Mario Vargas Llosa

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Mario Vargas Llosa, en 2011.

Mario Vargas Llosa (né le 28 mars 1936 à Arequipa, Pérou) est un écrivain et essayiste politique péruvien, lauréat du Prix Nobel de littérature en 2010.

La Ville et les Chiens, 1963[modifier]

Et il me raconta qu'une fois on avait attrapé mon frère au moment où il s'introduisait dans une maison de La Perla. Un flic qui passait par là tira son revolver et lui dit en le menaçant : « En route pour le commissariat, à cinq mètres devant moi, ou je te descends, espèce de voleur ! » Mon frère, avec un culot monstre, éclata de rire et lui dit : « T'as pas bu, des fois ? J'entre ici pour me pieuter avec la cuisinière. Si tu veux t'en assurer, t'as qu'à mettre la main dans ma poche, et tu verras. » Le flic hésita un bon moment, mais la curiosité fut plus forte et il s'approcha. Il lui mit le revolver sur l'œil et tout en fouillant dans sa poche il lui disait : « Si tu bouges d'un millimètre, je te crève l'œil. Tu en meurs ou tu restes borgne, alors du calme. » Quand il retira la main il tenait une liasse de billets. Mon frère rit et lui dit : « Tu es un cholo et moi de même, nous sommes frères. Garde cet argent et laisse-moi filer. Je viendrai voir la cuisinière une autre fois. »
  • La Ville et les Chiens (1963), Mario Vargas Llosa (trad. Bernard Lesfargues), éd. Gallimard, 1966  (ISBN 978-2-07-037271-3), p. 331


Les Enjeux de la liberté, 1991[modifier]

Ni Kafka, ni Joyce, ni Proust n'ont eu besoin de l'appui de l’État pour écrire ce qu'ils ont écrit, ni l'œuvre d'un Wajda, d'un Tadeusz Kantor ou d'un Grotowski n'a résulté des subventions culturelles du socialisme. Et ces six créateurs, bien qu'ils ne soient pas faciles et qu'ils exigent de leurs lecteurs ou spectateurs un effort intellectuel, ont trouvé un public qui pour les six est allé en s'élargissant, comme les cercles concentriques. Une société doit avoir l'art et la littérature qu'elle mérite : ceux qu'elle est capable de produire et ceux qu'elle est prête à payer. Et il est bon que les citoyens assument aussi dans ce domaine leurs propres responsabilités sans y renoncer devant les fonctionnaires, pour éclairés qu'ils soient.[…] Cela ne signifie évidemment pas que l’État n'ait aucune responsabilité culturelle. Il en a une, l'éducation.[…] Mais en matière d'éducation non plus l’État ne doit pas seul avoir voix au chapitre
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 40


J'ai toujours pensé que la santé de la démocratie britannique repose sur les petites vieilles. Ce sont elles qui accablent parlementaires, fonctionnaires et ministres d'un flot de plaintes ou de pétitions qui trouvent toujours le chemin de la presse, elles qui font le lien entre la société civile et les partis politiques, elles qui font un travail de fourmi lors des élections et qui, en vérité, les gagnent ou les perdent. Je suis sûr que c'est à elles, et non à la mythique protection du Roi Arthur, que l'on doit qu'aucun envahisseur après les romains n'ait mis les pieds dans l'île.
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 43-44


Le nationalisme est la culture de l'inculte, la religion de l'esprit de clocher et un rideau de fumée derrière lequel nichent le préjugé, la violence et souvent le racisme
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 70


Ni la liberté ni la concurrence ne fonctionnent comme les baguettes magiques des contes de fées. Il faut les faire fonctionner, sans baisser la garde et en faisant face résolument contre ceux qui les dénaturalisent ou les violentent. En restant avertis des entraves, menaces et conjurations qui toujours, et de la façon la plus subtile et variée, surgiront en leur sein.
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 70


