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Gisèle Halimi, née Zeiza Gisèle Élise Taïeb le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie et morte le 28 juillet 2020 à Paris, est une avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne.
Figure du féminisme en France, elle est la seule avocate signataire du manifeste des 343 de 1971 réunissant des femmes qui déclarent avoir déjà avorté et réclament le libre accès à l'avortement, alors réprimé en France.
Monsieur le président, je ressens avec une plénitude jamais connue à ce jour un parfait accord entre mon métier qui est de plaider, qui est de défendre, et ma condition de femme. De femmme qui a avorté, et le dit publiquement.
Plaidoirie de Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny.
Gisèle Halimi, la cause des femmes, Annick Cojean, Sophie Couturier, éd. Steinkis, 2022 (ISBN2368465200), p. 108
Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité, Assemblée nationale, 20 décembre 1981
Il ne peut y avoir de « morale sexuelle » de tous qui s'impose à la « morale sexuelle » de chacun. Chacun connaît la nécessité, pour l'individu, de vivre en accord avec ce qui reste le plus profondément inexprimé, par peur, honte, conditionnement social ou répression, je veux dire sa sexualité.
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)
Certes, comme toute liberté, ce droit de choisir sa sexualité connaît ses limites, classiques au demeurant.
Premièrement, la loi doit intervenir dans tous les cas pour réprimer la violence. Et il y a violence sexuelle dès qu'il y a absence de consentement d'un partenaire auquel, précisément, on dénie le droit de choisir.
Deuxièmement, la loi doit intervenir pour protéger — en dehors même de la violence — la vulnérabilité de certaines victimes presque désignées : les enfants, les mineurs, les handicapés, les hommes et les femmes « sous influence », c'est-à-dire ne pouvant, en raison de l'autorité ou de l'ascendant qu'ils ou qu'elles subissent, librement se déterminer.
Troisièmement, la loi doit intervenir pour sanctionner un préjudice et non traduire un quelconque impératif moral dans notre société civile.
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)
La morale religieuse, pour laquelle l'amour ne se trouve justifié que dans sa fin de procréation, relève, comme la liberté sexuelle, de la liberté de conscience de chacun. Elle ne peut donc, même masquée, décider du « bon choix » sexuel. La « norme » n'est, en cette matière et dans notre pays, ni affaire de majorité politique ou sociologique, ni affaire de loi civile.
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)
On le voit bien, de la monarchie à la Révolution, c'est toute une conception de la liberté sexuelle qui a changé. De 1791 à 1942 — c'est-à-dire tout de même pendant plus d'un siècle et demi — la législation pénale française a ignoré l'homosexualité. Ou, plus précisément, elle ne prévoyait pas, pour les attentats aux mœurs commis par les homosexuels, un traitement différent de celui applicable aux mêmes actes dont l'auteur est hétérosexuel.
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)
Bien entendu, réduire les enfermements des délinquants, c'est à la fois un progrès et un acte de confiance. On ne peut pas se contenter, en toutes matières, pour toutes les infractions, d'une politique de répression nue qui ne mène à rien. On peut s'interroger, cependant, sur les raisons du législateur d'alors — à 97% masculin — qui, pour marquer ce progrès, choisit précisément d'alléger en priorité, et exclusivement, les peines du violeur et de maintenir celles — extrêmement rigoureuses — qui frappent, par exemple, les voleurs qualifiés. La question peut être posée à l'Assemblée. Le saccage d'une femme violée troublerait-il donc moins l'ordre social que le pillage d'un coffre-fort ?
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)
Les partisans du maintien de cette répression particulière arguent du fait qu'il faut protéger la jeunesse contre les entreprises de séduction homosexuelle de ses ainés. Mais outre que cette objection ne tient pas compte du fait que notre code pénal est riche en articles qui permettent la protection de la jeunesse, qu'elle soit victime d'agissements hétérosexuels ou d'agissements homosexuels, elle repose surtout sur l'idée que l'homosexualité constitue une déviance de la sexualité. C'est cette analyse que nous, socialistes, nous récusons. Nous estimons en effet qu'il ne revient pas au législateur de distinguer, dans ce domaine, ce qui serait normal de ce qui ne le serait pas.
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)
L'abrogation a simplement pour objet de signifier que les homosexuels sont des citoyens qui doivent répondre de leurs actes au même titre que les hétérosexuels, quand ces actes constituent des délits.
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)
Il devient clair que le texte actuel crée une inacceptable inégalité, devant la loi, de deux catégorie de citoyens. Aujourd'hui encore, la loi laisse subsister des différences discriminatoires à l'égard d'une certaine catégorie — nombreuse — de citoyens, je veux parler de citoyennes. Mais le deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal va, me semble-t-il, encore plus loin dans la discrimination. Ce n'est pas de racisme ni de sexisme qu'il s'agit : il s'agit simplement de créer, à l'intérieur de chaque sexe, une catégorie de sous-citoyens qui, parce qu'ils sont homosexuels, devraient répondre plus que les autres de leurs actes délictuels.
« Proposition de loi dépénalisant l’homosexualité », Gisèle Halimi, Site de l'Assemblée nationale, 20 décembre 1981 (lire en ligne)