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Boris Vian

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.
Boris Vian.

Boris Vian (né le 10 mars 1920, à Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine) et mort le 23 juin 1959, à Paris) est un écrivain français, ingénieur, inventeur, poète, parolier, chanteur, critique et musicien de jazz (trompettiste). À ces multiples talents, il convient d'ajouter ceux de conférencier, scénariste et traducteur (anglo-américain). Il a également publié sous les pseudonymes de Vernon Sullivan ou Bison Ravi (anagramme de son nom).

Citations propres à l'auteur

Il vida son bain en perçant un trou dans le fond de la baignoire. Le sol de la salle de bains, dallé de grès cérame jaune clair, était en pente et orientait l'eau vers un orifice situé juste au-dessus du bureau du locataire de l'étage inférieur. Depuis peu, sans prévenir Colin, celui-ci avait changé son bureau de place. Maintenant, l'eau tombait sur son garde-manger.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), I., p. 12


Il glissa ses pieds dans des sandales de cuir de roussette et revêtit un élégant costume d'intérieur, pantalon de velours à côtes vert d'eau très profonde et veston de calmande noisette.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), I., p. 12


Il accrocha la serviette au séchoir, posa le tapis de bain sur le bord de la baignoire et le saupoudra de gros sel afin qu'il dégorgeât toute l'eau contenue. Le tapis se mit à baver en faisant des grappes de petites bulles savonneuses.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), I., p. 12


— Ce pâté d'anguilles est remarquable, dit Chick. Qui t'a donné l'idée de le faire ?
— C'est Nicolas qui en a eu l'idée, dit Colin. Il y a une anguille — il y avait, plutôt — qui venait tous les jours dans son lavabo par la conduite d'eau froide.
— C'est curieux, dit Chick. Pourquoi ça ?
— Elle passait la tête et vidait le tube de pâte dentifrice en appuyant dessus avec ses dents. Nicolas ne se sert que de pâte américaine à l'ananas et ça a dû la tenter.
— Comment l'a-t-il prise ? demanda Chick.
— Il a mis un ananas entier à la place du tube. Quand elle avalait la pâte, elle pouvait déglutir et rentrer sa tête ensuite, mais, avec l'ananas, ça n'a pas marché, et plus elle tirait, plus ses dents entraient dans l'ananas.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), II., p. 20


Colin s'arrêta.
— Nicolas quoi ? dit Chick.
— J'hésite à te le dire, ça va peut-être te couper l'appétit.
— Va donc, dit Chick, il ne m'en reste presque plus.
— Nicolas est entré à ce moment-là et lui a sectionné la tête avec une lame de rasoir. Ensuite, il a ouvert le robinet et tout le reste est venu.
— C'est tout ? dit Chick. Redonne-moi du pâté. J'espère qu'elle a une nombreuse famille dans le tuyau.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), II., p. 20


— On devrait les empêcher d'aller si vite, dit Colin.
Puis il fit un signe de croix car le patineur venait de s'écraser contre le mur du restaurant, à l'extrémité opposée de la piste, et restait collé là, comme une méduse de papier mâché écartelée par un enfant cruel.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), III., p. 27


Il fit un grand pas pour éviter une raie du bord du trottoir qui paraissait dangereuse.
— Si je peux faire vingt pas sans marcher dessus, dit Colin, je n'aurai pas de bouton sur le nez de demain...
— Ca ne fait rien, dit-il, en écrasant de tout son poids la neuvième raie, c'est idiot, ces trucs-là. Je n'aurai pas de bouton quand même.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), V., p. 29


— Les boutiques des fleuristes n'ont jamais de rideaux de fer. Personne ne cherche à voler des fleurs.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), II., p. 30


Il cueillit une orchidée orange et grise dont la corolle délicate fléchissait. Elle brillait de couleurs diaprées.
— Elle a la couleur de la souris à moustaches noires...

