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Ernst von Salomon

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Ernst von Salomon est un écrivain allemand né en 1902 à Kiel, mort en 1972. Il a d'abord été membre des Freikorps dans l'immédiat après-guerre, puis activiste de l'Organisation Consul sous la République de Weimar, avant de se consacrer à l'écriture d'une œuvre essentiellement autobiographique.

Citations

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Les réprouvés, 1931

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Tout cela avait perdu sa valeur, tout cela appartenait au temps des victoires, lorsque les drapeaux pendaient à toutes les fenêtres. Maintenant il n'y avait plus de victoires, maintenant les drapeaux avaient perdu leur radieuse signification, maintenant, à cette heure trouble où tout s'écroulait, la voie à laquelle j'avais été destiné était devenue impraticable, maintenant je me trouvais, sans pouvoir m'en saisir, en face de choses nouvelles, en face de choses qui accouraient de toutes parts, de choses sans forme, où ne vibrait aucun appel clair, aucune certitude qui pénétrait irrésistiblement le cerveau, sauf une pourtant, celle que ce monde où j'étais enraciné, que je n'avais eu ni à accepter ni à adopter, et dont j'étais une parcelle, allait s'effondrer définitivement, irrévocablement, et qu'il ne ressusciterait pas, qu'il ne renaîtrait jamais.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 4-5


Et tous avaient raison, cette damnée raison était de leur côté, et ils usaient de raisonnements sages et mesurés pour étrangler toute protestation, tout brûlant enthousiasme.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 13


La désagrégation de l'ancien ordre jointe au déchaînement des convoitises et des désirs les plus profonds, les plus secrets, et au relâchement de tous les liens, faisait que tous s'éloignaient les uns des autres et il ne semblait plus nécessaire à personne de dissimuler le véritable fond de son être. Chacun était subitement seul en face de lui-même et ne pouvait plus être apprécié que séparément; toute amitié devenait impossible.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 13


Bien que je ne susse quoi faire de ce dépôt, la conscience de posséder ces objets me donnait la douce et enivrante sensation d'être maître d'instruments mortels, et c'était certainement le danger qui s'attachait à leur possession, qui justifiait à mes yeux mon humiliante inactivité et qui m'empêcha de perdre mon respect de moi-même.
  • Evoquant un dépôt d'armes clandestin qu'il constitue.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 13-14


Pas à pas il marchaient et autour d'eux se creusait comme une zone interdite, un cercle magique, dans lequel des puissances redoutables, invisibles aux yeux des exclus, jouaient leur jeu secret.
  • Décrivant des soldats défilant de retour du front.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 26


L'Allemagne était là où on luttait pour elle; elle se montrait là où des ennemis en armes voulaient s'emparer de ses biens, elle brillait d'un éclat radieux là où ceux qui étaient pénétrés de son esprit risquaient pour elle le dernier enjeu.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 61


Mais nous, nous étions des dispersé; aucun peuple ne nous avait donné de mission, aucun mot d'ordre ne valait pour nous. Nous étions couchés ici dans les ténèbres bruissantes, nous cherchions l'entrée du monde, et l'Allemagne était quelque part derrière nous, dans le brouillard, remplie d'images confuses; nous cherchions le sol qui devait nous deonner la force et ce sol ne se livrait pas à nous de bon gré; nous cherchions une nouvelle et dernière possibilité pour l'Allemagne et pour nous, et là en face, dans la nuit secrète, se cachait cette puissance inconnue, cette puissance informe qui, admirée et haïe à la fois, s'opposait à nos aspirations. Nous étions partis pour protéger la frontière, mais il n'y avait pas de frontière. A l'heure présente nous étions nous-mêmes la frontière, nous gardions les voies libres pour l'avenir. Nous jouions une rude partie, mais nous flairions la chance et ce sol était la couleur sur laquelle nous avions misé.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 64


Plus de choses s'étaient anéanties pour nous que les seules valeurs que nous avions tenues dans la main. Pour nous s'était aussi brisée la gangue qui nous retenait prisonniers. La chaîne s'était rompue, nous étions libres. Notre sang, soudain en effervescence, nous jetait dans l'ivresse et l'aventure, nous jetait à travers l'espace et le péril, mais il poussait aussi l'un vers l'autre ceux qui s'étaient reconnus parents jusqu'au plus profond de leurs fibres. Nous étions une ligue de gerriers, imprégnés de toute la passion du monde, farouches dans le désir, joyeux dans nos haines comme dans nos amours.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 70


