Claude Roy
Apparence
Claude Roy, de son vrai nom Claude Orland, né le 28 août 1915 et mort le 13 décembre 1997, est un journaliste, écrivain et poète français.
Le Commerce des classiques, 1953
[…] L’intérêt de la Grèce et son importance, c’est que ce petit rectangle de collines, de bois, de plaines et de montagnes entouré d’îles et strié de cigales bavardes, n’a pas cessé, depuis deux mille ans, d’être l’auberge espagnole de la culture : on trouve en Grèce ce qu’on y apporte, et un peu davantage. Le moine de Cluny, le poète louis-quatorzien, le romantique allemand, le militant révolutionnaire contemporain ont pu tous faire le voyage de Grèce (au propre ou au figuré) et en revenir enrichis. Chacun s’est fait de la Grèce une image partiale, partielle et exacte, chacun d’eux lui a posé des questions différentes, et aucun n’a été éconduit. La Grèce est inépuisable.
Le passé se définit et s’éclaire par l’image que nous choisissons de lui donner. On croit que la fouille de l’archéologue ou les recherches du philologue enrichissent ou transforment l’idée que nous nous faisons, par exemple, de l’antiquité grecque. Ce n’est vrai qu’à demi. […] Il y a moins de hasard et de chance qu’on ne le croit dans les découvertes. On découvre essentiellement ce qu’on cherchait. […] On a la Grèce qu’on mérite, celle qu’on choisit.
Le passé se définit et s’éclaire par l’image que nous choisissons de lui donner. On croit que la fouille de l’archéologue ou les recherches du philologue enrichissent ou transforment l’idée que nous nous faisons, par exemple, de l’antiquité grecque. Ce n’est vrai qu’à demi. […] Il y a moins de hasard et de chance qu’on ne le croit dans les découvertes. On découvre essentiellement ce qu’on cherchait. […] On a la Grèce qu’on mérite, celle qu’on choisit.
- Le Commerce des classiques, Claude Roy, éd. Gallimard, coll. « Blanche », 1953, chap. Essai sur mon ignorance de la Grèce, p. 27-28
Poésies, 1970
Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d'autres n'auront pas le sommeil et l'abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu'il faudra que d'autres
meurent qui ne savent pas pourquoi…
- « Jamais je ne pourrai », dans Poésies, Claude Roy, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1970, p. 78
Sur la Chine, 1979
En réunissant ici les textes sur la Chine que j'ai écrits entre 1953 et 1979, je pose les jalons d'une histoire qui ne serait qu'anecdotique si elle était seulement celle d'un intellectuel de gauche occidental : parti du projet socialiste et de sa mise en œuvre exaltante, il se réveille devant la réalité d'un fascisme rouge encore plus délirant que les fascisme noirs, parce que nimbé des voiles et du discours d'une idéologie de gauche.
- Le fascisme fasciste pose comme postulat que le pouvoir doit appartenir aux élites (qui sont définies comme élites par elles-mêmes).
- Le fascisme rouge pose comme postulat que le pouvoir doit appartenir au peuple, mais corrige en pratique ce principe par la certitude ( inavouée en public) que, le peuple ne connaissant pas où est son bien, c'est à une élite auto désignée par cooptation qu'il incombera de le diriger.
- Le fascisme fasciste pose comme postulat que tous les hommes sont inégaux devant la loi, qui sera d'ailleurs édictée par quelques-uns.
- Le fascisme rouge pose comme postulat que tous les hommes sont égaux devant la loi, mais omet de rédiger une loi, et corrige la théorie proclamée de l'égalité de principe par la praxis d'une société où tous les hommes sont égaux, mais où il y en a qui sont plus égaux que d'autres.
- Le fascisme noir annonce d'entrée de jeu qu'il considérera les Juifs comme une race inférieure et finit par les tuer.
- Le fascisme rouge proclame dans ses constitutions que tous les citoyens ont les même droits et les même devoir, et s'empresse aussitôt d'établir des discriminations si féroce entre ceux qui ont une bonne origine sociale et ceux qui ont une mauvais origine sociale [...] qu'au bout de quelques années, ceux qui sont mal nés remplisse les prisons, les camps, les cimetières [...].
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- « Fascisme », dans Sur la Chine, Claude Roy, éd. Gallimard, coll. « Idées/gallimard », 1979, chap. Introduction, extraits, p. 19, 21, 22, 23