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), II., p. 30


La souris prouva qu'elle n'avait besoin de personne en sortant toute seule et en se taillant un morceau de savon en forme de sucette.
— N'en colle pas partout, dit Colin. Ce que tu es gourmande !...

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), X., p. 38


Le tapis de l'escalier, mauve très clair, n'était usé que toutes les trois marches : en effet, Colin descendait quatre à quatre. Il se prit les pieds dans une tringle nickelée et se mélangea à la rampe.
— Ca m'apprendra à dire des conneries.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), X., p. 38


Il voyait, par l'embrasure de la double porte, les garçons et les filles. Une douzaine dansaient. La plupart, debout les uns à côté des autres, restaient, les mains derrière le dos, par paires du même sexe, et échangeaient des impressions peu convaincantes d'un air peu convaincu.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XI., p. 41


Les vestiaire des garçons, établi dans le bureau du père d'Isis, consistait en la suppression des meubles dudit. On jetait sa pelure sur le sol et le tour était joué. Colin n'y faillit point et s'attarda devant une glace.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XI., p. 42


Elle se dégagea, saisit Colin par la main et l'entraîna vers le centre de sudation. Ils bousculèrent deux nouveaux arrivants du sexe pointu, glissèrent au tournant du couloir et rejoignirent le noyau central par la porte de la salle à manger.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XI., p. 42


Il se fit un abondant silence à l'entour, et la majeure partie du reste du monde se mit à compter pour du beurre.
Mais, comme il fallait s'y attendre, le disque s'arrêta. Alors, seulement, Colin revint à la vraie réalité et s'aperçut que le plafond était à clairevoie, au travers de laquelle regardaient les locataires d'en dessus, qu'une épaisse frange d'iris d'eau cachait le bas des murs, que des gaz, diversement colorés, s'échappaient d'ouvertures pratiquées ça et là et que son amie Isis se tenait devant lui et lui offrait des petits fours sur un plateau hercynien.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XI., p. 44


Il ne concevait la goinfrerie que pour les hommes, chez qui elle prend tout son sens sans leur enlever leur dignité naturelle.
  • L'écume des jours (1962), Boris Vian, éd. La Pléiade Œuvres romanesques complètes T1, 2010, XIII., p. 377


Il était si gentil qu'on voyait ses pensées bleues et mauves s'agiter dans les veines de ses mains.
  • L'écume des jours (1962), Boris Vian, éd. La Pléiade Œuvres romanesques complètes T1, 2010, XV., p. 382


Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le bonheur de tous les hommes, c'est celui de chacun.
  • L'écume des jours (1962), Boris Vian, éd. La Pléiade Œuvres romanesques complètes T1, 2010, XV., p. 382


Chloé avait passé ses bas, fins comme une fumée d'encens, de la couleur de sa peau blonde et ses souliers hauts de cuir blanc. Pour tout le reste, elle était nue, sauf un lourd bracelet d'or bleu qui faisait paraître encore plus fragile son poignet délicat.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XIX., p. 66


On tombait dans un couloir obscur qui sentait la religion.
  • L'écume des jours (1962), Boris Vian, éd. La Pléiade Œuvres romanesques complètes T1, 2010, XXI., p. 394


Elle avait une peau ambrée et savoureuse comme de la pâte d'amandes.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XXXIII., p. 79


Le public qui se pressait là présentait des aspects bien particuliers. Ce n'étaient que visages fuyants à lunettes, cheveux hérissés, mégots jaunis, renvois de nougats et, pour les femmes, petites nattes miteuses ficelées autour du crâne et canadiennes portées à même la peau, avec échappées en forme de tranches de seins sur fond d'ombre.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XXVIII., p. 92


La rue avait tout à fait changé d'aspect depuis le départ de Colin et de Chloé. Maintenant, les feuilles des arbres étaient grandes et les maisons quittaient leur teinte pâle pour se nuancer d'un vert effacé avant d'acquérir le beige doux de l'été. Le pavé devenait élastique et doux sous les pas et l'air sentait la framboise.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XXX., p. 102


