Nasr Eddin Hodja

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"Nasr Eddin traverse la ville sur son âne, juché par-dessus à l'envers. Les quolibets ont beau pleuvoir dru, le Hodja reste très digne sous son turban.
— Nasr Eddin, l'admoneste sévèrement un de ses amis au passage, cesse donc de te ridiculiser ainsi aux yeux de tous. Tu vois bien que tu es assis du mauvais côté !
— Pas du tout, mon cher. En ce qui me concerne, je suis bien face à la direction où je veux aller. Seulement, voilà, cet imbécile qui est en dessous n'en sait rien."
(Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja, présentées par Jean-Louis Maunoury, 2002, p.414.
Miniature du XVIIe siècle représentant Nasr Eddin Hodja.

Nasr Eddin Hodja, parfois orthographié Nasreddin ou Nasreddine (turc ottoman : نصر الدين خواجه, arabe : نصرالدین جحا, persan : خواجه نصرالدین), est un personnage mythique de la culture musulmane, philosophe d'origine turque. Ouléma ingénu et faux-naïf prodiguant des enseignements tantôt absurdes tantôt ingénieux, sa renommée va des Balkans à la Mongolie et ses aventures sont célébrées dans des dizaines de langues, du serbo-croate au persan en passant par le turc, l'arabe, le grec, le russe et d'autres. Ses histoires courtes sont morales, bouffonnes, absurdes ou parfois coquines. Une partie importante d'entre elles a la qualité de parabole ou d'histoire morale, qui donne à la fois à rire et à réfléchir.

Citations[modifier]

[On demande à Nasr Eddin Hodja de monter en chaire pour prêcher. Il demande aux fidèles s'ils savent de quoi il va leur parler, mais se fâche aussi bien quand ils répondent que non, que quand ils répondent que oui. Les fidèles s'entendent pour tenter une solution intermédiaire.]
— Chers frères, savez-vous enfin de quoi je vais vous parler ?
— Oui, oui, répondent certains, nous le savons !
— Non, non, crient d'autres, nous ne le savons pas !
— À la bonne heure, conclut Nasr Eddin. Dans ces conditions, que ceux qui savent le disent aux autres.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. Le Sermon, p. 26


[Un camelot propose au marché un oiseau des îles qui parle. Chacun s'extasie. Le lendemain, Nasr Eddin amène un dindon incapable de parler et en demande un prix faramineux.]
— Ta plaisanterie est de mauvais goût, Nasr Eddin. L'oiseau que nous avons vu hier est une merveille. Il parle.
— Justement, répond Nasr Eddin, justement ! Mon dindon, lui, fait beaucoup mieux !
— Ah ! Et quoi ?
— Il pense.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. Un oiseau merveilleux, p. 31


[Un voisin demande à Nasr Eddin de lui prêter sa corde à linge. Nasr Eddin refuse et explique qu'il vient de mettre à sécher de la farine dessus.]

— Par Allah ! Tu prétends faire sécher de la farine sur une corde à linge ? Et tu veux que je te croie ?

— Tu n'es qu'un ignorant. Tu ne sais pas encore que lorsqu'on n'a pas envie de prêter sa corde à linge, on est capable de faire sécher n'importe quoi dessus ?
  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. La corde à linge, p. 36


On aimait bien embarrasser Nasr Eddin avec des questions oiseuses, ou carrément impossibles à trancher. Un jour, on lui demande :
— Nasr Eddin, toi qui est versé dans les sciences et les mystères, dis-nous quel est le plus utile, du soleil ou de la lune.
— La lune, sans aucun doute. Elle éclaire quand il fait nuit, alors que ce stupide soleil luit quand il fait jour.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. Le soleil et la lune, p. 40


[Nasr Eddin a perdu son âne. Au lieu de le chercher, il parcourt la ville en rendant grâces à Allah.]
— Comment se fait-il, Nasr Eddin, que tu rendes grâces à Allah pour la perte de ton âne ? Ne vaudrait-il pas mieux implorer Son aide ?
— Décidément, vous ne comprenez rien ! Je rends grâces à Allah de n'avoir pas été sur le dos de mon âne quand il s'est égaré.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. La perte de son âne, p. 94


