Mireille Delmas-Marty

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Mireille Delmas-Marty en 2010.

Mireille Delmas-Marty, née le 10 mai 1941 à Paris 17e et morte le 12 février 2022 à Saint-Germain-Laval, est une juriste et universitaire française, professeure au Collège de France de 2002 à 2012 et membre de l'Académie des sciences morales et politiques de 2007 à sa mort.

Citations[modifier]

Les attentats du 11 septembre ont donc modifié à la fois notre perception de l’insécurité (une peur généralisée et obsessionnelle, un sentiment de danger permanent) et nos réactions face aux réponses répressives (on ne les considère plus comme attentatoires aux libertés fondamentales). Partout dans le monde, on constate un durcissement de la répression pénale et, au-delà du droit pénal, une radicalisation du contrôle social (généralisation des fichiers et de la biométrie, politique de refoulement et d’expulsion systématiques des étrangers, etc.).
  • « Détruire la démocratie au motif de la défendre » (entretien) », Mireille Delmas-Marty, Esprit, 2010 (lire en ligne)


On aurait pu imaginer un autre scénario : à la suite des mêmes attentats, un président ouvert au droit international aurait pu considérer qu’il y avait crime contre l’humanité, conformément à la définition qu’en donne l’article 7 du statut de la Cour pénale internationale (« On entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque… »). Il aurait alors pu en appeler au jugement d’une juridiction internationale et demander au Conseil de sécurité de désigner un tribunal ad hoc (la Cour pénale internationale n’ayant acquis une existence légale que le 1er juillet 2002 ne pouvait être rétroactivement compétente sur cette affaire). Un tel scénario aurait accéléré une internationalisation juridique fondée sur des valeurs communes.
  • Au sujet de la réaction qu'auraient pu avoir les États-Unis aux attentats du 11 septembre 2001.
  • « Détruire la démocratie au motif de la défendre » (entretien) », Mireille Delmas-Marty, Esprit, 2010 (lire en ligne)


Si les attentats de 2001 n’ont pas créé une véritable matrice, ils ont mis en place les instruments d’une « société de la peur ». Le mythe de la sécurité absolue, du « risque zéro », instrumentalisé par le discours politique, légitime des mesures sécuritaires incompatibles avec l’idéologie libérale de l’État de droit.
  • Au sujet des attentats du 11 septembre 2001.
  • « Détruire la démocratie au motif de la défendre » (entretien) », Mireille Delmas-Marty, Esprit, 2010 (lire en ligne)


Le droit pénal traditionnel est fondé sur la culpabilité : on punit une personne pour une faute qui lui est imputable. Et pour qu’une faute lui soit imputable, il faut que cette personne jouisse d’une liberté d’action. Or, à partir du moment où la sanction n’est plus fondée sur la culpabilité mais sur la dangerosité, le libre arbitre disparaît : un être humain qualifié de dangereux est un être prédéterminé à commettre une infraction. C’est une remise en cause de tout le courant de pensée moderne qui fonde l’humanité de l’être humain sur la liberté et la dignité et distingue les humains des vivants non humains par cette marge d’indétermination qui fait d’eux des êtres responsables de leurs actes. Considérer la seule dangerosité aboutirait donc à déshumaniser le droit pénal.
  • « Détruire la démocratie au motif de la défendre » (entretien) », Mireille Delmas-Marty, Esprit, 2010 (lire en ligne)


Sur quels critères objectifs peut-on pronostiquer les chances de récidive ? Comment l’accusé peut-il se défendre d’un tel diagnostic ? Comment peut-il renverser la preuve ? C’est la possibilité même d’une défense efficace qui est remise en cause. La présomption d’innocence, qui est la base de notre système pénal, va-t-elle être supplantée par une « présomption d’innocuité » ? À moins de considérer que nous sommes tous potentiellement dangereux ?
  • Au sujet de la notion de "dangerosité" en droit.
  • « Détruire la démocratie au motif de la défendre » (entretien) », Mireille Delmas-Marty, Esprit, 2010 (lire en ligne)


Nous savions que la démocratie était fragile, mais nous pensions que le triptyque « démocratie, Etat de droit, droits de l’Homme » qui la caractérise résisterait aux dérives. Or nous découvrons, depuis les attentats de New York en 2001, qu’il a pu facilement être détruit en quelques années dans la plupart des États occidentaux, y compris en Europe et dans notre propre pays : assassinats ciblés, société de surveillance, enfermement préventif, justice prédictive, internements de sûreté marquent un basculement vers un régime autoritaire. D’un droit pénal de la responsabilité, qui fonde la punition sur la preuve de la culpabilité et la proportionne à la gravité de la faute, nous basculons vers un « droit pénal de la sécurité », un droit policier, voire guerrier, qui traite le suspect en criminel et le criminel en ennemi hors la loi.
  • « Mireille Delmas-Marty : « Nous basculons vers un droit pénal de la sécurité, qui traite le suspect en criminel » », Mireille Delmas-Marty, Le Monde, 23 octobre 2020 (lire en ligne)