Et parce que sous la menace constante de la mort ils avaient appris à discerner le son de la vérité de celui du mensonge, il leur était aisé d'être incorruptibles.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 98


Mais nous qui luttions sous les anciennes couleurs, nous avons sauvé la patrie du chaos. Que Dieu nous pardonne, ce fut notre péché contre l'esprit. Nous avons cru sauver le citoyen et nous avons sauvé le bourgeois. Le chaos est plus favorable au devenir que l'ordre. La résignation est l'ennemie de tout mouvement. En sauvant la patrie du chaos nous fermions la porte au devenir et nous ouvrions les voies à la résignation.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 100


[...] il est possible qu’il ait cru sentir derrière l’approche des troupes menaçantes, une conjuration de parti, un complot de la réaction, mais ce n’était pas cela qui faisait marcher les soldats, et pas davantage aucune autre opinion ou puissance politique organisée et discutable; non, ce n’était pas cela, c’était tout simplement le désespoir qui jamais ne s’exprime dans un langage articulé. Mais ces désespérés-là, étaient habitués à se ruer contre toute chose qui leur semblait dangereuse, à voir dans l’attaque la meilleure des armes.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 132


Nous étions arrivés à un degré de résolution tel qu'il nous faisait apparaître les choses comme toutes simples. Nous n'avions pas appris à nous débattre avec des problèmes. Aussi pensions-nous qu'il fallait agir car alors nous serions plus forts que les choses tandis que maintenant les choses étaient plus fortes que nous.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 132


Si jamais du nouveau vient au monde, c'est bien du chaos qu'il surgit, à ces moments où la misère rend la vie plus profonde, où, dans une atmosphère surchauffée, se consume ce qui ne peut pas subsister et se purifie ce qui doit vaincre. Dans cette masse en ébullition, en fermentation, nous pouvions jeter nos désirs et nous pouvions voir s'élever la vapeur de nos espoirs.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 185-186


D'une part nous protégions les assemblées des partis nationaux et nous nous battions contre les communistes qui venaient y mettre le trouble et de l'autre, avec l'aide de ces mêmes communistes, nous forcions l'entrée des réunions des démocrates et des socialistes que nous dispersions.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 187


L'ouest impitoyable tenait le pays sous le coup de massue de ses exigences qui se chiffraient par milliards. Lui opposer un non, c'était ouvrir les écluses au flot qui déjà recouvrait les digues de la Pologne; se soumettre et dire oui, c'était la mort par la strangulation. Le gouvernement réduit à l'impuissance ne pouvait que revêtir sa misère de paperasses, envoyer des nottes, empêcher des ultimatums, prier, protester, faire appel et renoncer. Et comme l'Empire épuisé, harassé, se trouvait comprimé entre les puissances de l'est et de l'ouest, qui luttaient pour la suprématie et pour leur existence, ainsi le gouvernement de l'Empire était pris entre tous les camps.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 191-192


La voie et le but final ne sont pas encore connus, ajouta-t-il. Mais ce cri d'appel qui montait de toutes parts vers l'homme fort lui semblait être une preuve que, le mot fatidique n'ayant pas encore été lancé, il appartenait à l'action de préparer le chemin pour ce mot.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 193


En 1917, des politiciens, des généraux et des hommes d'États allemands réinstaurèrent le royaume de Pologne. En 1918, la population de ce royaume que l'Allemagne avait libérée lui prouva sa reconnaissance en faisant de ce pays une république et en transformant, dans les provinces allemandes de la Posnanie et de la Prusse orientale, la révolte prolétarienne en une révolte polonaise.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 207


Cette Pologne s'est trouvée reconstituée en une nation indépendante et souveraine. Son premier acte a été la violation du traité auquel elle doit sa souveraineté et sa nationalité.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 210


Parmi ceux qui, prêts à mourir et avides de combattre, étaient partis pour la Haute-Silésie, il n'y en avait pas un seul qui l'eût fait pour la sainteté des traités. Pas un seul ne marchait dans ces rangs pour en appeler aux puissances de la civilisation, de la raison et de la conscience. Et si l'un d'entre eux voyait planer un droit éternel dans le ciel, c'était alors le droit de la jeunesse à rechercher la justice dans la vengeance. Car ici pour la première fois dans l'Allemagne de l'après-guerre, la lutte s'offrait libre de tout problème. L'appel nous avait frappés en plein cœur, il avait tué sur-le-champ toute réflexion, toute hésitation. Ce pays était allemand, il était menacé et nous marchions, prêts à verser notre sang pour le reprendre.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 212-213


