Serge Latouche
Apparence
Serge Latouche (1940-) est un économiste français, professeur émérite de l'Université Paris-Sud.
Le pari de la décroissance (2006)
La décroissance est simplement une bannière derrière laquelle se regroupent ceux qui ont procédé à une critique radicale du développement et qui veulent dessiner les contours d'un projet alternatif pour une politique de l'après-développement. C'est donc une proposition nécessaire pour rouvrir l'espace de l'inventivité et de la créativité de l'imaginaire, bloqué par le totalitarisme économiciste, développementiste et progressiste.
Petit traité de la décroissance sereine (2007)
Trois ingrédients sont nécessaires pour que la société de consommation puisse poursuivre sa ronde diabolique : la publicité, qui créé le désir de consommer, le crédit, qui en donne les moyens, et l'obsolescence accélérée et programmée des produits, qui en renouvelle la nécessité.
- (fr) Petit traité de la décroissance sereine, Serge Latouche, éd. Mille et Une Nuits, coll. « Les petits libres », 2007 (ISBN 9782755500073), p. 33
L'âge des limites (2012)
A l'issue des guerres de religion, le libéralisme s'est imposé en Europe de l'Ouest comme "empire du moindre mal", ouvrant la voie à une nouvelle illimitation, celle de l'économie. L'impérialisme de l'économie abolit, en effet, les frontières entre morale, politique et économie. L'emprise quasi totalitaire du consumérisme s'accomode assez bien du chaos politique sous l'oeil des caméras de vidéo-surveillance. Nous assistons à l'écroulement du projet européen, au déclin de l'empire américain et probablement à une certaine démondialisation.
L'impérialisme culturel occidental est une "invasion" qui asphyxie et détruit la culture réceptive. C'est la circulation à sens unique de mots, d'images, de gestes, de représentations, de pensées, de théories, de croyances, de critères de jugement, de normes juridique. De tout cela qui passe avec la marchandise, les sociétés agressées, en particulier celles du Sud, sont des consommateurs passifs. Ce processus aboutit à une dépossession: la culture envahie ne se saisit plus elle-même à travers ses propres catégories, mais à travers celles de l'autre. Elle n'a plus de désirs propres, mais uniquement le désir de l'autre. Cette identification à l'autre ne se produit qu'au niveau imaginaire, la "base matérielle" ne suit pas, ne peut pas suivre. Atomisée par son insertion dans le cadre culturel étranger, et jugée avec les critères de la civilisation étrangère, l'entité agressée est déjà misérable avant d'avoir été détruite. En fin de compte, l'invasion culturelle prive les sociétés du Sud de leur histoire, d'une mémoire collective.
Nous ne détruisons pas notre planète mais seulement notre écosystème, soit nos possibilités d'y survivre. Indifférente à nos excès, la Terre continuera à suivre sa destinée après notre disparition.
Le point d'ancrage anthropologique de la société de croissance, c'est donc l'addiction de ses membres à la consommation. Sans elle, la pulsion accumulatrice des capitalistes ne disposerait que d'un champ très limité. Le phénomène consumériste s'explique par la colonisation de l'imaginaire des masses. Il s'agit en particulier, grâce à la publicité, de persuader en permanence les gens de dépenser non seulement l'argent qu'ils ont, mais surtout celui qu'ils n'ont pas pour acheter des choses dont ils n'ont pas besoin. La consommation forcenée est ainsi devenue une nécessité absolue, pour éviter la catastrophe de la crise et du chômage.
La good governance est le résultat d'un partenariat public-privé dans lequel les acteurs politiques traditionnels sont contrebalancés, voire contournés, par les banques et les lobbies. Il s'agit d'un mode de prise de décision en théorie par les experts (en fait, les lobbies) pour court-circuiter l'impuissance et l'inefficience supposées de la démocratie, représentative et partisane, à défendre à fond les intérêts du business.
Les précurseurs de la décroissance (2016)
[...] la décroissance est devenue rapidement une bannière de ralliement pour ceux qui aspirent à la construction d'une véritable alternative à la société de consommation écologiquement insoutenable et socialement insupportable. [...] Les « décroissants », c'est évident, veulent faire croître la qualité de la vie, de l'air, et de l'eau, la justice sociales, les formes non marchandes de sociabilité humaine, et une foule d'autres choses que la croissance a détruites.
- (fr) Les précurseurs de la décroissance, Serge Latouche, éd. Le Passager clandestin, coll. « Les précurseurs de la décroissance », 2016 (ISBN 978-2-36935-054-5), p. 18-19