Un meurtre est l'action d'un humain qui tue un autre être humain volontairement. On parle de « meurtre » s'il n'y a pas de préméditation, et d'« assassinat » s'il est prémédité.
Littérature
Biographie
Lotte H. Eisner, Fritz Lang, 2005
Pourquoi le meurtre a-t-il ce pouvoir de provoquer l'imagination des hommes ? Pourquoi le récit d'un crime sanglant évince-t-il de la une des journaux les développements d'une guerre mondiale ? Et pourquoi Shakespeare, dont il est difficile de découvrir une pièce dont le meurtre est absent, est-il le plus grand auteur dramatique de tous les temps ?
Là-bas mes félins reviennent avec des charpies d'eau blanche dans la gueule
C'est que je tue
Je tue pour rien, je tue pour rire
Quand la clé tourne mal dans la serrure déliée de mes épaules fracassées.
« Le Carreau sans cœur », Annie Le Brun, La Brèche, nº 7, Décembre 1964, p. 59
Un bâtiment est la cloche de nos fuites : la fuite à cinq heures du matin, lorsque la pâleur assaille les belles voyageuses du rapide dans leur lit de fougère, la fuite à une heure de l'après-midi en passant par l'olive du meurtre.
« Je te tuerai », dit-il, car les seins de la femme se dressaient sous ses doigts. Une main glissa le long de sa cuisse et elle valsa dans l'eau comme une souris savante. Elle mordit le nez ponctué de pores dilatés, elle enfonça son genou dans le ventre moelleux, appela au secours, puis sombra dans une féroce jouissance sous l'œil de l'assassin. Son sexe éclairait les sables mouvants où tremblaient des bizarreries moustachues.
Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll. « Découverte Gallimard Littérature », 2000 (ISBN2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents, Joyce Mansour, Les Gisants satisfaits, 1958, p. 177
L'homme lâcha le cou meurtri et réfléchit. « Tu vivras près de moi dans ma chambre sur le port, tu me serviras et, un jour, je te tuerai. — J'accepte », dit Marie et la mer, devenue incertaine, l'entendit. « Sauve-toi, si tu peux », dit l'assassin, qui sauta dans sa barque et s'éloigna en ricanant.
Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll. « Découverte Gallimard Littérature », 2000 (ISBN2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents, Joyce Mansour, Les Gisants satisfaits, 1958, p. 177
A Messine ou à Naples, il irait attendre son homme au coin d'une rue et le poignarder par derrière. Cela s'appelle être brave en ce pays-là ; et l'honneur n'y consiste pas à se faire tuer par son ennemi, mais à le tuer lui-même.
Gardez-vous donc de confondre le nom sacré de l'honneur avec ce préjugé féroce qui met toutes les vertus à la pointe d'une épée, et n'est propre qu'à faire de braves scélérats.
Julie ou La nouvelle Héloïse (1761), Jean-Jacques Rousseau, éd. Garnier-Flammarion, coll. « GF Flammarion », 1967 (ISBN2-08-070148-7), partie I, Lettre LVII à Julie, p. 103
Le meurtre est la base même de nos institutions sociales, par conséquent la nécessité la plus impérieuse de la vie civilisée... S'il n'y avait plus de meurtre, il n'y aurait plus de gouvernements d'aucune sorte, par ce fait admirable que le crime en général, le meurtre en particulier sont, non seulement leur excuse, mais leur unique raison d'être... Nous vivrions alors en pleine anarchie, ce qui ne peut se concevoir... Aussi, loin de chercher à détruire le meurtre, est-il indispensable de le cultiver avec intelligence et persévérance... Et je ne connais pas de meilleur moyen de culture que les lois.
Le meurtre se cultive suffisamment de lui-même... À proprement dire, il n'est pas le résultat de telle ou telle passion, ni la forme pathologique de la dégénérescence. C'est un instinct vital qui est en nous... qui est dans tous les êtres organisés et les domine, comme l'instinct génésique... Et c'est tellement vrai que, la plupart du temps, ces deux instincts se combinent si bien l'un par l'autre, se confondent si totalement l'un dans l'autre, qu'ils ne font, en quelque sorte, qu'un seul et même instinct, et qu'on ne sait plus lequel des deux nous pousse à donner la vie et lequel à la reprendre, lequel est le meurtre et lequel est l'amour.