[Nasr Eddin trouve un morceau de miroir par terre et s'y regarde.]
— Hors de ma vue ! s'emporte-t-il. Je comprends, à présent, qu'on t'ait jeté.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. Le miroir, p. 126


Un vendredi, Nasr Eddin surprend un des chrétiens d'Akshéhir à manger de la viande en cachette.
— Ô chrétien, toi qui as le devoir de charité, lui dit le Hodja, donne-moi un morceau, j'ai faim.
— Éloigne-toi, mahométan, c'est de la viande de porc et tu n'as pas le droit d'en manger.
— Qu'importe ! lui répond Nasr Eddin en s'asseyant à côté de lui, je suis chez les musulmans ce que tu es chez les chrétiens.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. Chrétien et musulman, p. 153


[Ce jour-là, au marché, Nasr Eddin vend de grandes quantités d'œufs à un prix inférieur à celui auquel il les a achetés. Un de ses amis s'en émeut.]
— Nasr Eddin, je vois que tu as une belle clientèle mais ne t'est-il pas venu à l'idée que tu es en train de te ruiner ?
— Se ruiner fait partie des risques marchands, lui répond le Hodja. En revanche, ce qui est l'essence même du commerce, c'est que les gens aient autant de plaisir à acheter que j'ai de plaisir à vendre !

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. L'essence du commerce, p. 242


Nasr Eddin se tient immobile face à un miroir, mais il a les yeux fermés.
— Ô mon mari, s'inquiète son épouse devant cet étrange tableau, je crains que tu ne sois devenu complètement fou.
— Tais-toi donc, lui répond le Hodja gravement. J'essaie de voir la tête que je ferai quand je serai mort.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. L'utilité d'un miroir, p. 387


Miniature montrant Timour Leng donnant audience après son couronnement. Illustration du Zafarnama (Livre de la victoire), autour de 1467. The John Work Garrett Library, à la The Johns Hopkins University.

Timour est à la chasse au sanglier, lorsque soudain un magnifique solitaire débouche d'un fourré à quelques pas. Le Tartare aussitôt bande son arc et tire, mais à côté.
— Bravo ! s'exclame Nasr Eddin, qui se tient par-derrière.
— Pourquoi me dis-tu bravo ? demande Timour, perplexe.
— Ce n'est pas à toi que j'ai parlé, seigneur, c'est au sanglier.

  • Plusieurs histoires de Nasr Eddin le montrent au service de Timour Leng, ou Tamerlan, conquérant turco-mongol du XIVe siècle.
  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. Quiproquo, p. 390


Nasr Eddin traverse la ville sur son âne, juché par-dessus à l'envers. Les quolibets ont beau pleuvoir dru, le Hodja reste très digne sous son turban.
— Nasr Eddin, l'admoneste sévèrement un de ses amis au passage, cesse donc de te ridiculiser ainsi aux yeux de tous. Tu vois bien que tu es assis du mauvais côté !
— Pas du tout, mon cher. En ce qui me concerne, je suis bien face à la direction où je veux aller. Seulement, voilà, cet imbécile qui est en dessous n'en sait rien.

  • Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, présenté par Jean-Louis Maunoury, éd. Libretto, coll. « Phébus », 2002, chap. L'utilité d'un miroir, p. 414


Nasr Eddin traversait tous les jours la frontière avec un âne dont les paniers étaient chargés de paille. Comme il reconnaissait volontiers, une fois rentré à la maison chaque soir, qu'il pratiquait la contrebande, les douaniers n'arrêtaient pas de le contrôler. Ils fouillaient sa personne, remuaient la paille, la trempaient dans de l'eau, et la brûlèrent même à plusieurs reprises. [...] L'un des douaniers le revit, des années après.
"Tu peux me le dire, maintenant, Nasr Eddin", dit-il. "Qu'est-ce que c'était donc que tu faisais passer de l'autre côté de la frontière en contrebande, et qu'on n'a jamais pu trouver ?
— Des ânes", répondit Nasr Eddin.

