Terre des hommes

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Terre des hommes.

Terre des hommes est un roman d'Antoine de Saint-Exupéry paru en 1939.

Citations[modifier]

La terre nous en apprend plus sur nous que tous les livres. Parce qu'elle nous résiste. L'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle.


Chapitre I : La ligne[modifier]

Et je devinais déjà qu'un spectacle n'a point de sens, sinon à travers une culture, une civilisation, un métier.


Tu [vieux bureaucrate] ne veux point t'inquiéter des grands problèmes, tu as eu bien assez de mal à oublier ta condition d'homme. Tu n'es point l'habitant d'une planète errante, tu ne te poses point de questions sans réponse : tu es un petit bourgeois de Toulouse.
  • Terre des hommes (1938), Antoine de Saint-Exupéry, éd. La Guilde du Livre - Lausanne, 1943, chap. 1, p. 20


Le devoir immédiat, le seul devoir de la planète où cet homme se manifestait, était de nous fournir des chiffres exacts, pour nos calculs parmi les astres. Et ils étaient faux. Pour le reste, provisoirement, la planète n'avait qu'à se taire. Et Néri m'écrivit : « Au lieu de s'amuser à des bêtises ils feraient mieux de nous ramener quelque part… » « Ils » résumait pour lui tous les peuples du globe, avec leurs parlements, leurs sénats, leurs marines, leurs armées et leurs empereurs. Et, relisant ce message d'un insensé qui prétendait avoir affaire avec nous, nous virions de bord vers Mercure.

  • Terre des hommes (1939), Antoine de Saint-Exupéry, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-036021-0), chap. 1, p. 27


Chapitre II : Les camarades[modifier]

Les camarades, la vie peut-être nous en écarte, nous empêche d'y beaucoup penser, mais ils sont quelque part, on ne sait trop où, silencieux et oubliés, mais tellement fidèles !


Il est vain, si l'on plante un chêne, d'espérer s'abriter bientôt sous son feuillage.


La grandeur d'un métier est peut-être, avant tout, d'unir les hommes : il n'est qu'un luxe véritable, et c'est celui des relations humaines.


En travaillant pour les seuls biens matériels nous bâtissons nous-mêmes notre prison. Nous nous enfermons solitaires, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre.


Tu résistais aux tentations. « Dans la neige, me disais-tu, on perd tout instinct de conservation. Après deux, trois, quatre jours de marche, on ne souhaite plus que le sommeil. Je le souhaitais. Mais je me disais : Ma femme, si elle croit que je vis, croit que je marche. Les camarades croient que je marche. Ils ont tous confiance en moi. Et je suis un salaud si je ne marche pas. »

  • Terre des hommes (1939), Antoine de Saint-Exupéry, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-036021-0), chap. 2, p. 43


Seul l'inconnu épouvante les hommes. Mais, pour quiconque l'affronte, il n'est déjà plus l'inconnu.


Être homme, c'est précisément être responsable. C'est connaître la honte en face d'une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C'est être fier d'une victoire que les camarades ont remportée. C'est sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde.


Chapitre III : L'Avion[modifier]

Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher.


Chapitre IV : L'avion et la Planète[modifier]

Avec l'avion, nous avons appris la ligne droite.
  • Terre des Hommes, Antoine de Saint-Exupéry, éd. Gallimard, 1939, p. 64


Chapitre V : Oasis[modifier]

Ce n'est pas la distance qui mesure l'éloignement. Le mur d'un jardin de chez nous peut enfermer plus de secrets que la muraille de Chine, et l'âme d'une petite fille est mieux protégée par le silence que ne le sont, par l'épaisseur des sables, les oasis sahariennes.


Chapitre VI : Dans le désert[modifier]

L'homme est cible sur terre pour des tireurs secrets.


Heureux les pays du Nord auxquels les saisons composent, l'été, une légende de neige, l'hiver, une légende de soleil, tristes tropiques où dans l'étuve rien ne change beaucoup, mais heureux aussi ce Sahara où le jour et la nuit balancent si simplement les hommes d'une espérance à l'autre.


Mais dans la mort d'un homme, un monde inconnu meurt, et je me demandais quelles étaient les images qui sombraient avec lui.


Chapitre VII : Au centre du désert[modifier]

Adieu, vous que j'aimais. Ce n'est point ma faute si le corps humain ne peut résister trois jours sans boire. Je ne me croyais pas prisonnier des fontaines. Je ne me soupçonnais pas une aussi courte autonomie. On croit que l'homme peut s'en aller droit devant lui. On croit que l'homme est libre... On ne voit pas la corde qui le rattache au puits, qui le rattache, comme un cordon ombilical, au ventre de la terre. S'il fait un pas de plus, il meurt.


Je ne comprends plus ces populations des trains de banlieues, ces hommes qui se croient des hommes, et qui cependant sont réduits, par une pression qu'ils ne sentent pas, comme les fourmis, à l'usage qui en est fait. De quoi remplissent-ils, quand ils sont libres, leurs absurdes petits dimanches ?


Je ne regrette rien. j'ai joué, j'ai perdu. C'est dans l'ordre de mon métier. Mais, tout de même, je l'ai respiré, le vent de la mer. Ceux qui l'ont goûté une fois n'oublient pas cette nourriture. N'est-ce pas, mes camarades ? Et il ne s'agit pas de vivre dangereusement. Cette formule est prétentieuse. Les toréadors ne me plaisent guère. Ce n'est pas le danger que j'aime. Je sais ce que j'aime. C'est la vie.


