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Propos secrets

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Propos secrets.

Propos secrets est une suite de souvenirs de l'écrivain Roger Peyrefitte, recueillis par Claude Chevreuil au cours d'entretiens à bâtons rompus. Trois volumes ont été successivement publiés, en 1977, 1980 et 1989.

Citations

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Propos secrets, 1977

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Tous mes livres exaltent la liberté, surtout celle des mœurs, qui ne saurait exister sans celle de l'esprit.


L'honneur du parti communiste est d'être une minorité, qui n'est malheureusement pas infime. L'honneur des homosexuels est d'être une minorité, plus importante que vous ne le pensez. L'honneur des juifs est d'être une minorité. L'honneur des gens intelligents et cultivés est d'être une minorité. L'honneur des belles filles et des beaux garçons est d'être une minorité. Quelle ruse sordide que de prétendre s'attaquer aux « minorités » !


Il y a un pays merveilleux qui, avec la Grèce, est le paradis de la pédérastie, c'est l'Italie. Et cela pour plusieurs raisons : une jeunesse nombreuse, une grande liberté, et un phénomène à moitié admis, car les Italiens sont essentiellement bisexuels.


Je croirai que la France est redevenue la patrie des droits de l'homme et des droits de l'esprit, lorsqu'un homme politique pourra, comme mon ami hollandais E. Brongersma, être à la fois sénateur et président de l'association des Amis de la Pédérastie.


Vous ne saurez jamais ce qu'est la pédérastie, si vous n'avez pas connu l'Italie.


Les amours africaines sont faciles, mais médiocres. Il y a une certaine démission de l'homme occidental en quête d'amours homosexuelles, à franchir la Méditerranée.


Certes, comme tout le monde, j'aime l'argent, mais ce n'est ni par avarice, comme Montherlant, ni par volonté de puissance. L'argent est la véritable aristocratie. Il permet de se distinguer des autres (n'est-ce pas le désir de chacun ?), de s'octroyer un certain luxe, de peupler sa vie d'objets d'art, d'orner celle de quelqu'un qu'on aime, de considérer son travail, non plus comme une obligation, mais comme un plaisir. Loin de moi l'idée de thésauriser, autant que de faire bombance : il y a vingt ans que je ne bois que de l'eau.


On ne peut être (ou rester) fat en courant les garçons dans la rue ; sinon, ils vous rient au nez.


Ce n'est pas faire de l'antisémitisme que de publier l'origine juive d'une famille. C'est le sang le plus riche du monde et il est naturel qu'il explique beaucoup de choses chez ceux qui l'ont dans les veines, en bien et en mal.


Les femmes intelligentes adorent les pédérastes.


La distinction est un charme plus grand que la beauté, comme la grâce, car il est plus rare.


La vitalité sexuelle dépend de l'hygiène alimentaire. La cuisine française, du moins lorsqu'on en abuse, est le meilleur moyen de se désexualiser. Sexualité égale frugalité.


Tous les toxicomanes sont des gens à sexualité déficiente, même si, au début, le toxique a pu aider la sexualité. La drogue dévirilise, comme la cuisine. Je ne serai jamais un drogué ; je tiens trop à ce que le ciel m'a donné.


Il me semble que, lorsqu'on sait qu'on possède un certain nombre de dons, et qu'on a travaillé sans relâche pour les mettre en œuvre, on doit être fier de son travail et au-dessus des écrivailleurs, des impuissants ou des bouffons qui vous jugent.


La jalousie est la maladie spécifique des gens de lettres et, généralement, une maladie française.


Dans un pays de reptiles et de caméléons, les colonnes vertébrales sont rares.


L'essentiel est de savoir se reprendre, avant qu'une turpitude soit devenue une habitude.


J'aime les agneaux, pas les moutons.


Être fidèle à soi-même est le plus grand honneur d'un homme de lettres.


Je suis, comme Hallier, ulcéré par l'attribution des prix littéraires, qui vont aux éditeurs plus qu'aux créateurs. Ou qui sont tributaires de circonstances politiques.


Les académiciens sont persuadés que le rêve d'un écrivain est d'entrer à l'Académie.


Les tenants de plume littéraire dans les journaux obéissent, pour la plupart, aux haines que fomente en eux leur triste dépendance. Or, la plupart aussi des écrivains dépendant de quelque chose, l'écrivain totalement indépendant est leur ennemi naturel. Ces haines se manifestent, soit par action, soit par omission.