Des fleurs vertes et bleues poussaient le long des trottoirs, et la sève serpentait autour de leurs tiges minces avec un léger bruit humide, comme un baiser d'escargots.
  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XXX., p. 102


— Emmenez-le..., dit-il au sous-directeur. Je vois bien pourquoi il est venu... Allez, vite !.. Déguerpis, clampin ! hurla-t-il.
Le sous-directeur se précipita vers Colin, mais celui-ci avait saisi le dossier oublié sur la table :
— Si vous me touchez..., dit-il.
Il recula peu à peu vers la porte.
— Va-t-en ! criait le directeur. Suppôt de Satin !...
— Vous êtes un vieux con, dit Colin, et il tourna la poignée de la porte.
Il lança son dossier vers le bureau et se précipita dans le couloir. Quand il arriva à l'entrée, l'huissier lui tira un coup de pistolet et la balle de papier fit un trou en forme de tête de mort dans le battant qui venait de se refermer.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), XLIV., p. 153


Le plus clair de mon temps, dit Colin, je le passe à l'obscurcir.
  • L'Écume des jours, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1947  (ISBN 2-253-14087-2), chap. XLIV, p. 211


La souris écarta les mâchoires du chat et fourra sa tête entre les dents aiguës. Elle la retira presque aussitôt.
— Dis donc, dit-elle, tu as mangé du requin, ce matin ?
— Ecoute, dit le chat, si ça ne te plaît pas, tu peux t'en aller. Moi ce truc-là, ça m'assomme. Tu te débrouilleras toute seule.
Il paraissait fâché.
— Ne te vexe pas, dit la souris.
Elle ferma ses petits yeux noirs et replaça sa tête en position. Le chat laissa reposer avec précaution ses canines acérées sur le cou doux et gris. Les moustaches noires de la souris se mêlaient aux siennes. Il déroula sa queue touffue et la laissa traîner sur le trottoir.
Il venait, en chantant, onze petites filles aveugles de l'orphelinat de Jules l'Apostolique.

  • L'écume des jours (1947), Boris Vian, éd. Pauvert, 1963  (ISBN 2-7202-1311-02[à vérifier : ISBN invalide]), LXVIII., p. 215


Il voyait de face une des filles qui tenait les pigeons à tondre. Elle portait une jupe très courte et le regard d'Angel rampa le long de ses genoux dorés et polis pour s'insinuer entre les cuisses longues et fuselées ; il y faisait chaud ; sans écouter Angel qui voulait le retenir, il avança un peu plus loin et s'occupa à sa façon. Angel, gêné, se décida, à regret, à fermer les yeux. Le petit cadavre resta sur place et la fille le fit choir sans s'en apercevoir, en tapotant sa jupe lorsqu'elle se leva quelques minutes plus tard.
  • L'automne à Pékin (1956), Boris Vian, éd. La Pléiade Œuvres romanesques complètes T1, 2010, C1, p. 538


Vous savez, dit Angel, en général, on ne sait rien. Et les gens qui devraient savoir, même, c'est-à-dire ceux qui savent manipuler les idées, les triturer, et les présenter de telle sorte qu'ils s'imaginent avoir une pensée originale ne renouvellent jamais leur fond de choses à triturer, de sorte que leur mode d'expression est toujours de vingt ans en avance sur la matière de cette expression. Il résulte de ceci qu'on ne peut rien apprendre avec eux parce qu'ils se contentent de mots.
  • L'automne à Pékin (1956), Boris Vian, éd. La Pléiade Œuvres romanesques complètes T1, 2010, Deuxième mouvement, VII, p. 654


J'accuse mes maîtres, dit Wolf, de m'avoir, par leur ton et celui de leurs livres, fait croire à une immobilité possible du monde.
  • L'Herbe rouge (1961), Boris Vian, éd. La Pléiade Œuvres romanesques complètes T2, 2010, p. 365


