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Marie NDiaye, née le 4 juin 1967 à Pithiviers dans le Loiret, est une femme de lettres française, ayant notamment remporté le prix Femina en 2001 pour Rosie Carpe, et le prix Goncourt en 2009 pour Trois Femmes puissantes.
Et celui qui l'accueillit ou qui parut comme fortuitement sur le seuil de sa grande maison de béton, dans une intensité de lumière soudain si forte que son corps vêtu de clair paraissait la produire et la répandre lui-même, cet homme qui se tenait là, petit, alourdi, diffusant un éclat blanc comme une ampoule au néon, cet homme surgi au seuil de sa maison démesurée n'avait plus rien, se dit aussitôt Norah, de sa superbe, de sa stature, de sa jeunesse auparavant si mystérieusement constante qu'elle semblait impérissable.
Première phrase du livre.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2009, I, p. 11
Et quand elle lui eut demandé son nom et que la jeune fille, après un temps de silence (comme, songea Norah, pour enchâsser sa réponse dans une monture d'importance), eut déclaré : Khady Demba, la tranquille fierté de sa voix ferme, de son regard direct étonna Norah, l'apaisa, chassa un peu l'irritation de son cœur, la fatigue iquiète et le ressentiment.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, I, p. 23
Mais elle avait ignoré que le mal pouvait avoir un regard gentil, qu'il pouvait être accompagné d'une fillette exquise et prodiguer de l'amour - oh, c'est que l'amour de Jakob, impersonnel, inépuisable et vague, ne lui coûtait rien, elle le savait maintenant.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2009, I, p. 33
Qui ayant connu une fois la tendresse peut de soi-même y renoncer ?
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2009, I, p. 35
Une onde de rage contre son père la traversa si violemment qu'elle en claqua des dents. Qu'avait-il fait de Sony ? Qu'avait-il fait d'eux tous ? Il était chez lui partout, installé en chacun d'eux en toute impunité et, même mort, continuerait de les tourmenter.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, I, p. 65
Elle était là, seule dans l'intense clarté d'une maison étrangère, assise sur une chaise dure et fraîche de métal poli, et son corps tout entier était au repos et son esprit était au repos pareillement.
Elle comprenait ce qui s'était passé dans la maison de son père, elle comprenait les uns et les autres comme si elle s'était assise simultanément sur le ventre de chacun d'eux.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, I, p. 88
C'était son fils, Djibril, et il le reconnaissait entre tous les enfants. Par habitude ? Son cœur n'était qu'une mare de boue et tout s'y engloutissait dans un affreux chuintement.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, II, p. 232
[Elle] vit de l'autre côté de la haie le long cou et la petite tête délicate de sa voisine qui paraissait surgir du laurier comme une branche miraculeuse, un improbable surgeon pourvu d'yeux grands ouverts sur le jardin de Pulmaire et d'une bouche fendue en un calme et large sourire qui étonna fortement Pulmaire car elle ne se rappelait pas, cette Fanta, l'avoir jamais vue dans le contentement.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, II, p. 245
[L'aïeule] qui l'avait élevée et protégée et qui avait su reconnaître, bien qu'elle l'eût traitée avec rudesse, qu'elle était une petite fille particulière nantie de ses propres attributs et non une enfant parmi d'autres. De telle sorte qu'elle avait toujours eu conscience d'être unique en tant que personne et, d'une certaine façon indémontrable mais non contestable, qu'on ne pouvait la remplacer, elle Khady Demba, exactement, quand bien même ses parents n'avaient pas voulu d'elle auprès d'eux et sa grand-mère ne l'avait recueilli que par obligation- quand bien même nul être sur terre n'avait besoin ni envie qu'elle fût là.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, III, p. 254
A présent encore c'était quelque chose dont elle ne doutait pas- qu'elle était indivisible et précieuse, et qu'elle ne pouvait être qu'elle-même.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, III, p. 254
Elle se rappelait combien, petite fille, elle avait apprécié sa propre compagnie et que, lorsqu'elle souffrait d'isolement, ce n'était jamais seule avec elle-même mais au milieu d'autres enfants ou dans les nombreuses familles chez lesquelles elle avait travaillé comme domestique.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, III, p. 264
Elle était tranquille et vivante et jeune encore, elle était elle-même et son corps en pleine santé savourait de toutes ses fibres l'indulgente chaleur du petit matin et ses narines mobiles humaient avec gratitude les odeurs douceâtres venues de la mer qu'elle ne pouvait apercevoir mais dont elle entendait la rumeur juste au bas du boulevard, dont elle distinguait comme un déferlement de luminosité glauque dans le jour matinal, comme un reflet de bronze sur le bleu tendre du ciel.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, III, p. 266
C'est moi, Khady Demba, songeait-elle encore à l'instant où son crâne heurta le sol et où, les yeux grands ouverts, elle voyait planer lentement par-dessus le grillage un oiseau aux longues ailes grises- c'est moi, Khady Demba, songea-t-elle dans l'éblouissement de cette révélation, sachant qu'elle était cet oiseau et que l'oiseau le savait.
Trois femmes puissantes, Marie NDiaye, éd. Gallimard, 2009, III, p. 316
Les Inrocks : Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy ? Marie NDiaye : Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants – ndlr) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d’être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux.