Fric-Frac
Fric-Frac est un film français réalisé par Maurice Lehmann et Claude Autant-Lara, sorti en 1939.
Avertissement
[modifier]Significations des expressions argotiques (sauf note particulière) extraites du Dictionnaire de l'argot français et de ses origines, Larousse-Bordas pour l'édition 1999 (ISBN 2035349192)
Citations
[modifier]Scènes de jour dans un bistrot près du stade Buffalo
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Marcel à Loulou à propos de Jo : j'ai du mal à comprendre ce qu'il dit. Il est Français ?
Loulou : pur sang de La Villette. Moi, je suis de Barbès.
Marcel : alors tout ça c'est de l'argot.
Loulou : vous avez mis le doigt dessus :
— « L'oseille », c'est le fric,
— « Se faire la paire », c'est se débiner,
— « Casser les pieds », c'est emmouscailler[3],
— « Bonnir un truc », c'est jacter.
Marcel : jacter ?
Loulou : causer, quoi !
Marcel : ah, c'est drôle. Vous me traduisez de l'argot que je ne comprends pas en argot que je comprends.
Scènes de nuit au restaurant habituel de Marcel où il a invité Loulou à dîner
[modifier]Loulou : hé Jo, entends ça !
Loulou à Marcel : allez-y !
Marcel répète sa fameuse phrase : j'eusse préféré que vous vinssiez seule.
Loulou à Jo : tu t'rends compte !
Marcel : mais c'est français !
Loulou : à qui qu'vous voulez faire croire ça ! Vous nous prenez pour des caves[4] !
Loulou : qu'est-ce qu'y a qui n'va pas, le « baveau Mavarcavel » ?[5]
Marcel : le quoi ?
Loulou : vous savez pas parler le javanais ? Qu'est-ce qu'on vous a appris à l'école ?
Marcel : « j'eusse préféré que vous vinssiez seule ». Voilà ce qu'on m'a appris.
Loulou : vous allez pas la ramener toute la soirée !
Scènes de jour dans les bureaux de la bijouterie Mercandieu
[modifier]Marcel : tenez, moi qui suis Provençal, hé bien j'ai eu beaucoup de mal à parler pointu comme les Parisiens.
Renée : vous n'y êtes même pas tout à fait arrivé...
Marcel : vous trouvez ? (qu'il prononce en exagérant « trouvaîs »[6])
Renée : qu'est-ce qu'ils font vos amis ? Quelle est leur situation sociale ?
Marcel : ben, c'est-à-dire que... Tenez, aujourd'hui, ils sont aux courses.
Renée : ce sont des joueurs ?
Marcel : ah non, ils travaillent à la sortie.
Renée : ce sont des camelots ?
Marcel : ah, je ne sais pas. Jo m'a dit qu'il tondait[7] au bonneteau des caves avec les barons[8].
Renée : mais qu'est-ce que ça veut dire ?
Marcel : je ne sais pas. C'est des termes du métier...
Scènes de jour dans la forêt
[modifier]- Loulou et Jo sont sur un tandem tandis que Renée et Marcel sont à bicyclette.
Loulou à Jo : hé, arrêtes ! La môme est encore en rade[9].
Jo : tu parles d'une gourde, alors ! Comme fleur de nave[10] on fait pas mieux.
Loulou : t'as fini ?
Jo : lui, c'est pas un homme. T'as pas entendu ce qu'il a bonni aux flics à la Porte Maillot ? « Excusez-moi, monsieur l'agent, j'avais pas vu le signal ». Va donc, hé, dégarni[11] ! Puis la frangine, alors, tu parles d'une sécotine[12] ! Qu'est-ce qu'il attend pour la laisser choir ?
Loulou : il a pas envie de perdre sa place, tiens !
Jo : jusqu'où qu'on va ?
Renée : on avait dit qu'on déjeunait à Poissy.
Jo : qui c'est qu'a dit ça ?
Marcel : c'est moi.
Jo : et pourquoi pas à Rouen ou à Cherbourg pendant qu'on y est !
Marcel : ah, vous avez raison ! Mais hier je ne savais pas qu'il fallait pousser mademoiselle…
Renée : mais dites tout de suite que je ne sais pas monter à bicyclette !
Marcel : oh si, vous savez ! C'est pédaler que vous ne savez pas !
- Pause du groupe sur un talus près des sous-bois.
Loulou à Marcel : montrez vos biscoteaux[13].