Dans le bois, les Polonais se préparaient à l'attaque. C'était un caquetage incessant, on sentait qu'il leur faillait chasser le tremblement de la peur par des mots de bravoure. Le caquetage avant l'attaque trahit des soldats de petits peuples. Les Esthoniens, les Lithuaniens, les Lettons caquetaient aussi; ces races avaient été trop longtemps sous la dépendance pour pouvoir connaître la résolution silencieuse.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 223


Les gens qui s'étaient demandé comment il avait été possible qu'en peu de jours il se fût trouvé en Haute-Silésie une armée allemande, toute équipée et prête au combat, sans que l'on eût vu le moindre signe d'une mobilisation, ne s'étonnèrent plus en apprenant l'existence d'une société secrète.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 231


Il y eut des instants où même dans le cœur du petit fonctionnaire le plus modeste et le plus loyal, les rumeurs fantastiques qui couraient sur l'O.C. faisaient monter l'enthousiasme aussi vite que montait la mousse au col de leur chope de bière.
  • À propos de l'Organisation Consul.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 232-233


Ils comprirent subitement qu'un nouveau vouloir demande de nouvelles lois, des lois qui se formulaient dans les cerveaux inlassablement en travail de ces lutteurs solitaires, et qui les chargeaient d'une si monstrueuse responsabilité que seuls pouvaient l'assumer ceux qui étaient disposés à se donner sans restriction.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 240


Politique signifiait pour nous: destin. En dehors de notre sphère la politique était gouvernée par les intérêts.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 243


Depuis longtemps nous savions que se sont les hommes qui décident et non pas les faits.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 244


Car nous autres qui, en pleine conscience, ne nous sentions liés qu'envers une très étroite communauté, nous ne devions pas nous chercher des excuses vis-à-vis de la masse des humains, du moment que nous refusions de nous soumettre à la volonté de cette masse.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 262


Ce qui malgré tout nous donne la foi, demandes-tu? Rien d'autre que notre activité même, rien d'autre que la possibilité de notre activité, rien d'autre que d'être capables d'une activité. Des hommes comme nous, qui gagnent des victoires d'où la gloire est absente, qui sont battus dans des défaites qui ne peuvent rien contre eux, de tels hommes sont toujours sortis de l'ombre des choses futures.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 270


Et quand une jeunesse a-t-elle jamais été placée dans une époque semblable à celle où il nous a été accordé de vivre? Je ne puis croire qu’une génération comme la nôtre, jetée dans la lutte, éduquée, endurcie par elle, puisse être destinée à renoncer, obéissante, à sa lutte sur l’ordre insipide de ceux qui s’effraient aujourd’hui des conséquences de leur propres volontés. Je ne puis croire qu’une force meure avant qu’elle se soit épuisée.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 271


Comment des adversaires pourraient-ils avoir de l'estime l'un pour l'autre autrement qu'en étant conscients de leur valeur respective et de l'antagonisme de leurs valeurs? Ceux qui parlent de réconciliation croient à une valeur absolue.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 274


Nous ne luttons pas pour que le peuple devienne heureux. Nous luttons pour lui imposer une destinée.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 278


Si nous n'osons pas maintenant la chose suprême (...) peut-être sera-t-il ensuite trop tard pour des siècles. Ce qui bouillonne en nous fermente aussi dans tous les cerveaux qui comptent, mais ne peut prendre forme que sous la contrainte d'une activité sans relâche.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 282


Elle [La police] remua ciel et terre pour mettre la main sur tous les papiers possibles, dans la croyance, que certes rien ne justifiait, que l'activisme se manifestait surtout par des paperasses.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 295


Pourtant il me semblait que la marque même du crime consiste en ce qu'il vise la destruction de l'ordre existant, et non pas en ce qu'il est un essai de s'y faire une place par des moyens illicites.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 353


