François L'Hermite

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Tristan L'Hermite.

François L'Hermite, dit Tristan (1601 – 7 septembre 1655) est un écrivain français, poète, dramaturge, et romancier.

Citations de Tristan L'Hermite[modifier]

Prose[modifier]

Le Page disgracié[modifier]

Dès que l'esprit en est embrasé, il prend une certaine activité qui n'est naturelle qu'à la flamme, mais dans cette délicatesse que l'âme acquiert pour tout ce qui concerne la chose aimée, si l'on est sensible aux moindres faveurs, on n'est insensible aux moindres injures, et ce commerce est un agréable champ, où les épines sont en plus grand nombre que les roses. Comme un regard favorable, un petit sourire, un mot indulgent, ravissent de joie en de certaines occasions, aussi ne faut-il en quelques rencontres qu'un petit refus, qu'un coup d'œil altier, et même qu'une légère froideur pour faire mourir de déplaisir. Amour est un tyran désordonné qui fait connaître sa grandeur sans aucune modération : quand il donne, ce sont des profusions étranges, mais quand il exige, il n'ôte pas seulement la franchise et le repos à ses sujets ; il les dépouille de toute sorte de bien, et ne leur laisse pas même l'espérance de voir diminuer leurs maux.
  • Le Page disgracié, Tristan L'Hermite, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1994, p. 94


Les grands ne veulent pas bien souvent que l'on fasse l'habile auprès d'eux, lorsqu'une trop grande pénétration dans leurs secrets leur est incommode, et c'est quelquefois une grande adresse que de leur témoigner une stupide ignorance.
  • Le Page disgracié, Tristan L'Hermite, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1994, p. 122


J'éprouvai bien en cette rencontre qu'on souffre quelquefois beaucoup en acceptant une faveur, et que, s'il y a du contentement à faire du bien à tout le monde, il n'y en à guère d'en recevoir de certaines gens.
  • Le Page disgracié, Tristan L'Hermite, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1994, p. 182


C'est une chose étrange que le fondement des haines et des amours du monde ; tel croit être fort maltraité de son ami, dont il est aimé cordialement ; tel croit être aimé de certaines gens auxquels il ne sert que de sujet de raillerie ; et ce sont des personnes adroites et mal intentionnées qui, pour leur seul intérêt, font tout ce désordre, quand elles ont pris quelque empire sur les principaux ressorts de ces grandes machines animées.
  • Le Page disgracié, Tristan L'Hermite, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1994, p. 189


Lettres mêlées[modifier]

Je me suis fait conduire dans un vieux château qui n'est plus habité que par des hiboux et des fantômes. Cependant je l'ai trouvé pourvu d'une horreur si fort agréable que je ne me pouvais lasser d'en contempler le débris et la belle situation. Ce vieux palais est assis sur un grand rocher qui le porte jusque dans les nues et se trouve tout environné d'autres rochers encore plus élevés, qui n'en sont séparés que par des abîmes.
  • Œuvres complètes, Prose, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 1999, p. 164


Il semble que la même planète qui nous dispose à faire des vers nous vienne imposer la paresse. La Poésie est un don du Ciel, mais on peut dire qu'elle n'est jamais bien élevée que par la seule oisiveté, et que c'est un feu vif et prompt qui se tire d'une eau dormante. Comme il est difficile d'embrasser la vie active et la contemplative tout à la fois, il est malaisé de se rendre grand courtisan et grand écrivain tout ensemble. L'Art des Muses demande trop de repos, et celui de la Cour trop de révérences.
  • Œuvres complètes, Prose, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 1999, p. 177


Jamais je n'ai fait dessein d'acquérir du bien, pour ce que je n'ai jamais fondé de bonheur sur les richesses. J'ai toujours considéré l'ambition comme un démon capable de me faire perdre des avantages effectifs en me proposant des prospérités imaginaires. Grâce à Dieu, sa chaude vapeur ne m'a point altéré le sens et mis des empêchements aux libres fonctions de mon âme. Je tiens toujours pour terre ce qui n'est que terre, et ne compte point entre les choses précieuses celles qui contiennent les éléments ou qui relèvent de la Fortune. Je sais bien que c'est une sorte de simplicité qui n'est pas à l'usage de tout le monde, mais elle n'est condamnée que par des gens dont je n'approuverais pas la vie.
  • Œuvres complètes, Prose, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 1999, p. 178