Loulou, en palpant les biceps de Marcel : pas trop moche… Et moi, tenez [elle lui tend son bras]. Et ici, tâtez-moi ça [Marcel lui tâte la cuisse]. Ça se pose un peu là, non ! Et le bide, c'est pareil, tâtez ! C'est pas du pâté de foie.
Marcel : c'est de la bonne qualité…
Loulou : …supérieure !
[…]
Loulou à Marcel : vous êtes chatouilleux ?
Marcel : et vous ?
Loulou : moi, y'a qu'un endroit où je suis chatouilleuse. Alors là, ça me rend dingo.
Marcel : ah oui ? Où c'est ?
Jo : c'est aux doudounes qu'elle est sensible.
Marcel : aux doudounes ? Mais qu'est-ce que c'est que ça, les doudounes ?
Jo : les gaillards, les roberts, les nénés, quoi ! Faut tout lui expliquer à ce mec-là, il n'entrave rien[14] !
Scène de jour à la prison
[modifier]- Loulou rend visite à Tintin, son homme incarcéré pour six mois.
Tintin : tu vas pas laisser ton homme manger l'ordinaire ?
Loulou : bien sûr, mon Tintin !
Tintin : le secrétaire à l'avocat qui m'a envoyé une bafouille pour réclamer le fric.
Loulou : oh, ce culot !
Tintin : tu vas me faire le plaisir de lui envoyer un sac de quinze jetées[15].
Loulou : quinze-cent balles !
Tintin : ben oui, quoi, quinze-cent balles ! Il peut m'obtenir une remise de peine séance tenante avec des combines régulières. Mais faut cracher.
Loulou : quinze-cent balles ! Mais mon Tintin, où veux-tu qu'je les prenne ?
Tintin : m'en fous. Dis à Jo, il t'aidera.
Loulou : Jo ? Y'a pas plus feignasse. Y'a pas moyen de le faire travailler.
Tintin : dis-y qu'à ma sortie il fera connaissance avec mes pognes.
Loulou : oui, mon Tintin !
Tintin : alors, c'est compris. Un sac[16] et demi pour l'avocat, cinq jetées pour mes extras, ça fait deux mille. Maintenant, débine !
Loulou : mon Tintin, dis-moi quelque chose de gentil ! Dis à ta Loulou que tu l'aimes !
Tintin : la Loulou aura sa dérouillée quand j'sortirai du ballon[17]. Voilà c'que j'y dis ! Et puis c'est pas la peine d'venir me revoir sans carbure[18]. J'y serai pas pour toi. Salut !
Notes et références
[modifier]- ↑ Argot : cambriolage avec effraction.
- ↑ Argot : dire, raconter.
- ↑ Argot : emmerder.
- ↑ Argot : individu qui, ignorant les règles du milieu, constitue un dupe en puissance.
- ↑ Jargon javanais : dans cette expression « javanaise », chaque consonne ou groupe de consonnes est suivi par la syllabe « av » (ne s'applique pas à la consonne ou groupe de consonnes qui terminerait la phrase comme c'est le cas ici avec le « l » de Marcel). Loulou dit en javanais : le « beau Marcel ». Variante : Loulou aurait également pu dire, en remplaçant le « c » par « ç », accentuant l'intonation onctueuse du jargon javanais, le « baveau Mavarçavel » (comme Marcel le dit plus tard à M. Blain, le comptable) tel qu'orthographié dans la pièce de théâtre d'Édouard Bourdet (source : édition du dialogue original de Fric-Frac parue dans le no 41 de la revue mensuelle Paris Théâtre, 1936).
- ↑ Prononciation erronée de la syllabe « vez » alors qu'ici la forme conjuguée du verbe trouver se termine par un « é fermé ».
- ↑ Argot : ruiner, escroquer quelqu'un.
- ↑ Argot : complice dans une mise en scène pour gruger les joueurs. Dans le film, c'est « Gégène » (Rivers Cadet) qui tient le rôle du baron à l'hippodrome de Longchamp.
- ↑ Argot : en panne.
- ↑ Argot : idiote, imbécile.
- ↑ Argot : qui n'a rien dans la tête, par analogie avec un crâne dégarni.
- ↑ Argot : femme collante en référence à une ancienne marque de colle. Source : dictionnaire argotique de Langue francaise.net (Bob dictionnaire)
- ↑ Argot : biceps.
- ↑ Argot : qui ne comprend rien.
- ↑ Argot : cent francs.
- ↑ Argot : mille francs.
- ↑ Argot : prison.
- ↑ Argot : argent.