Je crois, comme les anciens Grecs, que la vérité doit triompher par sa propre force.


[...] l'Homophile, mot épouvantable, qui pue la pharmacie. Je n'aime pas plus celui de pédophile, bien qu'il soit authentiquement grec, et je lui préfère le mot plus franc de pédéraste, qui ne l'est pas moins.


Tout est souhaitable, à qui le souhaite. La sexualité embrasse la nature entière. Mais la pédérastie n'est pas nécessairement la sexualité. Elle est avant tout goût de la beauté, goût de la jeunesse et pas nécessairement goût de l'attentat à la pudeur ni prédisposition au viol.


C'est à tort qu'on me qualifie quelquefois d'anarchiste. Je critique les hommes, parfois les lois, jamais les institutions. Je suis un ami de l'ordre.


On est toujours ému de voir réussir un garçon qu'on a connu très jeune. On se dit que peut-être on n'y a pas été étranger.


On ne refait pas un livre, et, lorsqu'on le refait, la nouvelle mouture est souvent moins bonne.


La frontière est mince entre les amours.


La critique de province est souvent meilleure juge d'un livre que celle de Paris, où l'esprit de parti domine davantage.


Rien ne me fait plus de plaisir que de ne faire partie de rien. C'est cela, la vraie liberté.


Une affaire de cœur n'est jamais une affaire de mœurs.


J'éprouvais une sorte de plaisir salace et méchant à dénoncer les actes impurs que je voyais.
  • [Dans ce passage, l'auteur avoue que s'étant abstenu de toute activité sexuelle pendant ses six années de collège, il a dénoncé plusieurs camarades qui s'y adonnaient.]


Pour moi, le dégoût et l'horreur ne résident que dans l'hypocrisie.


On ne sait pas assez par quels efforts, par quelle attention incessante, on arrive à une limpidité d'écriture, qui paraît aller de soi.


Mon ambition est bien éloignée de ce que croient certains critiques. Homme de vérité, je veux couler celle-ci dans le moule de la perfection. Je ne prétends pas y être arrivé. Mais cet idéal est ma justification et mon honneur d'écrivain.


Propos secrets 2, 1980

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Je n’admets pas la critique malhonnête, l’attaque pour l’attaque, la noire envie, l’ignorance agressive. J’admets la critique de ceux pour qui les mots de « travail » et de « culture » ont un sens. Je regrette la sottise ou la vulgarité. Je suis très flatté de déplaire à Thévenon et à Rinaldi. Leur déférence m'inquièterait, leur mépris me comble. Je traverse leur monde « littéraire » comme un enfant souriant.


Je suis absolu, dans mes goûts, dans mes amours, dans mes antipathies, comme un enfant. Être absolu, c’est nécessairement être injuste.


Jamais je n’ai pensé (au contraire !) que l’ascendance juive était une tare. Elle est quelque chose de plus, comme l’homosexualité, – elle n’est quelque chose de moins que par rapport au prépuce –, et je crois qu’on ne saurait me soupçonner de vouloir rabaisser quelqu’un en révélant qu’il est homosexuel. Une particularité qui était mienne, m’a aidé à en comprendre une autre qui ne l’était pas.


Jamais je n’ai calomnié personne, et jamais aucun procès n’a pu le prouver. Je défends les droits de l’indiscrétion. La chair de l’histoire, nous la devons aux indiscrets, c’est-à-dire à la petite histoire, sans qui nous n’aurions que les os.


La franchise est la meilleure des ruses, pour les hommes publics comme pour les particuliers.


Dès que l’esprit est tourné dans un certain sens, tout ce qu’il reçoit l’encourage à y rester, puisqu’il se fait en lui une transmutation instantanée.


Je hais la guerre encore plus que le communisme, et ne pourrais imaginer qu’on voulût le détruire par les armes. La réalité des faits et son impuissance à régler la plupart des problèmes économiques, si ce n’est par la destruction des fortunes et des élites, ce qui est bien facile, suffisent à l’empêcher de prévaloir dans tous les pays libres.


Il n’est rien où De Gaulle n’ait été un initiateur. Il n’est rien où il n’ait vu clair. Il n’est rien où il n’ait été courageux, même si parfois les effets n’ont pas répondu à son attente.


L’honneur de la nature humaine, dans les êtres les plus ténébreux, est d’avoir des zones de lumière qui semblent confirmer son origine spirituelle.


Le style dans la vie est aussi important que dans l’écriture.