On ne reste pas parce qu'on aime certaines personnes ; on s'en va parce qu'on en déteste d'autres. Il n'y a que le moche qui vous fasse agir. On est lâche.
  • L'Arrache-cœur, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1953  (ISBN 2253006629), p. 120


On n'est libre que lorsqu'on a envie de rien, et un être parfaitement libre n'aurait envie de rien. C'est parce que je n'ai envie de rien que je me conclus libre.
Mais non, dit Angel. Puisque vous avez envie d'avoir des envies, vous avez envie de quelque chose et tout cela est faux.

  • L'Arrache-cœur, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1953  (ISBN 2253006629), p. 41


Elles se rendent pas compte, 1953

Je n'insiste pas parce qu'elle a beau être inconsciente, je lui ferais bien des politesses. Mais à y réfléchir, ça ne vaut pas le coup. La vraie Flo m'attend dehors et elle a toute sa lucidité. Gaya dans l'état où elle est, autant faire ça avec une chaise. Et puis j'ai ma robe qui me gêne et j'aurais l'air idiot si on entrait.
Et zut et zut, j'ai horreur des drogués, quels qu'ils soient, Gaya ou autres.

  • Elles se rendent pas compte (1953), Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1997  (ISBN 978-2-253-14921-7), chap. III, p. 18


Flo est là-bas au bout du jardin.
— J'ai renvoyé le chauffeur, dit-elle. Je vous reconduis moi-même, ma petite Frances.
Je lui prends la main et la serre doucement. Ça la met dans tous ses états.
— Montez vite, me dit-elle.
Je monte. Elle a une jolie voiture. Je lui donne mon adresse. Elle conduit d'une main, l'autre autour de mes épaules. Si elle était tant soit peu moins abrutie, elle se dirait peut-être que j'ai les épaules un brin larges pour une fille. Preuve qu'elle a pas beaucoup l'habitude des filles. Elle a dû lire le rapport Kinsey, se dire que tous les hommes sont des porcs, et décider de s'adonner aux joies des amours anormales avec une personne de son sexe, douce et délicate et pas dangereuse à fréquenter.
Sa bagnole s'arrête devant chez moi. Les gens qui nous verront monter ensemble vont se dire que le petit Francis ne se refuse rien... pensez... deux d'un coup... Parce qu'elle monte avec moi, naturellement.
Je vous raccompagne, me dit-elle, jusqu'à votre chambre. Je suis sûre que vous avez une chambre délicieuse.
Si elle ne s'aperçoit pas tout de suite que ma chambre est une chambre d'homme, c'est qu'elle n'a pas non plus tellement l'habitude des chambres d'hommes. Cette réflexion, contradictoire, est loin de me déplaire.

  • Elles se rendent pas compte (1953), Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1997  (ISBN 978-2-253-14921-7), chap. IV, p. 19


Ils sont tous là, ils bavardent. Une vraie conversation follement simple, où il est question de tout sauf de ce qui peut avoir intérêt pour des gens normaux. Tiens, le grand garçon blond a changé de place. Il est tout près de moi, maintenant, un peu en retrait.
C'est marrant. L'atmosphère est comme qui dirait tendue.
On parle de bateaux, maintenant, et du Potomac. Et de baignades dans le Potomac. Et d'un chriscraft rouge et blanc.
Et Richard Walcott me fait vraiment une drôle de gueule. Quant à Ted Le May, il abandonne toutes ses jolies manières. Pas de doute. Ces deux-là m'en veulent un peu.
— C'est pourquoi, conclut Richard, nous avons demandé à Gaya de vous amener ici ; et nous la remercions de l'avoir fait.
— Excusez-moi, dis-je, mais je n'ai pas bien compris vos motifs. Vous n'en êtes pas à un chriscraft près... avec toute la drogue que vous vendez...
C'est un coup que j'ai l'air de lancer au hasard, mais ça jette un froid.
Par contre, un coup qui n'est pas du tout au hasard, c'est celui que je reçois sur le crâne.

