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Charlotte Delbo

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Charlotte Delbo, née le 10 août 1913 à Vigneux-sur-Seine et morte le 1er mars 1985 à Paris, est une femme de lettres française, rescapée des camp de concentration nazis.

Aucun de nous ne reviendra

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Vous qui avez pleuré deux mille ans
un qui a agonisé trois jours et trois nuits
quelles larmes aurez-vous
pour ceux qui ont agonisé
beaucoup plus de trois cents nuits et beaucoup
plus de trois cents journées
combien
pleurerez-vous
ceux-là qui ont agonisé tant d'agonies
et ils étaient innombrables
Ils ne croyaient pas à la résurrection dans l'éternité
Et ils savaient que vous ne pleureriez pas.

  • Auschwitz et après, 1 : Aucun de nous ne reviendra, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2014, p. 20


Le silence est solidifié en froid. La lumière est immobile. Nous sommes dans un milieu où le temps est aboli. Nous ne savons pas si nous sommes, seulement la glace, la lumière, la neige aveuglante, et nous, dans cette glace, dans cette lumière, dans ce silence.
  • Auschwitz et après, 1 : Aucun de nous ne reviendra, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2014, p. 53


Pourquoi ai-je gardé la mémoire ? Pourquoi cette injustice ?
Et de ma mémoire ne s'éveillent que des images si pauvres que les larmes me viennent de désespoir.

  • Auschwitz et après, 1 : Aucun de nous ne reviendra, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2014, p. 177


Ma mémoire est plus exsangue qu'une feuille d'automne. Ma mémoire a oublié la rosée. Ma mémoire a perdu sa sève. Ma mémoire a perdu tout son sang.
  • Auschwitz et après, 1 : Aucun de nous ne reviendra, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2014, p. 179


Mesure de nos jours

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Tout était faux, visages et livres, tout me montrait sa fausseté et j'étais désespérée d'avoir perdu toute capacité d'illusion et de rêve, toute perméabilité à l'imagination, à l'explication. Voilà ce qui, de moi, est mort à Auschwitz. Voilà ce qui fait de moi un spectre.
  • Auschwitz et après, 2 et 3 : Une connaissance inutile suivi de Mesure de nos jours, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2018, p. 175


Comment l'expliquer ? Je ne peux pas l'exprimer autrement : je ne suis pas vivante. Cette volonté surhumaine que nous avons tirée de nous-mêmes pour rentrer nous a abandonnés à notre retour. Notre provision était épuisée. Nous sommes rentrés, pour quoi faire ? Nous voulions que cette lutte, que ces morts n'aient pas été inutiles.
  • Auschwitz et après, 2 et 3 : Une connaissance inutile suivi de Mesure de nos jours, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2018, p. 205


Je ne suis pas vivante. Je regarde ceux qui le sont. Ils sont futiles, ignorants. Sans doute est-ce ainsi qu'il faut être pour vivre, pour aller au bout du temps de la vie. S'ils avaient cette connaissance que j'ai, ils seraient comme moi. Ils ne seraient pas vivants.
  • Auschwitz et après, 2 et 3 : Une connaissance inutile suivi de Mesure de nos jours, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2018, p. 208-209


Qu'étaient les difficultés de la vie auprès de ce que nous avions enduré et surmonté ? Et c'est bien là que nous nous trompions. Et c'est là que nous avons été prises au dépourvu. Tous les problèmes de la vie se posaient : travailler, se loger, se faire sa place. Rentrer n'avait rien résolu. Il fallait s'y attaquer avec des forces diminuées, une santé altérée, une volonté entamée.
  • Auschwitz et après, 2 et 3 : Une connaissance inutile suivi de Mesure de nos jours, Charlotte Delbo, éd. éditions de Minuit, 2018, p. 272


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