  • (en)

    Nasrudin used to take a donkey across a frontier every day, with the panniers loaded with straw. Since he admitted to being a smuggler when he trudged home every night, the frontier guards searched him again and again. They searched his person, staffed the straw, steeped it in water, even burned it from time to time. [...] One of the customs officers met him years later.
    "You can tell me now, Nasrudin," he said. "Whatever was it that you were smuggling, when we could never catch you out?"
    "Donkeys," said Nasrudin.

  • Biographical Encyclopaedia of Sufis: Central Asia and Middle East (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, édité par N. Hanif (trad. Wikiquote), éd. Sarup & Sons, 2002, p. 335


"Je vois dans le noir.
— C'est peut-être vrai, Mollah. Mais si c'est vrai, pourquoi portes-tu quelquefois une bougie la nuit ?
— Pour éviter aux autres de me heurter."

  • (en)

    "I can see in the dark."
    "That may be so, Mulla. But if it is true, why do you sometimes carry a candle at night?"
    "To prevent other people from bumping into me."

  • Biographical Encyclopaedia of Sufis: Central Asia and Middle East (XIIIe-XXIe siècles), Collectif, édité par N. Hanif (trad. Wikiquote), éd. Sarup & Sons, 2002, p. 343


"Mollah, je voudrais t'emprunter ton âne.
— Je suis désolé, répondit le mollah, mais je l'ai déjà prêté à quelqu'un."
Il n'avait pas plus tôt dit ces mots que l'âne poussa un braiment. Le son provenait de l'étable de Nasr Eddin.
"Mais, mollah, j'entends ton âne, il est à l'intérieur !"
Avant de claquer la porte au nez de l'homme, Nasr Eddin répliqua avec dignité : "Un homme qui croit à la parole d'un âne plutôt qu'à la mienne ne mérite pas qu'on lui prête quoi que ce soit."

  • (en)

    "Mulla, I want to borrow your donkey."
    "I am sorry," said the Mulla, "but I have already lent it out."
    As soon as he had spoken, the donkey brayed. The sound came from Nasrudin's stable.
    "But Mulla, I can hear the donkey, in there!"
    As he shut the door in the man's face, Nasrudin said, with dignity, "A man who believes the word of a donkey in preference to my word does not deserve to be lent anything."

  • The Pleasantries of the Incredible Mulla Nasrudin (XIIIe-XXIe siècles), Idries Shah (trad. Wikiquote), éd. Octagon Press, 1968, p. 62


Miniature du XVIIe siècle représentant Nasr Eddin. Anonyme. Topkapi Palace Museum Library Cat. No. 2142

Un homme rendit visite à Nasr Eddin, et demanda à lui emprunter une corde.
"Tu ne peux pas l'avoir, dit Nasr Eddin.
— Pourquoi ?
— Parce que je m'en sers.
— Mais je la vois juste là, elle traîne par terre.
— Exact. C'est à ça qu'elle sert."

  • (en)

    A man called, wanting to borrow a rope.
    "You cannot have it," said Nasrudin.
    "Why not?"
    "Because it is in use."
    "But I can see it just lying there, on the ground."
    "That's right: that's its use."

  • The Pleasantries of the Incredible Mulla Nasrudin (XIIIe-XXIe siècles), Idries Shah (trad. Wikiquote), éd. Octagon Press, 1968, p. 152


Mollah, mollah, mon fils m'a écrit de la Maison de Sagesse pour m'annoncer qu'il a fini toutes ses études !
— Consolez-vous, madame : dites-vous que Dieu, sans aucun doute, va lui en envoyer d'autres.

  • (en)

    "Mulla, Mulla, my son has written from the Abode of Learning to say that he has completely finished his studies!"
    "Console yourself, madam, with the thought that God will no doubt send him more."