C’est justement avec ceux qu’on aime qu’il faut être le plus exigeant, par rapport à soi et par rapport à eux.


Les valets ne rêvent que des honneurs.


Ce n’est pas tout à fait exact, bien que ce ne soit pas le contraire de la vérité.


N’accablons donc pas trop nos compatriotes si le fait de voir quelqu’un répéter les paroles des autres, interviewer au petit bonheur ou annoncer les nouvelles, leur donne l’illusion que c’est un homme étonnant. L’audiovisuel est la promotion fantastique de Guignol.


Le Français moyen est un homme que la pédérastie révolte et que le saphisme excite.


Les femmes n’ont jamais eu plus d’influence sur la politique française que lorsqu’elles n’étaient pas les égales des hommes. Que l’on pense à l’Ancien Régime.


La vanité est chose aimable ; elle nous incite à soigner notre personne et notre tenue, à chercher à plaire, tous efforts dont l’orgueil sait bien se passer.


Ah ! quelle chose exquise que cette dévotion de certains cœurs, souvent solitaires, à un écrivain dont ils vivent l'œuvre et cherchent partout les traces !


Si l’art consiste, comme l’a dit Racine, à « faire quelque chose de rien », on peut aussi faire quelque chose avec du saugrenu, à condition de lui donner un tour littéraire et de l’insérer dans un ensemble. Si on le détache, à la manière d’une simple information, comme le font les auteurs de journaux, ce ne sera que de l’insignifiant.


Pour les gens qui s’intéressent à l’histoire de leur temps et même à celle du passé, il n’est rien de tel que de déjeuner et surtout de dîner avec ceux et celles qui « savent ». C’est la forme moderne de la conversation, puisqu’il n’y a plus de salons.


[...] la morale islamique, qui est le contraire de la morale chrétienne, en ce qu’un péché n’est pardonné que si on ne l’avoue pas. En effet, si on avoue un péché, la honte en retombe sur la famille et sur la tribu tout entières. Mais il y a une façon de réparer un tort, quand il a été prouvé autrement : on indemnise la partie lésée.


Je me sens obligé de faire une réflexion, qui me donne faussement l’air de faire la morale, alors que je parle seulement raison. C’est pour déclarer que, si je comprends toutes les formes de la sexualité, à commencer, naturellement, par celle qui concerne les mineurs, je n’approuve pas ceux qui s’attaquent à des innocents. Cela ressort à la manie. Les vrais pédérastes sont assez malins et assez conscients, d’ordinaire, pour ne pas s’attaquer à des garçons de huit à douze ans, et ne s’intéressent qu’aux pubertés en émoi. Ainsi font-ils figure, non pas de pervertisseurs, ni même d’initiateurs, mais de... collaborateurs. Le risque n’en est pas moins pour eux de tomber sur un résistant. Du moins s’agira-t-il d’un garçon déjà initié.


Même un saint ne saurait résister à la vue du plaisir que prend un garçon.
Cette vue n’enflamme pas seulement les ermites et les pédérastes : elle est d’abord irrésistible pour les jeunes garçons eux-mêmes et pour les jeunes garçons entre eux.


L’amour, sans supprimer la volupté, en supprime la fringale et en supprime surtout la prostitution.


Quel plus beau souvenir pour un homme, que de savoir qu’il a été désiré par un autre homme quand il était jeune garçon ?


S’il y a un dieu pour les pédérastes, il leur rappelle souvent qu’il ne faut pas trop le tenter.


J’ai toujours préféré les plaisirs qu’on se procure à ceux que l’on vous présente.


Certains hommes ont l’art de s’adapter parfaitement à la pédérastie, au point qu’elle fait corps avec eux et ne soulève plus d’objection.


Une pédérastie fort active ne voue pas nécessairement à l’infortune.


S’ « il n’est foi que de jeune prêtre », la foi la plus redoutable, avant celle d’un vieil ayatollah, est sans doute celle d’un imbécile converti.


S’imprégner de l’atmosphère d’un lieu, est indispensable pour reconstituer l’histoire de celui qui y a vécu [...]. Les livres d’histoire ne se font pas seulement dans les bibliothèques.


Tout homme dit normal peut avoir eu, au moins une fois dans sa vie, une expérience dite anormale.


L'Innominato : nouveaux Propos secrets, 1989

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Le passé est pour moi quelque chose de mort, même s'il continue de m'habiter. Ma mémoire n'est pas un scalpel qui autopsie un cadavre, elle est un enfant joyeux qui court au gré de sa fantaisie.


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