Fière allure. Comme qui essaies-tu de marcher ? J'oublie : un exproprié. Avec le mandat de maman, huit shillings, la porte du bureau de poste claquée à mon nez par le garçon. Une rage de dents à force de faim. Encore deux minutes. Regardez l'horloge. Il faut que je. Fermé. Sale salarié ! Ah, le bougre, le mettre en cent mille miettes, pan, d'un seul coup de feu, miettes-d'homme-botons-de-cuivre mouchetant les murs partout. Les morceaux craaaque-claaaquent trictrac tous en place. Pas de bobo ? Oh, pas du tout. La patte. Vous voyez de quoi il retourne, n'est-ce pas ? Ca va. Serrons-nous la pince. Ca va, ça va.
Ulysse (1922), James Joyce (trad. Auguste Morel), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1957 (ISBN2-07-040018-2), p. 66
Il n'était plus qu'à un pas d'elle, à présent, tout amour, et c'est alors qu'elle se retourna. D'une pièce. Bras tendu vers lui. Comme le désignant du doigt. Sauf qu'en lieu et place de l'index, la vieille dame brandissait un P.38 d'époque, celui des allemands, une arme qui a traversé le siècle sans se démoder d'un poil, une antiquité toujours moderne, un outil traditionnellement tueur, à l'orifice hypnotique.
Et elle pressa sur la détente.
Toutes les idées du blondinet s'éparpillèrent. Cela fit une jolie fleur dans le ciel d'hiver.
Sans le Talent, rares sont ceux qui connaissent le plaisir inégalé du meurtre. Sans le Talent, même ceux qui se nourrissent de la vie ne peuvent savourer le flot d'émotions qui envahit le traqueur et sa proie, l'extase toute-puissante du traqueur qui a transgressé toutes les règles et tous les châtiments, l'étrange soumission presque sexuelle de la proie dans cette ultime seconde de vérité où toutes ses options sont supprimées, tous ses avenirs déniés, toutes ses possibilités effacées par cette démonstration de pouvoir absolu.
Au premier coup de couteau, de minuit ou de foudre, le criminel et l'amant estoquent ou se toquent aussi sûrement que jaillit des kitsch tréfonds d'une horloge jurassienne le grotesque coucou.
La Décomposition, Anne F. Garréta, éd. Grasset (Le Livre de Poche), 1999, p. 14
Il faut concevoir des crimes exorbitants.
La Décomposition, Anne F. Garréta, éd. Grasset (Le Livre de Poche), 1999, p. 15
L'authentique meurtrier sera celui qui, sachant différer dans son crime du haïssable petit moi civil, parviendra à délier ses œuvres de ses impulsions.
La Décomposition, Anne F. Garréta, éd. Grasset (Le Livre de Poche), 1999, p. 15
Dans l'immense majorité des cas (lisez les annales), on n'assassine que des gens qu'on connaît : faiblesse déplorable de l'invention...
La Décomposition, Anne F. Garréta, éd. Grasset (Le Livre de Poche), 1999, p. 20
La tête de Cottard, décollée souverainement par la lame du katana, alla rouler sur le pavé du trottoir, jusque dans la lumière. Non, je n'avais pas songé lui trancher le cou, mais seulement que mon geste tire dans l'espace le trait d'acier d'une calligraphie négative.
La Décomposition, Anne F. Garréta, éd. Grasset (Le Livre de Poche), 1999, p. 174
Psychologie
Catherine Azoulay, Processus de la schizophrénie, 2002
Freud (1912) a envisagé la manie comme « une fête du moi » en l'apparentant au repas totémique des primitifs, c'est-à-dire avec le crime originel de l'humanité, le meurtre du père et sa consommation rituelle.
Processus de la schizophrénie (2002), Catherine Azoulay/Catherine Chabert/Jean Gortais/Philippe Jeammet, éd. Dunod, coll. « Psycho Sup », 2002 (ISBN2-10-004780-9), chap. II « Approche psycho-pathologique et clinique de la schizophrénie (Catherine Azoulay) », 1. Formes et caractéristiques de la schizophrénie, p. 82