  • The Subtleties of the Inimitable Mulla Nasrudin (XIIIe-XXIe siècles), Idries Shah (trad. Wikiquote), éd. Octagon Press, 1973, p. 134


Des enfants virent Nasr Eddin en train de revenir d'une vigne sur son âne, qu'il avait chargé de deux paniers remplis de grappes de raisin. Ils s'assemblèrent autour de lui et lui demandèrent de les laisser goûter, pour voir.
Nasr Eddin prit quelques grappes et en donna une à chaque enfant.
"Tu en as tellement, et tu nous en as donné si peu, se plaignirent les enfants.
— Qu'on en mange tout un panier ou quelques grains, ça ne fait pas de différence au niveau du goût", répondit Nasr Eddin, et il continua son chemin.

  • (en)

    Some children saw Nasreddin coming from the vineyard with two baskets full of grapes loaded on his donkey. They gathered around him and asked him to give them a taste.
    Nasreddin picked up a bunch of grapes and gave each child a grape.
    "You have so much, but you gave us so little," the children whined.
    "There is no difference whether you have a basketful or a small piece. They all taste the same," Nasreddin answered, and continued on his way,

  • The Subtleties of the Inimitable Mulla Nasrudin (XIIIe-XXIe siècles), Idries Shah (trad. Wikiquote), éd. Octagon Press, 1985, p. 60


[Nasr Eddin a dû revêtir ses plus beaux atours afin d'être admis à une soirée chic.]
Il se pencha, saisit un morceau de viande et le fourra dans sa chemise. Il en passa une autre sous sa ceinture. Puis il en glissa une dans chacune des poches de son pantalon. Tous les yeux étaient fixés sur Nasr Eddin lorsqu'il rassembla les longues manches de son manteau et les trempa dans le bol de sauce chaude.
Un invité stupéfait bondit sur ses pieds et clama : "Effendi ! Que signifie votre comportement scandaleux ?
— Eh bien, dit Nasr Eddin Hodja, quand on se trouve dans un endroit où les habits sont mieux accueillis que la personne qui les porte, on doit donner à manger aux habits d'abord et à la personne après !"

  • (en)

    [Nasreddin had to don his finest clothes in order to be admitted to a fancy dinner party.]
    He reached over, took a piece of meat and stuffed it in his shirt. He poked the next piece into his cummerbund. Then he jammed one into each pocket of his pants. All eyes were on Nasreddin as he gathered the long sleeves of his cloak and soaked them in the bowl of hot gravy.
    A stunned guest jumped to his feet and demanded, Effendi! [Sir!] What is the meaning of your outrageous behavior?"
    "Well," said Nasreddin Odjah, "when you find yourself in a place where clothes are more welcome than the person wearing them, you must feed the clothes first and the person afterward!"

  • Treasures from Europe: stories and classroom activities (XIIIe-XXIe siècles), Flora Joy (trad. Wikiquote), éd. Teacher Ideas Press (Westport, Conn.), 2003, chap. Nasreddin Odjah's Clothes (Macedonia), p. 104


L'un de ses voisins trouva Nasr Eddin occupé à semer des miettes tout autour de sa maison.
"Pourquoi fais-tu cela ? demanda-t-il.
— C'est un répulsif contre les tigres, répondit Nasr Eddin.
— Mais il n'y a aucun tigre par ici, objecta son voisin.
— Tout juste, triompha Nasr Eddin. Tu vois comme ça fonctionne bien ?"

  • (en)

    One of the neighbors found Nasreddin scattering crumbs all around his house.
    "Why are you doing that?" he asked.
    "I'm keeping the tigers away," replied Nasreddin.
    "But there aren't any tigers around here," said the neighbor.
    "That's right," said Nasreddin. "You see how well it works?"

  • Teaching English Literature (XIIIe-XXIe siècles), Engelbert Thaler (trad. Wikiquote), éd. UTB GmbH Schöningh (Stuttgart), 200, p. 82


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