Une nation est une fiction politique imposée à une réalité socio-géographique presque toujours par la force, au bénéfice d'une minorité politique, et maintenue à travers un système uniformisateur qui, d'une main douce ou d'une poigne dure, impose l'homogénéité au prix de la disparition d'une hétérogénéité préexistante, installe des barrières, des obstacles souvent infranchissables au développement d'une diversité religieuse, culturelle ou ethnique en son sein.
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 221


Un régime civil et représentatif, né d'élections libres, soutenu par la loi et contrôlé par la liberté de la presse, même corrompu et inefficace, sera toujours préférable à une dictature.
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 228


Chaque jour il y a moins d'encouragements à produire de la richesse et, par conséquent, plus et plus de personnes à devoir prendre sous la protection des services publics qui prolifèrent tels un cancer. […] L'assurance chômage, créée dans l'altruiste intention de soulager le sort du travailleur qui avait perdu son emploi, est aujourd'hui une source de sous-emploi, tout comme l'assurance-maladie encourage une culture de la maladie au lieu de garantir la santé des citoyens. La pierre de touche du welfare state est son inévitable vocation étatique et collectiviste, qui engendre des psychologies passives et une abdication de la responsabilité personnelle devant l’État, dans les mains duquel l'individu remet l'obligation de l'éduquer, de le soigner, de le transporter, de lui donner du travail, de le pensionner et de l'enterrer. De la sorte, l'Occident a détruit ce à quoi, précisément, il doit sa grandeur : l'individu souverain, l'initiative de chacun pour répondre de façon créative aux besoins, l'esprit d'entreprise.
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 360-361


Il n'est pas vrai que la liberté soit divisible et qu'il soit licite d'établir des hiérarchies entre une liberté économique prioritaire, qui peut servir de locomotive à l'autre, la liberté politique, qui jouerait le rôle de fourgon de queue, d'une récompense tardive aux pays qui adoptent l'option du marché.
  • Les Enjeux de la liberté (1991), Mario Vargas Llosa (trad. Albert Bensoussan), éd. Gallimard, 1997  (ISBN 2070745562), p. 362


Entretien dans Le Figaro, 20 juin 2005[modifier]

Quiconque cultive l’antilibéralisme s’engouffre dans un engrenage incontrôlable. Depuis l’époque où l’on clouait au pilori les « deux cents familles », la haine du libéralisme n’a jamais cessé d’être le point de rencontre entre la gauche anticapitaliste et l’extrême droite. C’est l’antilibéralisme qui fédère à distance les ennemis farouches et apparemment dissemblables que l’aventure européenne croise, aujourd’hui, sur son chemin.
  • « La "movida" libérale n’a pas eu lieu en France », Mario Vargas Llosa et Alexis Lacroix, Le Figaro (ISSN 0182-5852), 20 juin 2005, p. 12


Dans certains milieux intellectuels, l’antilibéralisme prend la place de la défunte utopie communiste. Il n’est plus possible d’être marxiste sans anachronisme. Ce qui est très « tendance », en revanche, c’est de faire des règles libérales le bouc émissaire universel. La guerre en Irak ? Le libéralisme ! La déréliction de l’Afrique ? Le libéralisme encore. La déforestation de l’Amazonie ? Le libéralisme, vous dis-je… Voilà les réponses toutes faites que nous dicte la nouvelle pensée unique en formation – sectaire, erronée et néomarxiste. J’ai rompu, pour ma part, avec ce mode de pensée en lisant Raymond Aron, dans les années 70. Je ressens donc ce revival antilibéral comme une aberration idéologique. Mais en France, une partie de la classe pensante reste prisonnière de sa nostalgie chimérique de la fraternité révolutionnaire. On ne dira jamais assez, en effet, ce que certains pays du tiers-monde doivent à la globalisation – qui les propulse dans un cycle de croissance –, et combien, a contrario, les solutions étatistes et marxistes ont pu ruiner des économies.
  • « La "movida" libérale n’a pas eu lieu en France », Mario Vargas Llosa et Alexis Lacroix, Le Figaro (ISSN 0182-5852), 20 juin 2005, p. 12


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