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Henri Vincenot

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Henri Vincenot, né le 2 janvier 1912 à Dijon et mort dans la même ville le 21 novembre 1985, est un écrivain, peintre et sculpteur français.

Mes arrière-grands-pères faisaient et réparaient toute la vannerie et la sacherie de la maison, entretenaient, raccommodaient, remmanchaient les outils, aiguisaient les lames, régnaient sur le bûcher et avec les jeunes garçons, mes cousins et moi, approvisionnaient les feux.

  • La Billebaude, Henri Vincenot, éd. Denoël, 1978, p. 61-62


Si je vous raconte cela, c'est pour vous montrer comment étaient alors régis ce qu'on appelle maintenant « problèmes du troisième âge ». On peut avoir à méditer là-dessus, en notre grandiose époque qui pratique si délibérément l'abandon officiel des enfants et des vieillards, tout en leur consacrant par ailleurs tant d'articles exhaustifs dans la presse, tant de discours à la tribune et tant de crédits pour réaliser à leur égard la ségrégation des âges avec les crèches, les écoles enfantines, les asiles et les maisons de retraite. Pour parler clair, je dirai qu'il n'y avait pas de « problème de l'enfance » ni du « troisième âge », parce que la famille assumait alors toutes ses responsabilités.

  • La Billebaude, Henri Vincenot, éd. Denoël, 1978, p. 61-62


Avoir du sang ! C'était la grande ambition de tout le monde, le rêve des pères pour leurs fils et des beaux-pères pour leur futur gendre, la fierté du travailleur, l'honneur du commis, le désir secret des gamins.

  • La Billebaude, Henri Vincenot, éd. Denoël, 1978, p. 165


À notre insu, lentement, courageusement, opiniâtrement, on nous arrachait au singularisme païen, pour nous préparer aux fructueux échanges universels c'est-à-dire, pour pouvoir un jour, tous unis et confondus, nous servir des mêmes barèmes, des mêmes machines et devenir de bons consommateurs inconditionnels, se contentant des mêmes H.L.M.!

  • La Billebaude, Henri Vincenot, éd. Denoël, 1978, p. 168


Au demeurant, je n'oblige personne à partager ces convictions qui ne se sont formées, on s'en doute, que beaucoup plus tard, mais en ce temps-là, je pensais tout honnêtement qu'il était bel et bon de ne former qu'une seule cohorte de bons petits Français, parlant exactement la même langue, s'habillant du même vêtement, faisant une seule cuisine, mangeant dans la même vaisselle, avec un seul cœur et un seul drapeau ! L'instituteur nous le faisait écrire sur notre cahier du jour, sous la rubrique « Morale et Instruction civique », ce que mon grand-père paraphrasait en éclatant de rire : « Une seule rue, un seul drapeau et toutes les fanfares ! » Bien entendu, l'instituteur n'en pensait pas si long ; ce serait une cruelle erreur de s'imaginer qu'il fût capable de tant de machiavélisme. II obéissait au ministre de l'Instruction publique, son patron, un point c'est tout, persuadé d'œuvrer ainsi pour la plus grande gloire de la République française, son souci le plus constant.

  • La Billebaude, Henri Vincenot, éd. Denoël, 1978, p. 168


À tort ou à raison, je vis dans ce clivage naturel, quoique manichéen, le partage spontané de l'humanité en deux, dès l'enfance ; d'un côté, les gens inoffensifs, de bonne compagnie, un tantinet négligents, mais dotés d'imagination, donc capables de savourer les simples beautés et les nobles vicissitudes de la vie de nature, et, de l'autre, les gens dangereux, les futurs savants, ingénieurs, techniciens, bétonneurs, pollueurs et autres déménageurs, défigureurs et empoisonneurs de la planète.

  • La Billebaude, Henri Vincenot, éd. Denoël, 1978, p. 227


– Tu n'as pas compris, Beuzenot, que chaque fois qu'un croquant achète une machine Cormick ça tue dix faucheurs ?
– Ça supprime leur peine, Gazette, mais ça ne les tue pas ; c'est eux qui conduiront la Cormick.
La Gazette lève l'index et le majeur de sa main droite, le pouce sur les deux autres doigts repliés :
– Un seul conduira la Cormick ! mais les neuf autres ? hein ? Qu'est-ce qu'ils feront les neuf autres ? Tu veux que je te le dise ? Ils iront à Dijon, à Paris, esclaves dans les usines ! Et les villages deviendront vides comme des coquilles d'escargots gelés. Le ventre des maisons se crèvera, qu'on ne verra plus que les côtes de leurs chevrons ! Et eux qu'est-ce qu'ils deviendront, là-bas, dans la ville ? Des mendiants de l'industrie, des mécontents-main-tendue, des toujours-la-gueule-ouverte !… Ça a commencé quand on a construit le chemin de fer en 1850, la Montagne, les Arrière-Côtes, le Morvan, le Châtillonnais se sont trouvés tout vides comme une peau de lapin.

  • La Billebaude, Henri Vincenot, éd. Denoël, 1978, p. 243


Ma Bourgogne, le Toit du monde occidental, 1979

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L'homme ignorant de la nature - on en revient toujours là - n'est pas complet. C'est d'ailleurs ce que les paysans pensent des gens de la ville. Déjà, quand j'étais gamin, et que des citadins venaient en vacances, c'étaient des gorges chaudes - réciproques d'ailleurs. Maintenant, lorsqu'un « résident secondaire » et un paysan boivent un canon ensemble, on croit déjà avoir fait un pas ! Mais vous savez, il y en a bien d'autres à faire avant que les deux se comprennent. On pourrait même dire que c'est beaucoup plus comme ça que la population française est divisée en deux - pas sur le plan politique, non, mais entre ceux qui comprennent la nature, parce qu'ils sont dedans, et ceux qui ne la connaissent pas, parce qu'ils en sont coupés.

  • Ma Bourgogne, le Toit du monde occidental (1979), Henri Vincenot, éd. La Renaissance du Livre, 1999  (ISBN 2-8046-0260-5), p. 181


Aujourd'hui l'environnement, ce sont les gaz d'échappement, les bruits… Quant à la famille ? Maman est à l'atelier ou au bureau, papa est à l'usine. Les grands-parents ? connais pas ! Peut-être dans « une maison du troisième âge » ?… Tout ce beau monde a abandonné l'enfant…

  • Ma Bourgogne, le Toit du monde occidental (1979), Henri Vincenot, éd. La Renaissance du Livre, 1999  (ISBN 2-8046-0260-5), p. 183


On a cherché à dissocier les familles. C'est une recherche un peu aveugle, sans doute, mais tout de même effective de « défaire la famille », qui est la cellule fondamentale de l'humanité. Dans quel but ?
je crois qu'on fait cela pour pouvoir davantage exploiter l'homme. L'homme, isolé comme il l'est en ville, est d'autant plus vulnérable et exploitable à merci. Les vieux dans une maison de vieux, les petits dans une crèche, les moyens à l'école, les adultes au boulot… Ils ne se voient jamais ces gens-là. Ils ne sont jamais ensemble. Ils ne s'aiment pas. Le déséquilibre actuel a sa source là.

  • Ma Bourgogne, le Toit du monde occidental (1979), Henri Vincenot, éd. La Renaissance du Livre, 1999  (ISBN 2-8046-0260-5), p. 184,185


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