Autrefois il existait même des cachots noirs. C'est de ce temps-là que datent les volets. Cachot noir. Des jours, des semaines entières sans lumière. J'ai lu l'histoire d'un homme qui, à l'époque de Louis XIV, resta enfermé pendant soixante ans dans l'obscurité. Il s'était procuré douze épingles. Il les éparpillait dans son cachot et les recherchait en rampant sur les genoux et en tâtant du bout des doigts, chaque endroit, chaque coin, chaque fissure. Il cherchait jour et nuit, aussi longtemps qu'il était éveillé. Il lui fallait des mois avant de rassembler à nouveau les douze épingles. Puis il les rejetait par terre et reprenait les recherches. C'est un vieux récit et l'on ajoutait que ce n'est que de cette façon que l'homme avait pu éviter de devenir fou.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 370


On ne pratique pas pendant des années la dissection de soi-même sans qu'il en reste des traces. Voilà ce qu'il en est: nous sommes devenus orgueilleux au lieu de devenir humbles, vaniteux au lieu de modestes. Toute la question est là, nous avons appris à nous considérer comme le centre du monde et puisque, en réalité, nous ne nous suffisons jamais, tout nous devient un non-sens. Nous avons perdu la pudeur, nous sommes d'une insupportable arrogance, même envers ce qui jusqu'alors avait une valeur pour nous; nous avons perdu tout contact avec les choses, nous ne voyons plus aucune ligne droite et plus aucun fait tel qu'il est. Rien ne vient à nous par la voie directe. Nous ne parvenons à nous atteindre nous-même que par le détour de la cellule. Et tout cela nous le voyons, nous le savons. - Ah! mon vieux, si au moins nous savions prier!
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 376-377


Les simulateurs devenaient véritablement des malades. Leur décision prise en pleine conscience, d'échapper au vide de l'isolement dans un rêve grotesque équivalait à une rupture des derniers câbles qui les rattachaient au monde réel et inévitablement tous les éléments se déchaînaient en eux. J'étais effrayé par la régularité mathématique de cette évolution dans laquelle tout calcul allait à l'encontre du but que les simulateurs poursuivaient. Ce jeu désespéré devait servir à échapper à la folie de la cellule et il conduisait tout droit à cette folie dont la cellule préparait la voie.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 375-376


Ah! oui, dans les sagas de l'Islande. Les réprouvés de ce temps-là étaient des hommes qui ne voulaient pas se plier aux règlements des castes et des familles et qui pour cette raison furent chassé des régions de l'ordre. Ils avaient le droit de conserver leurs armes, mais tous ceux qui étaient plus forts qu'eux pouvaient impunément les tuer. C'étaient toujours les hommes les plus guerriers qui refusaient de s'incliner devant les misérables convenances et qui pour cette raison furent mis hors la loi. Mais peu à peu les honnis devinrent les honnisseurs, les tribus dépérirent parce qu'elles s'étaient amputées de leurs forces les plus combatives; puis un jour les réprouvés sortirent des bois où ils s'étaient réfugiés et finalement ils furent quand même les maîtres du pays.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 408-409


Ce qui m'étouffait, ce qui me serrait la gorge comme un étau ce n'était que la crainte de ne plus avoir de tâche. C'était la même crainte qui poussait ces bons humains à se réfugier derrière ce qu'avec emphase et hypocritement ils appelaient le devoir.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 421


Ceux-là avaient lutté parce qu'ils ne voulaient reconnaître aucun pouvoir qui fût légitime, et nous, parce que nous n'en voulions pas reconnaître qui fût illégitime. Et ce pouvoir que nous avions et que nous aurions toujours la tâche d'attaquer était illégitime, car il s'appuyait sur une hiérarchie des valeurs dictées par les besoins des hommes et non pas sur cette force éternelle et plus profonde qui aurait dû primer tous les besoins des hommes.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 422


Non, la lutte n'était pas encore finie. Tous sentaient qu'elle ne pouvait pa être finie. Et si le monde des réprouvés avait disparu, la Tâche restait.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 422


Les gens n'avaient pas de figures, ou plutôt ils avaient tous la même figure. Ces hommes paraissaient enchaînés. Ils ne semblaient être conscients ni de l'espace, ni de l'ampleur. Ils s'en allaient, mornes, sans joie, et sans expression, presque comme des machines, des machines bien graissées, assouvies, au souffle rapide et frémissantes de vitalité, mais nullement vivantes.
  • Les Réprouvés, Ernst von Salomon, éd. Librairie Plon, 1931, réédition 1951, p. 430


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