Quand on me retrouvera, les yeux brûlés, on imaginera que j'ai beaucoup appelé et beaucoup souffert. Mais les élans, mais les regrets, mais les tendres souffrances, ce sont encore des richesses. Et moi je n'ai plus de richesses. Les fraîches jeunes filles, au soir de leur premier amour, connaissent le chagrin et pleurent. Le chagrin est lié aux frémissement de la vie. Et moi je n'ai plus de chagrin…


Quant à toi qui nous sauves, Bédouin de Lybie, tu t'effaceras cependant de ma mémoire. je ne me souviendrai jamais de ton visage. Tu es l'Homme et tu m'apparais avec le visage de tous les hommes à la fois. Tu ne nous as jamais dévisagés et déjà tu nous a reconnus. Tu es le frère bien-aimé. Et, à mon tour, je te reconnaîtrai dans tous les hommes.
Tu m'apparais baigné de noblesse et de bienveillance, grand seigneur qui a le pouvoir de donner à boire. Tous mes amis, tous mes ennemis en toi marchent vers moi, et je n'ai plus un seul ennemi au monde.

  • Terre des hommes (1939), Antoine de Saint-Exupéry, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-036021-0), chap. 7, p. 157


Chapitre VIII : Les hommes[modifier]

Mais comme le ciel déjà se faisait pâle, Mermoz brusquement me serra le bras, et si fort que je sentis ses ongles. « Tu vois, c'est l'heure où à Dakar… » C'était l'heure où les mécanos se frottent les yeux, et retirent les housses d'hélices, où le pilote va consulter la météo, où la terre n'est plus peuplée que de camarades. Déjà le ciel se colorait, déjà l'on préparait la fête mais pour d'autres, déjà l'on tendait la nappe du festin dont nous ne serions pas les convives. D'autres courraient leur risque…
– Ici quelle saleté…, acheva Mermoz.
Et toi sergent, à quel banquet étais-tu convié qui valût de mourir ?

  • Terre des hommes (1939), Antoine de Saint-Exupéry, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2006  (ISBN 2-07-036021-0), chap. 8, p. 165


Que nous importent les doctrines politiques qui prétendent épanouir les hommes, si nous ne connaissons d'abord quel type d'homme elles épanouiront.


La vérité, ce n'est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre, les orangers développent de solides racines et se chargent de fruits, ce terrain-là c'est la vérité des orangers. Si cette religion, si cette culture, si cette échelle de valeurs, si cette forme d'activité et non telles autres, favorisent dans l'homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s'ignorait, c'est que cette échelle des valeurs, cette culture, cette forme d'activité, sont la vérité de l'homme. La logique ? Qu'elle se débrouille pour rendre compte de la vie.


Tout au long de ce livre j'ai cité quelques-uns de ceux qui ont obéi, semble-t-il, à une vocation souveraine, qui ont choisi le désert ou la ligne, comme d'autres eussent choisi le monastère ; mais j'ai trahi mon but si j'ai paru vous engager à admirer d'abord les hommes. Ce qui est admirable d'abord, c'est le terrain qui les a fondés.


Nous avons tous connu des boutiquiers qui, au cours de quelque nuit de naufrage ou d'incendie, se sont révélés plus grands qu'eux-mêmes. Ils ne se méprennent point sur la qualité de leur plénitude : cet incendie restera la nuit de leur vie. Mais, faute d'occasions nouvelles, faute de terrain favorable, faute de religion exigeante, ils se sont rendormis sans avoir cru en leur propre grandeur. Certes les vocations aident l'homme à se délivrer : mais il est également nécessaire de délivrer les vocations.


Peu importent les chacals, si la vérité est de goûter la peur, qui les contraint seule à se surpasser et tire d'elles les plus hautes voltiges.


La nostalgie, c'est le désir d'on ne sait quoi... Il existe, l'objet du désir, mais il n'est point de mots pour le dire.


Plaindre c'est encore être deux. C'est encore être divisé. Mais il existe une altitude des relations où la reconnaissance comme la pitié perdent leur sens. C'est là que l'on respire comme un prisonnier délivré.


Je me moque bien de connaître s'ils étaient sincères ou non, logiques ou non, les grands mots des politiciens qui t'ont peut-être ensemencé. S'ils ont pris sur toi, comme peuvent germer les semences, c'est qu'ils répondaient à tes besoins. Tu es le seul juge. Ce sont les terres qui savent reconnaître le blé.


[…] l'expérience nous montre qu'aimer ce n'est point nous regarder l'un l'autre mais regarder ensemble dans la même direction.



Mais la vérité, vous le savez, c'est ce qui simplifie le monde et non ce qui crée le chaos. La vérité, c'est le langage qui dégage l'universel. [...] La vérité ce n'est point ce qui se démontre, c'est ce qui simplifie.


Il en est d'autres, pris dans l'engrenage de tous les métiers, auxquels sont interdites les joies du pionnier, les joies religieuse, les joies du savant. On a cru que pour les grandir il suffisait de les vêtir, de les nourrir, de répondre à tous leurs besoins. [...] Si on les instruit bien, on ne les cultive plus.


Ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.


Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C'est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné.
  • Terre des Hommes, Antoine de Saint-Exupéry, éd. Gallimard, 1939, p. 218


Seul l'esprit, s'il souffle sur la glaise, peut créer l'Homme.
  • Terre des Hommes, Antoine de Saint-Exupéry, éd. Gallimard, 1939, p. 218


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