  • Elles se rendent pas compte (1953), Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1997  (ISBN 978-2-253-14921-7), chap. VI, p. 34


Utilité d'une littérature érotique, 1980

Il y a un paradoxe amusant dans le fait que le gouvernement encourage par tous les moyens les citoyens à boire du cognac et à griller de l'herbe puante, et dans le même temps, arrête et condamne les satyres qui ne font en somme que tenter d'exercer une fonction parfaitement normale mais compliquée à plaisir par les préjugés et autres règlements. Ou plutôt, il n'y a pas de paradoxe ; ce sont les deux aspects d'une conspiration pour le nuisible. Car il est parfaitement sain, physiquement parlant, de se livrer avec une partenaire choisie à toutes les possibilités du joyeux mistère, selon la plaisante expression de nos pères ; tandis que l'on attrape des cirrhoses à boire de l'alcool.
  • Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980  (ISBN 978-2-253-14431-1), I. Utilité d'une littérature érotique, p. 34


[...] puisque l'amour, qui est tout de même, je le répète, le centre d'intérêt de la majorité des gens sains, est barré et entravé par l'État, comment s'étonner que la forme actuelle du mouvement révolutionnaire soit la littérature érotique ?
  • Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980  (ISBN 978-2-253-14431-1), I. Utilité d'une littérature érotique, p. 35


Oui, les vrais propagandistes d'un ordre nouveau, les vrais apôtres de la révolution future, future et dialectique, comme de bien entendu, sont les auteurs dits licencieux. Lire des livres érotiques, les faire connaître, les écrire, c'est préparer le monde de demain et frayer la voie de la vraie révolution.
  • Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980  (ISBN 978-2-253-14431-1), I. Utilité d'une littérature érotique, p. 35


Le lampiste est le vrai coupable

Un général sans soldats est-il dangereux ? Un commissaire ou un préfet de police sans agents ? Un pape sans cardinaux, sans archevêques et sans curés ? Ceux-là j'en veux bien. Les Anglais le savent : un roi sans pouvoir est merveilleusement inoffensif. Mais un lampiste est une force agissante. Cent lampistes sont un danger pour l'individu. Cent mille lampistes suffisent à une guerre. Cent millions de lampistes font le malheur de l'humanité. Le directeur de la SNCF n'est pas en mesure de faire dérailler un train par ses propres pouvoirs, il faudra pour y arriver qu'il se mue en aiguilleur - ou en lampiste - et qu'il fausse les signaux. Mais un aiguilleur ! Quel poste de choix. Hitler tout seul ! Merveilleux spectacle. Mais quatre-vingt-cinq millions de lampistes derrière lui, et finie la rigolade. Hitler est mort, les lampistes restent et tâchent de se faire passer pour inoffensifs - comme tous les lampistes du monde. Les lampistes entre eux se haïssent; mais réunis, ils prennent le nom de peuple et deviennent invulnérables.

L'individualisation du peuple est la seule défense contre le lampiste. Le lampiste le sait .
  • Traité de civisme (195?), Boris Vian, éd. C. Bourgois, 1979  (ISBN 2-267-00175-6), p. XX a compléter


Propos rapportés de Boris Vian

La salle de bal au bout du jardin ; mes parents aimaient pas trop qu'on sorte ; pas trop de pognon d'abord ; et puis inquiets : Paris, tu penses, quels dangers ! et les filles ! les dévoreuses ! les méchantes ! ils m'ont foutu la trouille dès l'âge de 13 ans avec la syphilis et le reste ; c'est quand même pas des choses à dire aux gosses de cet âge-là, c'est des coups à les rendre impuissants.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Amours, études et surprises-parties, p. 27