Poésie[modifier]

Le Promenoir des deux amants[modifier]

L'ombre de cette fleur vermeille
Et celle de ces joncs pendants
Paraissent être là-dedans
Les songes de l'eau qui sommeille.
  • Œuvres complètes, Poésie I, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 2002, p. 106


Plaintes d'Acante[modifier]

Mon âme est si portée à chérir sa prison
Qu'elle pense toujours à la rendre plus forte,
Et ne saurait souffrir que jamais la raison
Lui parle d'en ouvrir la porte.
Ô prodige nouveau ! que j'aime de la sorte
Et que tant d'inhumanité
Ne puisse faire brèche en ma fidélité.
  • Œuvres complètes, Poésie I, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 2002, p. 191


À monsieur de Chaudebonne[modifier]

Partout où ce n'est point un crime
Que d'aimer la fidélité,
Partout où la sincérité
Peut trouver tant soit peu d'estime,
Que je traverse autant de mers,
Que j'aborde autant de déserts
Qu'Ulysse ou que le fils d'Anchise,
Je sais que le Ciel m'a promis
Que mon esprit et ma franchise
M'y feront trouver des amis.
  • Œuvres complètes, Poésie I, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 2002, p. 316


Au maréchal de Schomberg[modifier]

Cependant on a pris l'alarme
Et par mille cris répandus,
L'ennemi s'est défait du charme
Qui tenait ses sens suspendus.
De tous côtés la charge sonne,
Avec toi, tout le monde donne ;
La flamme prend, l'acier reluit,
Les chevaux et l'infanterie
Font naître un effroyable bruit
D'une épouvantable furie,
Et le jour de l'artillerie
Fait peur aux ombres de la nuit.
  • Œuvres complètes, Poésie II, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 2002, p. 106


Théâtre[modifier]

La Mariane[modifier]

Mon cœur triste et glacé qu'une horreur environne
Est tout meurtri des coups que la douleur lui donne.
  • Œuvres complètes, Tragédies, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Champion Classiques Littératures », 2009, p. 103


Panthée[modifier]

La tristesse et la peur troublent les matelots
Quand les vents mutinés font soulever les flots.
  • Œuvres complètes, Tragédies, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Champion Classiques Littératures », 2009, p. 177


La Mort de Sénèque[modifier]

Mon âme apprête-toi pour sortir toute entière
De cette fragile matière
Dont le confus mélange est un voile à tes yeux :
Tu dois te réjouir du coup qui te menace,
Pensant te faire injure on te va faire grâce :
Si l'on te bannit de ces lieux
En t'envoyant là-haut, c'est chez toi qu'on te chasse,
Ton origine vient des Cieux.


Nous avons assez vu le cours de la nature,
Sa riche et superbe structure,
Ses divers ornements et ses charmants attraits ;
Elle a peu de beautés qui ne nous soient connues,
Il faut quitter la terre, et monter sur les nues,
Pour connaître d'autres secrets,
Il faut chercher du Ciel les belles avenues,
Et voir le Soleil de plus près.


On ne trouve ici que des lois tyranniques,
D'où naissent des effets tragiques,
Et les Monstres y sont au-dessus des Héros ;
La vertu sous le joug y demeure asservie :
L'orgueil, l'ambition, l'avarice et l'envie
Nous y troublent à tout propos ;
Mais là-haut dans l'état d'une meilleure vie
On goûte un éternel repos.


Principe de tout être où mon espoir se fonde ;
Esprit qui remplit tout le monde,
Et de tant de bontés favorises les tiens,
Tu vois les cruautés de qui je suis la proie,
Et j'attends de toi seul mon repos et ma joie
Fais que je goûte de tes biens,
Et me tires bientôt afin que je te voie
Du joug de ces pesants liens.
  • Œuvres complètes, Tragédies, Tristan L'Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Champion Classiques Littératures », 2009, p. 317-318


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