniens, Paul Verlaine, éd. A. Lemerre, 1866, partie Mélancholia, poème VI (« Mon rêve familier »), p. 24, vers 13-14 (texte intégral sur Wikisource)


L’Océan sonore
Palpite sous l’œil
De la lune en deuil

  • Poèmes saturniens, Paul Verlaine, éd. A. Lemerre, 1866, partie Paysages tristes, poème V (« Chanson d'automne »), p. 36, vers 1-3 (texte intégral sur Wikisource)


Les sanglots longs
Des violons
   De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
   Monotone.

  • Cette strophe a été diffusée sur Radio Londres en deux temps, la première phrase le 1er juin 1944 puis en entier le 5 juin 1944. Elle indiquait au seul réseau Ventriloquist, groupe de résistants en Sologne, de saboter des lignes ferroviaires dans la nuit du 5 au 6 juin. Mais dans l'imaginaire collectif ces deux vers ont annoncé le Débarquement en Normandie à grande échelle, grâce au film Le Jour le plus long datant de 1962.[1] [2]
  • Poèmes saturniens, Paul Verlaine, éd. A. Lemerre, 1866, partie Paysages tristes, poème V (« Chanson d'automne »), p. 57, vers 1-6 (texte intégral sur Wikisource)


Et je m'en vais
Au vent mauvais
    Qui m'emporte
Deçà, delà
Pareil à la
    Feuille morte.

  • Poèmes saturniens, Paul Verlaine, éd. A. Lemerre, 1866, partie Paysages tristes, poème V (« Chanson d'automne »), p. 58, vers 13-18 (texte intégral sur Wikisource)


Fêtes galantes, 1869

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Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmants masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.


Colombine rêve, surprise
De sentir un cœur dans la brise
Et d’entendre en son cœur des voix.


Fardée et peinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans,
Elle passe, sous les ramures assombries,
Dans l’allée où verdit la mousse des vieux bancs

  • Fêtes galantes (1869), Paul Verlaine, éd. Léon Vanier, coll. « Classiques de poche », 1891, L'Allée, p. 11, vers 1-4 (texte intégral sur Wikisource)


Trompeurs exquis et coquettes charmantes,
Cœurs tendres mais affranchis du serment,
Nous devisons délicieusement


Et la tigresse épouvantable d'Hyrcanie
  • Avec sa césure irrégulière, l'un des premiers alexandrins irréguliers de la poésie française.


Le soir tombait, un soir équivoque d’automne :
Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
Que notre âme depuis ce temps tremble et s’étonne.


Mais un, entre autres, me troubla.

  • Dernier vers du poème « Les coquillages ».


Ce fut le temps, sous de clairs ciels,
(Vous en souvenez-vous, Madame ?)
Des baisers superficiels
Et des sentiments à fleur d’âme


Heureux instants ! — mais vint l’Été :
Adieu, rafraîchissantes brises !
Un vent de lourde volupté
Investit nos âmes surprises.


Scaramouche et Pulcinella
Qu’un mauvais dessein rassembla
Gesticulent, noirs sur la lune.


Un pavillon à claires-voies
Abrite doucement nos joies

  • Fêtes galantes (1869), Paul Verlaine, éd. Léon Vanier, 1891, partie Fêtes galantes, Cythère, p. 31, vers 1-2 (texte intégral sur Wikisource)


Et l’Amour comblant tout, hormis
La faim, sorbets et confitures
Nous préservent des courbatures.


Cependant la lune se lève
Et l’esquif en sa course brève
File gaîment sur l’eau qui rêve.


Cléopâtre fut moins aimée, oui, sur ma foi !
Par Marc-Antoine et par César que vous par moi,
N’en doutez pas, Madame, et je saurai combattre
Comme César pour un sourire, ô Cléopâtre,
Et comme Antoine fuir au seul prix d’un baiser.


Fatidique cours
Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
Désastres

L’implacable enfant,
Preste et relevant
Ses jupes,
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
De dupes ?


Ferme tes yeux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton cœur endormi
Chasse à jamais tout dessein.


— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.


Romances sans paroles, 1874

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Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville,
Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon cœur ?