C'est une impression de paradis que j'ai encore. Les galettes de bouse, les tranchées d'eau dans la terre noire. Tout plat l'horizon gris océan ou pas, mais comme. Le plancher rugueux, terreux du wagon, avec les têtes brillantes des clous usés. C'est six heures du matin. Être debout à cette heure là, ça fait toujours une espèce de joie de conquête.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Amours, études et surprises-parties, p. 27


Le temps perdu c'est le temps pendant lequel on est à la merci des autres.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), L'entrée en littérature, p. 27


Dans la vie, l'essentiel est de porter sur tout des jugements a priori. Il apparaît en effet que les masses ont tort, et les individus toujours raison. Il faut se garder d'en déduire des règles de conduite : elles ne doivent pas avoir besoin d'être formulées pour qu'on les suive. Il y a seulement deux choses : c'est l'amour, de toutes les façons, avec de jolies filles, et la musique de la Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), L'écume et la Nausée, p. 27


[...] A la Bastille, si vous jouez autre chose que de l'accordéon, vous vous faites tuer. Aux Champs-Elysées, soit vous jouez autre chose que de la musique douce, soit vous vous faites tuer. Et dans les autres endroits, en général, si vous jouez autre chose que des sambas, vous vous faites tuer. Il ne reste guère que Saint-Germain-des-Prés.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Histoires de caves, p. 155


A quoi bon soulever des montagnes quand il est si simple de passer par-dessus ?
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Le retour de Vernon Sullivan, p. 185


Il n'y a pas de littérature érotique. Ou plus précisément [...] toute littérature peut être considérée comme érotique. [...] Et oui, la vérité est là... il n'y a de littérature érotique que dans l'esprit de l'érotomane.
  • La citation ne figure qu'en partie dans la biographie.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Boris Vian, le malentendu, p. 202


Je sais que c'est difficile à lire [...] quand j'écris des blagues, ça a l'air sincère et quand j'écris pour de vrai, on croit que je blague.
  • ('lettre à Ursula') in. Boris Vian, si j'étais pohêteu (?), Marc Lapprand et François Roulmann, éd. Gallimard, coll. « Découvertes », 2009  (ISBN 978-2-07-035998-3[à vérifier : ISBN invalide]), Le Romancier pose sa plume, p. 63


D'autres auteurs le concernant

Voilà la vie comme Boris la conçoit, au bord de l'eau, dans la lumière du mois de juillet, avec des copains et des jeunes filles en fleur, loin de l'atmosphère débilitante et cotonneuse des salles de classe, loin de l'ordonnancement rigide des cours. Dans l'esprit des Vian, tout ce qui n'est pas vacances est considéré comme du temps perdu, sacrifié à la société. « Aussi longtemps qu'il existe un endroit où il y a de l'air, du soleil et de l'herbe, on doit avoir regret de ne point y être. Surtout quand on est jeune », écrira-t-il dans L'Herbe rouge.
Il va pourtant s'enfermer pour préparer le concours de l'École centrale.

  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Equations traîtresses, p. 27


Le débarquement allié a permis à Jacques Loustalot de s'affranchir de la tutelle paternelle. Après avoir occupé un poste de « technicien des transmissions » au ministère de l'Intérieur, obtenu grâce à son oncle, général à Vichy, il est revenu vivre chez sa mère à Paris. Il porte désormais une fine moustache pour se vieillir un peu. Il lui arrive également de revêtir un uniforme kaki acheté à un militaire américain ivre. Ce nouveau costume lui sied à ravir. Il l'arbore dans les boîtes de la capitale ou dans les nombreuses surprises-parties où il se rend sans y être invité. Son allure singulière l'en fait renvoyer régulièrement et, en guise de représailles, il peut se saisir de la boîte d'aiguilles à pick-up et les avaler devant les invités épouvantés. L'attitude du Major est proprement dadaïste.
Son œil de verre lui permet, une fois de plus, d'horrifier ses hôtes d'un soir. Quoi de plus impressionnant, pour forcer le respect, que de s'enfoncer une aiguille dans l'œil. Quand l'envie lui en prend, il lui arrive aussi de mettre un appartement à sac avec ses « aides de camp ». Il est également fréquent pour le Major de s'éclipser de ces soirées en sautant par la fenêtre ou, s'aidant d'une corde confectionnée avec des draps de la maison, de se laisser glisser le long de la façade. Les folies du Major fourniront à Boris le motif d'une nouvelle, publiée le 12 juillet 1947 dans Samedi-Soir : « Surprise-partie chez Léobille ».