Il y a un équilibre à trouver entre l’émotion et la prise de décision juridique. Le droit ne peut pas réagir à tous les accidents, même graves, même dramatiques.
  • (fr) Mireille Delmas-Marty, émission réalisée par Thomas Beau, La grande table idées. Face au terrorisme, le droit, une boussole ? Entretien avec Mireille Delmas-Marty, France Culture, 20 octobre 2020 (accéder en ligne)


L’État d’urgence ne doit pas devenir permanent. Il y a une contradiction dans les termes. L’urgence ne peut être permanente. Là est la tentation, une fois l’état d’urgence déclaré, c’est très difficile de revenir en arrière. C’est « l’effet cliquet », d’autant qu’indépendamment de l’État d’urgence, la tentation est de faire entrer dans le droit ordinaire les mêmes dispositions de surveillance renforcée au profit du pouvoir exécutif, avec peu de moyens de contrôle de l’autorité judiciaire.
  • (fr) Mireille Delmas-Marty, émission réalisée par Thomas Beau, La grande table idées. Face au terrorisme, le droit, une boussole ? Entretien avec Mireille Delmas-Marty, France Culture, 20 octobre 2020 (accéder en ligne)


N’y a-t-il pas une balance, un équilibre à trouver ? c’est là que nous avons besoin des droits de l’homme comme facteur de mise en cohérence. Comment trouver une boussole à l’échelle mondiale, qui nous indiquerait un pôle ? On ne peut privilégier la sécurité de façon absolue, sans les libertés, et inversement. C’est une boussole particulière que l’on cherche, car elle n’a pas de pôle, mais peut-être un centre d’attraction où se retrouvent les grands principes de la Déclaration des droits de l’Homme de 1848 dont l’égale dignité de tous les êtres humains. La limite aux restrictions des libertés pourrait se situer là, dans ce respect de la dignité.
  • (fr) Mireille Delmas-Marty, émission réalisée par Thomas Beau, La grande table idées. Face au terrorisme, le droit, une boussole ? Entretien avec Mireille Delmas-Marty, France Culture, 20 octobre 2020 (accéder en ligne)


Après les discours musclés annonçant l’éradication du terrorisme, voici les discours savants sur le « Zéro Covid ». Et toujours la même obsession sécuritaire, le même rêve d’un monde sans risque, sans crime et sans maladie. On s’en réjouirait si l’on ne savait avec quelle facilité le rêve d’un monde parfait peut tourner au cauchemar des sociétés de la peur.
  • Au sujet des discours politiques pendant la pandémie de Covid-19 en France en 2020-2021.
  • « Mireille Delmas-Marty : « Le rêve de perfection transforme nos États de droit en États policiers » », Mireille Delmas-Marty, Le Monde, 2021 (lire en ligne)


La reconnaissance faciale, développée par Apple pour le déverrouillage de ses nouveaux téléphones, se combine à la surveillance par caméras, voire par drones, à la géolocalisation des utilisateurs d’Internet ou encore aux algorithmes de reconnaissance des émotions. Insensiblement, tout cet arsenal transforme nos États de droit en États policiers et nos sociétés ouvertes en sociétés de la peur où la suspicion suspend la fraternité et fait de l’hospitalité un délit pénal.
  • « Mireille Delmas-Marty : « Le rêve de perfection transforme nos États de droit en États policiers » », Mireille Delmas-Marty, Le Monde, 2021 (lire en ligne)


Cette opposition entre sécurité et liberté n’a pas de raison d’être. Le défi lancé aux juristes, aux universitaires et aux juges c’est d’équilibrer les exigences conjointes de la sécurité et des libertés.
  • (fr) Mireille Delmas-Marty, propos recueillis par Fabienne Chauvière, Le jour où : Mireille Delmas-Marty, France Inter, 16 avril 2021 (accéder en ligne)


La liberté sans la sécurité c’est le chaos, mais la sécurité sans la liberté c’est le totalitarisme. La liberté c’est notre ADN.
  • (fr) Mireille Delmas-Marty, propos recueillis par Fabienne Chauvière, Le jour où : Mireille Delmas-Marty, France Inter, 16 avril 2021 (accéder en ligne)


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