Sagesse, 1880

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Le ciel est par-dessus le toit

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Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit
Berce sa palme.


Je ne sais pourquoi

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Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D'une aile inquiète et folle vole sur la mer.
Tout ce qui m'est cher,
D'une aile d'effroi
Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?


Parallèlement, 1889

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Prologue d'un livre dont il ne paraîtra que les extraits ci-après

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On sait trop tout le prix du malheur
Pour le perdre en disert gaspillage.
Vous n'aurez ni mes traits ni mon âge,
Ni le vrai mal secret de mon cœur.

  • Parallèlement (1889), Paul Verlaine, éd. Les maîtres du livre, 1894, chap. Révérences parler, p. 53


Explication

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Le bonheur de saigner sur le cœur d'un ami,
Le besoin de pleurer bien longtemps sur son sein,
Le désir de parler à lui, bas à demi,
Le rêve de rester ensemble sans dessein !

  • Parallèlement (1889), Paul Verlaine, éd. Les maîtres du livre, 1894, chap. Lunes, p. 72


Caprice

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Pauvres cœurs mal tombés, trop bons et très fiers, certes !
Car l'ironie éclate aux lèvres belles, certes,
De vos blessures, cœurs plus blessés qu'une cible,
Petits sacrés-cœurs de Jésus plus lamentables !
Va, poète, le seul des hommes véritables,
Meurs sauvé, meurs de faim pourtant le moins possible.

  • Parallèlement (1889), Paul Verlaine, éd. Les maîtres du livre, 1894, chap. Dernières pièces, p. 168


Dédicaces, 1890-1894

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Mortel, ange et démon, autant dire Rimbaud,
Tu mérites la prime place en ce mien livre
  • Œuvres complètes (1890-1894), Paul Verlaine, éd. Léon Vanier, 1901, t. III, poème LXII (« À Arthur Rimbaud »), p. 161, vers 1-2 (texte intégral sur Wikisource)


À l’Escrime, le seul de nos maîtres sortable,
Robert, nous démontrait quelque coup inouï
D’audace magnifique ou de ruse admirable
Et nous clamions à plein gosier : Ça c’est de Lui !

  • À Aurélien Scholl, journaliste et critique également connu pour ses nombreux duels.
  • Œuvres complètes (1890-1894), Paul Verlaine, éd. Vanier, 1901, t. III, partie Dédicaces, À Aurélien Scholl, p. 207 (texte intégral sur Wikisource)


Épigrammes, 1894

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J'ai beau faire la paix partout,
Dans ma vie ainsi qu'en mon âme,
Beau vouloir me tenir debout,
[…]
Une inquiétude profonde
M'agite en douloureux transports
Entre le sublime et l'immonde :
– Deux écueils, Seigneur, ou deux ports ?

  • Œuvres complètes (1890-1894), Paul Verlaine, éd. Vanier, 1901, t. III, partie Épigrammes, J’ai beau faire la paix partout, p. 250 (texte intégral sur Wikisource)


Je compare ces vers étranges
Aux étranges vers que ferait
Un marquis de Sade discret
Qui saurait la langue des anges

  • Œuvres complètes (1890-1894), Paul Verlaine, éd. Vanier, 1901, t. III, partie Épigrammes, XXVIII - Sur un exemplaire des « Fleurs du mal », p. 274 (texte intégral sur Wikisource)


Chair, 1896

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Quand même tu dirais
Que tu me trahirais
Si c’était ton caprice,
Qu’est-ce que me ferait
Ce terrible secret
Si c’était mon caprice !


“Hombres” (Hommes), 1904

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Dans ce café bondé d'imbéciles, nous deux
Seuls, nous représentions le soi-disant hideux
Vice d'être « pour homme » et sans qu'ils s'en doutassent
Nous encagnions ces cons avec leur air bonasse,
Leurs normales amours et leur morale en toc.

  • ”Hombres” (Hommes), Paul Verlaine, éd. N/A (« imprimé sous le manteau et ne se vend nulle part »), 1904, poème XII (« Dans ce café »), p. 39, vers 1-5 (texte intégral sur Wikisource)


Notes et références

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Article connexe

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