  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Jazz et Libération, p. 84


Pour le père de Chloé et de Colin, l'Amérique est avant tout la patrie du jazz qui insuffle à son texte des volutes de phrases sinueuses et bleutées.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), L'écume et la Nausée, p. 105


L'insolite est une composante essentielle du récit : les objets ont une âme (les disques à « l'âme spiralée » attendent d'être joués), les souris aux moustaches noires sont douées de raison. On a dit de L'Ecume des jours, avec parfois une moue dédaigneuse, que c'était le surréalisme dans la rue. André Breton et son groupe avaient toujours manifesté une franche aversion à l'égard du roman. Boris Vian ne s'est jamais réclamé du mouvement surréaliste, mais il est imprégné de cette atmosphère onirique prônée par ses instigateurs et l'on retrouve également sa vision distordue du monde dans ses quelques peintures.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), L'écume et la Nausée, p. 106


Le nénuphar qui croît dans les poumons de Chloé confère au roman une tonalité mélancolique et fantastique à la fois. La découverte de la fleur blanche, virginale, symbole de la féminité offerte, reste une énigme.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), L'écume et la Nausée, p. 108


Le luxe, pour lui, ne consiste pas à s'acheter des châteaux et des terres « là où il y a de la place » :
« Ca, c'est un luxe de paysan enrichi, un luxe de gagne-petit. Non... Le luxe, ce serait d'acheter les immeubles de tout un côté de l'avenue de l'Opéra et de les raser, puis de les remplacer par un énorme champ de pois de senteur avec, au milieu, une maisonnette extrêmement confortable, mais d'une seule chambre. »
Le luxe selon Boris, c'est « l'imagination au pouvoir », et non l'argent au service du conformisme. Pour cet éternel rêveur, souvent au seuil de la banqueroute, les belles voitures d'antan vont symboliser sa conception de la beauté et du raffinement.

  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Rouleur de mécaniques, p. 27


Boris, dont les écrits érotiques se résumeront à cinq ou six poèmes salaces et à un conte, « Drencula », y exprime, une fois pour toutes, sa vision du sujet. Car Boris Vian n'a jamais aimé la pornographie.
  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Boris Vian, le malentendu, p. 199


Toujours ce prix de la Pléiade qui ne passe pas ? Sans doute mais, avec le recul, Boris a révisé sa conception des prix. Comme l'atteste sa description du « concurrent », dépeint comme un cochon lors de concours agricoles :
« Dès qu'il est primé par le jury, le concurrent est félicité, photographié, pesé et mesuré, on lui demande d'exprimer ce qu'il ressent par le canal d'organes spécialisés de grand format, et il précise généralement ce qu'il entend faire des sous qu'on lui donne pour sa tirelire ; acheter une bauge plus large, un véhicule qui lui évite de remuer seul son poids considérable, des ornements corporels de couleurs diverses, etc. Il ne se doute pas, le pauvrelet, qu'au moment de son couronnement, le président du jury, par le truchement d'un organe analogue à l'aiguillon de la guêpe Polybia Brasiliensis, lui a injecté dans la patte, sous le couvert de la lui serrer, un liquide paralysant à plus ou moins lointaine échéance et qui garantit son impuissance future. »

  • Boris Vian (2007), Claire Julliard, éd. Folio, coll. « Biographies », 2007  (ISBN 978-2-07-031963-3), Vivre dans un dé à coudre, p. 251


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